• il y a 4 mois
La mission d’information sénatoriale sur la dégradation des finances publiques en 2023 a rendu public son rapport ce 13 juin 2024. Le président de la commission des finances Claude Raynal (PS) et Jean-François Husson (LR), rapporteur général de la commission des finances, ont pris la parole.

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Transcription
00:00S'agissant de l'État, il en ressort deux points.
00:03En recette, l'écart est d'abord dû à une prévision quelque peu hasardeuse et imprudente.
00:09En dépenses, les fameuses économies revendiquées par le gouvernement en fin d'année sont en trompe-l'œil.
00:16Nous savons que le produit de l'impôt sur les sociétés est difficile à prévoir.
00:22Nous le disons d'ailleurs quasiment à chaque PLF.
00:25Le gouvernement nous a expliqué que la moins-value d'impôt sur les sociétés en fin d'année était due à un cinquième à compte moins élevé que prévu.
00:33En réalité, il avait fait une prévision de cinquième à compte, nette de l'autolimitation par les entreprises, de plus 3 milliards d'euros,
00:43qui est un niveau très élevé par rapport au passé et qu'aucune considération précise d'ailleurs ne justifiait.
00:50L'exécution en fait a été de moins de 2,4 milliards d'euros, soit au final plus de 5 milliards d'euros d'écart.
00:58En remontant le film de l'année 2023, nous avons découvert, ou plutôt d'ailleurs le ministre de l'Économie nous a révélé lors de son audition,
01:07que c'est la prévision gouvernementale présentée en avril dans le programme de stabilité qui était excessive.
01:1567,4 milliards d'euros, soit 12 milliards d'euros de plus que le produit prévu en loi de finances quatre mois plus tôt.
01:24Et le programme de stabilité ne donnait aucune explication à ce sujet.
01:29Si un doute émerge de nos travaux, c'est sans doute que pour maintenir la prévision de déficit public inchangé,
01:37dans un contexte où le produit de la contribution sur la rente inframarginale d'électricité appelée CRIM s'effondrait,
01:46il fallait bien que d'autres recettes progressent.
01:49Car en effet, ce qui a changé entre la loi de finances initiales et le mois d'avril, c'est la prévision du produit de la CRIM
01:56qui avait été chiffrée à 12 milliards d'euros en loi de finances initiales et n'a finalement rapporté, vous le savez, que 626 millions d'euros.
02:05Nous avons constaté que l'estimation initiale, se fondée évidemment sur des prix excessifs,
02:11constatait uniquement pendant quelques semaines à l'été 2022, mais déjà retombée au moment de l'adoption de la loi de finances.
02:22En tout état de cause, la moins-value est record, moins 95%.
02:28Certes, parallèlement, le coût du bouclier tarifaire et d'autres mesures destinées à atténuer la crise énergétique étaient également réduits,
02:37mais l'erreur de prévision pour cette recette se situe quand même à plusieurs milliards d'euros.
02:44Plus globalement, nous avons constaté que les recettes fiscales en 2023 ont finalement toutes été inférieures à des prévisions gouvernementales mal justifiées, souvent imprudentes.
02:58Il n'était pas non plus prudent, d'ailleurs, de s'accrocher toute l'année à un objectif de déficit de 4,9% devenu inaccessible.
03:09Nous proposons de fixer désormais des estimations plus prudentes.
03:13Par exemple, ne pas faire de prévisions, qui sont plutôt des prédictions, sur le cinquième à compte d'impôt sur les sociétés, net de l'auto-limitation,
03:25car ce montant, positif ou négatif selon les années, dépend totalement des anticipations et des stratégies des entreprises et ne peut pas être réellement prévu.
03:38S'agissant des collectivités, le solde prévu au moment du budget 2023 était de moins 0,1% du PIB, puis de moins 0,3% du PIB en fin de gestion,
03:48et le solde exécuté se trouvait légèrement en deçà, à moins 0,4% du PIB.
03:53Les grandes tendances avaient toutefois été identifiées en fin d'année 2023, et l'exécution n'a fait apparaître qu'une très légère sous-estimation, qui n'était pas une surprise.
04:06Quant aux administrations de sécurité sociale, leur solde, qui avait été anticipé à plus 0,7% du PIB lors de l'examen du projet de loi de fin de gestion 2023,
04:17s'est avéré en retrait à plus 0,5% du PIB, principalement dû à une estimation trop optimiste de l'évolution de la masse salariale, à l'origine d'une surestimation des cotisations et contributions sociales.
04:33Mais dans la mesure où ces dernières, les cotisations et contributions sociales, représentent 28% des recettes publiques,
04:42une erreur, même faible en pourcentage, de prévision sur cette masse salariale a des conséquences très importantes sur la prévision des recettes publiques.
04:53Cette forte dégradation du déficit pour 2023 a bien sûr un effet base au fort impact sur l'année 2024.
05:03Ce qui explique pour une très large part la révision de la prévision de déficit 2024 de 4,4%, qui était prévue dans la loi de programmation à 5,1%.
05:17Avant les mesures d'économie envisagées depuis le décret d'annulation du 21 février, la prévision technique de déficit public était même de 5,7% pour 2024,
05:28donc très très loin des 4,4 de la loi de finances initiales.
05:34Après ce panorama de l'exécution budgétaire de l'année 2023 et de ses effets sur 2024, comment le gouvernement a-t-il réagi ?
05:47Disons-le clairement, nous jugeons qu'il n'a pas fait assez et que ce qu'il a fait, il l'a fait trop tard.
05:54Dès la préparation du projet de loi de finances 2023, le niveau exceptionnellement élevé des recettes de 2021 et de 2022 aurait dû être davantage pris en compte.
06:09En particulier, l'exécution 2023 a montré que l'impact de la baisse du taux d'impôt sur les sociétés de 33% à 25% devait être largement plus nuancé que ne l'indique le gouvernement.
06:26A contrario, l'imprudence du gouvernement a porté atteinte à la crédibilité de la France et de son gouvernement.
06:33Elle a finalement abouti également – franchement, personne ne s'en réjouit – à la dégradation de la notation de la France par Standard & Poor's le 31 mai 2024,
06:45que la jeune notation a largement justifiée, vous le savez, par le dérapage budgétaire de l'exercice 2023.
06:54A cet égard, je vous laisse savourer quelques instants, comme moi, j'espère avec moi, les propos de l'actuel ministre de l'Économie et des Finances.
07:05Lorsque la notation de la France avait connu une dégradation de sa notation par la même agence en 2013, il disait « Cette dégradation est un carton rouge à la politique économique et budgétaire de François Hollande ».
07:21Estimez que les mêmes mots peuvent s'utiliser aujourd'hui, si je comprends bien. C'est le rapporteur général.
07:29Après le carton rouge. S'agissant – j'y reviens – des dépenses de l'État, et c'était intéressant de les entendre lors de leur audition,
07:40les ministres n'ont eu de cesse de mettre en avant le pilotage de la dépense réalisée par le gouvernement à la fin de l'année 2023
07:49pour s'ajuster aux moindres recettes, une manière de dire comment on réagit dans l'urgence.
07:56Comment a-t-il, le gouvernement, réussi cette performance, ce tour de magie de réduire de 6 milliards d'euros la dépense au cours des 3 à 4 dernières semaines de l'année ?
08:08C'est quand même formidable. Mais en réalité, ce n'est pas dans les dernières semaines de l'année, et vous le devinez, qu'on peut agir de manière significative sur la dépense.
08:17En fait, les mesures qui sont prises relèvent d'économies de constatations ou de simples décalages de dépenses, malheureusement.
08:27Mais je dirais que ce n'est pas nouveau. Je vais vous le montrer. Le gouvernement a ainsi décalé 1,6 milliard de dépenses de la mission Défense vers 2024.
08:37Donc il transfère du déficit de 2023 sur 2024. Il a également reporté le financement de la fin du guichet Aide aux entreprises énergo-intensives à 2024.
08:50Tout ça pour 2,4 milliards. Et puis il a constaté que les collectivités locales ont eu finalement moins recours au filet de sécurité contre le prix de l'énergie,
09:01qui avait chuté par rapport, vous savez, à 2022. Donc moins que prévu, ce qui permet de constater de fait une économie de 1,3 milliard.
09:12Les reports de crédit sont donc utilisés pour réduire le déficit d'une année tout en augmentant gentiment celui de l'année suivante.
09:22Eh bien, je le dis parce que depuis 2020, on dénonce ce phénomène. Il est impératif que le gouvernement mette fin à ces reports de crédit qui, en l'occurrence, constituent une cagnotte.
09:36Et on en reparlera si vous le souhaitez. Je rappelle que cette pratique est nouvelle depuis 2020 et avec une réelle constance.
09:46Notre commission des finances s'en est offusquée et a dénoncé cette pratique qui, me semble-t-il, est une pratique non conforme non seulement à la rigueur budgétaire,
09:58mais à la transparence nécessaire lors de l'examen des finances publiques. Cette mauvaise pratique budgétaire, elle s'ajoute en fait à d'autres.
10:08Dans un contexte dont je rappelle budgétaire et financier tendus, la loi de finances initiale pour 2024 a tout simplement prévu des crédits en hausse pour l'ensemble des ministères.
10:22Des crédits en hausse pour tous les ministères. Et puis, un mois et demi plus tard, on nous a expliqué qu'il y avait eu plein de bouleversements.
10:34Mais bon, le gouvernement annule 10 milliards d'euros en urgence. Et au même moment, il reporte de 2023 à 2024 16 milliards d'euros qui sont donc de fait ajoutés à la gestion 2024.
10:52Vous comprenez donc qu'à ce moment, le gouvernement a plus de milliards dans le budget inscrit que ce qu'il annonce avoir retiré. Et sont annoncés, parce que tant qu'affaire, on ne s'arrête plus, sont annoncés également 5 milliards de crédits gelés dont on ne sait jamais lesquels, sur quoi ils portent.
11:17Donc ils risquent d'être des crédits non consommés. Eh bien, ce pilotage par à-coup est tout à fait ce qu'il ne faut pas faire. Il se substitue en plus à une politique budgétaire qui devrait être rigoureuse, transparente, solidement programmée et mise en œuvre,
11:36qui permet à la fois de contribuer à la bonne gestion de l'argent public, au redressement des comptes publics. Et il donne au Parlement, comme au gestionnaire budgétaire, la visibilité nécessaire.
11:53Alors, on va revenir au traitement par le gouvernement des informations dont il dispose concernant la situation économique et budgétaire de la France dans sa relation, bien sûr, avec le Parlement.
12:06Alors, je le dis, dans le cadre de la préparation du projet de loi de fin de gestion de 2023 et du PLF 2024, il était difficile pour le gouvernement de prendre en compte les alertes qui remontaient.
12:23Mais une dégradation assez nette commence à se faire sentir à partir de la fin du mois d'octobre. A cet égard, deux notes du 30 octobre concernant les recettes d'impôts sur leurs venues et de TVA indiquent des moins-values par rapport aux prévisions.
12:45Pour mettre tout le monde tout à fait à l'aise, vous constatez qu'on n'utilise que les documents et les données de l'État. Donc, on travaille vraiment sur des bases transparentes.
12:58Cette dégradation, elle se confirme d'abord par une note du 27 novembre 2023 qui concerne les recettes de TVA et qui comprend une remarque manuscrite, me semble-t-il lourde en portée, mais également en sous-entendu,
13:17du directeur général des finances publiques qui indique que ça n'est pas une bonne nouvelle. Et plus encore, dans une note du 1er décembre 2023 sur le solde budgétaire de l'État qui anticipe un fort risque de baisse des recettes de TVA et d'impôts sur les sociétés,
13:34c'est une série d'indices qui convergent vers une première révision à la baisse de la prévision du solde public pour 2023 à hauteur de moins 5,2% du PIB. C'est d'ailleurs communiqué au ministre dans une note, toujours, du 7 décembre 2023,
13:56dont je note d'ailleurs que l'interprétation n'a pas été la même sur sa qualité, sa pertinence entre le ministre des Comptes publics et le ministre de l'Économie et des Finances. C'est leur affaire, mais c'est un peu savoureux.
14:10Bien que cette note recommande en effet de ne pas communiquer, c'est vrai, autour de cette prévision encore entourée d'aléas, la mission d'information que nous conduisons rappelle que la décision d'actualiser ou non les articles liminaires et d'équilibre du projet de loi de finances résulte d'un choix politique.
14:32Un choix que le gouvernement, au cours du premier quinquennat, avait utilisé. Il est toujours bon d'avoir un peu de mémoire. En l'occurrence, pour le PLF 2024, cette absence d'actualisation a privé les parlementaires des informations dont le gouvernement disposait sur la réalité de la situation budgétaire du pays.
14:54Alors des informations certes imparfaites, mais il faut en convenir, plus proches de la réalité que les prévisions initiales. Ça paraît d'ailleurs aller de soi.
15:04Elle en particulier privée les députés appelés à se prononcer sur une motion de censure déposée par l'opposition dans le cadre d'une procédure 49.3 de voter en toute et pleine connaissance de cause.
15:16Par la suite, le manque de rigueur du programme de stabilité pour 2024-2027 et l'absence de projet de loi de finances rectificative ont, de notre point de vue, confirmé que le gouvernement ne prenait pas la pleine mesure de l'enjeu et ne tenait pas suffisamment compte de ce que lui disait son administration.
15:38La mission d'information a notamment découvert que les prévisions de croissance retenues pour 2024 dans le programme de stabilité, plus 1%, divergent par rapport aux prévisions techniques des services de Bercy qui donnent plus 0,8%.
15:52Nous avons également identifié une réelle confusion dans la nature de l'exercice de prévision qui, par nature, est technique, mais qui, progressivement, sous l'influence du gouvernement, devient politique.
16:06Parce que quand le gouvernement assume que les chiffres de croissance constituent une ambition ou un objectif, ils ne sont en fait jamais présentés comme tels, mais toujours, comme il se doit, comme des prévisions.
16:21Et ils ont, par ailleurs, un effet direct sur les prévisions de déficit public. Dès lors, les prévisions de déficit peuvent être considérées non comme des prévisions, mais plutôt comme des objectifs, voire comme des vœux pieux, ce qui accroît le risque d'un écart fort et sensible avec l'exécution.
16:49Enfin, mesdames, messieurs, la mission de cet atelier, évidemment, est de faire des propositions pour améliorer l'information du Parlement. Nous proposons que les notes techniques des administrations soient mises à disposition de manière plus aisée et avec toutes les garanties de sécurité nécessaires.
17:06Nous en avons l'habitude aux présidents et aux rapporteurs généraux des deux assemblées, sans qu'ils aient besoin de faire à chaque fois un contrôle aberci. Nous préconisons aussi que les commissions des finances soient saisies en cas d'alerte sur une possible sortie des estimations hors des intervalles de confiance donnés dans le dernier texte financier.
17:29Nous pensons aussi que le rôle et l'information du Haut Conseil des finances publiques doit être amélioré. Et nous proposons qu'un recalibrage du projet de loi de finances intervienne au cours de la discussion d'automne du PLF pour éviter d'adopter un texte qui aurait perdu tout lien avec la réalité économique.
17:49Et pour finir, comme le président vient de le dire, je pense que sur ces sujets relatifs à l'information, convenons que le ministre de l'économie et des finances, lorsqu'on l'a auditionné, a manifesté une volonté relative d'ouverture.
18:11Mais je vous dois quand même une vérité, et surtout vous la rappelez, c'est qu'à cette heure, il n'a toujours pas respecté les obligations qui lui incombent en vertu de la loi organique relative aux lois de finances, en particulier son article 57.
18:31J'ai eu le plaisir de lui rappeler le contenu en lui communiquant lecture pour éviter toute malentendue ou toute mauvaise interprétation de sa part. Nous le rappelons quand on a appris l'annulation de 10 milliards d'euros le 21 février 2024 par décret.
18:53Nous avons alors adressé un questionnaire à notre signature dans lequel nous demandions le niveau qu'atteindrait le déficit public en 2024 sans les annulations de décret. On a eu une réponse le 5 mars qui nous disait ce sera dans le programme de stabilité à venir le mois suivant.
19:13Donc en gros, circuler, il n'y a rien à voir. Mais dans le cadre de nos travaux, nous avons découvert dans une note du Trésor du 16 février, donc 5 jours avant, qu'il existait bien à cette époque l'information que nous demandions.
19:37Elle faisait d'ailleurs état, on l'a dit mais on va le redire, d'une prévision de solde de moins 5,7% du PIB pour 2024 et plus de 4,4%. Je vous rappelle que 0,1%, c'est 3 milliards. Donc ce n'est pas l'épaisseur du trait.
19:53Pourtant, c'est bien l'objectif de moins 4,4% que le ministre avait rappelé sur TF1 lors de son annonce du décret d'annulation le 18 février 2021. Cette information disponible n'a donc pas été transmise à la Commission des finances, ce qui est ni plus ni moins qu'une violation manifeste de l'article 57 de la LOLF.
20:21Vous le comprenez donc, c'est un prérequis aujourd'hui incontournable. Le gouvernement, quel qu'il soit, doit respecter l'esprit et la lettre des textes et règles constitutionnelles.

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