• il y a 4 mois
Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Vendredi 14 juin : Moussu T, alias Tatou, et DJ Kayalik, les deux des membres fondateurs du groupe Massilia Sound System.

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Musique
Transcription
00:00Bonjour Moussuteh, bonjour, bonjour Kayalic, vous êtes le MC et fondateur et donc le DJ du groupe de reggae, de ragga, pardon, occitan, fondé à Marseille en 84, donc il y a 40 ans, Massilia Sonde Système.
00:13Vous êtes ce groupe porté au nu par bon nombre d'aficionados qui a réussi l'exploit de proposer une version provençale du ragga jamaïcain.
00:23Ça, c'est quand même un sacré exploit.
00:25Il y a du folklorique dans tout ça, évidemment, avec de l'éclectisme, des sons indiens, électro, rock, mais il y a surtout ce qui va faire de vous des éléments uniques, c'est-à-dire l'engagement.
00:35Je crois que c'est vraiment ce qui définit davantage et d'abord Massilia Sonde Système.
00:39Est-ce que je me trompe en disant ça ?
00:41Non, vous vous trompez en disant l'exploit, parce que c'est en fait, c'est naturel, c'est-à-dire que notre musique modèle, notre modèle, la musique jamaïcaine, elle contient déjà tout ça.
00:51Elle contient l'utilisation du patois, que les Jamaïcains appellent patois, d'ailleurs, ils appellent leur créole patois.
00:56Elle contient le désir d'être fonctionnelle pour la communauté, exactement, et elle contient l'engagement.
01:04Donc, finalement, ce n'est pas un exploit, on est dans la droite ligne de notre modèle.
01:09Il y a un album, déjà, Anniversary, qui reprend dix de vos plus grands titres.
01:14Il y a effectivement la réédition de quatre albums remasterisés avec de nouveaux tracklistings.
01:19Il y a une tournée de 26 dates et festivals.
01:22Le but initial, Tattoo, on va remonter, on va rembobiner, on est en 84, vous êtes déjà une bande de potes, quoi.
01:30Le but initial, les gens de ma génération, ils ont biberonné au rock'n'roll, c'est-à-dire, qu'est-ce qu'on lisait ?
01:38On lisait Rock'n'Folk, on voyait les groupes en tournée, donc il y avait aussi la musique, bien sûr, mais tout ce qu'allait avec la musique,
01:47c'est-à-dire l'espèce de vie libertaire qu'on nous racontait, qu'avaient les musiciens.
01:51Ils avaient été dans l'hôtel, ils avaient tout pété, ils avaient été dans le truc, c'était super.
01:56Cette espèce d'envie d'avoir cette vie extraordinaire, donc il y avait déjà ça aussi.
02:02Et puis, le sound system nous permettait de faire ça rapidement parce qu'avant, on était obligé de répéter pendant des années.
02:09Je me rappelle des groupes de rock, les types répétaient, répétaient, ils ne jouaient jamais, en fait,
02:13ils ne faisaient que répéter pour essayer de ressembler aux Rolling Stones, aux Beatles, ils n'y arrivaient pas.
02:18Et nous, là, d'un seul coup, on avait trouvé un truc, mais on ne répétait plus.
02:22On prenait le disque, on tournait le disque, on mettait la face B et là, on racontait nos trucs.
02:26Et comme on racontait nos trucs à des gens qui étaient proches de nous, ça marchait immédiatement parce que,
02:31évidemment, comme les chansons racontaient des choses que tout le monde pouvait voir ou vivre, il y avait tout de suite une proximité avec le public.
02:40Kayalic, souvent, on dit aussi de vous que vous êtes devenu la matrice, finalement, du rap et du ragga marseillais.
02:48Vous y retrouvez là-dedans ?
02:51Evidemment, puisque Maxilla, ça a été les premiers à utiliser les vinyles, à utiliser le sound system.
02:58Ça a été les premiers, ça a été les novateurs, les pionniers.
03:02Donc, tout le monde s'est rassemblé autour de ça.
03:05Au départ, Ken Aton accompagnait Tattoo dans les sounds system, donc c'est né de là.
03:11Donc, la naissance de tout, elle est là.
03:13C'est vraiment la base de tout le phénomène, déjà marseillais, puis après français.
03:19C'est en analogie un peu avec tout ce qui s'est passé à cette époque-là dans le monde, à New York, etc.
03:25C'était la même chose à New York, c'est DJ Kool Air, un Jamaïcain, qui arrive à New York avec des vinyles et qui met des faces B, pareil.
03:32Et le rap est né comme ça.
03:34Donc, ça a été un peu la même chose, quoi, ça a été un peu la même chose.
03:38Et moi, de mon oeil à moi, qui n'était pas acteur à ce moment-là, pour moi, c'était waouh, je voyais ça arriver.
03:45Moi, j'étais au conservatoire, je faisais de la guitare, j'ai vendu ma guitare, j'ai acheté des platines.
03:50Je me suis dit, là, je vais pouvoir faire de la musique directement, concrètement.
03:55Ce qui est fort aussi, c'est que, certes, vous racontez clairement les choses, ce que vous vivez, donc on est vraiment dans le réel.
04:01Mais en même temps, il y a aussi un peu d'imaginaire aussi dans la création.
04:04Ah oui.
04:05C'est l'équilibre nécessaire, Kayalic, justement.
04:07Oui, il y a beaucoup d'imagination.
04:08En fait, on chante beaucoup notre Marseille rêvée.
04:12Ce n'est pas souvent la réalité, mais c'est ce qu'on rêve.
04:16Alors,
04:18des fois, on a du mal parce que c'est quand même des fois difficile.
04:21La Marseille est très difficile.
04:23Il n'y a plus rien.
04:24Et tout ce que nous, on a raconté, tout ce qu'on a fait pour que ça aille bien,
04:27tout ce qu'on a un peu inventé, les gens qu'on a réunis autour de nous pour faire avancer les choses,
04:33pour que le vivre ensemble soit encore meilleur.
04:36Tout ça, on constate que ça n'existe presque plus.
04:42Pourtant, on côtoie que des gens qui sont comme nous, qui veulent que Marseille soit magnifique.
04:49Mais ça s'en va.
04:52Après, peut-être que c'est à l'image de notre société, de la France, je ne sais pas.
04:55Mais pour nous, c'est dur.
04:57On adore Marseille, mais dans notre amour pour cette ville,
05:01on ne fait que de la critiquer tous les jours.
05:03On n'arrête pas.
05:05Moi, ce qui me touche surtout, c'est que si on regarde, c'est quoi le génie de Marseille ?
05:11Le génie de Marseille, déjà la fondation de Marseille.
05:13A la fondation de Marseille, Gyptis, Protis, le marin grec,
05:16il arrive, il tombe amoureux de l'Autochtone qui est là.
05:19Voilà. Et ça, ça fonde une ville.
05:21C'est-à-dire qu'on est fondé sur un mythe d'amour et d'altérité,
05:25d'amour entre quelqu'un qui vient de loin et de quelqu'un qui...
05:28Donc ça, ce mythe-là qui est intéressant, on devrait l'exporter.
05:34C'est ce truc-là, on devrait, on va dire, c'est notre production, ça.
05:39On devrait essayer de l'exporter partout.
05:42Et puis, je suis forcé de constater qu'au lieu de l'exporter partout,
05:45on importe des trucs contraires, c'est-à-dire on importe le mythe de la forteresse.
05:51On va rester enfermés entre nous parce que, attention,
05:54l'étranger, c'est le danger.
05:55Alors déjà, ça, c'est pas super.
05:58Après, dans un monde où l'argent, la réussite facile,
06:04les trucs qu'on voit à la télé, c'est pas compliqué,
06:07chacun peut voir les choses qu'on nous vend, en fait.
06:10Qu'est-ce que c'est l'image de la réussite ?
06:14Je trouve que c'est quelque part, c'est normal que les minots,
06:18comme on dit, que les jeunes, ils tombent là-dedans.
06:20– Vous avez toujours défendu la langue occitane, c'est important,
06:24elle chante, cette langue.
06:25Ça aussi, c'est l'ADN de ma scéliation de système,
06:28c'est d'avoir effectivement ce sourire permanent,
06:31même quand vous parlez, de le communiquer.
06:34– Je ne sais pas si elle est plus souriante ou…
06:38Moi, je crois pas aux choses qui…
06:40Je crois que toutes les langues sont souriantes.
06:42Je crois que ce qui est intéressant, c'est qu'on méprise pas les cultures,
06:45c'est-à-dire qu'on se dise que toutes les cultures,
06:48même la plus petite soit-elle,
06:50elle a la même importance pour l'humanité, tout simplement,
06:54pour l'humanité, donc pour nous, c'était important,
06:57et puis pour nous aussi, ça nous créait une espèce de zone libérée,
07:03comme ils auraient dit les guérillants à l'époque,
07:06on a créé une zone libérée.
07:07C'est quand on est dans…
07:09Quand moi, je parle provençal, je suis dans une sorte de zone libérée,
07:12c'est-à-dire je suis dans un truc qui a moins de prise
07:17par rapport à l'État, par rapport à tout ce que je racontais,
07:19même avant ces derniers.
07:21Je suis un peu…
07:22Ça me rend un peu plus libre, ce truc-là.
07:25Mais après, ce que je dis là pour le provençal,
07:29c'est valable pour toutes les langues du monde,
07:30c'est-à-dire qu'à un moment donné,
07:32les langues, elles sont quand même le reflet de ce qu'on a dans la cervelle,
07:36de notre façon d'appréhender le monde.
07:42Voilà, c'est pas…
07:43Mais on ne l'a jamais fait comme un truc de…
07:47Je veux dire, de nationalisme ou de repli sur nous.
07:52Non, pour nous, avoir deux langues, être bilingue,
07:55c'était déjà pouvoir comprendre…
07:58Avoir deux cultures, c'était déjà plus facilement
08:00pouvoir en comprendre une troisième, une quatrième et une ouverture.
08:04On s'est toujours aperçus dans Massiliac
08:06que quand on passait les frontières et qu'on allait dans le monde,
08:11ce truc d'avoir eu constamment cette espèce de…
08:15Ces deux caméras, en fait, parce que c'est deux caméras qui filment la vie,
08:18nous permettaient de comprendre et d'appréhender mieux les choses complexes.
08:23C'est-à-dire que plus que si on avait été des franco-français, quelque part.

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