00:00Nous sommes mercredi, on se réveille ensemble. L'association Médecins du Monde vient d'inaugurer un nouveau local d'accueil dans le quartier Euromédecine à Montpellier.
00:08Nous sommes donc avec Marie Ferré, notre invitée qui est coordinatrice Médecins du Monde Languedoc-Roussillon Guillaume.
00:13Bonjour Marie Ferré, merci d'être venue nous rejoindre ce matin pour nous parler de l'action de Médecins du Monde.
00:19Pas seulement à l'étranger, parce que beaucoup de gens pensent que Médecins du Monde ça se passe d'abord sur les terrains de conflits ou de catastrophes naturelles ou humanitaires,
00:27mais pas que, vous êtes aussi présent localement. Et là vous venez donc d'emménager dans un nouveau local, vous avez triplé votre surface.
00:33À peu près, oui effectivement, on a passé de 140m² à 400m².
00:37Parce que ça s'imposait ?
00:39Oui parce que c'était devenu bien trop étroit, maintenant avec trois programmes sur Montpellier et un programme dans l'Aude,
00:46nos équipes, enfin on était à partager à quatre dans un bureau quand on fait des vidéos, des choses comme ça,
00:51et puis l'accueil du public était un espace qui n'était pas adapté en fait.
00:56Parce que les populations que vous accompagnez et auxquelles vous venez en aide sont de plus en plus nombreuses aussi, non ?
01:02Alors il y a un flux qui est assez constant quand même, parce qu'il y a des dispositifs qui sont en place, qui nous permettent à nous,
01:10nous on vient si vous voulez, on intervient là où il y a des creux.
01:14On vient pointer des insuffisances pour permettre ensuite au politique publique d'évoluer.
01:19Donc aujourd'hui l'espace de nos bureaux sert de centres d'accueil, de soins et d'orientation.
01:25Donc c'est un espace qui est plus peuplé qu'avant, même si effectivement avec l'augmentation de la population,
01:31on a des augmentations de chiffres qui sont un peu naturelles.
01:34Mais c'est surtout qu'aujourd'hui on a un espace qui permet d'accueillir les personnes en situation de handicap,
01:41et puis on a des espaces plus privatifs où la confidentialité, des espaces pour échanger,
01:46puisqu'on a une consultation médico-sociale.
01:49Donc on fait à la fois du médical mais aussi du social où on accompagne les gens.
01:53Les deux sont souvent liés de toute façon.
01:55Complètement.
01:56La situation sociale va générer une situation sanitaire qui est parfois extrêmement précaire.
02:01Exactement. Nous on accueille principalement des personnes qui n'ont pas accès aux soins,
02:05qui vont être en rue ou dans des dispositifs d'hébergement.
02:08On travaille aussi sur les bidonvilles et les squats.
02:11Donc on fait de l'aller-vers vers des populations qui sont éloignées du soin
02:14pour les ramener dans les dispositifs et leur permettre d'avoir accès aux soins et aux droits.
02:19Vous faites évidemment avant tout du soin, de la santé et du médical.
02:22Médecin du monde par définition.
02:24C'est effectif.
02:25Vous nous avez amené quatre petits stickers que je vais montrer à l'image et qui résument tout.
02:29Il y en a un c'est « t'as déjà eu la grippe ? Imagine avoir la grippe quand t'es à la rue ».
02:35« T'es diabétique ? Imagine être diabétique à la rue ».
02:37« T'as un cancer ? Imagine quand t'es à la rue ».
02:39Et puis il y en a un dernier pour la fin.
02:41« T'as déjà eu la diarrhée ? Imagine ce que ça donne à la rue ».
02:45Et c'est vrai que toutes ces problématiques de santé là,
02:48elles sont déjà pas très agréables évidemment, c'est le moins qu'on puisse dire,
02:51notamment pour certaines d'entre elles, quand on a une situation confortable.
02:54Mais quand on est à la rue, ça prend tout de suite des proportions absolument catastrophiques.
02:58Tout à fait. Et l'attention sur l'hébergement aujourd'hui
03:00fait qu'il y a quand même de plus en plus de gens qui restent en rue.
03:03Notamment des familles.
03:04Nous on rencontre des familles qui vont rester trois, quatre mois en rue avec des enfants.
03:08Et des situations effectivement qui vont être plus ou moins tendues.
03:11On a une dame qui est venue un jour qui avait des ampoules tellement...
03:15C'était même plus des ampoules, c'était des plaies.
03:17Parce qu'elle marchait toute la nuit pour pas rester dans le même endroit
03:21et pas risquer d'être agressée.
03:23Donc voilà, c'est des situations effectivement où c'est pas forcément des gens qui sont malades au départ.
03:27Mais la situation de précarité dans laquelle ils sont
03:30fait que petit à petit leur santé va se dégrader.
03:33Et nous on va essayer de les ramener dans le système de soins dont ils sont éloignés
03:36par parfois méconnaissances, peur des institutions.
03:39Et donc accompagner ce retour dans les dispositifs qui existent et qui les prennent en charge.
03:43Alors sur l'antenne de Montpellier, vous avez développé trois programmes.
03:46Le premier c'est ce que vous appelez un centre d'accueil et de soins et d'orientation, le CASO.
03:50Ce sont des consultations avec des infirmières, médicales, dentaires aussi.
03:55Les soins dentaires.
03:56Et les soins dentaires sont souvent les plus difficiles à obtenir
03:59quand on est dans une situation de précarité.
04:02L'année dernière vous avez accueilli 1443 personnes.
04:05Oui.
04:06Considérable.
04:06Oui.
04:07Dont 979 nouvelles personnes.
04:09Donc ça veut dire que quand même on fait le travail pour remettre les gens dans le dispositif.
04:14Nous on n'a pas vocation à suivre les gens.
04:16On accompagne vraiment pour qu'ils soient repris dans le système qui existe.
04:19A ce stade, je voudrais qu'on évoque l'AME, l'Aide Médicale d'État.
04:26Qui est remise en question aujourd'hui.
04:28Oui.
04:29Très nettement. Et ça, ça vous inquiète ?
04:30Complètement.
04:31Parce qu'aujourd'hui c'est grâce à l'ouverture de ces droits
04:34qu'on permet aux gens d'être remis dans le système
04:36et d'avoir accès à un médecin généraliste
04:38et aux dispositifs de soins quand ils en ont besoin.
04:42Et cette Aide Médicale d'État, avec la nouvelle loi immigration,
04:46elle a été un peu mise dans le premier projet, évacuée.
04:51Et là, normalement, le gouvernement doit légiférer par ordonnance sur cette AME.
04:55Oui.
04:55Et ça nous inquiète beaucoup.
04:56Parce que ça risque de provoquer quoi ?
04:58Déjà de mettre dans des situations encore plus précaires qu'elles n'est des gens qui le sont déjà.
05:03Et puis surtout de vous apporter, ça va créer un appel d'air d'une certaine manière.
05:06Et vous craignez de le voir rouler sur les...
05:08Chez nous, ça risque d'amener plus de personnes.
05:10Oui, mais c'est surtout que ça va freiner l'accès aux soins des personnes.
05:14Donc on sait que quand les gens n'ont pas accès aux soins de premier recours,
05:18derrière, les pathologies se compliquent.
05:20Et ça devient plus lourd et plus difficile à soigner.
05:22Et par ailleurs, ça va aussi se reporter sur les dispositifs d'urgence du système de santé.
05:28Traditionnel, classique.
05:29Et voilà, on sait, on a fait l'expérience.
05:31En 2011-2012, il y a un forfait qui a été mis en place.
05:33Donc les gens devaient payer pour avoir accès à l'AME.
05:36Ça a fait augmenter de 18% l'entrée dans le système OCHU,
05:41dans les systèmes d'hôpitaux,
05:43et de 7% au niveau des urgences.
05:45Le deuxième programme que vous avez développé
05:47à l'antenne Médecins du Monde de Montpellier,
05:49c'est un programme Santé Habitat.
05:50Donc là, c'est à destination des personnes qui vivent en squat
05:52ou dans des bidonvilles.
05:54Et il y en a, on le sait, un certain nombre à Montpellier.
05:56Tout à fait. On est autour de 750 personnes aujourd'hui qui vivent...
05:59Et là, c'est vous qui intervenez directement sur place.
06:01Alors nous, on intervient avec des partenaires.
06:03On est notamment en partenariat avec l'association AREA et l'ACIMAD
06:06pour faire de l'accompagnement.
06:08Donc nous, on fait de la médiation en santé.
06:10Plutôt, on accompagne.
06:12À côté de ça, le partenaire vient faire tout le travail social d'accompagnement.
06:15Et nous, on va pouvoir accompagner les gens dans les dispositifs de soins.
06:19Parfois, c'est un peu complexe et les gens ne parlent pas la langue.
06:22Il y a souvent un problème d'accès à la langue.
06:25Et donc, on fait cette facilitation, on va dire,
06:28à travers la médiation en santé et aussi beaucoup de prévention.
06:30On fait notamment de la prévention dentaire.
06:32Et l'année dernière, dans le cadre de ce programme,
06:34vous avez réalisé 77 sorties en médiation.
06:37Troisième programme, que vous appelez ROSELA,
06:40qui est un programme de réduction des risques en santé
06:42à destination des travailleurs et travailleuses du sexe.
06:45Tout à fait.
06:46Donc là aussi, c'est de l'aller vers.
06:47C'est-à-dire qu'on va vers les populations.
06:49Alors nous, on fait de l'aller vers physique.
06:51C'est-à-dire qu'on se déplace, on a un camion.
06:53On fait de la prévention, de l'information,
06:55de la distribution d'outils de réduction des risques.
06:58Et par ailleurs, on fait de la maraude virtuelle.
07:01C'est-à-dire, sur le net, on contacte des personnes
07:04qui sont travailleurs ou travailleuses du sexe
07:06pour les informer, leur envoyer des kits de prévention.
07:10Voilà, tout un travail à destination de ces populations
07:12qui, aussi, par l'exercice d'une profession
07:15qui est aujourd'hui stigmatisée,
07:17sont parfois en difficulté d'accès aux soins et aux droits.
07:20Alors tout ça se fait grâce, évidemment,
07:22à un gros contingent de bénévoles.
07:24Médecins, infirmières, professionnels de santé.
07:26Pas que.
07:27On a aussi des personnes qui font de l'accueil.
07:29Et pour ça, n'importe qui peut le faire.
07:31On forme, on accompagne nos bénévoles.
07:33Mais effectivement, le gros de notre activité...
07:35Combien de bénévoles, Médecins du Monde, à Montpellier ?
07:37Aujourd'hui, à Montpellier, 80 personnes.
07:39Ce qui est pas mal, quand même.
07:40Tout à fait.
07:41C'est suffisant ou vous en avez besoin encore ?
07:43On a toujours besoin de personnes qui viennent,
07:46notamment pour le centre d'accueil de soins et d'orientation.
07:49Je vous dis, cet accueil social...
07:51Spontanément, Médecins du Monde,
07:53on a toujours un peu plus de bénévoles médicaux.
07:57Mais on en a toujours besoin aussi,
07:59puisqu'on a trois permanences par semaine médicales.
08:02Donc là, on a besoin d'un médecin pour le faire.
08:04Et puis, on a besoin d'infirmières aussi,
08:05qui font de l'accueil, de l'orientation et de l'accompagnement.
08:08Et là, c'est pas des consultations à 30 euros, j'imagine ?
08:11Non.
08:12Merci d'être venue nous en parler, en tout cas, Marie Ferret.
08:14Votre nouveau local, je le dis,
08:16il est rouvert au public depuis le 22 avril 2024.
08:20C'est au 246 rue de Chambert, à Montpellier.
08:22C'est le quartier euromédecine, en fait.
08:24Exactement.
08:25Merci.
08:26Bonne continuation à vous et bonne journée.
08:27Au revoir.
08:28Si vous voulez réécouter cette interview, c'est tout à fait possible.