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  • 04/04/2024
Dans le sillage du #MeToo du cinéma français enclenché par Judith Godrèche, l'ancienne actrice Jennifer Covillault Miramont prend la parole devant notre caméra. En février 2024, elle a porté plainte pour viol contre Nils Tavernier. Le cinéaste, qui bénéficie de la présomption d'innocence, est également accusé de viol par la réalisatrice Laura Lardeux. Contacté, il n'a pas souhaité répondre à nos questions, se disant "abasourdi" par ces deux plaintes et affirmant qu'il n'a "rien à se reprocher". L'enquête du "Nouvel Obs" est à lire sur notre site : https://www.nouvelobs.com

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Transcription
00:00 J'en parle aujourd'hui parce que je pense que ce terrestre est cautionné.
00:05 En 1991, j'ai 12 ans, je décroche un premier rôle dans un téléfilm
00:29 qui s'appelle "Sabine j'imagine" qui est avec Nils Tavernier.
00:32 Je suis très admirative de qui il est, de son papa Bertrand Tavernier.
00:38 C'est quelqu'un qui me prend toujours la main, il me tient par la main,
00:42 il me met sur ses genoux dès qu'il peut, il est constamment avec moi,
00:46 il ne se cache pas d'ailleurs de son affection pour moi.
00:50 A dire qu'il est amoureux de moi, les gens autour ne réagissent pas.
00:54 Lui a 27 ans, il appelle régulièrement chez moi à la maison, donc sur le fixe.
00:58 Il a ma maman au téléphone, à qui il dit également qu'il est amoureux de moi.
01:03 Ma maman trouve ça mignon dans le sens où elle le prend comme quelque chose aussi de...
01:08 Voilà, ma fille, tout le monde l'adore, elle est super.
01:10 Et puis, quelques temps plus tard, on a ce qu'on appelle la post-synchro du film.
01:15 Et ce jour-là, on n'est convoqué que tous les deux.
01:16 On double notre scène et à la fin, on laisse le temps aux réalisateurs de réécouter.
01:22 Et pendant ce laps de temps, le temps de la séquence,
01:26 il me retourne, il m'attrape le visage avec ses mains et il m'embrasse sur la bouche comme un adulte.
01:34 Et je suis tétanisée.
01:38 Je rentre chez moi, mais je n'en parle pas parce que j'ai un peu honte.
01:41 Et que je sais que dans ma famille, mon père est très content
01:46 que quelqu'un comme Neil Stavernier tourne autour de moi
01:50 dans le sens où ça peut m'apporter quelque chose, puisque je veux être actrice.
01:54 Donc, j'ai cette peur aussi de décevoir mon père.
01:56 Le temps passe, mais il continue d'appeler à la maison.
02:02 On se tient au courant de nos castings, de nos projets.
02:05 Il me parle de scénarios, je lui parle de mes trucs, mais il ne se passe pas plus de choses.
02:09 Donc, je pense que petit à petit, les mois passant, je me dis OK, c'était une erreur.
02:13 Et puis, l'année d'après, donc là, j'ai 13 ans,
02:17 il m'invite chez lui pour parler justement, échanger sur nos projets.
02:22 Quand j'arrive chez lui, il est au téléphone et en fait, on ne parle pas du tout.
02:27 Il me tient par la main, il se lève et il me dit voilà, je vais te faire visiter.
02:32 Et il me dit voilà ma chambre et mon lit où je vais t'étendre.
02:37 Je ne sais pas quoi faire. Je me sens bloquée au bout de ce couloir.
02:42 Et puis, effectivement, il m'assoit sur son lit, il s'assoit à côté de moi, il m'embrasse de nouveau.
02:48 Et puis, il me caresse la cuisse, il essaye d'enlever mes vêtements.
02:52 Puis, il râle un peu comme une sorte de jeu.
02:54 Mais pourquoi tu t'habilles comme ça ? Ce n'est pas pratique.
02:56 Il me dit qu'il a très envie de moi et je suis pétrifiée en fait.
03:02 Et il descend le long de mon corps, il m'écarte les cuisses et il me fait un cunnilingus.
03:08 Et il me pénètre avec ses doigts et sa langue.
03:11 Et je regarde le plafond, je suis tétanisée.
03:16 Il me dit j'ai très envie de te faire l'amour.
03:17 Je lui dis non, parce que je sais que je ne veux pas que ça arrive, vraiment, ce n'est pas possible.
03:23 Il me dit tu ne peux pas me laisser comme ça, donne-moi ta main alors.
03:27 Et il me prend la main et il me fait enserrer son sexe en érection.
03:32 Et avec des va-et-vient, il se masturbe dans ma main.
03:36 J'entends juste son souffle, son râle dans mon oreille.
03:41 Et là, je ne sais pas si c'est mon cerveau qui a estimé que c'était trop violent.
03:45 Et je perds connaissance quelque part.
03:48 Je ne sais pas comment je suis rentrée chez moi, comment je me suis rhabillée, je ne sais pas.
03:53 J'ai un trou noir.
03:54 Mais voilà ce qui est arrivé, ce jour-là.
03:56 Je ne parle pas quand je rentre chez moi parce que je n'arrive même pas moi-même, je pense,
04:04 à interpréter ce qui vient de se passer.
04:07 C'est trop violent.
04:08 Je n'ai plus vu à partir de ce jour-là le métier comme je pouvais le voir avant.
04:12 J'ai cessé de m'aimer et donc l'image qu'un écran pouvait me renvoyer,
04:16 que ce soit à la télé ou au cinéma, était trop difficile.
04:19 J'ai fait une tentative de suicide.
04:21 Mes choix professionnels, mes choix de vie, tout a été conditionné par ça.
04:28 Quand Adèle Hanel parle de ce qu'elle a vécu avec Christophe Ruggia,
04:32 elle explique que c'est quelqu'un qui avait mis en confiance toute sa famille.
04:36 C'est exactement la même chose, le même processus avec moi.
04:38 Alors forcément, quand j'entends ça, je me dis bon, OK.
04:41 J'ai vécu quelque chose de grave.
04:43 Parce qu'Adèle, on l'écoute, on l'entend et on ne lui dit pas que c'est une menteuse.
04:47 Je me dis que je dois le dire à ma maman,
04:50 parce que je ne suis plus en contact avec mon père.
04:52 Sa première réaction, bien sûr, c'est de pleurer,
04:56 de me demander pardon de ne pas avoir vu.
04:58 J'en parle à la personne qui partage ma vie aussi à ce moment-là,
05:03 et puis à mes enfants.
05:04 Pour eux, c'est une évidence de parler, en fait.
05:06 Et je me dois de le faire aussi pour eux, pour elles, pour mes filles,
05:10 à qui je dis tout le temps qu'il faut qu'elles fassent attention,
05:12 qu'elles se protègent.
05:13 Si je leur dis ça, il faut moi-même que je parle.
05:17 C'est obligatoire.
05:18 Quand Judith Wederech a pris la parole,
05:21 ça m'a convaincue de parler.
05:26 Et la première chose que j'ai fait, c'est d'aller porter plainte
05:29 en février 2024 contre Nils Tavernier pour viol et agression sexuelle.
05:34 Et quand j'ai été portée plainte, les gendarmes m'ont expliqué
05:37 qu'en fait le procureur avait trois mois en gros pour se décider
05:40 sur la suite à donner sur le dossier,
05:43 et que si c'était classé sans suite,
05:44 la personne incriminée ne sera jamais au courant.
05:47 C'est ce qui m'a décidé à parler à l'Obs,
05:50 parce que je ne voulais pas que ça soit juste classé sans suite
05:53 et que les gens ne soient pas au courant de ce qui s'était passé.
05:57 C'est essentiel que ça sorte et que ça se sache.
06:00 [Musique]

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