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  • 21/02/2024

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00:00 Cette panthéonisation, pardonnez-moi, et la vie de Missak Manouchian, on va en parler tout de suite avec notre invitée, avec nous en plateau.
00:07 Bonjour Claire Mouradian.
00:08 Bonjour.
00:08 Vous êtes historienne, directrice de recherche au CNRS et vous avez justement écrit un ouvrage sur la vie de Missak Manouchian.
00:16 Première question avec vous, on résume finalement Missak Manouchian à une sorte de triptyque d'une certaine manière.
00:20 D'abord l'ouvrier communiste, puis le poète arménien d'une certaine manière et enfin le martyr de la résistance.
00:26 C'est assez juste de le présenter comme ça ?
00:28 Oui, ça omet bien sûr un certain nombre d'éléments.
00:30 D'abord sur l'ouvrage, je l'ai co-écrit avec deux autres auteurs, Denis Péchanski et Astrig Atamian.
00:37 Missak Manouchian omet bien sûr tout cela, mais c'est avant tout un rescapé du génocide des Arméniens, un orphelin, un apatride,
00:44 qui a erré d'orphelinat à orphelinat avant d'arriver en France.
00:48 Alors effectivement à la fois comme réfugié, mais aussi comme exilé, déraciné, mais aussi comme travailleur,
00:55 puisque la France au lendemain de la première guerre avait besoin de bras,
00:59 et donc allait chercher des travailleurs, notamment dans les camps de réfugiés ou les orphelinats du Liban, alors sous mandat français.
01:06 Donc il arrive à ce moment-là, mais ça c'est peut-être le premier élément de son identité.
01:13 Et puis il va être comme beaucoup d'autres arrivants arméniens, il y en a 60-65 000 qui arrivent au début des années 20, prolétarisés.
01:23 Donc il va travailler à l'usine, d'abord au chantier naval de la Seine, à Citroën et dans différents endroits.
01:28 Donc il est aussi, il a cette dimension ouvrière et en même temps une aspiration à la vie intellectuelle,
01:37 dont le destin ne lui a pas permis totalement de réaliser, puisque en tant qu'orphelin il n'a pas pu faire des thunes,
01:46 mais qu'il aspire à cela.
01:48 Et bien sûr après il entre en résistance, donc tous ces éléments-là constituent différentes facettes de sa personnalité.
01:54 - Et justement, vous parlez justement de son parcours de résistant, on a aperçu derrière vous cette fameuse affiche rouge,
01:59 par laquelle beaucoup de Français connaissent Missak Manouchan, c'est l'affiche rouge que les nazis ont publiée,
02:07 pour qualifier ces différents résistants "l'armée du crime", comme il la baptisait à l'époque, et qui finalement en aura fait des héros, cette affiche.
02:15 - Tout à fait, donc c'est une affiche de propagande nazie, qui a été placardée, enfin éditée à plusieurs milliers d'exemplaires,
02:22 placardée dans toute la France, avec des petites brochures qui expliquaient ce qu'elle était,
02:26 et qui regroupe une partie du groupe dit Manouchan, on l'appellera "Groupe Manouchan après la guerre",
02:31 mais à l'époque c'était un des groupes de la MOI pour la région parisienne,
02:34 donc il y en a une dizaine, enfin il y en a dix sur l'affiche, mais il y en a d'autres,
02:38 et après l'arrestation d'une grande partie du groupe, donc ces fameux 23 qui vont être fusillés dans la clairière du Mont-Valérien,
02:46 et l'affiche réunit tous les stéréotypes xénophobes, antisémites, antiméthèques, etc. de l'époque,
02:54 qui sont d'ailleurs parfois partagés par la population, en espérant discréditer leur action auprès de la population française,
03:00 alors sous occupation, et non seulement elle n'atteindra pas totalement son but,
03:06 mais au contraire, effectivement, elle montrera que des étrangers, pourtant apatrides,
03:11 pourtant rejetés par une partie de la société, voire qui n'ont pas pu obtenir leur naturalisation,
03:16 néanmoins se battent aussi pour la libération de leur patrie d'accueil.
03:20 Donc cette affiche va jouer un rôle indirect dans l'héroïsation, dans la gloire aussi de ce groupe,
03:29 donc Manouchan et bien sûr ses camarades, parce qu'il n'est pas seul.
03:32 Justement, vous évoquiez ce groupe, ce réseau de résistance dont il était le chef.
03:37 Comment ça s'est construit ? Parce que ça s'est fait sur une période finalement assez courte.
03:40 Comment il est devenu, Missak Manouchan, lui, le responsable de ce groupe, de ce réseau,
03:44 qui a donc été démantelé par la suite par les nazis ?
03:47 Alors c'est le réseau des FDP Frontières et Partisans de la MOI,
03:50 Main d'œuvre ouvrière immigrée, qui s'est constituée dans les années 20-30.
03:56 Alors c'est d'abord la main d'œuvre étrangère, puis la main d'œuvre immigrée,
03:59 par laquelle le Parti Communiste essayait d'organiser tous ces ouvriers d'origines diverses,
04:04 italiens, polonais, juifs d'Europe centrale et orientale, roumains, arméniens et autres,
04:10 dans des groupes de langues.
04:11 Et au début de la guerre, il y a bien sûr le Pax Germano-Soviétique,
04:15 qui secoue un petit peu la mouvance communiste,
04:18 mais très vite ils vont se regrouper, surtout après l'attaque de l'Urs par le Reich,
04:23 et essayer d'utiliser ce volant-là pour entrer en résistance.
04:28 Alors Misak Manouchian, il fait déjà partie de ce groupe en 1942,
04:34 et en 1943, au printemps 1943, il est d'abord chef politique,
04:38 plutôt, distribuant de la propagande, des brochures clandestines, appelant à résister.
04:42 Puis après, il devient chef militaire, en plaçant Boris Solban,
04:45 qui l'a précédé dans la direction de ce groupe, centré sur la région parisienne.
04:50 Il y a d'autres groupes FTP français aussi, qui agissent en banlieue parisienne ou ailleurs en France.
04:56 Alors effectivement, c'est un temps très court, mais un temps très intense,
05:00 parce que ça intervient entre le printemps 1943 et novembre 1943, le 16 novembre,
05:04 où ils sont arrêtés, dans un moment important.
05:07 Les Alliés viennent de débarquer, enfin, ont débarqué en novembre 1942, quelques mois avant, à Alger.
05:13 Il y a eu la victoire de Stalingrad par les soviétiques,
05:16 la volonté de réunir tous les composants de la résistance, avec la figure de Jean Moulin.
05:23 Donc c'est un moment où les combats se radicalisent de part et d'autre,
05:26 et où ils vont exécuter un certain nombre d'actions,
05:30 et dont la plus célèbre est, entre autres, l'exécution de Julius Ritter,
05:37 qui est le représentant, enfin, un grand haut-lignitaire nazi,
05:41 et qui dirige le service du travail obligatoire, très impopulaire en France.
05:46 Donc c'est une action d'éclat aussi, qui va marquer les esprits.
05:49 - Vous le disiez, Claire Mouradian, c'était un communiste, donc, Misak Manouchian,
05:54 et c'est le premier communiste, si je ne fais pas d'erreur, qui rentre désormais au Panthéon.
05:58 Il y a eu d'autres résistants qui n'étaient pas communistes, qui sont entrés au Panthéon.
06:01 Il était temps, finalement, d'une certaine manière, de voir les communistes honorés pour leur rôle dans la résistance ?
06:07 - Oui, bien sûr. Enfin, je pense que la résistance a été, à un moment donné, effectivement, unie,
06:11 et que, enfin, de commémorer, de célébrer les différentes composantes de la résistance,
06:16 dont la composante communiste, qui a été importante, incontestablement, était nécessaire.
06:22 Et puis, en plus, c'est aussi la résistance étrangère, des étrangers,
06:26 qui n'est pas d'ailleurs que chez les communistes, mais on en trouve aussi dans la France libre.
06:30 Et puis, il entre accompagné de son épouse, Mélinée, qui a contribué aussi à sauvegarder sa mémoire.
06:37 Et ça montre aussi le rôle des femmes dans la résistance, qui ont été souvent invisibilisées.
06:42 Et puis, bon, il rentre, bien sûr, symboliquement avec ses camarades, de cette fameuse affiche rouge,
06:50 et du procès qui a été... La parodie de procès, qui aussi a mis l'accent sur leur rôle indirectement.
06:59 - Comment expliquer, selon vous, un dernier mot, qu'il ait fallu autant de temps, finalement,
07:03 pour que Missak Manouchian ait, d'une certaine manière, les communistes, vous l'avez dit,
07:07 mais également les étrangers, qui ont contribué à la libération de la France,
07:09 soit, de certaine manière, honorés, et rentrent au Panthéon ?
07:12 - Il y a toujours des moments plus ou moins propices pour cela.
07:15 Il y a toujours un temps pour la mémoire. Effectivement, ça aurait pu se reproduire plus tôt.
07:20 Mais on avait déjà... Cette question avait déjà évoqué sous François Hollande, en 2014.
07:24 - Qui avait refusé, il me semble, de... - Voilà.
07:27 Voilà, parce qu'il y a eu d'autres résistants qui étaient entrés à ce moment-là,
07:30 donc... dont Geneviève Antonius-Degault, Le Genzet, Germaine Tillon, Brosolette.
07:35 Il y avait eu Jean Moulin, en 1964. Même Jean Moulin, finalement, n'est rentré que 20 ans après la libération,
07:40 alors qu'il a été aussi une figure importante.
07:43 Donc, effectivement, on peut regretter que ce soit un peu tard, mais bon, mieux vaut tard que jamais.
07:48 Et donc, c'est peut-être un moment, aussi, de...
07:50 de dépasser un certain nombre de divergences, de... voilà.
07:55 Et de retrouver... Enfin...
07:57 Voilà. De réécrire... Enfin, peut-être pas réécrire le résistance,
08:00 mais de faire un petit peu la part des choses dans les différentes mémoires
08:05 qui ont été, parfois, en concurrence.
08:07 Et donc, on ne peut qu'apprécier... Enfin, on ne peut que saluer que cela se passe.
08:12 Donc, c'est... c'est très bien.
08:14 - C'est très bien. C'est une bonne nouvelle.
08:16 Et ce sera, justement, cette cérémonie d'intronisation, donc, de Misak Manouchi en Panthéon,
08:20 ce mercredi, en fin de journée.
08:21 Merci beaucoup, Clermont Radian, d'avoir répondu à nos questions, ce midi, sur France Internationale 4.
08:25 Je rappelle que vous êtes historienne, directrice de recherche au CNRS,
08:28 et que vous avez donc co-écrit, avec plusieurs personnes, un ouvrage dédié à la vie de Misak Manouchi.
08:33 Encore merci de nous avoir rendu visite, ce midi, sur France 24.
08:35 - Merci.

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