François Damiens : l'interview Jacques Brel

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"Je me rends compte, quand j’écoute Jacques Brel, par exemple, qu’on est tous les mêmes." À l’occasion de la sortie du film « Sous le vent des marquises », la légende François Damiens se livre à travers les citations du chanteur belge.

Transcript

00:00 Pour moi, il était hors de question de jouer Jacques Brel.

00:03 On n'y touche pas.

00:05 Déjà, c'est Monsieur Jacques Brel, le grand Jacques.

00:08 Il y a des monuments auxquels on ne touche pas.

00:10 Je ne chante pas.

00:11 Ne venez pas me voir.

00:12 Si vous voulez me voir chanter, je ne chanterai pas.

00:13 Je ne voulais pas jouer Jacques Brel.

00:15 Sinon, je pense que ça sonnait le glad de la fin de ma carrière.

00:19 Je suis François Damiens.

00:21 J'interprète Alain, qui joue un acteur qui interprète le rôle de Jacques Brel

00:27 dans un film de Pierre Godot qui se nomme "Sous le vent des Marquises".

00:31 Jacques Brel a dit "Quand j'étais petit, on se moquait beaucoup de ma tête

00:34 parce que je n'ai jamais été le séducteur né".

00:37 Et vous, vous étiez comment ? Séducteur ou pas ?

00:39 Non, je n'ai jamais été un séducteur non plus.

00:41 J'essayais plutôt à travers l'humour,

00:45 si tant est que j'en ai un tout petit peu, je n'en sais rien,

00:47 de faire marrer la galerie.

00:48 Mais je n'ai jamais été ni un séducteur ni un tombeur.

00:52 En vrai, c'est ça votre atout, c'est l'humour.

00:55 C'est l'intelligence, je dirais.

00:58 Pour moi, l'enfance est une notion géographique.

01:01 L'enfance est un ciel bas, il fait gris, il fait humide.

01:04 Et il y a des adultes que je ne comprends pas.

01:06 Jacques Brel était un enfant rebelle.

01:08 Vous avez eu quel genre d'enfance ?

01:10 Moi, j'ai toujours été, je dirais, un saumon.

01:13 Je vais toujours à contre-courant.

01:15 Si j'arrive dans un magasin et il y a un tourniquet,

01:17 je vais toujours prendre la sortie, mais pas pour faire le rigolo,

01:21 pour faire le gars différent.

01:23 Mais tout ce qui est fait pour tout le monde, ça ne fonctionne jamais.

01:26 Je m'appréhende toujours les choses par l'autre côté.

01:28 Donc, ça me fait perdre pas mal de temps.

01:30 Pour vous donner un exemple, un téléphone,

01:32 je ne sais pas m'en servir, à part pour téléphoner.

01:34 Je n'ai jamais rien acheté sur Internet.

01:36 Les jeux électroniques, ça ne m'intéresse pas.

01:38 Enfin, les jeux vidéo, maintenant, comme on dit.

01:40 Non, je ne sais pas, mais ce n'est pas pour faire le monde intéressant.

01:42 Parce que je ne trouve pas ça spécialement intéressant d'être différent.

01:45 Par exemple, ma voiture, je ne connais aucune option dedans.

01:47 Donc, quand je la revends et qu'on me demande ce qu'il y a comme option,

01:50 à part la faire démarrer, je ne sais pas.

01:52 Mais ça ne m'intéresse pas. Je ne sais pas régler le chauffage.

01:54 Je m'en fous complètement de tout ça, en fait.

01:55 Voilà, moi, ce qui m'intéresse, c'est les échanges, les rapports humains.

01:58 Je me rends compte, quand j'écoute Jacques Brel, par exemple,

02:01 qu'on est tous les mêmes quand il dit "on pleure tous des mêmes choses,

02:04 on a peur des mêmes choses, on rigole des mêmes choses".

02:07 C'est en ça qu'il est rassurant pour moi.

02:08 C'est qu'on se sent moins seul quand on l'écoute.

02:10 Je me fous de l'argent. L'argent ne m'a jamais donné de bonheur.

02:13 J'ai été élevé dans l'argent.

02:15 J'ai vu toutes les saloperies qu'il fallait faire pour en avoir.

02:17 Je n'aime pas du tout quand l'argent intervient dans les relations humaines.

02:21 C'est malsain d'une part, et puis ça peut très vite être vulgaire.

02:24 Et puis je trouve que c'est tellement facile de s'en servir.

02:27 Je ne comprends pas des gens qui arrivent à 60, 70 ans

02:29 et qui recherchent toujours l'argent, toujours plus, plus, plus.

02:32 Parce qu'en fait, on se rend compte que...

02:33 Enfin, moi, j'ai 50 ans et je me rends compte,

02:35 les moments où j'étais le plus heureux,

02:36 ce n'est pas forcément le moment où j'en avais le plus.

02:39 C'est souvent quand on en a un peu moins,

02:41 qu'on se rapproche un peu de la réalité.

02:45 Un peu comme quand on rencontre le succès,

02:47 ce n'est pas forcément les périodes de la vie où on est le plus heureux.

02:51 C'est parfois après un insuccès qu'on se reconnecte plus aux gens.

02:55 L'argent, il faut le laisser à sa place, je trouve.

02:57 Et il ne faut surtout pas en faire une arme ni un combage.

03:01 Tout ça, c'est tout simplement inintéressant, je trouve.

03:06 On se payait ma tête car j'étais extrêmement timide et réservée.

03:09 Le milieu de la chanson n'est pas un milieu extrêmement accueillant

03:12 quand on y débarque comme une fleur.

03:14 J'ai vu énormément de vidéos de vous qui disaient que vous étiez hyper timide.

03:17 C'est vrai ou pas ?

03:19 Oui, c'est vrai que je suis assez timide.

03:21 C'est dans un premier temps que je suis timide.

03:22 Une fois que je connais les gens, je ferai mieux de l'être un peu plus

03:26 parce que je prends beaucoup de place après.

03:27 Mais c'est vrai que les démarrages sont souvent assez pénibles.

03:31 Quand j'arrive quelque part, je suis très mal à l'aise, très timide.

03:35 Je n'aime pas arriver quelque part et je n'aime pas repartir non plus.

03:38 Une fois que je me suis acclimaté, je me sens bien en général.

03:42 Donc je n'aime pas partir.

03:43 Une autre citation de Jacques Brel.

03:45 "Pour moi, Dieu, ce sont les hommes et un jour, ils le seront."

03:48 On a tous un petit Dieu en nous.

03:51 Et ce que je trouve intéressant dans le métier d'acteur,

03:54 c'est de prendre même des personnages qui peuvent paraître pervers, abjects,

03:58 même des gros dégueulasses.

03:59 J'aime toujours aller chercher leur humanité.

04:03 Et au plus l'écart est grand, au plus c'est intéressant à jouer.

04:08 Même un tueur en série, quand il était petit,

04:11 il était dans une petite turbulette dans les bras de sa mère.

04:14 Et puis c'est peut-être quelqu'un d'exécrable,

04:16 mais chez tout humain, il y a quand même un bon fond.

04:18 Quand même, moi, je veux y croire.

04:21 C'est à révéler ça qui pour moi est intéressant dans un rôle ou dans un humain.

04:27 C'est aller chercher quand même l'infinie beauté qu'il peut avoir en lui,

04:31 même si c'est une crapule de grand chemin.

04:34 !

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