Skip to playerSkip to main contentSkip to footer
  • 1/29/2024
À l’occasion de la sortie de "La Ferme des Bertrand", nous avons reçu Gilles Perret, le réalisateur de ce film documentaire, tourné sur 50 ans. Pour neo, il raconte l’histoire d’une exploitation agricole, celle de ses voisins, et plus particulièrement du métier d’agriculteur. Sortie prévue le 31 janvier au cinéma.

Category

🗞
News
Transcript
00:00 On sait qu'il y a à peu près un agriculteur par jour qui se suicide en France.
00:03 Donc c'est quand même terrible d'en arriver à une situation pareille.
00:05 À un moment donné, il faut choisir.
00:06 Soit on nourrit les gens, soit on fait du business.
00:08 Donc c'est pas la "start-up nation" pour le coup, l'agriculture.
00:11 Bonjour, je suis Gilles Perret.
00:13 J'ai réalisé un film qui s'intitule "La ferme des Bertrands".
00:15 Et c'est sur la ferme de mes voisins, une ferme qui a été filmée sur 50 ans.
00:19 "On a toujours essayé de travailler, tout le temps, en 28.
00:22 Mais nous pensons qu'il n'y a pas d'autre façon de faire
00:24 pour essayer de s'en sortir et améliorer nos conditions de vie."
00:27 Dans une production laitière, ce qu'il faut vous dire, c'est qu'entre matin et soir,
00:31 365 jours sur 365, les vaches n'ont pas de congés payés, n'ont pas de week-end.
00:36 Donc ces contraintes-là, c'est pas rien.
00:38 Et c'est aussi pour ça que le nombre d'agriculteurs en production laitière diminue chaque année,
00:43 que la production laitière en France diminue.
00:44 C'est vrai qu'il y a quand même une génération qui a subi, on peut dire,
00:47 puisqu'ils ont travaillé énormément, pas forcément gagné beaucoup d'argent,
00:50 et se sont usés au travail.
00:52 Je crois aussi qu'ils font ces sacrifices parce que, en fait,
00:55 c'est leur situation familiale très difficile de sortir de la guerre,
00:58 d'une grande famille, d'une famille nombreuse, qui mangeait vraiment pas à sa faim.
01:02 Et ils avaient aussi envie, à l'époque, de prouver qu'ils étaient capables de faire quelque chose,
01:06 de fonder une ferme moderne. Ils étaient déjà novateurs à l'époque.
01:09 "Ma conviction, c'est qu'il n'y avait pas de solution autre que suivre l'évolution technique,
01:14 ou abandonner la profession, ou se sauver."
01:16 C'est vrai que la génération que je filme en 1997, c'est vraiment la génération du baby-boom,
01:20 et c'est aussi la génération de l'exode rural.
01:22 Moi, quand j'étais gamin dans le village, tout le monde partait.
01:25 Nous, les gamins qui restions, on était vraiment les ploucs.
01:26 Eux, les trois frères, à cette époque-là, ils font le choix de rester au village,
01:30 et c'était pratiquement évident qu'ils n'allaient pas trouver de femmes,
01:32 parce que, comme dit André dans le film,
01:34 c'est pas tellement attrayant pour une femme d'aller vivre à la campagne.
01:37 Et malheureusement, je pense qu'il avait raison.
01:39 Donc il y a beaucoup d'agriculteurs de cette génération-là qui sont restés célibataires.
01:42 Il a cette phrase terrible dans le film où il dit "c'est un succès sur le plan économique,
01:46 et c'est un échec sur le plan humain".
01:47 Heureusement, les temps changent, et là, la génération d'aujourd'hui,
01:51 Marc et Alex, ils ont des femmes, des enfants et une vie de famille,
01:55 tout simplement parce que le travail s'est un peu facilité par la mécanisation,
02:01 et puis aussi qu'on s'est rendu compte que c'était pas forcément bien d'aller en ville,
02:05 s'entasser en ville avec du formica, comme chantait Jean Ferrat,
02:08 mais qu'on pouvait aussi vivre à la campagne, et puis avec un métier où, au moins,
02:13 on sait pour quoi on travaille, pour qui on travaille.
02:15 C'est pas parce que notre histoire se passe bien
02:16 qu'il faudrait généraliser ça à l'ensemble du territoire.
02:18 Il y a des drames dans le monde paysan.
02:20 On sait qu'il y a à peu près un agriculteur par jour qui se suicide en France,
02:23 donc c'est quand même terrible d'en arriver à une situation pareille
02:26 sur une profession qui est assez noble,
02:28 puisque la profession d'agriculteur, c'est quand même de nourrir les gens.
02:30 Donc, il faut absolument s'en sortir.
02:34 Il y a beaucoup d'agriculteurs qui se sont sur-endettés
02:37 pour réussir à être compétitifs,
02:39 et ils ont mis le doigt dans un engrenage où ils ont du mal à s'en sortir.
02:41 Fort heureusement, nous, dans notre zone,
02:43 les appellations d'origine protégée reblochons, c'est pas le cas.
02:46 C'est des agriculteurs qui en vivent bien, mais il faut dire pourquoi ils en vivent bien,
02:48 c'est parce qu'il y a un choix qui a été fait.
02:50 On définit une zone géographique
02:51 sur laquelle le lait ne va pas être mis en concurrence avec les autres.
02:54 Et on met des règles de production complètement contraignantes,
02:57 c'est-à-dire que nous, les vaches doivent sortir 150 jours par an,
03:00 il faut produire, consommer sur la zone.
03:01 Tout un tas de règles contraignantes qui font que le lait est payé
03:04 deux fois plus cher aux agriculteurs.
03:06 Après, c'est difficile de trouver du personnel et des gens qui veulent faire ce métier.
03:10 Aujourd'hui, on compte 400 000 agriculteurs en France
03:12 contre un million dans les années 90,
03:15 donc il y a eu une grosse chute.
03:17 Les fermes ont grossi aussi en taille
03:19 et que par la productivité, il y a moins d'agriculteurs
03:22 pour travailler la même surface.
03:24 Et puis c'est une profession qui est trop peu rémunératrice
03:27 pour pouvoir garder des agriculteurs sur le territoire français.
03:31 Il se trouve que dans la production laitière,
03:33 on aura bientôt plus l'autonomie, on sera bientôt plus autosuffisant,
03:36 ce qui pose quand même problème.
03:38 Mais ça, encore une fois, je crois que là derrière, il y a des décisions politiques.
03:42 Je crois que d'une manière générale, dans le monde agricole,
03:45 il y a quand même beaucoup de solidarité entre tous.
03:47 Alors pourtant, il y en a qui font de l'intensif,
03:50 il y en a qui font du raisonné,
03:53 il y en a qui font du bio,
03:54 mais globalement, il y a quand même une unité agricole qui est assez développée.
03:57 On prend toujours des conseils à gauche à droite,
03:59 on discute beaucoup avec les autres agriculteurs qu'on voit.
04:02 Et avec André aussi.
04:04 C'est des tout bons.
04:05 Il y a quelques détails que j'aurais aimé qu'ils effacent un peu mieux,
04:08 mais enfin, tant pis, il ne peut pas tout y avoir.
04:12 J'espère qu'on sera suffisamment malins pour organiser la production agricole,
04:17 parce qu'il va y avoir vraiment un enjeu planétaire de nourriture d'êtres humains.
04:21 Donc, ce n'est pas à la Start-up Nation, pour le coup, dans l'agriculture.
04:24 Donc, ça veut dire qu'il faut des décisions politiques courageuses
04:27 pour que tout le monde arrive à vivre,
04:29 déjà du métier d'agriculteur,
04:30 mais surtout que tout le monde arrive à vivre et à manger correctement.
04:33 [Sonnerie]
04:35 [SILENCE]

Recommended