À Clichy-sous-Bois, la vidéo virale d'un YouTubeur australien agace les habitants du Chêne Pointu

Le Parisien

09/12/2023

Dans la cité du Chêne Pointu à Clichy-sous-Bois, la vidéo virale d'un YouTubeur australien spécialiste du « ghetto tourisme » fait réagir des habitants soucieux de montrer un quartier déjà stigmatisé

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00:00 Il a eu un coup d'électricité ou quoi ?

00:02 Il y a des pigeons vivant dans l'un de ces voitures.

00:04 Marcher avec une GoPro, on peut marcher et après faire son interview tout seul.

00:07 En plus il parle anglais, moi aussi je peux marcher, je fais "kala wana wana wana".

00:10 Oh, on a un pigeon, je sais pas quoi. C'est trop facile.

00:13 Chaque voiture, il est abandonné et brûlé.

00:15 C'est les voitures abandonnées qui sont là-bas, on va aller les voir.

00:18 Il y a eu de la mécanique sauvage, donc il y a des voitures qui sont abandonnées.

00:21 Il y a beaucoup de gens qui sont plus là, de ce bâtiment-là.

00:23 Donc les voitures qui restent, c'est des voitures abandonnées.

00:25 C'est une réalité, on va pas nier, il a pas posé des voitures brûlées, il a pas brûlé des appartements, donc c'est une réalité.

00:31 On dirait la faute des bâtiments.

00:33 Strabli ! Victor Hugo !

00:35 Clichy subwa !

00:37 Clichy subwa !

00:38 Lui, c'est Spanian, un YouTuber australien qui voyage beaucoup.

00:43 Son truc, c'est de se promener dans les quartiers les plus défavorisés de la planète.

00:48 Full-blown ghetto !

00:53 Sauf que récemment, il s'est rendu en banlieue parisienne, à Clichy subwa,

00:58 et plus précisément dans le quartier populaire du Chêne-Pointu.

01:02 C'est là qu'ont été tournés les deux derniers films de la GIG.

01:05 Donc t'es en train de m'expliquer quoi, alors ?

01:07 "Les Misérables" et "Bâtiment 5", qui vient juste de sortir.

01:12 La cité est restée dans les mémoires, parce que c'est là qu'ont commencé les révoltes urbaines en 2005.

01:18 Les banlieues s'embrasent après la mort à Clichy subwa de deux adolescents électrocutés dans ce transformateur EDF.

01:24 La déambulation de cet Australien dans la cité a fait plus de 1,3 million de vues.

01:30 Et nous, on a voulu savoir ce que pensaient les habitants d'une vidéo aussi négative sur leur quartier.

01:35 C'est la merde, le film, la merde.

01:37 J'espère qu'ils vont tous avoir la même idée que c'est un mauvais quartier.

01:43 Parce qu'il y a des gens bien ici.

01:45 Il y a une part de vérité en soi, mais il me semble qu'il est un peu abusé dans ce qu'il a dit.

01:49 On travaille beaucoup ici.

01:51 C'est ici, on travaille.

01:52 C'est tranquille, en vrai, ici. Il y a personne qui va un peu chercher la merde, on va dire.

01:56 Moi, j'étais un peu surpris que quelqu'un vienne ici, en étranger.

01:59 C'est une mauvaise image, mais au moins, il montre ce qui se passe ici.

02:03 Il vous montre le bâtiment.

02:06 Je crois qu'il a fait un tour ici, le collègue.

02:08 Il va venir ici, tu filmes, comme ça, sans nous prévenir.

02:12 Faut prévenir les gens un peu.

02:13 Je me suis dit qu'il avait peur, mais il est venu le matin.

02:16 En vrai, il n'avait rien à voir, il n'a pas parlé avec les gens.

02:18 On n'est même pas méchants.

02:19 C'est juste nos bâtiments, regardez comment ils sont.

02:21 C'est vraiment délabré, il faut nous aider.

02:23 Regardez, il n'y avait plus de panneau, il n'y avait plus d'adresse.

02:26 Deux, ici. Deux font son ravelé, ici.

02:29 Regardez, les boîtes à lettres comme d'hab.

02:31 Les boîtes à lettres sont ouvertes.

02:33 Si tu as un vélo, tu ne peux même pas aller dans ta cave.

02:35 C'est trop sale, c'est trop, trop, trop sale.

02:37 Après, on dirait que la ville s'améliore.

02:39 La ville s'améliore ?

02:40 Oui, là, ils ont fait un nouveau bâtiment.

02:42 Là, ils vont casser tous les autres bâtiments.

02:45 Je pense que ça va mieux aller.

02:47 Il faut ça pour que la ville évolue, on va dire.

02:49 Pour qu'elle se modernise.

02:50 Et s'il y en a un qui connaît par cœur cette cité,

02:58 et les transformations en cours, c'est Moussa Sissé.

03:01 Il est acteur et il est passé par la célèbre école Courtrage-Mai,

03:04 implantée juste à côté à Montfermeil depuis 2018.

03:08 J'ai grandi à Clichy-sous-Moi.

03:10 J'ai 38 ans, ça fait 38 ans que j'habite ici.

03:12 J'ai vu l'évolution de la ville, j'ai vu le avant, le pendant.

03:16 Et j'imagine même le...

03:17 Après, on arrive au chêne pointu.

03:19 On a le centre commercial.

03:23 Et comme vous pouvez le voir, il n'y a pas grand monde.

03:28 Mais ce centre commercial, il va bientôt être détruit.

03:31 Donc là, il reste quelques commerces qui sont ouverts.

03:33 Il y a des rénovations qui sont en cours.

03:34 Pour vivre ici, pour comprendre les choses,

03:36 il ne faut pas passer une fois et dire "il y a eu ça, il y a ça, il y a ça".

03:39 Ce n'est pas une bonne publicité, c'est une réalité visuelle.

03:43 Après, d'extrapoler les choses, moi je trouve ça pas juste.

03:47 C'est facile.

03:48 Il n'a parlé à personne, il a fait son propre interview en fait.

03:51 Même pas accompagné, même pas d'interview pour demander les conditions aux gens.

03:55 Prendre que des clichés, faire un montage et montrer ce que c'est la ville.

04:00 Ce n'est pas ça la ville.

04:01 Ce n'est pas que ça une ville.

04:02 Donc, calm down, monsieur l'Australien.

04:04 Ça m'énerve parce que c'est comme s'il ne se passait rien et que c'était délaissé.

04:08 Alors que ce n'est pas délaissé, il y a un projet.

04:10 Il va être détruit.

04:11 On voit qu'ils ont commencé déjà à barricader un petit peu sur les côtés.

04:15 Et pareil pour Mermoz qui est plus bas.

04:17 Ça va être la même chose.

04:19 Donc là, il y a un hall qui n'a pas été refait.

04:24 Il est parti dans un local poubelle, un ancien local poubelle qui a été abandonné

04:32 parce que les poubelles ont été mises à l'extérieur.

04:35 Ils demandent si c'est un appartement.

04:37 C'était là, mais il est fermé.

04:38 Ils ont dû mettre une serrure pour bloquer.

04:40 Après, les halls sont tous pareils.

04:43 Tous ceux qui vont être détruits, c'est sûr qu'ils ne font pas de travaux dans les parties communes.

04:46 Pourquoi réparer quelque chose qui va être détruit ?

04:48 Moi, ça m'évoquerait parce qu'en fait, nous, on a grandi ici.

04:55 Pendant combien d'années, il n'y a pas eu d'ascenseur qui marchait, etc.

04:59 Maintenant, ça marche.

05:00 Mais il y a des moments où ça ne marchait pas.

05:02 Ça appartient à un syndic.

05:03 Les syndics, on ne les voit jamais.

05:06 Donc, après, avec le temps, c'est sûr que ça se dégrade.

05:09 Surtout qu'après les émeutes de 2005, c'est là où ça a commencé vraiment à être délaissé.

05:13 Depuis leur construction dans les années 60,

05:16 ces bâtiments ne sont pas des HLM, mais des copropriétés privées,

05:20 gérées par des syndics plus ou moins fiables.

05:22 Et au fil du temps, elles sont habitées par des gens de moins en moins riches.

05:26 De plus en plus, les charges restent impayées et les bâtiments se dégradent très rapidement.

05:31 Aujourd'hui, ces tours renferment plus de 1 200 appartements privés,

05:35 parfois loués par des marchands de sommeil à des familles très pauvres.

05:39 Elles prennent de la place.

05:42 Quand on les voit comme ça, ça prend tout l'espace de la ville.

05:46 Petit à petit, ils enlèvent les gens pour pouvoir évacuer totalement,

05:50 pour pouvoir commencer les travaux, en fait.

05:51 Dès qu'il y a une négociation qui se fait, hop, le logement, il se vide

05:54 et ça reloge les gens, quoi.

05:56 C'est pas des logements sociaux, donc les gens sont en négociation

05:59 aussi par rapport à le prix qu'ils avaient mis.

06:02 Quand ils vont détruire tous les autres bâtiments qu'on a vus,

06:05 ça va ressembler à ça et c'est super bon.

06:07 Les petits bâtiments qu'on voit ici, c'est l'ancien tour Ronsard qui a été détruit.

06:11 Et justement, ils ont construit plein de petits bâtiments tout autour.

06:15 Pour présenter comme "habité par Spaniennes", cette tour est complètement vide.

06:19 On peut plus rentrer dans ce bâtiment-là parce qu'il n'y a plus personne qui habite là.

06:22 Ça a été le dernier film de l'âge de l'île, il a été tourné là, bâtiment 5.

06:26 Ça, c'est le bâtiment de Vedrin.

06:38 Il est à un peu de mauvaise foi, ou en tout cas, je ne sais pas,

06:41 il découvre le quartier sans savoir réellement ce qui s'y passe.

06:45 Mais là, il est complètement dans la désinformation.

06:51 Je pense qu'à un moment donné, il faut qu'on puisse aussi protéger l'image de la ville

06:54 parce qu'il y a quelque chose de l'ordre de la déinformation, de la stigmatisation.

07:01 Et donc, je pense qu'à un moment donné, il faut qu'on se pose ces questions-là.

07:03 Vous, vous êtes là aujourd'hui avec votre caméra.

07:07 On est rentré à l'intérieur de la cité, on est dans le quartier.

07:09 Je ne sais pas, il vous arrive quelque chose ?

07:11 Non ? Donc, son but, ce n'était pas d'aller connaître les quartiers,

07:14 de voir ce qui se passe réellement, quelle était la vie de ce quartier.

07:17 C'est vraiment de montrer le hood.

07:19 C'est comme si il n'y avait plus d'attentat.

07:22 Dans la vidéo, ils disent qu'il n'y a rien qui est fait, que c'est totalement à l'abandon.

07:25 Comment vous réagissez-vous à ce type de propos ?

07:27 C'est complètement faux.

07:29 C'est inscrit dans un dispositif d'État, des opérations de sécurité.

07:33 Oui, on a des panneaux de signalisation qui indiquent qu'il y a des travaux d'urgence qui ont été mis en place.

07:40 Les travaux d'envergure ne vont pas être faits parce que c'est vous à la destruction.

07:44 Une partie de la ville non négligeable qui est effectivement partie pour des travaux sur plusieurs années,

07:49 avec une nouvelle école, un parc qui va être réhabilité.

07:53 J'ai des amis qui n'ont pas remis les pieds depuis plusieurs années.

07:56 Pour eux, c'est méconnaissable, complètement.

07:58 Ils voient un tramway, ils voient de nouvelles habitations.

08:01 Le conservatoire, je tiens énormément à vous le montrer, madame,

08:04 parce que c'est très important dans notre ville.

08:06 Il est beau, en plus.

08:08 Et notre ami australien, il n'a pas filmé ça.

08:11 C'est bon.

08:13 Pourtant, on est juste à côté du chien de pointue.

08:16 Quand on fait comme ça et quand on fait ça, c'est vrai qu'il y a un contraste.

08:19 Mais dans 10 ans, je pense que ça va être partout pareil et ça va être tout neuf.

08:24 Les gens vont nous envier.

08:26 On a été patient longtemps et on l'est toujours.

08:29 On n'est pas pressé, nous.

08:31 On est endurant.

08:33 C'est quoi ?

08:39 Je ne sais pas. Ce n'est pas des canards.

08:41 On n'est pas en Australie, il n'y avait pas de kangourous.

08:43 C'est calme.

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