LA BANDE PREND LE POUVOIR - Le tourisme de "ghetto" qui irrite les habitants

  • l’année dernière
La bande de 22H Max réagit à la vidéo du youtubeur australien Spanian dans laquelle ce dernier visite le quartier du Chêne Pointu à Clichy-sous-Bois.

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Transcript
00:00 C'est vous qui commencez Nora, vous prenez le pouvoir.
00:02 - Ah c'est moi ? - Oui, c'est vous.
00:03 - Ah c'est moi ? - Oui, j'ai décidé que c'était vous.
00:04 Avec un tourisme d'un nouveau genre, je planque les choses.
00:06 Vous nous direz dans un instant si c'est de mauvais goût ou pas.
00:08 Le monsieur que vous allez voir, que vous voyez là, est un YouTuber australien.
00:11 Il s'appelle Spagnan et il vient de mettre en ligne la vidéo dans laquelle il visite
00:14 Clichy-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, quartier du chêne pointu.
00:17 Il visite systématiquement Spagnan, des quartiers difficiles partout dans le monde.
00:22 Là, il montre à Clichy-sous-Bois, les immeubles délabrés, les centres commerciaux déserts, les carcasses de voitures. C'est de mauvais goût ?
00:28 - Ah oui, oui, c'est de mauvais goût. Mais on a bien vu à quel point, depuis quelques années,
00:33 ce tourisme de ghetto, tout comme le tourisme d'immorbide sur des zones de guerre,
00:38 à Auschwitz, avec des gens qui se prennent en selfie, par exemple, avec des charniers
00:44 ou alors ce qu'ils représentent, des charniers derrière eux, devient un objet de fascination.
00:50 - Et donc, ce monsieur a été faire 30 minutes de vidéos à Clichy-sous-Bois.
00:55 Il y a d'autres vidéos sur son compte YouTube où il va montrer à quel point,
01:00 mais regardez comme c'est sale, regardez la tête de ces enfants.
01:03 Et là, il y a un étron, et là, il y a un rat. Mais comment on peut vivre dans des horreurs pareilles ?
01:06 Et là-dedans, évidemment que les habitants du chêne pointu, qui est, disons-le,
01:11 une des plus grandes propriétés dégradées d'Europe, on sait que Olivier Klein et avant lui,
01:16 Claude Delin, maire de Clichy-sous-Bois, où on périt Zia Débouna en 2005,
01:20 qui avait donné lieu à des semaines de révolte urbaine, on prionbrage de ça.
01:28 Et ça m'a marquée parce que je me suis dit, tiens, il y a quelque chose de l'ordre,
01:31 on s'organise pour faire en sorte de dire, en fait, on ne veut plus de cette opprobre,
01:35 on ne veut plus qu'on soit traité comme ça. Et il faut se souvenir qu'à l'époque du plan Borloo,
01:40 ce plan Borloo qui a été enterré par Emmanuel Macron après des semaines de travail,
01:46 Jean-Louis Borloo, après avoir réuni beaucoup de maires concernés, avait demandé de mettre en œuvre
01:52 ce qu'on appelle une forme de discrimination, de diffamation territoriale, un délit de diffamation territoriale.
01:58 Donc le plan a évidemment été enterré, mais c'est quelque chose qui m'a rappelé à quel point
02:02 justement ce traitement vilain finit par toucher les populations et donc ce tourisme morbide,
02:08 enfin ce tourisme de ghetto, au même titre que le tourisme morbide qu'on peut avoir dans des camps de réfugiés
02:13 ou à Auschwitz ou ailleurs, est absolument ignoble.
02:16 Je vais citer les habitants de Clichy-sous-Bois dans Le Parisien aujourd'hui.
02:19 Il faut vivre ici pour comprendre les choses. C'est facile ce qu'il a fait.
02:22 Il n'a parlé à personne et a fait sa propre interview.
02:25 Ça c'est Moussa Sissé qui est un acteur qui vit là-bas, qui a vécu à Clichy-sous-Bois,
02:30 qui le dit dans Le Parisien. Son but n'était pas d'aller connaître les quartiers,
02:33 de voir ce qu'il s'y passe réellement, quelle était la vie dans ces quartiers.
02:36 Ça c'est l'adjoint au maire de Clichy-sous-Bois qui le dit, mais dit Bigaderne.
02:39 Votre réaction à Nakabana ?
02:41 Non mais ça, il n'y a pas de doute que ça tire tout vers le bas.
02:44 C'est-à-dire qu'il y a quand même une folklorisation de la détresse sociale, de la détresse urbaine.
02:56 Je trouve que c'est assez affligeant, mais on est dans cette spectacularisation.
03:03 Ça ne va pas s'arrêter. Le fait même qu'on en parle, c'est presque lui donner trop de crédit.
03:10 Oui mais vous savez, le crédit, il ne nous a pas attendu.
03:14 La vidéo qu'il a postée là, elle est à un million et demi de vues déjà.
03:18 Oui mais c'est bien ça le problème. On aimerait bien moins de tam-tams, moins de trompettes,
03:24 autour de ce genre d'initiatives qui doivent nous attirer, nous soutirer des soupirs un peu affligés.
03:30 On est un peu dans le dark tourisme sur une version un peu sociologique française.
03:35 On va se promener dans des zones de guerre, dans des zones où il y a un danger, où il y a un déséquilibre.
03:41 Et là, on dit que sur le territoire français, on peut trouver des zones des territoires.
03:45 C'est quand même exploiter une forme de détresse, une forme d'angoisse, une forme de misère.
03:49 Alors ça serait dans une démarche "je vais" pour éclairer, faire savoir, porter secours, faire prendre conscience.
03:55 Mais là, on est vraiment dans une observation.
03:57 C'est quelqu'un qui va voir une tragédie et qui dit "regardez ce qui se passe, c'est près de chez vous finalement".
04:02 La seule chose qu'il a envie de montrer c'est lui. C'est lui dans le décor.
04:06 On est dans le monde de ce narcissisme égoïste qui caractérise notre époque.
04:11 C'est la tyrannie du selfie.
04:12 Alors en effet, du selfie devant Auschwitz ou du selfie devant les rats qui courent dans ces ghettos,
04:17 c'est à peu près la même chose. Ce qui compte c'est de se montrer soi-même.
04:20 Ça, le mal de l'époque.
04:22 Oui, mais le problème c'est qu'en fait on n'a pas de possibilité nous de réguler et de faire en sorte qu'on puisse attaquer.
04:29 Voyez les dégâts que ça peut faire.
04:31 Imaginez des Australiens ou des gens en Corée qui regardent cette vidéo et qui disent "en fait c'est ça la France".
04:39 Il y a quelque chose effectivement de l'ordre du monde.
04:42 Ça peut être du pareil surtout.
04:43 Mais non mais bien sûr.
04:44 C'est toujours le dénigrement.
04:46 Oui, et là il y a un profond mépris.
04:48 Regardez ces sales gens qui vivent dans des sales endroits.
04:51 Et en fait je me suis dit "tiens, ce serait peut-être pas inintéressant finalement d'attaquer et de remettre, enfin d'attaquer,
04:56 de faire en sorte que cette idée de diffamation territoriale, diffamée parce que en fait regardez comme vous êtes méprisants, vous êtes des petits,
05:03 soit que il y ait la possibilité pour les premiers concernés de se lever collectivement pour dire "bon, c'est pas possible".
05:10 Il y a aussi quand même des habitants qui disent "ok, c'est mal, il y a un côté tourisme malsain etc."
05:15 Mais ça montre aussi dans quel quartier les habitants vivent.
05:20 Et dans quel quartier la réhabilitation du chêne pointu dont on parlait en 2005 au moment des émeutes et j'y étais,
05:26 elle n'est toujours pas terminée.
05:28 Parce que l'Etat ou les autorités ont racheté déjà 1000 appartements.
05:35 Mais parce que c'est une copropriété, Maxime.
05:37 C'est bien ça en fait le sujet.
05:39 C'est que là on parle d'une copropriété dégradée.
05:41 Vous avez l'équivalent à Grigny, c'est le quartier de Grigny 2, vous avez des marchands de sommeil.
05:45 Mais vous avez des... enfin malheureusement en fait c'est toute la détresse sociale qui vient et toute la misère qui vient dans cet impasse.
05:52 Et là il faut racheter pour casser, pour réhabiliter et ça prend des années.
05:58 Et alors je vous raconte même pas, quand on parle de marchands de sommeil,
06:01 on a aujourd'hui des familles qui peuvent vivre dans des appartements divisés, des trois pièces en fait.
06:08 Je me souviens d'une maman qui racontait qu'elle avait une chambre et qu'elle laissait sa fille adolescente
06:13 et qu'il y avait des hommes dans les pièces d'à côté.
06:15 Est-ce que vous vous rendez compte des dangers dans lesquels potentiellement ces jeunes femmes sont ?
06:19 On voit bien à quel point cette misère ne peut pas être un espace de spectacle.
06:24 Donc si on a des choses à dire, on les montre, on fait un documentaire, on fait un reportage en disant...
06:28 - Et on entend les gens sur place.
06:30 - Voilà, en mettant les premiers concernés au centre et en entendant leur parole.
06:33 Mais là, c'est vraiment... Evidemment, je ne vais pas mettre Auschwitz et le chêne pointu sur le même plan,
06:41 mais il y a quelque chose de profondément morbide.
06:46 - Obscène, au sens propre, obscène.

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