Emeutes : "En France, ce qui caractérise les quartiers populaires, c’est l’omniprésence de l’Etat"

Public Sénat

06/12/2023

"En France, ce qui caractérise les quartiers populaires, c’est l’omniprésence de l’Etat", explique Denis Merklen, sociologue et professeur à l’université Sorbonne Nouvelle, auteur de Pourquoi brûle-t-on les bibliothèques ? (Presses de l’Enssib, 2013)

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00:00 que cette expérience de la citoyenneté ou cette politicité évolue dans le temps.

00:04 Et pour saisir ce qui se passe dans les quartiers populaires, il faut avoir une attention particulière

00:19 à la relation ou au rapport des habitants et du groupe. C'est pas pareil le groupe que les

00:27 personnes ou les familles avec les institutions. Parce qu'il y a une spécificité française,

00:37 pas exclusivement française, mais pour des gens qui travaillent aussi ou qui enquêtent

00:42 dans d'autres horizons quand on fait, quand on mène une démarche comparative, dans des sociétés

00:50 à caractère plus libéral ou dans des sociétés plus pauvres comme celle d'Amérique du Nord par

00:56 exemple ou dans des sociétés plus pauvres où l'état a un caractère segmentaire incertain,

01:05 où l'état social est moins fréquemment présent. Ce qui caractérise un quartier populaire, c'est

01:14 l'absence de l'état. En France, ce qui caractérise la vie des habitants du quartier populaire,

01:21 c'est l'omniprésence de l'état. Il faut s'interroger très précisément à propos de la

01:28 manière dont ces familles et ces personnes trouvent solution à la plupart des problèmes

01:33 qui concernent la vie quotidienne, qui est la leur. L'éducation, la santé, le logement,

01:41 la culture, le sport, les transports, tout cela et plus est entre les mains d'institutions publiques.

01:52 Et cette expérience de la vie quotidienne, c'est-à-dire le fait que les problèmes ne trouvent

02:00 pas leur solution ni par la solidarité locale, ni dans le marché, en payant avec son salaire des

02:06 services par exemple ou en accédant à des biens avec son salaire, fait qu'il y a une conflictualité

02:11 qui est directement politique. La vie quotidienne de ces personnes est directement politisée parce

02:19 qu'ils sont en conflit recurrent et quotidien avec un fonctionnaire, un agent représentant

02:27 de l'institution qui prend des décisions et qui est un fonctionnaire, un membre de la fonction

02:32 publique, derrière lequel se trouvent les autorités, les élus, le personnel politique. Et donc il y a

02:40 une politisation immédiate de la conflictualité sociale et ça c'est une note majeure, une coordonnée

02:50 principale à l'intérieur de laquelle se trouvent les équipements culturels. Deuxième élément, et je

02:58 vais y revenir plus précisément, mais deuxième élément sur lequel je voudrais attirer l'attention,

03:02 c'est ce que vous pouvez appeler l'historicité de l'émeute. L'historicité est double. D'une part,

03:08 et ça a été rappelé, c'est une histoire qui commence disons en 1979 ou au début des années

03:15 des années 80 et où on observe de cette relative unité des classes populaires en France autour de

03:24 la classe ouvrière le détachement d'un segment, d'une partie, qui se manifeste par l'émergence

03:31 d'un nouveau répertoire de l'action collective pour ce qui relève de notre jargon de ce qu'ils

03:37 faisant de la sociologie politique.

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