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  • 25/11/2023

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00:00 - On en parle avec notre invitée Céline Bardet, juriste spécialisée
00:03 dans les questions de crimes de guerre,
00:06 fondatrice de l'ONG "We are not a weapon of war".
00:09 Merci d'être avec nous sur France 24.
00:12 Les femmes n'ont pas été épargnées lors de l'attaque du 7 octobre.
00:16 La police israélienne enquête depuis le 14 novembre
00:19 sur des violences sexuelles,
00:21 dont des viols et des mutilations commises par des hommes du Hamas.
00:25 Qu'a pu établir à ce stade cette enquête ?
00:28 - Alors, je ne le sais pas précisément,
00:31 parce que, justement, c'est la police israélienne qui enquête.
00:36 C'est assez difficile pour le moment d'avoir des éléments très clairs.
00:40 Moi, je l'ai dit sur votre plateau il n'y a pas très longtemps,
00:44 je pense qu'il faut une enquête indépendante internationale
00:47 sur cette question, parce qu'on voit bien
00:49 qu'elle fait l'objet de beaucoup de dissensions,
00:52 y compris de beaucoup de reproches
00:54 des organisations de la société civile israélienne
00:57 vis-à-vis des organisations féministes, etc.
01:01 Donc, il faudrait qu'il y ait un travail d'enquête poussé
01:05 pour qu'on puisse établir ce qui s'est passé précisément.
01:08 - On l'a entendu de la bouche d'une manifestante,
01:11 qu'on a entendue il y a quelques instants.
01:14 Beaucoup s'interrogent sur ce silence supposé
01:16 des organisations féministes sur ces violences sexuelles
01:20 dont ont été victimes nombre de femmes israéliennes
01:23 lors de l'attaque du 7 octobre.
01:25 Vous qui suivez ce dossier, qu'en pensez-vous ?
01:27 - Alors, déjà, mon organisation, We are not weapons of war,
01:33 on s'est...
01:34 On s'est...
01:35 Comment dire ? Manifestée dès après le 7 octobre.
01:39 Donc, sur ça, nous, on n'a pas de problème.
01:42 Mais il faut savoir que nous, on est une organisation
01:45 qui travaille sur les violences sexuelles liées au conflit
01:48 ou sur les zones de crise.
01:49 Après, je trouve que l'espèce de forme de violence
01:52 qu'il y a à l'encontre des organisations féministes
01:55 parce qu'elles ne se seraient pas exprimées, etc.,
01:58 je la trouve quand même assez injuste.
02:01 Et en fait, celle qui est faite
02:03 à l'encontre des organisations des Nations unies,
02:07 je pense qu'il faut comprendre aussi
02:09 que les organisations, elles, peuvent s'exprimer
02:12 quand il y a des éléments assez solides
02:16 pour établir qu'il y a eu des violences sexuelles.
02:19 Pas qu'elles soient prouvées totalement, mais des éléments.
02:22 Ce qu'on sait aussi, c'est qu'en Israël,
02:24 pour plein de raisons qui ne sont pas de leur faite non plus,
02:28 la sidération, le fait de combattre,
02:30 de nettoyer leur territoire pendant plusieurs jours,
02:33 etc., ces enquêtes n'ont pas été faites en priorité.
02:36 Et donc, c'est un travail qu'il faut faire aujourd'hui.
02:39 Et moi, je le répète, si les Israéliens veulent de l'aide,
02:42 mon organisation, "We are not weapon of war",
02:44 on fait ce travail-là, on est prêts à aider,
02:47 et je pense que c'est important de le faire.
02:50 - Est-ce que peut-être l'aide fournit, justement,
02:52 à Israël sur ce sujet ?
02:54 - Alors, je pense que, déjà, c'est compliqué pour les policiers
02:59 parce qu'ils n'ont jamais vécu quelque chose comme ça,
03:02 comme ça arrive, on l'a vu avec l'Ukraine aussi,
03:04 qui a expliqué qu'ils étaient assez démunis devant cela.
03:08 Il faut documenter.
03:09 La complexité aussi à laquelle fait face Israël,
03:12 c'est que, pour le moment, et je dis bien "pour le moment",
03:15 parce qu'on ne sait pas ce qui peut se passer
03:18 mais il semblerait qu'il y a quand même des exactions
03:20 qui ont été commises à l'encontre de femmes et de filles
03:24 le 7 octobre, qu'il y a certaines vidéos, certaines images,
03:27 mais que les femmes qui auraient été violées ont toutes été tuées.
03:31 Donc, il faut faire un travail basé sur les enquêtes médico-légales,
03:35 si elles sont possibles, avec toute la difficulté qu'il y a
03:38 puisque les corps sont très dégradés,
03:40 et puis un travail avec des témoignages,
03:43 de visionnage des vidéos, et tout un travail de contexte,
03:46 qui est le travail qu'on fait sur plein d'autres zones.
03:49 -Une pétition qui rassemble en France
03:51 près de 20 000 signatures, dont celle de la maire de Paris,
03:55 Anne Hidalgo, ou de la chanteuse et actrice Charlotte Gainsbourg,
03:58 demande que l'attaque du 7 octobre soit reconnue
04:01 comme un féminicide de masse. C'est important ?
04:05 -Je ne sais pas.
04:08 Enfin, ça, ce sont des positions...
04:10 Je ne sais pas comment dire, militantes ou idéologiques,
04:14 et venir avec cette question de féminicide,
04:17 c'est important de parler de féminicide,
04:19 mais je suis juriste, et quand on parle d'un crime de masse
04:22 comme celui qui est arrivé le 7 octobre,
04:24 on parle d'enquête, de documentation et de qualification.
04:28 Le féminicide, c'est pas une qualification juridique,
04:31 et pour qu'on puisse établir qu'il y a un féminicide de masse,
04:34 il faudrait que l'on démontre que les femmes et les filles
04:37 ont été particulièrement visées ou entièrement visées
04:41 par cette attaque, ce qui ne me semble pas être le cas.
04:44 On a parlé dans le débat public de ces questions-là,
04:47 bien sûr que c'est important, mais là, il faut absolument
04:50 documenter, établir ce qui s'est passé.
04:52 On ne peut pas être sur des allégations...
04:55 -Toutes ces questions sont prématurées ?
04:57 -Oui, bien sûr que c'est prématuré.
04:59 Il faut qu'il y ait un travail d'enquête,
05:01 la police est en train de le faire,
05:03 il faut continuer à le faire,
05:05 et il faut qu'on ait des éléments qui soient clairs.
05:08 Après, je pense que c'est tout à fait probable,
05:11 possible et probable, qu'il y ait eu des crimes sexuels
05:14 le 7 octobre. 1500 hommes arrivent sur un territoire
05:17 comme ça en une journée, ce serait étonnant
05:19 qu'il n'y en ait pas eu, mais il faut l'établir.
05:22 -D'autant que les femmes sont, on le sait,
05:25 les principales victimes de violences sexuelles
05:28 en temps de guerre, quelle que soit la zone géographique.
05:31 Pour les survivantes, cette fois, même s'il n'y en a pas,
05:34 en l'occurrence, concernant l'attaque du 7 octobre,
05:37 comment les prendre en charge, spécifiquement ?
05:41 -Alors, moi, j'ai un côté beaucoup plus juriste,
05:44 c'est-à-dire qu'on travaille à la documentation,
05:46 les témoignages, pour pouvoir réunir suffisamment d'éléments
05:50 pour des poursuites judiciaires.
05:52 Mais la prise en charge, elle est extrêmement importante aussi.
05:55 Elle inclut une prise en charge médicale, psychologique,
05:58 et aider ces femmes à se reconstruire.
06:01 Il ne faut pas oublier que les violences sexuelles
06:03 dans les conflits ou les zones de crise,
06:06 ce sont des violences sexuelles souvent faites en public,
06:09 communautaires, des femmes qui sont parfois rejetées par leur famille,
06:13 donc il faut les accompagner dans ce travail-là.
06:16 Il y a aussi les enfants nés du viol,
06:18 dont il faut parler aussi, c'est important.
06:20 C'est tout un travail holistique global
06:22 qu'il faut construire autour de ces femmes et de ces survivantes,
06:26 qui, en effet, sont en grande majorité victimes
06:29 de ces violences sexuelles.
06:30 J'ajoute aussi qu'il y a toute la violence sexuelle
06:33 que subissent les femmes et les filles sur les routes migratoires,
06:37 qui est aussi démentielle en termes de chiffres,
06:40 même s'il y a très peu encore d'études qui sont faites là-dessus.
06:44 -Le viol est défini comme un crime de guerre
06:46 dans le statut de Rome de 1998,
06:48 acte fondateur de la CPI, la Cour pénale internationale.
06:51 Pourtant, il reste largement impuni.
06:54 -Alors, déjà, il était établi aussi
06:56 comme élément constitutif de crimes internationaux
06:59 dans les tribunaux ad hoc,
07:01 les tribunaux pour l'ex-Yougoslavie et pour le Rwanda.
07:04 Il y a eu des condamnations,
07:06 notamment au Rwanda, où le viol a été qualifié
07:09 d'élément constitutif de génocide.
07:11 Donc, il y a eu des condamnations.
07:13 Il ne faut pas dire qu'il n'y en a pas.
07:15 Après, je pense qu'il n'y en a pas suffisamment.
07:18 Pour l'instant, devant la CPI, on est un peu devant le grand vide
07:22 s'agissant des violences sexuelles.
07:24 C'est important, et je le rappelle tout le temps,
07:26 que quand il y a un crime de masse, quand il y a des conflits,
07:30 il faut que les enquêtes sur les crimes sexuels soient faites
07:33 au même moment que tout le reste.
07:35 Les violences sexuelles doivent en faire partie.
07:38 Je pense qu'on progresse, mais c'est compliqué devant la justice
07:41 parce qu'il y a aussi la question des preuves,
07:44 et souvent, on n'en a pas.
07:46 Les preuves sont souvent sur les témoignages,
07:48 et c'est important que les victimes soient accompagnées
07:51 dans les processus judiciaires.
07:53 C'est tout ce travail-là.
07:55 Et puis, il faut un changement sociétal,
07:57 il faut une prise de conscience,
07:59 de comprendre que les violences sexuelles existent,
08:02 elles sont importantes, que ce soit dans les conflits
08:05 ou dans le pays, au niveau du droit commun.
08:08 Il faut qu'on prenne conscience de ça,
08:10 qu'on s'attaque à ça réellement.
08:12 -Merci infiniment, Céline Bardet, d'avoir répondu à nos questions

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