Trois jours après l'assassinat de Dominique Bernard au lycée Gambetta de Arras, l'un de ses collègues s'est confié au micro de Julien Sellier. Il s'appelle Martin Doussau, est professeur de philosophie, et il s'est retrouvé face au meurtrier dans l'établissement vendredi dernier. Regardez L'invité de RTL Soir du 16 octobre 2023 avec Marion Calais et Julien Sellier.
00:02 Julien Cellier, Marion Calais et Cyprien Sini.
00:07 RTL bonsoir jusqu'à 20h.
00:10 Et RTL bonsoir, l'émission continue. Nous retournons maintenant à Arras, journée de recueillement, vous le savez aujourd'hui au lycée Gambetta,
00:18 collège lycée, trois jours après l'assassinat du professeur Dominique Bernard. Ce soir notre invité est l'un de ses collègues. Bonsoir Martin Dousseau.
00:25 Vous êtes professeur de philosophie, vous vous êtes retrouvé d'ailleurs face aux meurtriers dans l'établissement vendredi dernier.
00:32 On imagine que cette journée d'aujourd'hui fut une journée à la fois très émouvante et très éprouvante. Il y a eu ce moment de recueillement à 14h.
00:39 On a vu beaucoup d'élèves dès ce matin se rendre dans votre collège lycée avec des roses à la main.
00:46 Il y avait une émotion collective aujourd'hui. Oui, oui, oui, les élèves sont venus en très grand nombre effectivement,
00:53 avec beaucoup d'émotions et beaucoup de choses aussi à dire.
00:56 Beaucoup ont pu témoigner de leur attachement
00:59 à cet enseignant qui a laissé de très grandes empreintes
01:04 chez les élèves. Voilà donc effectivement beaucoup beaucoup d'émotions.
01:08 Et voilà les professeurs étaient effectivement là et monsieur Vieban, notre proviseur, a effectivement
01:13 adressé à chacun un message, un message aussi de
01:17 d'espoir et
01:20 de confiance. Votre lycée a malheureusement été évacué dans la matinée après une fausse alerte à la bombe, un comportement
01:27 d'un cynisme révoltant. J'imagine que vous, enseignant, élève, vous avez été alors pris d'une
01:34 d'une immense fatigue, fatigue morale sans doute ? Ecoutez, je pense qu'il n'y a pas grand chose à dire sur cet acte qui est effectivement assez bête et méchant.
01:41 Bon, on n'avait pas besoin de ça effectivement en plus, mais je pense que ça n'empêchera pas la reprise
01:48 la reprise des cours et vous voyez l'hommage a quand même été rendu à 14 heures donc bon voilà
01:53 on tourne la page assez vite. Des élèves de votre lycée disaient ce matin au micro-RTL "on a peur que cela se reproduise".
02:01 Il faut trouver les mots maintenant pour rassurer ces élèves. On sait que c'est une tâche qui est
02:05 difficile malheureusement. Oui mais voilà avec effectivement
02:09 le devoir pour nous de faire en sorte que la peur ne s'installe pas, que la confiance soit
02:16 effectivement rétablie très vite. Mais effectivement il sera difficile de trouver les mots, de trouver les mots justes, peut-être de déraciner
02:23 un certain nombre de choses ou de l'idée enracinée qui
02:27 pourrait empêcher la reprise sereine des cours. Emmanuel Macron veut que l'école reste un sanctuaire. Le ministre de l'éducation nationale
02:34 lui assure qu'il veut protéger les établissements scolaires. C'est ce que vous attendez
02:39 du gouvernement ? Vous avez des demandes précises ? Le mot effectivement est
02:44 souvent utilisé pour parler de l'école au sens où
02:46 l'école doit être un lieu protégé d'un certain nombre de dissensions et de
02:51 problèmes qui divisent la société. Et ça effectivement l'école doit rester de ce point de vue là un sanctuaire. Mais on n'attend pas non plus de
02:57 l'école qu'elle devienne une forteresse armée ou hyper surveillée. Donc c'est pas non plus ce qu'on attend. On est conscient du fait qu'il faudra peut-être
03:05 renforcer certains dispositifs de protection sur les abords. Voilà qu'il faudrait peut-être être plus lucide, mieux préparé.
03:14 Il y a certainement des choses à faire et on les fera. C'est certainement dans le lycée.
03:17 Mais on ne souhaite pas non plus que l'école soit quelque chose
03:21 qui alimente constamment une atmosphère, un climat de peur si vous voulez. On ne veut pas ça du tout.
03:28 Nous sommes aujourd'hui le 16 octobre. Il y a trois ans, jour pour jour, Samuel Paty était assassiné. L'avocate de sa famille était d'ailleurs ce matin sur RTL.
03:35 Elle estime que c'est la figure même du professeur qui une nouvelle fois a été attaqué et que les choses ont empiré en trois ans. Est-ce que
03:42 c'est aussi votre sentiment, Martin Dousseau ? Oui, alors effectivement on a le sentiment que quelque chose s'est répété au lycée Gambetta.
03:49 Effectivement avec l'assassinat
03:51 devant l'établissement de Dominique Bernard. Quelque chose effectivement ressemble un peu à ça.
03:56 De vouloir frapper de manière aussi aveugle et de manière
04:01 peut-être symbolique le professeur qui porte un certain nombre de valeurs.
04:05 Effectivement, oui, il y a quelque chose qui ressemble
04:09 un peu à une réplique et effectivement ça nous afflige beaucoup. Dans cet attentat de vendredi,
04:13 Dominique Bernard a été tué. Il y a eu des blessés graves.
04:15 David, un professeur de PS, Jacques, un agent territorial.
04:18 Est-ce que vous avez des nouvelles de vos collègues ? Oui, alors on en demande effectivement régulièrement. Écoutez,
04:24 on a eu beaucoup d'inquiétudes pour Jacques, effectivement,
04:28 l'agent territorial, qui a été la personne la plus blessée et qui a été, je me permets de le dire, la personne véritable la plus héroïque.
04:36 C'est vraiment lui qui a été confronté de la manière la plus
04:40 la plus dure et qui a payé le prix le plus cher, le plus lourd. Voilà, donc cette personne est actuellement hors de danger.
04:47 Et
04:49 concernant David aussi, on a des nouvelles qui sont tout de même convenables, mais qui sont bonnes, mais
04:53 on sait qu'il est très sévèrement blessé. Vous avez retrouvé vos collègues ces dernières heures. Est-ce qu'entre vous, vous avez
05:01 échangé autour de la trajectoire du meurtrier Mohamed Mogouchkov, ancien élève du lycée ?
05:07 Vous dites que vous avez eu le sentiment que le travail que vous aviez mené auprès de lui et la communauté éducative avait ensuite été
05:12 défait, qu'il avait commencé à grandir lors de son passage au lycée, avant de basculer quelque part dans
05:18 l'horreur. C'est ce sentiment-là qui prédomine chez vos collègues dans la communauté éducative au lycée Gambetta ?
05:23 Tout à fait. Alors j'ai pu cet après-midi rediscuter avec des collègues qu'il avait eus, notamment son professeur de russe.
05:29 Il parlait parfaitement russe, il était tout à fait présent au cours, il posait des questions.
05:34 Il était bilingue, mais c'était quelqu'un qui déployait une vraie intelligence, des textes, et qui
05:40 avait le souci d'évoluer, même socialement, de trouver un travail rapidement.
05:45 C'était quelqu'un qui était sur une trajectoire tout à fait positive.
05:48 Donc, c'est pour nous effectivement très triste. Et effectivement, quelque chose a été
05:54 détruit, il est tombé dans un abîme, dans un gouffre.
05:58 On ne comprend pas très bien, mais effectivement, ça ressemble à une forme de radicalisation
06:04 qui s'est installée peut-être assez vite,
06:06 après qu'il ait décroché de l'école.
06:09 Merci, Martin Dousseau, pour votre témoignage ce soir. Vous, le professeur de philosophie au lycée Gambetta d'Arras.
06:15 Merci d'avoir été avec nous ce soir sur RTL, trois jours après
06:18 l'assassinat de votre collègue, le professeur Dominique Bernard, et après cette journée de recueillement. Merci.
06:24 Merci.
06:26 Julia Sellier, Marion Calais et Cyprien Senni.
06:29 RTL, bonsoir. Et RTL, bonsoir à votre service. On revient dans quelques secondes avec notamment le rappel des toutes dernières infos.
06:35 Mais aussi RTL Inside, au plus près du nouveau Astérix et avec Alex Vizorek. A tout de suite sur RTL.