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  • 14/09/2023

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Transcription
00:00 -Je vous remercie.
00:01 Nous sommes en ligne avec Camille Lecauze.
00:03 Vous êtes chercheuse au centre de réflexion
00:06 Migration Policy Institute.
00:07 6 000 à 7 000 migrants seraient donc arrivés en deux jours
00:12 à Lampedusa.
00:13 Est-ce un afflux inédit dans sa taille pour l'Italie ?
00:16 Qu'est-ce qu'il explique ?
00:17 -C'est sûr qu'on observe une augmentation des départs
00:21 depuis la Tunisie et depuis la Libye,
00:24 depuis l'année dernière, en particulier depuis la Tunisie.
00:28 C'est le résultat de plusieurs facteurs.
00:30 Ce qu'on voit en Italie sur les nationalités arrivées,
00:33 c'est qu'il y avait des personnes en provenance de Côte d'Ivoire,
00:37 de Guinée, Burkina Faso, du Sénégal, du Nigeria,
00:40 des pays où il y a une convergence de facteurs
00:43 au niveau social, économique,
00:44 mais aussi, en particulier au Burkina Faso,
00:47 des violences qui poussent les gens à quitter leur pays.
00:51 On voit que certains avaient certainement le projet
00:54 de s'installer de manière temporaire en Tunisie,
00:57 mais on a vu au cours des derniers mois
00:59 à quel point la rhétorique du gouvernement raciste
01:02 qui ciblait les migrants noirs a entraîné
01:04 un certain nombre de départs de personnes
01:06 qui ont pris la route vers l'Europe
01:08 alors que ce n'était pas leur projet.
01:10 -Et pourtant, la présidente du Conseil italien,
01:14 Giorgia Meloni,
01:15 une leader d'extrême droite,
01:17 mise sur le président tunisien,
01:20 Caïssa Ede, pour retenir les migrants.
01:23 On a du mal à comprendre.
01:25 -Oui, c'est un peu la stratégie de l'Italie,
01:28 mais aussi de l'Union européenne de manière plus large,
01:31 c'est-à-dire de travailler avec les pays
01:34 aux frontières de l'Union européenne
01:36 pour limiter ces arrivées-là.
01:38 On l'a vu, ça a été repris hier, notamment dans le discours
01:41 sur l'Etat de l'Union de la présidente
01:43 de la Commission européenne,
01:45 qui faisait état de ce MOU,
01:47 un modèle sur la coopération entre l'Union européenne
01:50 et des Etats tiers, à suivre avec la Tunisie.
01:53 Il faut bien voir de quoi on parle exactement.
01:55 Là, il s'agirait de soutenir les autorités tunisiennes
01:58 pour renforcer les contrôles aux frontières,
02:01 empêcher les départs.
02:02 Je pense que ce qu'on voit, c'est les limites de cette approche.
02:06 Et aussi, tous les risques qu'il y a à travailler
02:09 avec des gouvernements tels que celui en Tunisie,
02:12 avec un président de plus en plus autoritaire,
02:15 et qui, je pense aussi, ne contribue pas
02:17 à la stabilité à long terme d'un pays comme la Tunisie,
02:21 qui est un partenaire de premier plan pour l'Union européenne.
02:24 -C'est un peu le modèle qu'avait établi Angela Merkel à l'époque,
02:28 avec Recep Tayyip Erdogan, en Turquie ?
02:30 -Je pense que c'est quand même différent,
02:33 mais la logique est la même, effectivement,
02:35 c'est de contenir les arrivées.
02:37 Et ça, c'est un petit peu le consensus
02:40 pour les Etats européens,
02:41 parce qu'ils peinent depuis 2020 à réformer
02:44 le système commun d'asile au niveau interne, en fait,
02:47 entre eux. Et comme ils n'arrivent pas à se mettre d'accord,
02:51 ils parlent à leurs partenaires extérieurs,
02:53 en disant que la manière de résoudre le problème,
02:56 c'est de faire en sorte que les personnes ne viennent pas
02:59 en Europe à la base. -Avec la Turquie,
03:01 ça a plutôt fonctionné, non ? -Avec la Turquie,
03:04 il y a eu une augmentation du contrôle des départs,
03:07 et ça nous a aussi mis sous une pression,
03:10 où, lorsque la Turquie n'était pas satisfaite
03:12 de certaines mesures, de certaines politiques,
03:15 ou de certains discours tenus à l'Union européenne,
03:18 on a limité un petit peu les contrôles,
03:21 et ça a entraîné une augmentation des arrivées.
03:23 Maintenant, je pense que ce qui est important,
03:26 c'est de voir qu'il faut une réforme en profondeur
03:29 des mécanismes européens,
03:30 parce que ces arrivées vont continuer,
03:33 et il faut se préparer en interne pour pouvoir soutenir
03:36 des pays comme l'Italie, la Grèce et l'Espagne,
03:39 qui sont les portes d'entrée de l'Union européenne,
03:42 à gérer ces arrivées et à faire en sorte que ces personnes
03:45 puissent déposer des demandes d'asile
03:47 et de l'immigration dans des conditions humaines.
03:50 A Lampedusa, les autorités sont complètement débordées.
03:53 -Dépassée, effectivement.
03:55 Giorgia Meloni, cette responsable post-fasciste
03:58 qui avait promis de mettre fin à l'immigration irrégulière,
04:02 aujourd'hui, on voit bien que les centres sont saturés,
04:05 en tout cas à Lampedusa,
04:07 et l'Italie rechigne, selon plusieurs pays européens,
04:10 à reprendre les migrants pour traiter leur demande d'asile.
04:13 C'est le fameux règlement de Dublin.
04:16 Il s'en est plein récemment.
04:17 Berlin refuse même les migrants qui viennent d'Italie.
04:21 C'est assez inquiétant.
04:22 Il y a une rupture du mécanisme de solidarité.
04:25 Ca commence par l'Allemagne.
04:27 -Oui, alors ça fait longtemps que ce principe de solidarité
04:30 est rompu, que la confiance est rompue.
04:32 -Y compris avec les Allemands ?
04:34 -Pardon ? -Y compris avec les Allemands ?
04:37 -Oui, là, je pense que c'est un signal fort envoyé par Berlin,
04:40 mais je pense que ce qu'il faut voir,
04:42 c'est que depuis 2020, les Européens n'arrivent pas
04:46 à se mettre d'accord sur cette réforme.
04:48 Sur la dernière ligne droite, il y avait une percée
04:51 sur cette négociation de ce pacte en juin.
04:53 Les Etats européens ont jusqu'à février,
04:55 parce qu'après, il y aura des élections européennes,
04:59 donc ils n'ont que quelques mois pour essayer
05:01 de pousser cette réforme de l'asile.
05:03 Ca paraît... On le voit notamment du fait de ces divisions.
05:07 S'ils n'arrivent pas à se mettre d'accord,
05:09 c'est un risque pour le projet européen.
05:11 C'est aussi un risque pour le principe de territorialité
05:15 aussi, parce qu'on a d'autres Etats
05:16 qui, quelque part, ont un intérêt à ce que ces négociations
05:20 échouent ou n'aboutissent pas,
05:22 pour pouvoir, ensuite, vraiment fermer
05:24 encore plus les portes de l'Union européenne.
05:27 Maintenant, ce qu'il faut dire aussi,
05:29 c'est qu'en bien même, les Européens arrivent
05:32 à se mettre d'accord sur un texte dans les prochains mois,
05:35 on voit à quel point la mise en oeuvre de ces mesures
05:38 sera compliquée, avec toujours, quelque part,
05:41 cette incertitude sur où vont arriver les personnes,
05:44 et comment préparer des conditions de réception
05:46 qui font qu'on ne se retrouve pas dans des situations
05:49 telles qu'on peut le voir à Lampedusa.
05:51 -Merci pour vos explications. Camille Lecoz,
05:54 chercheuse au Centre de réflexion Migration Policy Institute
05:57 depuis la Belgique.
05:59 - Merci à vous.

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