Passer au playerPasser au contenu principalPasser au pied de page
  • il y a 2 ans

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00 Comment un réalisateur fictif a-t-il pu faire carrière pendant 30 ans ?
00:03 Il a plus de 50 films à son actif, des westerns, des comédies, de la science-fiction,
00:08 et pourtant ce cinéaste n'existe pas.
00:10 Alan Smithey, c'est le pseudonyme qu'ont longtemps utilisé les réalisateurs qui n'assumaient pas leurs films.
00:15 Directed by Alan Smithey.
00:18 1969, sur le tournage du western Une Poignée de Plomb.
00:22 L'acteur principal ne s'entend pas avec le réalisateur Robert Totten,
00:26 et le fait remplacer par un autre, plus connu, Don Siegel, qui terminera le tournage.
00:30 La mort d'un combattant.
00:32 Ni Siegel ni Totten ne veulent signer le film chacun pour ses raisons, donc il y a un arbitrage.
00:37 C'est au syndicat américain des réalisateurs, la DGA, de trancher.
00:41 La DGA pense d'abord à un nom fictif, Al Smith, trop banal, puis Smith avec un E,
00:47 et tombe d'accord sur Alan Smithey, ni vu ni connu.
00:50 Le New York Times écrit d'ailleurs au sujet de ce film pionnier qu'il a été réalisé de main de maître par Alan Smithey.
00:55 Ce cas particulier, la DGA l'institue en un recours pour les réalisateurs désavouant leur propre film,
01:01 notamment lorsque la société de production a remis en question leur maîtrise créative.
01:05 Mais n'est pas Alan Smithey qui veut.
01:07 Il faut passer un examen extrêmement serré, parfois même hostile, devant le syndicat et prouver,
01:11 non pas qu'on n'est pas content du film, mais que vraiment votre vision artistique a été dénaturée par la production.
01:17 Une des clauses impératives, c'est de ne jamais en parler publiquement.
01:22 Presque une centaine d'œuvres audiovisuelles rejoindront la collection,
01:25 sans insouption du public, et parfois sous la version Alan Smithey.
01:29 Des épisodes de séries télé comme Les Simpson ou MacGyver,
01:32 des clips musicaux, et bien sûr des films,
01:35 comme Le Dune de David Lynch et sa version raccourcie pour la télé,
01:38 ou Hit de Michael Mann, et sa déclinaison et dulcorée pour être diffusée par des compagnies aériennes.
01:43 Si vous êtes réalisateur, vous avez le droit depuis longtemps de montrer votre montage à vous.
01:48 La firme en fait ce qu'elle veut, vous êtes consulté, mais vous n'êtes plus décisionnaire,
01:52 en dehors d'un très petit nombre de réalisateurs,
01:55 soit parce qu'ils sont producteurs, soit parce qu'eux et leurs agents ont su se battre pour obtenir ce qu'on appelle le final cut,
02:00 le droit au montage final.
02:02 Une quinzaine d'années avant, François Truffaut a défini la politique des auteurs dans les cahiers du cinéma.
02:07 Elle conduit à considérer les cinéastes comme des auteurs à part entière,
02:11 et donc à repérer leur univers, leur âme, leur conviction d'un film à l'autre.
02:15 Mais au moment où l'on crée le pseudonyme Smithey,
02:18 la politique des auteurs n'est absolument pas enterrinée dans la réflexion américaine,
02:22 encore moins dans l'industrie américaine.
02:25 Aux Etats-Unis, l'auteur c'est le producteur.
02:28 Le pseudonyme témoigne aussi des imperfections d'une oeuvre et des difficultés à la produire,
02:32 comme un temps de montage jugé insuffisant sur Fade In,
02:35 ou un accident d'hélicoptère sur le tournage de Twilight Zone de John Landis.
02:39 Le second assistant réalisateur l'avait alors utilisé pour se couvrir de cet incident
02:43 qui avait tué un acteur et deux enfants.
02:45 Alors peut-on faire le portrait robot d'Alan Smithey ?
02:48 Dans les génériques, il est tour à tour réalisateur, producteur, scénariste ou technicien.
02:53 Son style de film ? Très varié.
02:55 Quelque chose de très amusant, c'est qu'il y a une trentaine d'années maintenant,
02:59 des jeunes gens universitaires en Herbes ont fait un colloque,
03:03 un livre collectif sur Alan Smithey.
03:05 Vous avez au moins un article là-dedans qui montre qu'il y a une unité thématique.
03:09 Des questions d'usurpation d'identité, de vie dans un autre corps que le sien,
03:13 qui peut se retrouver dans des films de Smithey.
03:15 L'existence de ce code secret, plutôt destiné aux gens du milieu,
03:18 va être révélée au grand public à travers deux polémiques qui vont précipiter son déclin.
03:22 En 1998 sort American History X et son réalisateur Tony Kaye
03:27 veut utiliser le pseudo à cause d'un litige autour du montage final.
03:30 Tony Kaye est furieux mais le syndicat refuse qu'il emploie le nom de Smithey.
03:36 Et il porte, et il est le premier à le faire, la chose sur la place publique.
03:40 C'est un procès et à partir de là tout le monde sait qui est Smithey et celui-ci doit disparaître.
03:45 L'année d'avant, Burn Hollywood Burn avait porté une première estocade.
03:49 L'histoire absurde d'un monteur insatisfait de son film
03:52 qui ne veut pas que son nom apparaisse au générique.
03:54 Je ne voulais pas qu'il y ait un autre film terrible.
03:56 Sauf que comme ce personnage s'appelle Alan Smithey,
03:59 il ne peut se défausser du crédit en utilisant le pseudonyme.
04:02 Ironie de l'histoire, le réalisateur, en conflit avec le scénariste,
04:05 utilise la botte secrète plus tellement secrète.
04:08 Une belle mise en abîme du concept où la réalité est plus drôle que la fiction.
04:12 [Musique]

Recommandations

2:24
MonProgrammeTV
il y a 7 semaines
4:07