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  • 26/06/2023

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00:00 Hélèna Voloshyn, bonjour, vous êtes notre spécialiste bien sûr des questions russes,
00:04 et mobilisée sur nos antennes depuis même vendredi soir,
00:09 et l'annonce de ce début d'un coup de force d'Evgeny Prigojin.
00:13 Alors je le disais, il y a un instant énormément d'incertitude,
00:17 beaucoup de questions encore à l'heure où l'on se parle.
00:20 Du côté des certitudes, aujourd'hui, où en est-on ?
00:24 Alors c'est vrai qu'on a passé tout le week-end à analyser les différents scénarios,
00:30 et à essayer d'en savoir plus,
00:32 ce que l'on peut dire aujourd'hui de façon, avec une certaine dose de certitude,
00:37 parce qu'il faut toujours être prudent évidemment,
00:38 on est dans un événement géopolitique sans précédent depuis la chute de l'URSS.
00:42 C'est qu'il y a quelqu'un en Russie, ou au pluriel, qui veut renverser Vladimir Poutine.
00:47 Et il y a eu une tentative de coup d'État avec ce coup de force d'Evgeny Prigojin.
00:54 Maintenant, le scénario de comment cela s'est déroulé exactement,
01:00 qui est vraiment à l'origine de cette initiative, ça c'est incertain.
01:06 On ne sait pas aussi ce qui s'est passé après.
01:09 C'est-à-dire, pourquoi est-ce que Evgeny Prigojin n'est pas allé jusqu'au bout ?
01:12 Est-ce qu'il a été lâché par ses soutiens ?
01:15 Qu'est-ce qui s'est passé ? Pourquoi a-t-il fait demi-tour ?
01:17 Ça, c'est extrêmement confus.
01:20 Dans tous les cas, Vladimir Poutine se sent aujourd'hui fragilisé.
01:24 Le régime vacille.
01:26 On le voit non seulement à travers ce qu'ont montré les chaînes de télévision russes,
01:30 parce que vous savez que je regarde beaucoup la télévision russe.
01:32 Il y a toujours beaucoup, beaucoup, beaucoup de déclinaisons des thèses de base de la propagande.
01:38 C'est-à-dire que Vladimir Poutine, le ministère de la Défense donne une thèse,
01:43 et la propagande russe le décline à l'infini, l'amplifie.
01:47 Par exemple, « Nous avons détruit tant de cibles ukrainiennes militaires »,
01:52 va dire Igor Konashenkov, le porte-parole du ministère russe de la Défense.
01:55 Et la propagande va dire que l'opération se déroule comme prévu,
02:01 que toutes les cibles ont été atteintes, que les nazis sont en train de trembler,
02:06 que l'Occident est en train de vouloir détruire la Russie, etc.
02:10 Et il va y avoir des émissions à l'infini pour décliner tout ceci sur les chaînes de télévision russe.
02:14 Ce que l'on voit depuis vendredi soir, depuis samedi et ce dimanche,
02:20 c'est que les journaux télévisés russes, les chaînes d'information en continu,
02:24 la chaîne d'information en continu « Rossiya 24 », les présentateurs ne font que lire les communiqués officiels.
02:30 Il n'y a quasiment pas de commentaires, il n'y a quasiment pas de déclinaisons,
02:36 les reportages sont très très courts. Donc on voit qu'il y a vraiment une fébrilité,
02:41 qu'il y a vraiment une reprise du contrôle.
02:44 « Rossiya 24 » diffuse à longueur de journée des documentaires historiques.
02:47 On est quand même dans une situation, biaisée évidemment, tendancieux,
02:51 en lien avec le thème des traîtres, de la rébellion, des terroristes, etc.
02:55 À mater, mais on est quand même dans une situation où il y a des événements sans précédent,
03:00 et on sent qu'il y a vraiment un contrôle sur la communication.
03:04 Et puis cette vidéo ce matin de Sergueï Choygou, le ministre de la Défense,
03:09 avec l'un des généraux responsables de l'opération spéciale sur la ligne de front.
03:13 Une vidéo présentée comme étant Choygou allant en Ukraine sans qu'on sache véritablement s'il s'agit effectivement de la Défense.
03:20 Exactement, une vidéo sans son, comme la dernière fois que j'ai vu des vidéos sans son circuler de la part du ministère de la Défense.
03:29 C'était lorsque le croiseur Moskva, le navire amiral de la flotte russe, avait été coulé par l'armée ukrainienne.
03:37 Autre moment de fébrilité.
03:40 Et que le ministère russe de la Défense cherchait à cacher le nombre de morts parmi les soldats russes,
03:46 et d'ailleurs présent sur ce bateau, et ne l'a toujours pas révélé dans son intégralité.
03:51 Donc voilà, le régime vastif.
03:54 Vladimir Poutine, on l'a vu, il est sorti de sa réserve avec cette vidéo de 5 minutes où il a appelé à l'unité,
04:01 où il a appelé au statu quo aussi, où il a réaffirmé du coup son soutien à Sergeï Choygou et Valéry Gerasimov.
04:09 Il ne l'a pas dit, mais il a dit que l'armée russe devait reprendre... Que tout devait rester en place, en gros.
04:15 Yevgeny Prigojin, quant à lui, s'est attaqué nommément à Choygou et à Gerasimov sans nommer Vladimir Poutine.
04:21 Donc quelque part, dans cette tentative de coup d'État, il laissait une porte de sortie à Vladimir Poutine.
04:26 Vladimir Poutine a fait comprendre que tout devait être maintenu, qu'il voulait se maintenir au pouvoir avec ses cadres, pour le moment.
04:34 On voit aujourd'hui Sergeï Choygou. Donc voilà. Après, il y a eu une négociation et on ne sait pas quels en ont été les termes.
04:41 Voilà. Alors autre question posée ce matin et sur laquelle on a besoin de vos éclaircissements, Hélèna.
04:48 Vladimir Poutine a qualifié Yevgeny Prigojin de traître samedi matin, lors de son intervention.
04:55 À ce stade, on ne sait pas où est Yevgeny Prigojin, mais il aurait obtenu, dit-on, l'immunité. Pourquoi ? À quel titre ?
05:04 S'il est, comme vous le disiez tout à l'heure, éventuellement le pion de quelque chose qui le dépasse d'une certaine façon
05:11 et qui visait peut-être à renverser Vladimir Poutine, pourquoi cette immunité ?
05:16 Pourquoi l'immunité ? Parce qu'il fallait résoudre la situation de façon très vite et urgente.
05:23 Et il fallait que Yevgeny Prigojin accepte d'arrêter, tout simplement. Il fallait une négociation. Il fallait un compromis.
05:30 Il a l'immunité aujourd'hui. Ça ne veut pas dire qu'il l'aura encore demain.
05:34 Effectivement, l'immunité donnée en public comme ça à Yevgeny Prigojin, on peut au moins supposer que pour un temps, ce sera vrai.
05:43 Il peut très bien aussi, demain, retourner soi-disant sur la ligne de front, parce qu'il ne va sans doute jamais vraiment en première ligne, et être attaqué.
05:52 On peut l'empoisonner. On peut aussi lui garantir l'immunité, mais chercher à l'éliminer physiquement d'une façon ou d'une autre.
05:58 Il faut vraiment comprendre que là, on va être dans une période où le régime va sortir tout ce qu'il peut comme arme,
06:05 que ce soit le poison Novichok, que ce soit ses assassins partout dans le monde, que ce soit une restructuration en interne de son armée dont on pourrait ne pas entendre parler non plus.
06:15 Mais là, on entre dans la chasse aux traîtres ?
06:17 On entre, bien sûr. Bien sûr. Le régime va se durcir. On entre dans une chasse aux traîtres.
06:22 Il va falloir être extrêmement prudent sur les affirmations, avec la propagande aussi, parce qu'il y aura beaucoup de propagande dans cette période où le régime va tenter de s'accrocher et de se maintenir.
06:33 Donc, il faut vraiment être très prudent sur les affirmations. Où sont les Wagner ? Où est Yevgeny Prigojin ?
06:40 Sur ce que dit le Kremlin, sur ce que dit Yevgeny Prigojin, sur ce que pourraient dire d'autres acteurs de cette crise,
06:46 il faut être vraiment très prudent parce qu'il faut accepter aussi qu'ils vont tenter de rendre cela opaque un maximum possible,
06:55 manipuler les médias pour, par exemple, donner ce genre de garantie pour ensuite éliminer l'adversaire.
07:02 Vous savez, il y a une femme qui a dit une chose très juste, une Russe, dans l'un de nos reportages hier, réalisés par Claire Pacalin,
07:10 cette Russe exilée qui a dit, on lui a demandé ce qui se passait, elle a dit « mais ce n'est qu'une bande de bandits et on pouvait absolument s'attendre à ce qu'ils finissent par se bouffer la gueule, en fait ».
07:19 Et c'est extrêmement exact. Aujourd'hui, c'est une mafia qui est arrivée au pouvoir depuis plus de 20 ans en Russie, qui est en train de régler ses comptes.
07:28 Qui est aux manettes aujourd'hui ? C'est le clan de Saint-Pétersbourg, Vladimir Poutine et les oligarques qui ont monté leur business ensemble,
07:37 avec des milliards et des milliards et des milliards de roubles en pillant les ressources du pays, partie dans les offshores.
07:43 Ils sont riches à l'infini, aujourd'hui, ces gens-là.
07:45 Dont Prigogine était au départ...
07:47 Je vais en venir à Prigogine parce que c'est très important. Qui gouverne le pays ? Ça, c'est le clan des civils qui gouverne le pays avec le clan de ce que l'on appelle les Silovikis,
07:57 c'est-à-dire les forces de sécurité. Et là, vous avez différents services. Et toute la question est de savoir, parmi ces services-là, qui prête allégeance ou non,
08:05 ou qui, du moins, ne prête pas allégeance. Peut-être qu'ils l'ont commandité, mais qui est avec Evgeny Prigogine ? Qui est Evgeny Prigogine ?
08:11 C'est aussi un homme d'affaires. Il est aussi originaire de Saint-Pétersbourg. Il n'est pas arrivé, lui, dans le premier cercle de Vladimir Poutine.
08:18 On l'a surnommé le cuistot de Vladimir Poutine. Evgeny Prigogine, il a peut-être des comptes de longue date à régler avec ses oligarques.
08:24 C'est-à-dire que ce à quoi on assiste aujourd'hui, avec tout cet écran de fumée, de dénazification de l'Ukraine, de démocratie russe depuis plus de 20 ans,
08:34 la réalité, c'est qu'en Russie, vous avez les services qui gouvernent depuis quasiment la guerre civile russe. Et vous avez cette sorte de mafia qui est arrivée au pouvoir,
08:45 avec qui les Occidentaux ont négocié pendant des années. Et on découvre aujourd'hui... On a découvert avec l'attaque de l'Ukraine. Et on continue de voir le visage de ce régime.
08:53 On est en fait dans un moment de vérité, c'est ça ce que vous dites ?
08:55 On est dans un roman mafieux. On n'est pas encore dans le moment de vérité, parce qu'il y a encore peu de gens. Il y a beaucoup de choses extrêmement fausses et loufoques qui sont dites sur cette crise.
09:06 Donc on n'est pas du tout dans le moment de vérité. Au contraire, on va être dans un moment de grande confusion. Le premier moment de vérité, c'est lorsque Vladimir Poutine a attaqué l'Ukraine.
09:17 J'étais correspondante en Russie. Et à ce moment-là, j'ai dit « Ça y est, on va voir le visage de ce régime ». Parce que pendant des années, en tant que journaliste et en tant que correspondant,
09:25 on ne pouvait même pas dire que Vladimir Poutine mentait, qu'il avait déjà envahi l'Ukraine, que l'annexion de la Crimée, c'était une invasion de l'Ukraine,
09:32 et que c'était lui qui avait provoqué la guerre dans le Donbass. C'est ce que disait Yevgeny Prigojin dans cette vidéo. On vous a menti. Il n'y a pas de dénazification de l'Ukraine.
09:41 Combien de millions de personnes aujourd'hui dans le monde croient au mythe de Vladimir Poutine, de dénazification de l'Ukraine ? En ce sens, oui, on va être dans un moment de vérité.
09:50 Mais on n'y est pas du tout encore. La vérité est en train de surgir. Elle a commencé à surgir avec l'invasion à grande échelle de l'Ukraine. Elle va continuer à surgir.
09:58 On va devoir se battre pour bien raconter cette histoire, parce que ça va être très compliqué. La propagande va continuer. Et les analyses basées sur le fait qu'on a envie de savoir tout de suite,
10:08 mais qu'on ne saura qu'après, vont elles aussi continuer. Donc il va falloir être très prudent sur ces sources d'informations.
10:15 Mais ce qui est certain, c'est que tout ceci est historiquement... La chute des régimes dictatoriaux nous le montre. Les procès internationaux nous le montrent.
10:22 Oui, il finit toujours par y avoir un moment de vérité dans ces moments historiques.

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