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  • il y a 2 ans
Le film qui sera diffusé samedi à 21h retrace 50 ans de contestations sociales en France

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Transcription
00:00 Bonjour Céline Bidarco, votre invité média est l'auteur avec Michel Cotat d'un documentaire
00:05 très éclairant à l'aune du mouvement de contestation contre la réforme des retraites.
00:09 Président, Le prix à payer face à la rue sera diffusé samedi soir sur la chaîne
00:13 Public Sénat.
00:14 Bonjour Patrice Duhamel.
00:15 Bonjour.
00:16 De mai 68 au Gilet jaune, vous retracez avec Pauline Pallier la réalisatrice de ce film,
00:21 50 ans de manifestations en France parfois violentes.
00:24 Des anciens présidents ou premiers ministres témoignent, racontent comment ils ont vécu
00:27 ces moments de grande tension.
00:28 On va démarrer avec la révolte de 1968, 10 millions de grévistes, il a fallu plus
00:33 d'un mois au général de Gaulle pour rétablir le calme.
00:35 Et cet épisode a servi à François Hollande, il s'en est souvenu quand il est devenu
00:40 président de la République.
00:41 Le mai 68 démontre, c'est pour ça que c'est un échec malgré tout, démontre que quand
00:46 il n'y a pas de débouchés politiques, finalement une révolution, un tour de cours.
00:52 Donc j'en ai gardé finalement une certaine leçon, moi-même.
00:56 Et il faut à tout prix éviter qu'un mouvement ou dégénère ou se produise et se développe.
01:03 Et il vaut mieux le dialogue, autant qu'il est possible, la négociation plutôt que
01:12 la violence et à un moment la rupture.
01:14 Alors ça c'est quelque chose que vous dit aussi Nicolas Sarkozy, il a appris des erreurs
01:18 de ses prédécesseurs.
01:19 Finalement, chaque crise a eu au moins cette vertu ?
01:21 Oui, absolument.
01:23 Les huit présidents, ils ont été de près ou de loin, Macron et le huitième, confrontés
01:30 à ce type de crise.
01:31 Un peu moins sous Pompidou et sous Giscard, mais à peu près tous les autres étaient
01:35 confrontés à ces conflits parfois très violents.
01:39 Ce qui nous a frappés avec Michel Cotta, puisqu'on a interviewé très longuement
01:44 les présidents, anciens premiers ministres, etc.
01:47 Ça révèle beaucoup ces crises de leur personnalité, de la manière dont ils gouvernent.
01:52 Ça révèle aussi l'idée qu'il faut des capteurs.
01:57 Et qu'une des choses essentielles dans des crises de cette nature, même le général
02:01 De Gaulle avait des problèmes de capteurs.
02:04 Des capteurs, c'est-à-dire sentir le pays ?
02:06 Oui, il faut qu'il y ait des gens qui soient là, qui vous disent la vérité, qui vous
02:09 disent les choses, qui vous disent "ça va pas", etc.
02:11 Ça existe ça ? Emmanuel Macron, vous pensez qu'il a des capteurs ? Et des bons capteurs ?
02:15 Je pense qu'aujourd'hui c'est un des problèmes d'Emmanuel Macron.
02:19 C'est aussi lié à la réforme d'il y a quelques années sous François Hollande
02:25 du non-cumul des mandats.
02:26 C'est-à-dire que les parlementaires, les députés, les sédateurs ne peuvent plus être
02:30 maires de grandes villes ou de villes moyennes.
02:32 Donc tout ça fait qu'il y a la difficulté un peu isolée dans le palais de l'Elysée.
02:39 Tous les présidents, les huit, sont retrouvés isolés, essayés de sortir.
02:42 Celui qui a le mieux réussi, c'est Mitterrand qui est arrivé, on se demande encore comment
02:45 aller se promener sur les quais de Seine tranquillement en fin d'après-midi.
02:48 Ça révèle aussi, je pense, l'idée essentielle qu'il faut, quand on est président, parce
02:57 que le thème c'est les présidents face à la rue, qu'il faut parler au bon moment,
03:02 bien évidemment pour dire des choses importantes et décisives, pour faire basculer le conflit,
03:08 mais que le choix du timing c'est quelque chose d'absolument essentiel.
03:11 C'est central dans une crise de cette nature.
03:14 Vous êtes en train de sous-entendre qu'Emmanuel Macron n'a pas choisi le bon timing quand
03:17 il s'est adressé aux Français ?
03:19 Je pense que l'interview à 13h, d'ailleurs elle a été très critiquée, que c'était
03:25 peut-être pas le meilleur moyen, alors on comprenait bien pourquoi, de s'adresser à
03:29 ce qu'on appelle faussement d'ailleurs la France profonde.
03:32 Je pense que la locution de 20h de la semaine dernière, même si elle a été également
03:37 contestée, c'était mieux adapté.
03:39 Il y a des moments où il faut s'adresser au pays de manière solennelle, et puis il
03:42 y a d'autres moments où il faut répondre à des questions de journalistes qui vont
03:46 un petit peu plus loin.
03:48 Alors nouvelle réforme des retraites en 2010, 9 jours de blocage, et là Nicolas Sarkozy
03:53 ne lâche rien.
03:54 Une fois que j'avais décidé de faire la réforme des retraites, et que j'avais fixé
03:58 le curseur à 62 ans, tout retour en arrière était impossible.
04:05 Vous m'entendez ? Impossible.
04:07 Sarkozy a le fait, on arrive à vous tuer.
04:11 Si vous commencez à trembler, mais à ce moment-là, ils vous marchent dessus, parce
04:17 qu'ils sentent un peu, vous le savez, que ça branle dans le manche, et qu'en poussant,
04:23 on le fait casser.
04:24 Ce n'est pas une alternative possible, d'où la nécessité de débattre avant.
04:30 Et alors pourtant, ça n'a pas marché cette méthode avec Emmanuel Macron.
04:34 Il y a eu débat à l'Assemblée, il n'a pas cédé sur l'âge de départ à la retraite,
04:38 et pourtant la contestation continue.
04:40 Oui, il y a eu une différence avec la crise des retraites sous Nicolas Sarkozy, c'est
04:47 que Sarkozy avait un contact régulier au téléphone avec le patron de la CGT de l'époque,
04:56 Bernard Thibault.
04:57 C'est à lui qu'il a dit, de toute façon, vous pouvez manifester tant que vous voulez,
05:01 etc.
05:02 Je ne le calerai pas.
05:03 Si ça s'était aggravé, il aurait peut-être été obligé de caler à la fin.
05:08 Mais ce contact privilégié, c'est peut-être ce qui a manqué dans la gestion de la crise
05:16 actuelle.
05:17 Alors, on ne sait pas tout en même temps.
05:19 Peut-être qu'on apprendra dans un mois, trois mois, deux ans, qu'Emmanuel Macron
05:23 a reçu secrètement, passant par la grille du coq, ce qu'on appelle des visiteurs du
05:27 soir, ou qu'il a eu des contacts avec des intermédiaires, avec les leaders syndicaux.
05:32 Enfin, on a bien senti par exemple que Laurent Berger regrettait de ne pas avoir ce contact-là.
05:37 Même dans les crises les plus violentes, il faut toujours que, directement ou indirectement
05:43 par des intermédiaires, des sortes de médiateurs, il faut que les gens se parlent.
05:47 Ça, c'est absolument essentiel.
05:48 C'est aussi François Hollande qui vous raconte que pour la loi travail en 2016, il avait
05:54 choisi de négocier avec la CFDT.
05:56 Il a retiré une disposition pour satisfaire le syndicat.
06:00 Et comme ça, il se le mettait dans la poche, en gros.
06:02 Voilà.
06:03 Et il y a ce que vos auditeurs les plus anciens ont connu.
06:08 Il y avait un grand leader syndical de force ouvrière qui s'appelait Audrey Bergeron
06:12 qui avait inventé l'expression du grain à moudre.
06:14 Il faut toujours dans une négociation, et les présidents face à la rue c'est aussi
06:18 ça, qu'il y ait du grain à moudre.
06:19 Il y a quelque chose à pouvoir lâcher, concéder au dernier moment, au cours de la négociation.
06:25 Là, dans la crise actuelle, ça a été difficile.
06:28 Vous conseillez à Emmanuel Macron et à son équipe de regarder votre documentaire ?
06:31 Je ne conseillerais rien, je ne me permettrais pas de conseiller quoi que ce soit à Emmanuel
06:33 Macron.
06:34 Mais il y a des leçons à tirer.
06:35 Vous l'avez dit au début, tous les présidents ont tiré des leçons.
06:38 Sur le timing, j'insiste là-dessus en un mot, de Gaulle en 68, à six jours de distance,
06:44 il fait une intervention catastrophique le 24 mai au soir où il annonce un référendum
06:48 qui n'aura lieu qu'un an après.
06:50 Et c'est la nuit la plus violente de mai 68 derrière.
06:53 Parce que les gens ont senti qu'il avait raté son discours, il l'a dit lui-même.
06:56 Et six jours après, c'est la fameuse allocution à la radio au milieu de l'après-midi.
07:00 Les gens se sont souvenus de Londres, de la manière dont il s'exprimait à la radio
07:05 à Londres et les événements de mai 68 se sont terminés immédiatement.
07:09 Le timing dans l'intervention présidentielle, c'est absolument essentiel.
07:13 Ça, ce sera samedi soir sur Public Sénat.
07:15 Et je précise en quelques mots que c'est le premier volet d'une collection que vous
07:18 signez toujours avec Michel Cotta.
07:20 Les prochains numéros se seront consacrés à ?
07:22 Le président et la société, depuis la pilule et l'IVG jusqu'à la PMA.
07:27 Et puis les présidents face au terrorisme, de l'OAS jusqu'au drame de Samuel Paty.
07:32 Et ça, ce sera diffusé à l'automne.
07:34 Voilà, exactement.
07:35 Merci beaucoup Patrice Duhamel.
07:36 Merci à vous, bonne journée.
07:37 Et votre documentaire, donc, Président, le prix à payer face à la rue, coécrit
07:41 avec Michel Cotta, sera diffusé samedi à 21h sur Public Sénat.

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