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"Résilience" à toutes les sauces : que traduit ce succès sémantique ? En toute subjectivité
France Inter
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il y a 2 ans
Avec Anne Rosencher, journaliste, écrivain et directrice déléguée de la rédaction de l’Express.
Retrouvez "En toute subjectivité" sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/en-toute-subjectivite
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Il est 7h21.
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Le 7 9 30 sur France Inter.
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En toute subjectivité ce matin avec la directrice déléguée de la rédaction de L'Express,
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Anne Rosancher, bonjour.
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Bonjour Nicolas, bonjour à tous.
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Ce matin, Anne, vous vous penchez sur un terme que l'on entend beaucoup, c'est vrai,
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beaucoup dans la conversation publique, celui de « résilience ».
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Oui, si les mots étaient cotés à la bourse du vocabulaire et de l'air du temps, je
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vous dirais d'acheter FISA, des actions résilience.
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Car depuis des années, son succès ne se dément pas.
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Un bref coup de sonde sur les internets ces derniers jours m'a appris par exemple qu'à
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Poitiers, on préparait pour ce 29 avril une journée citoyenne de la résilience avec
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« parcours du petit pompier » et « gestes qui sauvent ».
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J'ai découvert également en titre de West France que l'équipe de foot féminine en
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avant guingant avait fait preuve d'une grande résilience selon les dires de sa capitaine
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et meilleure buteuse.
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Les échos quant à eux notaient une « résilience » du marché du travail européen qui ne
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lasse pas d'étonner.
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Quand enfin j'ai lu par hasard sur l'emballage de mon après-shampoing que j'allais par
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la grâce de cet ongan renforcer la « résilience » de mes cheveux, je me suis dit « c'en
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est trop ». Il faut réfléchir à ce que traduit l'incroyable succès de ce terme
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consacré, le saviez-vous, par une journée nationale de la résilience ainsi que par
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la loi climat et résilience votée en juin dernier.
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Et alors, que traduit ce « succès » ?
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D'abord un phénomène assez anodin de mode sémantique.
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Au cours des dernières années, le mot « résilience » a eu tendance à en remplacer d'autres
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comme « résistance », « sagesse », voire « courage ». Peut-être parce qu'il bénéficie
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du charme discret de la psychologie.
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Le terme a en effet été popularisé à la fin des années 90 par le psychiatre Boris
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Cyrulnik qui en a fait le ressort de cette magnifique capacité humaine à surmonter
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les traumatismes les plus atroces.
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Mais ce qui est peut-être plus intriguant et signifiant, c'est l'usage récurrent
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du terme en politique pour se féliciter de la résilience de la société ou de groupes
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de personnes, les soignants, les professeurs, etc.
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Et là, je vous livre une piste de réflexion.
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Ce succès sémantique pourrait traduire l'inclinaison de l'époque à mettre les problèmes sous
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le tapis.
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Tout passe, tout se dépasse et finalement tout se passe comme si rien ne s'était
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passé, comme si les traumatismes n'avaient pas d'inscription profonde dans les sociétés.
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C'est particulièrement le cas en ce qui concerne les attentats.
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Ainsi, quand l'Éducation Nationale salue sur son site la « résilience de la communauté
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éducative après la décapitation de Samuel Paty », j'ai le sentiment qu'on mineure
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le changement profond qu'a produit ce meurtre dans les salles de classe.
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Et votre invité d'hier matin, Nicolas Lechercheur, Hugo Michron, va dans ce sens
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quand il invite à dépasser ce mécanisme de colère et d'oubli qui fait qu'en dehors
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des périodes d'attentats, on fait comme si le djihadisme et ses effets disparaissaient.
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C'est pourquoi, à l'échelle politique, je nous invite à nous méfier un peu de ce
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beau terme de « résilience ». Il ne faudrait pas qu'il justifie l'indifférence, le
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déni ou l'abdication.
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