Passer au playerPasser au contenu principalPasser au pied de page
  • 20/03/2023
Le stratagème n’est pas nouveau mais il peut quand même surprendre. Le principe est simple : utiliser des leurres, des armes et/ou des véhicules factices par exemple, pour tromper l’ennemi. Et il semblerait que l’Ukraine et la Russie ne s’en privent pas, même si son utilisation est difficile à quantifier. « Oui, c’est une réalité », affirme néanmoins Thibault Fouillet, chargé de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) et expert en stratégie militaire, « ça peut paraître saugrenu, on peut se dire que l’on n’a pas évolué depuis les guerres antérieures et notamment la Seconde Guerre mondiale mais c’est d’autant plus une réalité que c’est devenu un impératif ». La cause, selon lui, est à chercher du côté des moyens de surveillance très pointus dont disposent les armées aujourd’hui. « Comme vous ne pouvez plus ôter vos moyens à la vision de l’adversaire, et bien vous cherchez à le tromper sur la nature des moyens. Et le leurre, gonflable ou même en bois, redevient un impératif ». En août dernier, l’armée ukrainienne s’était d’ailleurs félicitée d’avoir dupé les forces russes, qui avaient tiré, selon les Ukrainiens, des missiles sur des lance-roquettes Himars… en bois. Il y a quelques jours lors d’une démonstration devant la presse, une entreprise tchèque de fabrication de tanks, d’avions, ou de pièces d’artillerie gonflables, reconnaissait d’ailleurs -sans révéler le nom des pays qu’elle livrait- que sa production avait très sensiblement augmenté depuis le début du conflit en Ukraine. Dans sa gamme de produits notamment : des répliques de Himars ou de chars Abrams américains. Induire son adversaire en erreur sur ses propres intentions, le forcer à gâcher des munitions, et donc de l’argent, en tirant sur des structures inoffensives... la tactique n’est pas nouvelle. Elle fait partie d’une stratégie plus globale de « déception », visant à intoxiquer le camp d’en face avec des mauvaises informations. L’opération la plus célèbre est sans doute celle organisée par les Alliés pendant la Seconde Guerre mondiale, en 1944, pour tromper l’Allemagne. « Ce n’est pas du tout une nouveauté, confirme Thibault Fouillet, évoquant l’opération « Quicksilver ». « C’était l’opération de chars et de moyens gonflables intégrée dans « Fortitude », qui a permis de faire croire aux Allemands que le Débarquement se préparait dans le Nord Pas de Calais alors qu’il a eu lieu en Normandie ». Si le principe du leurre n’a pas changé depuis, il a dû néanmoins se moderniser, au rythme de l’évolution des systèmes de détection. Ces derniers sont de plus en plus « multi-capteurs », selon l’expert en stratégie militaire. « Vous n’allez pas juste chercher une détection visuelle, vous allez aussi chercher une confirmation thermique, radar, même électromagnétique ou acoustique. Forcément, si vous faites un leurre qui n’a qu’une seule caractéristique, vous allez être vite éventé. Donc vous êtes obligés de perfectionner ce leurre ».

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00 Ça peut paraître saugrenu de prime abord,
00:01 on peut se dire qu'on n'a pas évolué depuis les guerres antérieures
00:05 et notamment depuis la Seconde Guerre mondiale,
00:07 mais c'est une réalité,
00:08 c'est d'autant plus une réalité que c'est même devenu un impératif
00:11 à cause justement de cette transparence du champ de bataille
00:14 qui s'est développée avec les drones,
00:17 avec toujours plus de moyens électroniques de détection.
00:20 [Musique]
00:23 [Musique]
00:50 Ces machines militaires ne sont pas armées de munitions mais remplies d'air,
00:54 ce sont en fait des tanks gonflables.
00:56 Et tout ça est à prendre très au sérieux,
00:58 car le premier client de cette petite entreprise, c'est l'armée russe.
01:02 C'est d'autant plus important aujourd'hui que justement on a,
01:05 ce que j'évoquais tout à l'heure, cette transparence du champ de bataille.
01:08 On a de plus en plus de mal à dissimuler ces intentions.
01:12 Comme vous ne pouvez plus camoufler visuellement,
01:14 c'est-à-dire ôter à la vision de l'adversaire vos moyens,
01:18 et bien vous cherchez à le tromper sur la nature des moyens.
01:21 Et le leurre, du coup gonflable ou même en bois, redevient un impératif.
01:26 C'est utilisé par exemple dans la guerre en Ukraine par les deux camps,
01:28 depuis des mois, puisqu'il y avait déjà eu ce cas en août.
01:31 L'Ukrainien définissant l'utilisation de leurres,
01:35 alors à l'époque c'était pour les systèmes I-Mars, des leurres en bois,
01:38 pour épuiser les missiles de précision calibre russe.
01:43 Il remettait en cause les déclarations russes d'annonce de destruction d'I-Mars
01:46 en disant "non, non, vous avez détruit des leurres".
01:48 Bien sûr on parle du côté ukrainien, mais ça doit être aussi utilisé du côté russe.
01:52 C'est une réalité dans la guerre moderne, et particulièrement dans ce conflit.
01:56 Le fait que les systèmes de détection sont de plus en plus multi-capteurs,
02:00 vous n'allez pas juste avoir une détection visuelle,
02:02 mais vous allez aussi chercher une confirmation thermique,
02:04 une confirmation radar, même une confirmation électromagnétique ou acoustique.
02:08 Forcément, si vous ne faites un leurre qui n'a qu'une seule caractéristique,
02:11 vous allez vite être éventé.
02:13 Donc vous êtes même obligé de perfectionner ce leurre
02:16 pour donner des signaux concordants.
02:18 Alors pas tous à la fois, mais des signaux visuels peut-être avec une signature thermique
02:23 qui est équivalente à la signature thermique qu'on a l'habitude de voir pour un char de combat.
02:28 Ça corrobore l'information et du coup ça crédibilise autant le leurre.
02:32 Oui, c'est efficace.
02:33 C'est efficace, alors il n'y a jamais une vraie efficacité,
02:35 mais ce qu'il faut bien voir, c'est qu'il faut les remettre toujours en perspective.
02:38 On inscrit le leurre dans une opération militaire.
02:40 Donc on va essayer de leurrer, par exemple sur une présence au nord,
02:44 pour bien induire l'ennemi en erreur et attaquer au sud.
02:48 C'est aussi basique que ça, mais c'est pour vous dire qu'on ne leurre pas de manière isolée.
02:52 L'efficacité, elle se mesure plutôt sur la capacité à…
02:55 Est-ce que vous avez permis à l'adversaire de faire un coup d'épée dans l'eau ?
02:59 Ou alors, tout simplement, faire ce qu'on appelle dans le jargon militaire,
03:02 une opération de déception.
03:04 Vous décevez l'adversaire sur ce qu'il pense être vrai,
03:07 vous lui faites croire, mais toujours, encore une fois, intégrer dans une manœuvre.
03:10 Au-delà même de l'idée de créer une manœuvre de déception,
03:13 c'est-à-dire d'agir, de recréer la surprise,
03:15 il y a bien entendu une question de balance économique.
03:17 Quand vous allez épuiser, notamment des matériels de pointe,
03:20 des bombes guidées ou des missiles guidés qui valent des centaines de milliers,
03:23 voire des millions de dollars sur une réplique gonflable ou en bois,
03:29 vous avez une notion économique et souvent d'ailleurs,
03:32 les belligérants communiquent sur cet aspect-là.
03:34 Ça joue, mais ce n'est pas le volet déterminant.
03:37 Ce n'est pas du tout une nouveauté.
03:38 L'expérience la plus importante, c'est l'opération Quicksilver
03:42 des Alliés pendant la Seconde Guerre mondiale.
03:44 C'était l'opération de chars gonflables, de moyens gonflables,
03:47 intégrés dans Fortitude, qui a permis de faire croire aux Allemands
03:50 que l'un des embarquements se préparait dans leur Pas-de-Calais,
03:54 alors qu'il a eu lieu, bien entendu, comme tout le monde sait, en Normandie.
03:57 C'était déjà à l'époque, ça ne s'est jamais interrompu depuis.
04:00 Ça s'inscrit de manière continue depuis des décennies.
04:03 Et surtout, on le voit bien, ça n'a pas vocation à disparaître,
04:06 bien au contraire.
04:07 ♪ ♪ ♪

Recommandations