L'Heure des Livres : Laurent Seksik

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Anne Fulda reçoit Laurent Seksik pour son livre «Franz Kafka ne veut pas mourir» dans #HDLivres

Transcript

00:00 - Bienvenue à l'heure des livres, Laurent Seixique.

00:02 - Bonjour.

00:03 - Alors vous êtes médecin à l'origine, vous êtes écrivain également,

00:06 on l'a vu depuis quelques années, également dramaturge.

00:09 Vous avez notamment adapté pour le théâtre Le Monde Hier de Stéphane Zweig.

00:13 Et là, vous venez de publier Franz Kafka ne veut pas mourir,

00:16 et c'est paru chez Gallimard.

00:18 Alors un très beau livre qui nous fait traverser le siècle

00:23 dans les pas d'un écrivain dont le profil n'est pas très éloigné

00:26 d'autres personnalités auxquelles vous êtes déjà intéressé,

00:30 je pense notamment à Stéphane Zweig, je pense à Albert Einstein,

00:33 je pense à Romain Garry, toujours l'Europe de l'Est des intellectuels.

00:39 Pourquoi ce prisme particulier ?

00:43 - J'ai l'impression que ce sont les figures qui m'ont construit en tant qu'écrivain

00:48 et sans doute en tant qu'homme, qui ont construit beaucoup de gens de cette sorte-là.

00:55 Et donc j'essaie à chaque fois de répondre à une question.

00:58 En réalité, j'écris pour répondre à une question,

01:00 et j'écris même surtout pour m'interroger avec Stéphane Zweig.

01:03 Et les derniers jours de Stéphane Zweig, c'était pour quelle raison Zweig s'est suicidé ?

01:07 J'ai toujours pas de réponse, d'ailleurs, après un roman,

01:10 après Le Monde Hier, après une pièce de théâtre,

01:12 cela reste une énigme, mais c'est cela qui est intéressant et passionnant.

01:15 Le cas Edouard Einstein, c'était pourquoi Albert Einstein a-t-il abandonné son fils fou

01:20 et schizophrène à l'hôpital psychiatrique de Biogözli ?

01:23 Romain Garry, c'était pourquoi est-ce qu'il n'a jamais parlé de son père ou si peu ?

01:27 Et là, avec Franz Kafka, c'est encore autre chose,

01:29 c'est quel est l'effet que donne le fait d'être dans l'empreinte d'un géant ?

01:34 Donc j'ai tourné autour de Kafka avec les trois dernières personnes qui l'ont vu en vie.

01:38 Robert Klobstock, son jeune médecin,

01:40 Dora Diamant, sa dernière femme, la seule avec qui il a vécu,

01:43 et puis Hôtelat, sa sœur.

01:45 Alors pourquoi vous êtes intéressé à la personnalité de Kafka,

01:49 de cet écrivain qui est mondialement connu ?

01:52 Pourquoi ce choix ?

01:54 J'ai l'impression que les sujets s'imposent,

01:56 ce sont des fidélités à soi-même.

01:58 Ma thèse de médecin qui avait pour titre "Extension des cancers bronchopulmonaires en IRM"

02:03 était dédiée à Franz Kafka.

02:07 Et puis il y a ce personnage qui est à la fois lumineux et puis crépusculaire,

02:13 qui est une énigme en soi.

02:15 Et je vous l'ai dit, j'essaie de répondre à une énigme qui m'est propre en réalité,

02:19 et qui me hante, et qui permet de rester pour ce roman-là,

02:23 cinq ans, à tenter de creuser au fond de cette personnalité exceptionnelle,

02:30 de cette œuvre lumineuse et prophétique à la fois.

02:33 Alors vous dites que votre mémoire de médecine était dédiée à lui,

02:37 parce qu'il faut préciser qu'il était atteint de tuberculose,

02:40 et d'ailleurs, une fois encore, autre constante,

02:42 vous vous intéressez à la fin de sa vie,

02:44 qui est accélérée par une dose de morphine

02:47 qui lui est administrée par son ami et médecin.

02:49 Voilà, et c'était cette énigme.

02:52 Les derniers mots de Kafka étaient à l'image de son œuvre,

02:55 aurait pu résumer son œuvre dans le sens et dans la profondeur du texte,

03:00 et ça m'a longtemps interrogé, Robert,

03:05 "Tuez-moi, sinon vous êtes un assassin."

03:08 "Tuez-moi, sinon vous êtes un assassin."

03:10 Ça aurait pu être la première phrase du procès ou du château.

03:14 C'étaient les derniers mots de Kafka.

03:16 Il les prononce sur son lit d'agonie, au sanatorium de Kirling.

03:21 Il est devant cet homme, Robert Klopstock,

03:24 qui a abandonné ses études de médecine pour le soigner,

03:27 avec l'illusion de le guérir.

03:29 Franz Kafka ne veut pas mourir.

03:32 C'est l'histoire de Robert Klopstock,

03:35 ce destin fabuleux de ce jeune homme

03:38 qui a tenté de guérir Kafka

03:40 et qui, en réalité, lui a injecté la morphine qui allait le tuer,

03:43 et qui va vivre toute sa vie

03:46 avec l'éclairage de la présence de Kafka,

03:49 et qui va devenir, en 1970,

03:52 l'un des plus grands chirurgiens thoraciques spécialistes de la tuberculose

03:56 et en même temps le traducteur du procès en hongrois.

03:59 Donc un destin absolument fabuleux,

04:01 comme celui de Dora Diamant et de Dotya.

04:03 Oui, c'est ce que j'allais dire.

04:04 Il y a aussi le destin de ces deux femmes.

04:06 Donc la sœur et l'amoureuse, en fait.

04:10 En quoi sont-elles constitutives et si importantes dans la personnalité de Kafka ?

04:14 Hotela, c'était véritablement sa sœur chérie,

04:16 celle qui lui permettait d'affronter le père.

04:19 On connaît tous la lettre au père de Franz Kafka,

04:21 ce texte exceptionnel de beauté,

04:24 de compassion pour son père et de haine pour son père.

04:27 Hotela a eu un destin tragique que j'essaye de raconter

04:30 dans ce qui est un roman.

04:32 C'est qu'en 1943,

04:35 après avoir été interné dans le camp de Theresienstadt

04:37 et fêté le 60e anniversaire de la naissance de Kafka,

04:42 elle choisit d'aller avec des enfants,

04:44 un groupe de 800 enfants juifs polonais.

04:47 Elle choisit de les accompagner jusqu'à Auschwitz

04:49 et elle périra dans la chambre à gaz.

04:51 Dora Diamant, c'est la seule femme avec qui a vécu Kafka.

04:55 Elle est aussi à l'origine du titre de livre

04:57 parce qu'avec elle, il a voulu vivre.

05:00 Et elle a notre destin totalement incroyable,

05:04 puisqu'elle a traversé le siècle.

05:06 Elle a été confrontée au nazisme,

05:09 confrontée au stalinisme.

05:10 Et elle avait toujours avec elle la brosse

05:12 avec laquelle sur son lit d'agonie,

05:14 elle a brossé Franz Kafka

05:16 pour le déposer en Israël, dans un kibbutz,

05:18 à la fin des années 50.

05:20 En tout cas, merci beaucoup, Laurent Seixi.

05:22 C'est un vraiment joli livre.

05:24 Franz Kafka, pardon, ne veut pas mourir.

05:26 C'est publié chez Gallimard.

05:28 C'est à la fois une plongée romanesque et historique.

05:31 Et je vous le recommande.

05:33 Merci beaucoup.

05:34 Merci à vous.

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