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  • 27/02/2023
Pascale Vuylsteke gère une exploitation de porcs noir de Bigorre à Maucloup, en Haute-Vienne, Aurélie Bourassin une exploitation de moutons à Marchésieux, dans la Manche.
Regardez L'invité de RTL avec Amandine Bégot du 27 février 2023

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Transcription
00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 RTL matin
00:06 Il est 7h42, excellente journée à vous tous ceux qui écoutez RTL. Amandine, vous recevez donc ce matin deux agricultrices.
00:13 Deux éleveuses alors que vous le savez le salon de l'agriculture a ouvert ses portes ce week-end. Pascal Wülsteck, bonjour.
00:19 Vous avez 55 ans et vous avez une exploitation de porcs cul noir de bigorre en Haute-Vienne.
00:25 Aurélie Borassin, vous avez vous 50 ans et vous élevez des brebis dans la manche, des moutons de l'Avranchin.
00:30 C'est une race qui était au bord de l'extinction il y a encore quelques années.
00:34 Bienvenue à toutes les deux.
00:36 Alors je vais préciser aux auditeurs que vous ne vous connaissiez pas avant de vous rencontrer ce matin
00:41 mais vous avez au moins un point commun. Vous avez toutes les deux eu une vie avant d'être agricultrice.
00:46 Pascal, vous étiez dans l'immobilier, vous êtes installé depuis moins d'un an et demi. Aurélie, vous, vous étiez dans la pub
00:52 installée depuis une dizaine d'années. Vous avez quand même un petit avantage Aurélie, c'est que vous avez grandi dans une famille d'agriculteurs.
00:58 Je crois d'ailleurs que votre papa ne voulait pas du tout que vous soyez agricultrice.
01:01 Alors oui, c'est vrai que je n'ai pas été très très très poussé par mon papa
01:04 qui préférait vraiment que je fasse autre chose. Et bon, j'ai fait autre chose après. Mais voilà, je suis revenu
01:12 sur le tas.
01:14 Et vous Pascal, personne dans l'agriculture dans votre famille, qu'est-ce qui vous a pris ?
01:17 Alors pas du tout, oui. J'ai absolument personne dans l'agriculture.
01:21 Non, moi c'est un truc idiot, une insomnie un jour.
01:24 Et à 3 heures du matin, je vois un reportage sur le noir de Bigorre et là je dis
01:29 "pouh, c'est ça qu'on veut faire". Mon mari était militaire, donc rien à voir avec...
01:34 voilà. Et je le réveille à 3 heures du mat' et je lui dis "ok, on va faire ça".
01:38 Sauf qu'il y a plein de gens qui font des insomnies, plein de gens qui ont des rêves comme ça et on franchit pas forcément le pas.
01:43 Oui, mais en fait c'est devenu une passion, s'est renseigné dessus et c'est devenu une telle passion que ça a été envahissant.
01:49 On en a parlé à nos cinq enfants. Les cinq enfants sont partis petit à petit, ils vont avoir 40 ans, plus d'enfants à la maison.
01:54 Et on s'est dit "ok, bingo, on va y aller". On est parti en Nouvelle-Calédonie,
01:58 on est revenu en 2017 et là on s'est dit "on part à l'école et on refait tout". Et on y est depuis
02:03 14 mois. Depuis 14 mois, un travail difficile ? Un travail épuisant,
02:08 très angoissant, mais absolument merveilleux. En fait, on vit des choses incroyables en couple déjà, parce qu'on vivait pas...
02:16 Lui, il était militaire, donc je ne le voyais jamais. Et là, on vit des choses sympas, de galères,
02:20 mais c'est en même temps excitant, en même temps...
02:23 Ouais, c'est passionnant. Et puis c'est du vivant. Le vivant, c'est génial.
02:27 C'est un métier extrêmement difficile Aurélie, vous confirmez ?
02:30 Ah, je confirme.
02:31 Physiquement ?
02:31 Alors, physiquement, c'est vrai. Moi, j'ai 50 ans et je commence à sentir les années.
02:38 C'est difficile, mais je rejoins Pascal, c'est passionnant. Le vivant, c'est jamais pareil.
02:44 Et puis, voilà, même si on a du mal à décoller le matin,
02:47 en se disant "bon, allez, il faut y aller", une fois qu'on est sur place, enfin moi j'ai des petits agneaux dans les jambes,
02:53 c'est des super compagnons de travail.
02:57 Ils sont toujours d'accord avec nous, ça se passe bien.
03:01 Bon, non mais...
03:03 C'est des grosses journées, 6h, 22h, et éleveuse, c'est 7 jours sur 7. C'est-à-dire que vous pouvez pas vous dire un matin
03:09 "bon, ben ça, je le ferai demain". Il faut leur donner à manger tous les jours, s'en occuper.
03:14 C'est ça, non seulement ça, mais en même temps, c'est plus que s'en occuper, c'est vraiment vivre
03:18 pour qu'ils soient bien. Donc le bien-être animal est là, et ça c'est
03:23 important, donc ça prend encore plus de temps. - Et puis on se pose pas la question, je veux dire, ce qui doit être fait,
03:28 doit être fait.
03:29 Même si ça prend du temps, si on doit rester jusqu'à 23h, parce que
03:33 on sait qu'il y en a une qui va faire ses agneaux, que ça va être compliqué,
03:36 on est là. Enfin, c'est impensable de ne pas être là pour ces animaux.
03:43 - C'est clair, je suis totalement d'accord en fait.
03:45 Le vivant, c'est ça quoi. - Vous disiez, Pascal, vous avez perdu, je sais pas combien de kilos. - Moi j'ai perdu en un an,
03:51 ce qui fait pas de mal, j'ai perdu 17 kilos en fait.
03:54 - 17 kilos juste en... - Oui, moi j'ai pas besoin de salle de sport, rien.
03:58 J'ai besoin de... je passe les filles tous les jours, tu sais, je mets des filles.
04:01 - Ah, je suis trop triste.
04:03 - Moi je passe des filles, je suis devenue musclée, j'ai découvert des muscles dans mon dos que je ne connaissais même pas,
04:08 des trucs, et voilà, et 17 kilos en un an. Venez à la ferme, venez nous voir. - Mais vous en parlez avec énormément de passion,
04:14 mais je le disais, donc c'est extrêmement dur, pour à l'arrivée, il faut le reconnaître, de faibles revenus.
04:19 Pascal, vous ne vivez pas encore de votre exploitation. - Pas du tout même, oui. - Et si vous l'avez fait, c'est parce que votre mari
04:25 était militaire et qu'il est à l'artère, donc il touche. - Tout à fait, on ne se serait jamais lancé, je pense, sans cette sécurité.
04:31 Et oui, financièrement, c'est pas du tout pour l'instant
04:37 rentable, mais
04:39 voilà, on se lance, on est dans la commercialisation, on n'y est que depuis décembre, on fait ça dans toute la France,
04:45 on livre, voilà, on vend, on espère trouver des professionnels pour nous aider, et on espère comme ça pouvoir avancer.
04:51 - Le revenu moyen d'un agriculteur aujourd'hui en France, c'est 1390 euros, avec de très fortes disparités.
04:56 Il y en a qui gagnent beaucoup plus, d'autres beaucoup moins. Un ménage agricole sur cinq vit sous le seuil de pauvreté.
05:01 Aurélie, vous en vivez, vous, de votre exploitation aujourd'hui ? - Moi j'en vis pas, j'en vis pas.
05:06 J'ai quand même un salaire, mais il est très très petit, j'ai la chance aussi d'avoir...
05:14 - Très petit, vous me disiez 900 euros. - Oui, c'est ça, ça va tourner.
05:17 Moi j'ai la chance aussi d'avoir un époux, sinon je n'aurais pas fait... voilà, lui il travaille,
05:22 et il me permet de développer ma passion.
05:26 Après, ce qui est intéressant, c'est qu'on est aussi au début d'une aventure,
05:30 même si je suis installée depuis maintenant une douzaine d'années en mouton,
05:35 là on est au stade de la valorisation des produits, donc j'ai grand espoir aussi à l'intérieur de ça.
05:41 On est vraiment en train de relancer une filière laine au niveau de la laine d'Avranchin,
05:45 avec des pelotes, avec aussi une revalorisation au niveau des produits de la viande carnée, des terrines, des rillettes.
05:54 Donc là, c'est tout récent. - Vous faites des produits d'exception l'un et l'autre, des produits
06:02 valorisés, comme on dit, on parle beaucoup, sécheresse
06:05 ces dernières semaines,
06:08 flambée des prix des matières premières aussi, ça Pascal vous subissez plein fouet ?
06:11 - Alors nous c'est très compliqué, on le subit vraiment plein fouet, d'abord parce qu'on s'est installé il n'y a pas tout à fait un an,
06:17 14 mois, et en fait les matières premières c'était même pour
06:20 construire nos parcs, les clôtures, les fils, etc. On nous disait, on faisait des devis et
06:25 en 15 jours, le temps qu'on... entre le devis et la réalité, on prenait 15-20%, les gens nous prévenaient.
06:31 - 15-20% en 15 jours ? - Ouais, et le pire là en ce moment, c'est les charges de nourriture pour les cochons,
06:36 on est à plus de 40% en moins d'un an, enfin ça s'est passé en deux-trois mois, et
06:41 les charges pour la nourriture c'est 80% pour nous, c'est énorme et
06:48 je dis pas qu'on est étranglé, mais je pense que toute la filière est étranglée, et
06:51 particulièrement le bio. - Le bio qui n'a pas d'aide ou très peu d'aide ? - Non, très peu, on est vraiment très mal aidé et
06:57 on a besoin vraiment qu'on nous aide quoi.
07:01 Parce que c'est très très compliqué, parce que je sais pas si vous vous rendez compte, mais c'est 80% de charges la nourriture de cochons.
07:07 C'est très très important et ça devient très dur, c'est-à-dire qu'on a dû
07:12 pour le coup choisir, faire des choix, on avait une enveloppe et comme ça a augmenté d'une façon hallucinante, on a réduit
07:18 ce qu'on devait faire, certains projets, etc. Mais
07:21 ça nous empêche pas d'avoir la foi et d'avancer. - Qu'est-ce qu'on peut faire nous en tant consommateur ? Acheter français, ça c'est important ?
07:28 - Aurélie ? - Alors ça c'est déjà c'est en un, oui.
07:32 - Sauf que tout flambe, pour le consommateur aussi, aujourd'hui quand il achète sa viande, ça a pris 30-40% selon les viandes.
07:40 - C'est exactement ça, et
07:41 alors nous les moutons, on est un petit peu moins impacté en termes de nourriture, parce qu'on a la chance
07:45 de pouvoir valoriser des moutons avec de l'air, mais avec le réchauffement climatique,
07:48 et bien c'est pareil, il faut qu'on se pose des bonnes questions, c'est-à-dire peut-être faire un chargement
07:53 inférieur. Alors ce qu'on peut faire, c'est déjà choisir ce qu'on va manger,
07:58 aller chez le producteur d'à côté,
08:01 faire
08:03 faire marcher l'économie circulaire.
08:05 - Sauf que tout ça, pour ceux qui habitent en ville, c'est pas forcément facile.
08:08 - On le fait, on le fait, moi, nous on vient livrer, on livre sur toute la France,
08:13 donc deux fois par an, et on vient au contact des Paris, etc.
08:17 - Les électeurs bougent.
08:18 - Exactement. - On bouge, on est capable de
08:20 livrer, on est capable de pouvoir renseigner,
08:24 il y a des initiatives un petit peu partout en France,
08:26 nous je sais qu'en Normandie ça bouge pas mal.
08:29 - En fait c'est faire des choix, prendre le temps, faire des choix.
08:31 Il y a 400 000 agriculteurs aujourd'hui en France, c'est quatre fois moins qu'il y a 40 ans,
08:38 un agriculteur se suicide tous les deux jours aujourd'hui en France, c'est colossal,
08:43 vous avez évoqué ces difficultés, à la fois les difficultés financières,
08:45 les difficultés physiques aussi,
08:48 malgré tout quand je vous vois, j'ai l'impression que pour rien au monde vous changeriez ça.
08:52 - Ah ben alors pour rien au monde.
08:53 - Mais c'est quoi, c'est la passion ?
08:55 - En fait ça devient une passion, et puis on est dans du vrai,
08:59 on est dans du beau, dans du vrai, on a la chance de vivre nous dans des petites montagnes,
09:04 en fait dans la moyenne montagne, mon bureau c'est des bois, des châtaigniers,
09:09 je vois les renards, je vois les biches, et mes cochons sont là,
09:13 et quand j'arrive, mes cochons, j'appelle mes reproducteurs par leur prénom,
09:17 ils arrivent comme des chiens.
09:18 - Aurélie aussi a donné des prénoms à ses brebis, vous pareil, pour rien au monde.
09:22 - Pour rien au monde, moi le bureau, c'est pas les montagnes,
09:26 mais c'est la prairie de Normandie, c'est au bout d'un chemin de 500 mètres,
09:30 je suis seule, je suis bien, on a un retour sur des vraies valeurs,
09:34 des vraies valeurs paysannes qu'on transmet,
09:38 et c'est aussi pour ça que les gens viennent à nous pour acheter, pour goûter,
09:42 pour se faire un pull, voilà.
09:46 - Un grand merci en tout cas, ça fait du bien d'entendre des passionnés comme vous.
09:50 On vous retrouve toutes les deux au Salon de l'agriculture,
09:52 porte de Versailles à Paris, jusqu'à dix heures.
09:54 jusqu'à...
09:55 [SILENCE]

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