En direct de Kiev : Lukas Aubin, directeur de recherches à l'IRIS

  • l’année dernière
Parlons Vrai chez Bourdin avec Lukas Aubin, directeur de recherche à l'institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) et auteur de "Géopolitique de la Russie" (La Découverte 2022).

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Transcript
00:00 - Sud Radio Parlons Vrai chez Bourdin, 10h30, midi 30, Jean-Jacques Bourdin.
00:06 - Il est 12h14, revenons sur la guerre entre l'Ukraine et la Russie, le 24 février 2022.
00:12 À 3h48, je le disais tout à l'heure, la Russie envahissait l'Ukraine.
00:17 Nous nous sommes réveillés tôt et nous ne nous sommes pas endormis depuis.
00:22 Le 24 février 2022 a commencé le jour le plus long de notre vie, disait hier Volodymyr Zelensky.
00:28 En direct de Kiev, Lucas Aubin avec nous, directeur de recherche à l'Institut de relations internationales et stratégiques, l'IRIS,
00:34 auteur de "Géopolitique de la Russie" aux éditions de la Découverte 2022, c'était en 2022.
00:41 Lucas Aubin, bonjour. - Bonjour.
00:44 - Un jour symbolique, ce 24 février 2023, comment est-il vécu à Kiev ?
00:52 - Il y a deux sentiments qui dominent à Kiev aujourd'hui et qui dominaient aussi hier.
01:00 D'une part, il y a la peur qui est toujours très présente.
01:04 Il y a cette idée que Vladimir Poutine peut attaquer encore et encore et massacrer finalement beaucoup de civils.
01:13 Donc hier, par exemple, les gens étaient très calmes, très silencieux et aujourd'hui c'est toujours le cas.
01:19 Donc ça c'est le premier sentiment et le deuxième sentiment c'est le fait que les gens sont intimement persuadés qu'ils sont dans une guerre juste,
01:30 c'est-à-dire qu'ils sont du bon côté de l'histoire, que leur combat est juste et qu'ils vont l'emporter.
01:36 Aujourd'hui, je n'ai pas entendu une seule personne me dire que l'Ukraine pourrait perdre cette guerre.
01:43 - Est-ce que les Ukrainiens que vous avez rencontrés, que vous avez croisés, avec lesquels vous avez discuté,
01:50 émettent la moindre objection sur la politique conduite par Zelensky ?
01:56 Il y a eu, on le sait, beaucoup d'opposants à Zelensky avant le déclenchement de la guerre.
02:02 Est-ce qu'aujourd'hui toute la population ukrainienne fait bloc derrière Zelensky ?
02:08 - Alors toute la population ukrainienne, évidemment c'est difficile de dire.
02:11 - Difficile de dire, oui, la majorité.
02:13 - Je n'ai pas conduit une étude statistique, néanmoins tous les gens, effectivement, que j'ai rencontrés de la société civile
02:20 m'ont dit que Volodymyr Zelensky était un homme héroïque, brave, qu'il avait été à la hauteur de la situation
02:29 et qu'il le soutenait encore aujourd'hui, effectivement.
02:32 Je n'ai entendu aucune objection à son sujet, véritablement il y a un fort consensus, en tout cas de la société,
02:39 de la part de la société civile en Ukraine, derrière Volodymyr Zelensky.
02:42 Il a encore cette espèce d'auréole, effectivement, très positive.
02:47 - Est-ce que des Ukrainiens que vous avez rencontrés se posent des questions sur l'engagement occidental auprès de l'Ukraine ?
02:55 - Oui, alors il y a deux éléments, deux types d'engagement.
02:59 D'une part il y a l'engagement humanitaire et d'autre part il y a l'engagement militaire.
03:03 Concernant l'engagement humanitaire, ce que les gens disent c'est que pour le moment l'aide est suffisante,
03:09 néanmoins elle est désorganisée, qu'il faudrait être plus efficace,
03:13 étant donné qu'il y a des organisations humanitaires qui viennent d'un peu partout du monde occidental.
03:17 Le problème c'est que chacun a sa façon de fonctionner.
03:20 Et la plupart des Ukrainiens disent qu'il faudrait se conventionner, disons, à l'organisation "allukrainienne".
03:26 Et ensuite, concernant l'aspect militaire et les dons militaires,
03:30 là effectivement les Ukrainiens disent qu'il faudrait que ça aille plus vite.
03:34 Il y a cette idée qu'on est dans l'urgence et que bien sûr pour eux c'est positif que ces armes arrivent,
03:40 notamment on pense aux tanks qui ne vont pas tarder à arriver,
03:44 néanmoins la plupart des gens disent "mais on perd du temps"
03:47 puisque chaque jour où finalement ces armes offensives ne sont pas là,
03:51 c'est chaque jour où des gens, des Ukrainiens meurent au front
03:55 et finalement il y a cette idée qu'il faut terminer cette guerre le plus vite possible.
03:58 Par exemple, on me disait justement hier qu'il y a un peu plus tard que six mois,
04:03 l'idée d'envoyer des tanks était impensable,
04:05 aujourd'hui elle est devenue pensable,
04:07 alors pourquoi ça n'était pas le cas il y a six mois ?
04:09 Pourquoi on n'a pas pu gagner du temps sur ces six mois ?
04:12 - Oui, on aurait dû envoyer plus d'armes.
04:15 L'Occident, c'est ce que pensent les Ukrainiens,
04:17 aurait dû envoyer plus d'armes il y a plusieurs mois,
04:19 ce qui aurait peut-être permis de raccourcir cette guerre.
04:23 - Lucas Aubin, est-ce que les Ukrainiens se contenteraient
04:27 de retrouver les frontières d'avant,
04:30 ou est-ce qu'il y a une volonté d'expansionnisme de la part des Ukrainiens ?
04:36 - Ah non, non, d'expansionnisme absolument pas,
04:39 les gens veulent récupérer leur territoire originel.
04:44 Alors, on varie, il y a ceux qui disent qu'il faut revenir aux frontières du 24 février 2022,
04:49 il y a ceux qui disent qu'il faut revenir aux frontières d'avant l'annexion de la Crimée,
04:54 mais mis à part ce léger hiatus,
04:57 les Ukrainiens ne souhaitent pas par la suite envahir la Russie ou punir Moscou.
05:03 L'objectif c'est d'abord de récupérer le territoire
05:06 et de faire la paix pour que les gens cessent de mourir au front actuel.
05:11 - Est-ce que vous pensez, Lucas Aubin, que l'opinion publique ukrainienne
05:14 se satisferait d'un retour aux frontières du 24 février 2022 ?
05:21 - C'est toute la question, c'est toute la question,
05:24 et je n'ai pas suffisamment d'informations pour pouvoir trancher justement.
05:29 Ce que j'observe c'est qu'il y a vraiment deux écoles,
05:32 il y en a certains qui disent qu'il faut laisser la Crimée
05:35 puisque effectivement ce serait trop compliqué de la récupérer,
05:39 et il y a une autre frange de la population qui dit que
05:41 si on laisse la Crimée à Vladimir Poutine, le problème étant qu'il gagnera du temps
05:46 pour récupérer des forces et pour relancer des assauts plus tard,
05:50 que ce soit dans six mois, dans deux ans, dans cinq ans.
05:53 Donc il y a vraiment ces deux écoles actuellement qui cohabitent en Ukraine,
05:57 mais pour le moment ça n'est même pas encore à l'ordre du jour
06:00 tant la ligne de front est encore très très violente actuellement,
06:05 notamment dans la région de Karsan.
06:07 - Lucas Aubin, on parle beaucoup de la situation militaire,
06:10 on parle beaucoup de la situation humanitaire,
06:12 on parle moins de la situation économique dans laquelle se trouve l'Ukraine aujourd'hui,
06:18 qui a des difficultés, vous l'avez constaté j'imagine,
06:21 d'abord est-ce qu'on le constate au quotidien ?
06:24 - Oui, complètement, on le constate au quotidien,
06:26 et pour ne rien vous cacher, depuis ce matin, au réveil,
06:31 il n'y a plus d'eau dans le quartier dans lequel je suis,
06:34 tout simplement, il n'y a plus d'eau du tout,
06:36 les robinets sont vides,
06:38 hier il y avait eu quelques coupures d'électricité,
06:42 et de manière générale, on a à peu près une, deux ou trois alertes par jour
06:48 qui demandent à la population finalement d'aller s'abriter,
06:51 que ce soit dans les caves ou dans les métros.
06:54 Donc ça c'est quelque chose d'assez concret,
06:56 que tous les Ukrainiens vivent depuis maintenant un an effectivement.
07:01 Après, concernant la situation économique,
07:03 effectivement elle est très délicate,
07:05 vous pouvez imaginer que quand vous allez dans un magasin aujourd'hui,
07:08 que ce soit à Kif ou ailleurs,
07:10 vous avez énormément de pénuries,
07:12 énormément de matières premières,
07:14 de nourriture qui manque,
07:16 énormément de produits qui ne sont pas présents,
07:20 on est dans une économie de guerre,
07:22 les gens parfois ont faim,
07:24 les gens parfois ont froid,
07:26 la vie ici est dure, c'est une réalité,
07:30 c'est vrai qu'on a du mal à le percevoir depuis la France,
07:34 depuis l'extérieur,
07:35 personnellement, je traite de l'Ukraine et de la guerre entre l'Ukraine et la Russie
07:40 depuis maintenant un an,
07:41 mais j'avais moi-même eu des difficultés finalement
07:44 à percevoir la réalité de la vie ukrainienne aujourd'hui.
07:48 - Oui, regardons cette réalité,
07:50 cette réalité que vous décrivez, Lucas Aubin,
07:52 il y a un côté russe, une autre réalité,
07:56 qui commence à ressembler petit à petit à cette réalité ukrainienne,
07:59 je veux dire par là qu'en Russie aussi,
08:01 commence à manquer certains produits,
08:04 même si la situation n'est pas la même,
08:08 évidemment à Moscou qu'à Kiev,
08:10 néanmoins, cette réalité-là existe.
08:13 Je parlais des conséquences économiques,
08:16 parce que l'Ukraine fait appel,
08:19 fait appel à la communauté internationale
08:22 sur le terrain économique.
08:24 L'Ukraine a besoin, a besoin d'argent pour son budget,
08:27 a besoin d'argent pour payer les salaires,
08:30 a besoin d'argent pour faire vivre la nation,
08:33 tout simplement, Lucas Aubin.
08:35 - Oui, complètement, la population ukrainienne est en difficulté,
08:39 il y a énormément de restaurants, de magasins qui ont fermé,
08:45 on a eu un exode extrêmement important,
08:49 il faut bien imaginer qu'à peu près 8 millions d'Ukrainiens et d'Ukrainiennes
08:54 sont partis du pays depuis le début du conflit
08:57 et sont restés pour le moment à l'étranger.
09:00 Vous imaginez la difficulté, quand un pays perd autant de main-d'œuvre,
09:04 ça signifie bien qu'il n'y a plus de travail pour le moment,
09:08 que l'économie fonctionne grâce, entre guillemets,
09:12 à l'effort de guerre,
09:14 mais même cela, ça ne suffit pas à faire vivre,
09:17 notamment, je pense, aux familles, aux femmes et aux enfants,
09:21 en majorité ne vont pas, évidemment,
09:24 et c'est une réalité à laquelle tous les Ukrainiens sont confrontés,
09:30 et forcément, tout ceci engendre énormément de...
09:34 - Évidemment. Lucas Aubin, pour poursuivre sur la vie quotidienne des Ukrainiens,
09:39 parce que c'est ce qui nous intéresse là,
09:42 je me demandais,
09:46 beaucoup vont toujours travailler, Lucas Aubin,
09:49 il y a toujours une activité,
09:52 vous vivez là, à Kiev,
09:55 vous êtes à Kiev, dans la capitale,
09:58 capitale économique aussi de ce pays,
10:03 on continue à travailler ?
10:06 - Écoutez, ça dépend...
10:09 - Ça dépend des... oui.
10:10 - Ça dépend du secteur, en réalité, par exemple,
10:13 vous avez eu des mutations dans la restauration, notamment,
10:16 énormément, comme je le disais, de restaurants fermés,
10:19 et énormément ont basculé dans la livraison,
10:23 il faut bien comprendre que,
10:24 vous dites des livres roux, par exemple, pour caricaturer,
10:27 il faut bien comprendre qu'aujourd'hui, vous avez un couvre-feu,
10:30 donc à partir de 23h,
10:32 qui empêche la population de sortir, généralement, le soir,
10:35 donc finalement, les restaurants livrent en permanence,
10:39 je vis actuellement avec un couple qui, justement, a ouvert un restaurant
10:44 pendant cette guerre, et qui l'a ouvert un peu plus tard
10:47 que la semaine dernière, justement,
10:49 et j'ai eu l'occasion d'assister à cette ouverture,
10:51 et il y a cette idée un peu d'espoir que, finalement,
10:55 la guerre, à un moment donné, va se terminer,
10:57 et que la société ukrainienne va pouvoir se relever,
11:01 mais j'ajouterais quand même qu'il y a un vrai manque de travail,
11:07 il y a un vrai chômage qui est important,
11:08 je pense qu'on n'emploie même pas le mot de chômage,
11:10 mais la réalité, c'est que les gens se concentrent avant tout
11:15 sur l'effort de guerre, se concentrent avant tout
11:17 sur la reconstruction de l'Ukraine,
11:19 il y a une grande solidarité entre les Ukrainiens et les Ukrainiennes,
11:23 il y a cette idée qu'il faut aider son prochain, etc.,
11:26 la plupart des gens ne se font pas payer,
11:29 ne sont pas rémunérés pour ce qu'ils font,
11:31 en réalité, ils aident avant tout ceux qui sont autour d'eux,
11:34 et on est dans une logique de système D, système Z, même, je dirais,
11:39 où chacun cherche ses propres moyens, solutions pour pouvoir manger, par exemple.
11:44 Dernière chose, Lucas Aubin, et c'est à souligner, je crois,
11:47 et toutes celles et ceux qui sont allés sur le terrain en Ukraine l'ont souligné,
11:51 il y a une formidable solidarité entre la société civile ukrainienne
11:56 et ceux qui sont au front, c'est-à-dire que la société civile ukrainienne
11:59 est vraiment unie derrière ceux qui combattent.
12:04 Oui, complètement, il y a vraiment cette idée,
12:06 comme je le disais au début, que l'Ukraine est du bon côté de l'histoire,
12:11 c'est-à-dire que l'Ukraine est le pays envahi et doit repousser l'envahisseur,
12:16 et effectivement, je n'ai pas rencontré une seule personne
12:20 qui dit quelque chose de négatif à l'égard, notamment, des militaires ukrainiens et ukrainiennes.
12:26 Il y a cette idée qu'il faut les soutenir, qu'il faut participer à l'effort de guerre,
12:29 d'une quelconque façon que ce soit, chacun apporte sa petite pierre à l'édifice,
12:34 et petite histoire, très courte par exemple, au début de l'invasion,
12:39 trois jours après, on a eu un véritable conciliabule dans le quartier dans lequel je vivais,
12:44 des grands-mères d'une rue qui se sont réunies
12:48 et qui ont essayé de mener leur propre "révolution".
12:53 Elles souhaitaient, pour éviter que la jeunesse aille au front,
12:55 elles souhaitaient aller elles-mêmes sur la place rouge au Kremlin
12:58 pour rencontrer Vladimir Poutine et lui faire entendre raison,
13:01 soit par la parole, soit par la force.
13:04 Évidemment, cette histoire est plutôt ironique, elle donne un peu le sourire,
13:08 néanmoins, ça donne une idée, finalement, de l'état d'esprit ukrainien aujourd'hui.
13:11 Merci, Lucas Aubin, directeur de recherche à l'Institut de relations internationales et stratégiques en direct de Kiev,
13:17 pour nous informer. Merci beaucoup.
13:19 Il est 12h27, vous êtes sur Sud Radio, vous avez écouté beaucoup de choses.
13:25 Je ne serai pas là la semaine prochaine, mais ça se passera très très bien
13:28 et nous nous retrouverons le lundi d'après.
13:31 Merci de nous avoir accompagnés, André Bercoff.

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