En route vers la fusion nucléaire (1/3) : la valse des noyaux
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Le 22 décembre 2022, la secrétaire à l'Énergie des États-Unis, Jennifer Granholm, annonçait en grande pompe au monde entier que des chercheurs américains venaient de réaliser « l’une des prouesses scientifiques les plus impressionnantes du XXIe siècle ». Et pour cause : c’était la première fois dans l’histoire qu’une expérience de fusion nucléaire en laboratoire libérait plus d’énergie qu’il en avait fallu pour la créer. Sans surprise, la nouvelle eut tout de suite l’effet d’une bombe sur les chaînes d'information. Au point de laisser penser, parfois, que nos systèmes énergétiques allaient connaître une révolution imminente.

Mais comme souvent en matière de nucléaire, les choses sont un peu plus compliquées qu’annoncées. Car pour obtenir des réactions de fusion, plusieurs pistes de recherche ont été empruntées par les scientifiques. Et parmi elles, deux méthodes concentrent la majeure partie des talents et des capitaux : la fusion par confinement inertiel par laser et la fusion par confinement magnétique.

L’emballement médiatique récent concernait la première solution, qui consiste précisément à reproduire les conditions de densité extrême de l’hydrogène qui sont à l’origine de la création des étoiles. Or ces expériences ne semblent pas calibrées pour produire de l’énergie à l’échelle de nos besoins. Elles servent surtout à augmenter nos connaissances pour améliorer nos programmes de simulation de la dissuasion nucléaire.

Pour opérer une véritable transition énergétique et tenter de contenir le réchauffement climatique, les espoirs s’orientent donc vers la seconde solution : la fusion magnétique. Elle consiste moins à compresser les atomes d’hydrogène qu’à les introduire dans un plasma dont la température varie entre 100 et 150 millions de degrés. Ces conditions extrêmes sont nécessaires pour les particules qui se rencontrent, fusionnent et libèrent de l’énergie.

Pour mieux comprendre la transformation qui s’opère au niveau des noyaux lors d’une réaction de fusion, discerner les différentes méthodes explorées par les chercheurs pour la reproduire en laboratoire, et sonder dans quelle mesure ces développements technologiques vont révolutionner nos systèmes énergétiques, voire devenir cruciaux pour lutter contre le changement climatique, nous avons interrogé Alain Bécoulet, qui dirige le domaine ingénierie du projet ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor).