Jean Ferrat - Epilogue (Aragon)

  • il y a 7 ans
Louis Aragon – Les poètes – 1960
La vie aura passé comme un grand château triste que tous les vents traversent
Les courants d'air claquent les portes et pourtant aucune chambre n'est fermée
Il s'y assied des inconnus pauvres et las qui sait pourquoi certains armés
Les herbes ont poussé dans les fossés si bien qu'on n'en peut plus baisser la herse
Quand j'étais jeune on me racontait que bientôt viendrait la victoire des anges
Ah comme j'y ai cru comme j'y ai cru puis voilà que je suis devenu vieux
Le temps des jeunes gens leur est une mèche toujours retombant dans les yeux
Et ce qu'il en reste aux vieillards est trop lourd et trop court que pour eux le vent change
J'écrirai ces vers à bras grands ouverts qu'on sente mon coeur quatre fois y battre
Quitte à en mourir je dépasserai ma gorge et ma voix mon souffle et mon chant
Je suis le faucheur ivre de faucher qu'on voit dévaster sa vie et son champ
Et tout haletant du temps qu'il y perd qui bat et rebat sa faux comme plâtre
Je vois tout ce que vous avez devant vous de malheur de sang de lassitude
Vous n'aurez rien appris de nos illusions rien de nos faux pas compris
Nous ne vous aurons à rien servi vous devrez à votre tour payer le prix
Je vois se plier votre épaule A votre front je vois le pli des habitudes
Bien sûr bien sûr vous me direz que c'est toujours comme cela mais justement
Songez à tous ceux qui mirent leurs doigts vivants leurs mains de chair dans l'engrenage
Pour que cela change et songez à ceux qui ne discutaient même pas leur cage
Est - ce qu'on peut avoir le droit au désespoir le droit de s'arrêter un moment
J'écrirai ces vers à bras grands ouverts qu'on sente mon coeur quatre fois y battre
Quitte à en mourir je dépasserai ma gorge et ma voix mon souffle et mon chant
Je suis le faucheur ivre de faucher qu'on voit dévaster sa vie et son champ
Et tout haletant du temps qu'il y perd qui bat et rebat sa faux comme plâtre

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