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  • 22/06/2025
Douleurs chroniques, troubles du sommeil, burn out... Souvent vus comme des superhéros, les soignants ont néanmoins besoin de soins comme tout le monde. Confrontés à de nombreuses situations à risques, ils sont même plus exposés que d'autres salariés. 60% d'entre eux souffrent de douleurs chroniques, contre 30% de la population générale. Un soignant sur deux a déjà connu un ou plusieurs épisodes d'épuisement professionnel, contre un Français sur trois. Alors, comment prévenir ces risques et mieux accompagner les professionnels de santé ? Comment améliorer leur accès aux soins ? Nous poserons ces questions à notre invitée la psychiatre Bénédicte Jullian.

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Transcription
00:00LCP Assemblée nationale, en partenariat avec MGEN, première mutuelle des agents du service public, présente État de santé.
00:30Près de 80% des soignants ne dorment pas suffisamment. 60% souffrent de douleurs chroniques. Et plus d'un sur deux a déjà fait un burn-out, voire plusieurs.
00:50On se croit fort, on accumule, on accumule, mais en fait, ça nous range de l'intérieur.
00:55Depuis la crise du Covid-19, les patients et les pouvoirs publics prennent peu à peu conscience de la nécessité de mieux prévenir ces risques.
01:05Dans les hôpitaux, des solutions émergent.
01:08Avec ce type de pratique, de méditation, c'est mettre une certaine distance, accueillir cette souffrance sans se laisser submerger par elle.
01:18Si les soignants vont mal, qui peut prendre soin d'eux ? C'est le thème de ce nouveau numéro d'État de santé.
01:25Bonjour à tous et bienvenue dans ce numéro d'État de santé avec cette question.
01:33Qui soigne les soignants ? Nous sommes en direct du salon Sant'Expo.
01:38Et c'est vrai que si les soignants, les médecins, les infirmières nous aident à guérir, qui les aide, eux, à supporter leur souffrance ?
01:46Bonjour docteur Julien. Merci beaucoup d'être avec nous. Comment allez-vous, vous ?
01:49Moi, je vais plutôt bien. Je vous remercie de vous en inquiéter. C'est toujours surprenant.
01:55Mais il y a des patients qui s'intéressent à notre État quand ils viennent nous voir.
01:59C'est vrai ?
01:59Ce n'est pas très commun, mais c'est plutôt agréable en réalité.
02:02Est-ce que ça vous est arrivé d'ailleurs ? La question vient à l'esprit.
02:05Vous êtes face à un malade qui dit sa souffrance et vous vous dites en même temps, mais moi aussi je vais mal.
02:11Et qui s'y intéresse ?
02:13Oui, malheureusement, ça arrive. Ça arrive souvent même que les patients m'exposent des difficultés ou des symptômes.
02:17Et ma petite voix à l'intérieur me dit, oh là là, moi aussi.
02:20Et il faut que je trouve des solutions pour aider la personne qui peut-être me serviront un peu à moi.
02:25Et que j'essaie de m'appliquer à moi, mais que des fois, je n'y arrive pas.
02:27Mais oui, bien sûr, ça arrive.
02:29Alors, c'est quand même un tabou, cette question.
02:31Ça fait très longtemps que vous vous intéressez à cette problématique.
02:35Votre parcours ?
02:36Je suis Bénédicte Julien, psychiatre addictologue à Toulouse.
02:44Je m'intéresse depuis plusieurs années maintenant à la santé des soignants.
02:47J'ai contribué à monter une consultation d'addictologie à destination des professionnels de santé.
02:52Et j'ai aussi co-coordonné le diplôme interuniversitaire Soigner les soignants.
02:57Et là, actuellement, on a le projet de monter un dispositif de soins dédié aux professionnels de santé
03:02qui proposeraient des consultations externes ainsi qu'une prise en charge en hôpital de jour.
03:11Alors, docteur Julien, est-ce que pour les soignants eux-mêmes, la maladie n'est pas un tabou ?
03:20Effectivement, je crois qu'il y a un vrai sujet autour de est-ce que le médecin ou est-ce que le soignant
03:24peut s'autoriser à un moment donné à être malade et à les demander de l'aide ?
03:29Moi, j'ai souvenir, pendant mon parcours de formation, je ne crois pas jamais avoir entendu parler de cette thématique.
03:38Jamais, alors que vous avez fait une formation psychiatre, on a évoqué la possibilité que le psychiatre lui-même
03:43soit atteint d'une maladie mentale ou une maladie même physique. Jamais.
03:47Non, c'est un sujet tabou. En tout cas, on ne s'intéressait pas au moment où moi j'ai fait mes études
03:51à ce qu'on peut ressentir quand on est chaque jour en train d'essayer d'aider des patients en difficulté à aller mieux.
03:58Donc, c'est un déni. C'est un déni dans la profession.
04:02Alors, oui, c'est une forme de déni et je pense aussi que c'est un mécanisme de défense
04:05parce que ce n'est pas facile d'entrevoir notre propre vulnérabilité quand on nous demande
04:10tout au long de notre parcours de formation, mais même je pense qu'on se l'impose à nous-mêmes,
04:14d'être le plus efficient possible, d'être le plus disponible possible, d'être le plus performant possible aussi.
04:22Et on ne s'autorise pas trop à écouter quelles sont nos difficultés à nous.
04:26Alors, les médecins, ils ont évidemment des risques professionnels, comme tout salarié, comme toute personne qui travaille,
04:33c'est-à-dire un excès de travail, des horaires infernaux, des conditions de travail qui sont difficiles.
04:38Ça, on l'a compris quand même. On a vu que c'était extraordinairement difficile.
04:41Et à cela s'ajoute, pour eux, l'obligation d'endosser la souffrance des autres.
04:48Et parfois, évidemment, et on y pense toujours, d'affronter la mort des autres.
04:52Donc, il y a un double niveau de souffrance professionnelle.
04:55C'est vrai, c'est vraiment la particularité des métiers du soin en général,
04:58parce que ça ne concerne évidemment pas que les médecins, les infirmiers, les aides-soignants
05:02et tous les autres professionnels qui côtoient les patients au quotidien,
05:06y compris les ASH, qui ont souvent une place très importante dans les moments un peu clés du quotidien des patients,
05:11quand ils sont seuls dans leur chambre ou en difficulté, après le passage de l'équipe soignante, par exemple.
05:16Et il y a aussi tous les professionnels médicaux sociaux qui sont exposés à ça,
05:19à être exposés quotidiennement à la souffrance des personnes.
05:24Ça peut être la souffrance sociale, mais aussi de leur santé.
05:27Et puis le risque, évidemment, de mourir de maladies graves.
05:30Oui, mais la mise à distance par rapport à la souffrance du patient, elle est automatique ou pas ?
05:35Je crois que cette distance, elle s'installe au bout d'un moment de fait,
05:40parce qu'on apprend finalement petit à petit à mettre une distance émotionnelle par rapport à ce que vit la personne en face.
05:47Mais en réalité, c'est un travail de tous les jours parce qu'on ne peut pas s'empêcher de s'identifier ou de se projeter.
05:53Il y a des situations particulières qui vont nous parler plus que d'autres par rapport à notre histoire personnelle,
05:57par rapport à notre âge, à notre situation, à ce qu'on a vécu personnellement.
06:02Et ce n'est finalement pas si simple que ça de mettre de la distance.
06:06Et au-delà de ça, le fait de s'engager émotionnellement, de faire preuve d'empathie,
06:11c'est un des éléments du soin et de la relation soignante.
06:14Donc on ne peut pas s'en enfranchir complètement.
06:16On doit avoir quand même un degré minimum d'empathie.
06:19Je l'ai dit, vous avez des risques professionnels liés à l'exercice.
06:23Vous avez l'exposition à la souffrance des autres.
06:24Et vous avez aussi une troisième strat, c'est la responsabilité.
06:29Parce que vous avez la responsabilité de notre santé.
06:32Et vous devez prendre parfois des décisions qui sont difficiles.
06:35Il y a des dilemmes.
06:36Ça, ça ajoute aussi à la difficulté.
06:38Et c'est probablement celle qui pèse le plus et qui est la moins bien connue ou reconnue.
06:43C'est un sujet dont on parle relativement peu pendant nos études.
06:46La question de la responsabilité engagée à travers faire un choix de médicaments plutôt qu'un autre,
06:52rédiger un certificat en psychiatrie, on a la particularité d'avoir les soins sans consentement.
06:58Moi, c'est quelque chose qui m'a beaucoup interrogée au moment où je suis passée d'interne à médecin Thésée.
07:03Puisque c'est le moment où on a le droit de rédiger des certificats.
07:08Et j'ai pris conscience ce jour-là que j'avais le pouvoir, quelque part, de priver quelqu'un de sa liberté.
07:16Au nom de sa santé, évidemment.
07:18Mais pour quelqu'un qui ne reconnaît pas ses troubles,
07:19ma signature en bas de la page fait que la personne va être mise dans une situation,
07:26une chambre sécurisée éventuellement, un service sécurisé,
07:29et ne sera plus libre de ses allées-venues.
07:31Eh bien ça, moi, ça m'a beaucoup remuée.
07:34Mais on ne va pas vraiment me préparer à...
07:37À ça, à cette prise de décision.
07:40Effectivement, ce sont des facteurs de stress considérables.
07:43Je vous propose qu'on écoute les témoignages recueillis par notre reporter journaliste Marianne Cazot.
07:49Elle a rencontré précisément des soignantes qui sont prises en charge
07:53au Centre de prévention de l'épuisement professionnel des soignants du CHU de Toulouse.
07:59Vous connaissez forcément parfaitement bien cette structure.
08:03Regardez, écoutez.
08:03J'ai saturé, mais saturé en beugant, en fait, intellectuellement.
08:12Je n'arrivais plus à travailler.
08:13C'est même une fille de 6 ans qui, un soir, me dit
08:15« Mais maman, ça va pas, tu fais que pleurer ? »
08:18C'était plus possible, en fait, de continuer.
08:24Un peu comme un signal d'alarme qui dit « Là, maintenant, stop ! »
08:28J'ai interverti deux patients.
08:31Il n'y avait pas de conséquences en soi, parce que c'était rattrapé par mon collègue.
08:35Et en fait, là, je me suis à nouveau effondrée.
08:38Et j'ai téléphoné à mon cadre noir en disant « Là, je ne vais pas revenir. »
08:43Les soignants, comme l'ensemble de la population générale de travailleurs,
08:50sont exposés à l'épuisement professionnel ou burn-out.
08:54Il y a des particularités néanmoins dans la profession de soignant.
08:57Il y a une grande capacité d'engagement, une certaine empathie.
09:02Et il y a, bien entendu, le contact avec la mort
09:05qui favorise le développement de l'épuisement professionnel.
09:08En plus, bien entendu, de la charge de travail, des horaires atypiques de travail.
09:12On se croit fort, on accumule, on accumule.
09:15Mais en fait, ça nous ronge de l'intérieur.
09:19En grosso modo, ça fait 11 ans que j'accompagne des gens en soins palliatifs,
09:22avec des cancers très avancés ou de mauvais pronostics.
09:26Et que là, je n'avais plus l'éponge émotionnelle qu'il y avait entre le patient et moi.
09:32Vraiment, je trouvais ça l'injustice, la colère, la douleur, la tristesse, les angoisses.
09:40Je prenais tout de plein fouet.
09:41Et c'est ce qui a déclenché, en mai 2024, un trop-plat.
09:49Le monde du soin a énormément changé ces dernières années.
09:54Les personnes soignantes peuvent se retrouver un petit peu en déséquilibre
09:58par rapport à ce qui les a poussées à faire soignants
10:01et la réalité du terrain pratique au contact de leurs patients.
10:05Peut-être qu'il y avait, oui, des choses qui se mettaient en place
10:09qui faisaient que je n'arrivais pas à les prendre en charge
10:15comme j'aurais aimé les prendre en charge.
10:18Il y a eu une augmentation majeure de consultations pour l'épuisement professionnel de soignants
10:26dans les suites de la période Covid.
10:29On a eu l'idée de proposer un centre spécifique de prise en charge
10:33qui va associer des consultations médicales, des consultations avec des psychologues du travail,
10:37des psychologues cliniciens et puis des ateliers thérapeutiques.
10:41Quand on a l'impression que l'autre est supérieur à soi, on a du mal à s'affirmer.
10:47C'est ce qui peut être le frein, parfois.
10:50Donc plus on va travailler sur soi, sur sa confiance en soi pour le coup, ses compétences,
10:55plus ça va être facile de s'affirmer face à certaines personnes dans certaines situations.
10:59Je dis non, j'impose mes limites, quand j'ai quelque chose à dire, je le dis.
11:05Ça, c'est vraiment l'affirmation de soi.
11:07Je suis en phase avec moi-même parce que je dis les choses.
11:10D'accord ?
11:11Tous les ateliers, tout ça, ça m'a fait réfléchir à l'arrêt.
11:14Mais pour moi, j'en étais arrivée là parce que je n'ai pas vu venir.
11:16Je me suis dit qu'en fait, je ne savais même plus ce dont j'avais envie et besoin.
11:20Moi, ma vocation, je m'étais dit à 16, 17 ans, c'est d'aller sauver le monde,
11:26aider ceux qui vont mal.
11:30Ça a été très dur pour moi, justement, d'être en arrêt maladie
11:32parce que je ne savais plus ce que j'étais après.
11:38Ils ont passé avant moi et à un moment donné, ça craque.
11:41Voilà.
11:42Donc, j'ai pris l'impression de prendre soin de moi.
11:45C'est bien.
11:46C'est dommage de devoir en passer par là.
11:49Mais en même temps, ça apprend tellement sur soi, sur ses limites et être plus en phase
11:57avec soi-même.
11:57C'est vrai qu'il y a une fragilité qui s'est installée et qui, peut-être qu'elle diminuera,
12:04peut-être qu'elle partira, mais peut-être qu'elle restera là.
12:07Et en tout cas, d'un autre côté, je l'aime bien parce que ça me fait une petite alerte
12:11pour me dire, t'es fatiguée, il faut que t'ailles manger.
12:14T'es fatiguée, il faudrait que tu fasses la sieste.
12:17Prends soin de toi, pose-toi et ne t'oublie pas.
12:20Docteur Julien, dans ce reportage qu'on a vu, il y a des malades qui refusent de s'exprimer
12:31comme on dit face caméra.
12:33Ces personnes ont honte de leur propre maladie ?
12:37Alors, je pense que la honte, c'est quelque chose d'assez répandu dans le champ des problématiques
12:42de santé mentale.
12:43Ce n'est pas propre aux soignants, mais il est probable que les soignants soient encore
12:47plus en difficulté vis-à-vis de ce sujet-là, pas tant parce qu'ils ont honte de présenter
12:53ces symptômes-là, mais c'est plus les conséquences que ça peut avoir à la fois sur les équipes
12:59de soins.
12:59Très difficile de s'autoriser à dire, là, j'en peux plus, je vais m'arrêter parce
13:03qu'on sait que si on s'arrête, la charge de travail va reposer sur les autres qui sont
13:07déjà aussi fatigués, aussi pas loin d'être au bout du rouleau.
13:10Donc ça, c'est quand même très, très compliqué et c'est probablement un frein à reconnaître
13:14qu'on est fatigué, qu'on est épuisé, qu'on a besoin d'aide.
13:17Et ensuite, la deuxième chose, c'est les notions de stigmatisation, c'est-à-dire
13:20qu'être malade de dépression, d'addiction, c'est encore quelque chose qui, dans notre
13:26société, est un sujet tabou.
13:27Mais encore plus dans la profession médicale, parce qu'on imagine qu'un psychiatre, par
13:32exemple, qui fait un burn-out, vous avez fait un burn-out, docteur, ou pas ?
13:35Je ne pense pas avoir fait de burn-out caractérisé, entre guillemets, mais je pense que j'ai
13:41frôlé les limites pendant un certain temps, oui.
13:44Une autre question.
13:45Les médecins, ils savent comment on soigne.
13:47Quand ils ressentent un malaise professionnel, ils sont tentés de se soigner eux-mêmes,
13:52puisqu'ils connaissent, ils savent exactement ce qu'on doit mettre sur une ordonnance.
13:56C'est un des principaux vecteurs du retard à l'accès aux soins, parce que les personnes
14:01vont essayer de s'auto-médiquer.
14:03C'est des gens qui ont appris, plus ou moins, en fonction des spécialités qu'on
14:06a faites, mais qui ont quelques bases et qui vont spontanément essayer différents
14:12traitements pour voir s'ils vont mieux.
14:14Oui, bien sûr.
14:14Et pourquoi c'est un retard ? Parce qu'en réalité, de la même façon que les cordonniers
14:19sont mal chaussés, les médecins ne sont pas les meilleurs pour s'auto-médiquer.
14:23Notamment dans le champ de la santé mentale, où a fortiori des addictions, on
14:26manque cruellement d'objectivité, de distance quand on se soigne soi-même.
14:30Mais je crois qu'il est hyper important de poser la responsabilité que l'on engage
14:34et surtout la limite.
14:36C'est-à-dire que ce n'est pas pareil de faire une prescription, je caricature
14:39volontairement, mais de doliprane que de somnifère, par exemple.
14:42Et après, comment on s'arrête quand on a commencé et comment on peut passer la
14:45main vers un spécialiste ?
14:46Vous êtes addictologue.
14:48Et comment on s'arrête ?
14:49C'est-à-dire qu'il y a évidemment un risque d'addiction pour le médecin qui
14:54s'auto-prescrit, je ne sais pas, des antalgiques, des pilules pour être moins
15:00stressé.
15:01Il y a ce risque-là.
15:02Bien sûr, il existe.
15:03Et puis il existe aussi avec toutes les autres substances psychoactives qui peuvent
15:07exister, qui sont utilisées communément, on va dire, comme anxiolytiques ou aide à
15:13dormir.
15:13Et la problématique est identique, si ce n'est que l'accès facilité à la prescription
15:17et à l'automédication.
15:18Elle pose une vraie difficulté.
15:21On creuse toujours cette question du tabou, la difficulté de se déclarer soi-même malade
15:26quand on est un soignant.
15:28Vous diriez, après ces années d'expérience, si vous vous sentez mal, aller plutôt dans
15:34un autre hôpital pour ne pas être soigné par un collègue ?
15:37Alors, ce n'est pas forcément moi qui le dis, mais ce sont les études qui le montrent
15:40et les patients, évidemment, qui en témoignent.
15:43Tout dépend du sujet traité.
15:44Dès qu'on touche aux sphères un peu plus intimes, c'est-à-dire la gynécologie, la
15:48santé mentale, la dictologie, là, quand on interroge, que ce soit les étudiants ou
15:53les plus âgés, ils préfèrent aller consulter en dehors de leur lieu de travail.
15:57Alors, on va regarder une autre expérience.
16:00Elle est proposée à l'Institut de médecine intégrative et complémentaire, IMIC, du
16:05CHI de Bordeaux, que vous connaissez aussi, bien sûr, à son personnel, avec de la méditation
16:11de pleine conscience, hypnose et méditation de pleine conscience.
16:15Regardez cette séance, reportage de Marianne Cazot.
16:18Vous connaissez bien cette situation où lorsque l'on est dans l'intérieur d'une
16:31maison, avec des volets fermés, on se sent parfaitement en sécurité.
16:35Et ces paupières font comme des volets qui vous permettent de pouvoir être à l'intérieur
16:40de vous-même en toute sécurité.
16:43Si vous laissez la respiration se déployer là jusque dans le ventre, prendre conscience
16:49de cette respiration abdominale, réfléchir à la question « Pourquoi je suis là aujourd'hui ? »
17:00Qu'est-ce que j'attends de cette journée d'initiation ? Il n'y a rien de mystérieux
17:07derrière ce mot « méditation de pleine conscience », c'est simplement prendre conscience de ce
17:13que nous sommes en train de faire, être présent à ce que l'on fait.
17:16C'est le propre du cerveau humain, ce vagabondage mental et ces pensées, malheureusement,
17:21ces pensées peuvent avoir une charge émotionnelle, même générer parfois des situations de stress.
17:28Je suis infirmière sur le plateau de la néphrologie, transplantation, dialyse et je suis ici
17:34pour prendre son nom en fait. Jusqu'à présent, j'ai fait des formations pour accompagner le patient
17:39et là c'est vraiment une formation que j'ai demandé pour moi. Une collègue m'en avait parlé
17:44en me disant « moi ça m'a permis de ne pas passer du côté obscur du burn-out ».
17:48Ça fait plus d'une trentaine d'années que je suis infirmière et j'ai eu l'impression
17:51de donner, de donner, de donner et que finalement on est essouré, on va dire ça comme ça.
17:57L'an dernier, je me suis fracturé la cheville donc j'ai été obligée d'être arrêtée
18:01pendant deux mois et c'est là que ça m'a permis de prendre conscience un peu que l'impact
18:06et la charge que j'avais au niveau de mon travail etc. Effectivement, j'ai envie de penser
18:11à moi maintenant et prendre soin de moi.
18:13Face à la souffrance, face à la mort, il y a un épuisement émotionnel qui peut survenir
18:21et on le sait aujourd'hui, ça fait le lit du burn-out.
18:25Avec ce type de pratique, de méditation, c'est mettre une certaine distance, accueillir
18:32cette souffrance sans se laisser submerger par elle.
18:34Sentant l'air qui rentre et qui sort par les narines, à chaque inspire et à chaque expire.
18:43Ce qui était important pour nous, c'était d'avoir des méthodes qui avaient une base scientifique
18:53avec des recherches, avec des études et que nous connaissions, que nous avions expérimenté.
19:01L'hypnose pour les soignants, c'est vraiment pour les aider à la gestion du stress,
19:06les phobies, la gestion des insomnies et les douleurs, évidemment.
19:14Autorisez votre corps à aller rechercher l'ensemble de ces processus qui lui permettent
19:19de pouvoir aller vers cette diminution de la douleur et surtout de remplacer ces perceptions-là
19:26par autre chose.
19:29En quelques séances, en général cinq, ils s'autonomisent très vite après l'auto-hypnose
19:33et ensuite peuvent l'utiliser régulièrement lorsqu'ils en ont besoin.
19:36Grâce à l'auto-hypnose, on va essayer de percevoir notre douleur de façon différente
19:42et de réduire l'intensité en pensant à quelque chose de plutôt positif.
19:47Quand vous le souhaiterez, vous pourrez ouvrir les yeux.
19:51Et quand vous vous sentez prête, quand vous vous sentez prêt à votre rythme,
20:02simplement commencer à entre-ouvrir les paupières, mettre un peu de lumière.
20:08Voilà.
20:08Voilà donc pour cette séance d'hypnose dont ont besoin les soignants pour reprendre
20:19en charge leurs propres souffrances.
20:20Vous en avez déjà fait d'ailleurs, vous, des séances d'auto-hypnose ou de l'hypnose ?
20:24Oui, à un moment de la méditation de pleine conscience, je me suis formée.
20:26C'est des outils qu'on a utilisés avec les patients soignants notamment.
20:29C'est une technique qui a fait l'épreuve de son efficacité dans la réduction du stress,
20:33mais aussi en addictologie.
20:34Donc c'est un outil très intéressant.
20:35Validé par le docteur Julien.
20:40Il y a un gros enjeu de reconnaissance du travail des médecins.
20:45Est-ce que ce défaut de reconnaissance qui peut exister,
20:49par le défaut de rémunération, trop d'heures, travailler, etc.,
20:52vous pensez que ça joue beaucoup dans la souffrance des médecins ?
20:57Très clairement, c'est un des premiers vecteurs qui arrive dans les études
21:00quand on interroge les principales sources de souffrance des professionnels de santé.
21:03et ça inclut tous les professionnels du champ de la santé et du médico-social.
21:08On voit, on en est témoins tous, que notre système de santé n'est plus ce qu'il était.
21:14Les choses se dégradent.
21:15Et du coup, forcément, les soignants qui sont témoins de ça se sentent un peu responsables.
21:21En tout cas, ils sont témoins de ça.
21:23Ils culpabilisent ?
21:24Bien sûr, énormément.
21:25C'est vraiment quelque chose de très difficile quand on est de garde aux urgences, par exemple,
21:29et qu'on se retrouve confronté à ça, à ce flux incessant de patients.
21:32Pourquoi vous ne me prenez pas ? Pourquoi c'est si long, etc.
21:35C'est terrible, c'est terrible.
21:36Et de prendre des décisions, quelquefois, qui ne seraient pas la plus optimale,
21:40par manque de moyens, ça, c'est quelque chose de difficile à apporter.
21:44Vous avez du boulot pour aider les soignants.
21:46Vraiment, la charrette est pleine.
21:49Je voudrais maintenant que Mme Arlène nous rejoigne,
21:51parce qu'on va parler de prévention.
21:54Asseyez-vous.
21:54Bonjour, Mme Arlène.
21:55Vous êtes directrice de la prévention à la MGEN,
21:57qui nous accueille aujourd'hui à Sant'Expo.
21:58Et puisqu'on parlait de tabou tout à l'heure avec Dr Julien,
22:01est-ce que dans les hôpitaux, on a conscience, justement,
22:03de la nécessité de prévenir la souffrance des soignants ?
22:07Cette prise de conscience n'est pas encore là.
22:10On est au balbutiement.
22:11Donc, effectivement, il y a encore beaucoup de tabous,
22:13beaucoup de soignants qui pensent qu'il faut qu'ils soient forts
22:15et donc qui ne prennent pas forcément suffisamment soin d'eux.
22:18alors qu'ils commencent à savoir qu'il y a des techniques et des méthodes
22:21qui permettent de prendre soin de soi pour prévenir l'apparition de la maladie.
22:26Donc, vous dites aux hôpitaux, faites appel.
22:28Nous, on a des formations qui peuvent vous aider.
22:30Le management, c'est important dans toutes les entreprises,
22:33évidemment, pour prévenir la souffrance professionnelle.
22:36Qu'est-ce que vous dites aux managers des hôpitaux de ce point de vue-là ?
22:39Alors, ce qu'on dit aux managers des hôpitaux,
22:41c'est prenez d'abord soin de vous et ensuite prenez soin aussi des soignants.
22:44C'est-à-dire que l'idée de la prévention, c'est de mettre en place un cercle vertueux
22:47et d'intervenir sur l'ensemble des déterminants de la santé.
22:51Donc, c'est l'organisation du travail, c'est l'environnement du travail,
22:55c'est la direction, c'est le management et c'est la personne.
22:58Et donc, c'est prévenir les violences, c'est prévenir la souffrance psychique,
23:03c'est travailler notamment sur la méditation pleine conscience,
23:05mais aussi sur les relations positives.
23:07C'est prendre le temps de se reposer.
23:09On a un vrai sujet d'organisation du travail dans les hôpitaux.
23:11Faire une pause, mais une pause qui permet vraiment de se reposer.
23:16Donc, c'est arriver à déconnecter.
23:17Et pour finir, Madame Marley, vous trouvez qu'en France, on est très en retard de ce point de vue-là ?
23:23Malheureusement, oui, on peut dire qu'on est très en retard.
23:25Si on se compare par exemple à des pays comme les pays du Nord ou à Singapour,
23:29la culture de prévention est vraiment intégrée au travail et dans la vie citoyenne.
23:33Et donc, effectivement, par exemple, à Singapour, l'espérance de vie en bonne santé est de 10 ans supérieure à la nôtre,
23:39alors que l'espérance de vie est égale.
23:40Donc, on voit, on a un boulevard, on connaît les bonnes pratiques.
23:43Il faut juste y aller.
23:44Merci beaucoup, Madame Marley, d'avoir été avec nous.
23:48Docteur Julien, on vous retrouve dans chacune de nos émissions.
23:52On pose une question à un député, c'est la règle.
23:54Et vous vouliez vous adresser à Agnès Firmin-Lebaudot,
23:57ancienne ministre déléguée chargée de l'Organisation territoriale des professions de santé.
24:01Aujourd'hui, elle est députée au Raison à l'Assemblée nationale de Seine-Maritime.
24:05Et vous avez voulu lui demander comment pérenniser les initiatives locales
24:10qui ont montré leur utilité pour améliorer et préserver la santé des soignants.
24:16Sa réponse.
24:21La pérennité, d'abord, je crois que c'est la prise de conscience
24:23que l'enjeu de la santé des soignants est un enjeu de santé publique.
24:27Et donc, une fois qu'on aura ancré ça,
24:29j'allais dire à la fois auprès des chefs d'établissement,
24:33à la fois auprès des ordres, à la fois auprès des syndicats,
24:35à la fois auprès du pouvoir public,
24:37je pense qu'on pourra mettre en musique les mesures prises,
24:40mais surtout en assurant la pérennité,
24:42ça deviendra une politique publique,
24:44avec des moyens dédiés, mais pas que des moyens financiers.
24:46Je pense que la mise à disposition de temps,
24:49le temps du midi, par exemple,
24:51pour faire de l'activité physique adaptée,
24:53de permettre d'aller passer ses examens médicaux sur le temps de travail,
24:57de permettre, par exemple, au bus du cœur de Claire Mounier,
25:00qui fait des examens cardiovasculaires et gynéco,
25:03de venir en bas d'un établissement
25:05et de permettre à tous les professionnels d'une ville
25:07de venir se dépister.
25:09Ce sont des moyens importants.
25:11Et je pense qu'à la rentrée prochaine,
25:13je déposerai une proposition de loi sur ce sujet,
25:16avec trois ou quatre mesures,
25:18parce que je pense aussi que maintenant,
25:20en tant que députée, je dois être aussi lanceur d'alerte
25:22pour faire en sorte que ce sujet soit pris en compte par les pouvoirs publics.
25:26Donc, si vous voulez, vous serez la bienvenue pour travailler à mes côtés.
25:32Voilà, donc,
25:34Madame Agnès Fermin-Lobodo,
25:35qui vous invite à venir travailler avec elle.
25:37Vous allez le faire ?
25:38Avec grand plaisir, oui, bien sûr.
25:40Il y a un instant, avec Madame Marley,
25:41on disait qu'on était en retard en France.
25:44Vous êtes d'accord aussi ?
25:46Vous faites du benchmarking, comme on dit ?
25:48Vous allez regarder un peu ailleurs comment on fait mieux ?
25:50Tout à fait, notamment sur le sujet de la consultation dédiée aux soignants.
25:54Effectivement, il y a beaucoup d'autres pays
25:55qui sont très en avance par rapport à nous
25:57et qui ont créé des dispositifs
25:58qui permettent de s'affranchir des freins à l'accès aux soins,
26:01notamment en préservant la confidentialité dans des lieux neutres
26:04et en étant un peu réactifs,
26:06parce que souvent, quand les soignants se décident à consulter,
26:09il est souvent bien tard dans l'avancée des symptômes
26:12et du retentissement.
26:13Donc, oui, c'est très inspirant.
26:15Et Madame Fermin-Lobodo a beaucoup fait avancer ce sujet
26:18grâce à la mission qu'elle a coordonnée.
26:20Pour finir, dans les études de médecine,
26:23il faudra un module qui soit dédié.
26:26Je vois votre sourire, donc vous approuvez.
26:28Bien sûr, pour moi, c'est fondamental.
26:30Et je pense qu'on n'est pas loin d'y arriver
26:33parce que c'est une préoccupation de nos universités.
26:35Et c'est aussi une demande des étudiants
26:36qui, peut-être la jeune génération,
26:39est beaucoup plus consciente du risque pour leur santé mentale,
26:43de la complexité de gérer cette responsabilité,
26:46encore plus dans un paysage qui est en train de changer.
26:48Donc, oui, je pense que c'est une vraie nécessité aujourd'hui.
26:51Merci beaucoup, docteur, d'avoir été avec nous,
26:53d'être venu de Toulouse au salon Sant'Expo.
26:56Soignez les soignants, c'était passionnant d'en parler avec vous.
26:58Merci beaucoup de nous avoir suivis
27:00dans ce numéro d'État de santé.
27:01Merci à toutes les équipes qui préparent
27:02depuis très longtemps cette émission.
27:05A très vite, au revoir.
27:06LCP Assemblée Nationale, en partenariat avec MGEN,
27:26vous a présenté État de santé.
27:27Sous-titrage Société Radio-Canada
27:31Merci à tous.

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