- il y a 9 heures
Nos invités sont Antoine de Baecque, auteur de "Bardot" (Les Pérégrines), Yves Bigot, directeur de TV5 monde, auteur de "Brigitte Bardot : la Femme la plus belle et la plus scandaleuse au monde" (Don Quichotte) et Simonetta Greggio, romancière et traductrice, "Mes nuits sans Bardot" (Albin Michel). Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-lundi-29-decembre-2025-3589010
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00:00Peut-on être terriblement moderne et farouchement réactionnaire, magnifiquement lumineuse et violemment misanthrope,
00:07inlassable défenseur du vivant et capable des pires sorties racistes ?
00:11Eh bien, Brigitte Bardot était tout cela à la fois ou successivement star mondiale, mythe français, pionnière de la cause animale.
00:19On va tâcher d'en parler ce matin dans toute sa liberté et donc dans toute sa complexité et dans tous ses excès.
00:26Trois invités dans ce grand entretien. Antoine Debecq, bonjour.
00:29Bonjour.
00:29Historien, critique de cinéma, de théâtre, vous avez écrit une biographie sobrement intitulée Bardot avec cette couverture jaune aux éditions Les Pérégrines.
00:39Un autre biographe de bébé avec nous, Yves Bigot, bonjour.
00:43Bonjour, Simon.
00:44Brigitte Bardot, la femme la plus belle et la plus scandaleuse au monde.
00:48C'est le titre de votre livre chez Point, homme de radio, homme de télévision.
00:53Yves Bigot est vrai tropezien, dites-vous, vous avez croisé Bardot dès votre enfance.
00:58Et elle nous répond depuis Saint-Tropez, justement, la romancière italienne Simonetta Greggio.
01:03Bonjour.
01:04Bonjour.
01:05Vous avez coproduit La Grande Traversée sur France Culture, consacrée à Bardot, élue par Virginie Effira.
01:11Et vous avez publié Mes Nuits sans Bardot, portrait romancé de l'icône chez Albain Michel.
01:17Dialoguez avec nous aussi, comme d'habitude, vous qui nous écoutez, 01 45 24 7000 et application de Radio France.
01:24Vous connaissez le moyen de nous appeler, de nous écrire.
01:27J'ai tenu à évoquer en quelques mots la complexité du personnage, très difficile à résumer.
01:33Mais si vous deviez en quelques mots, chacun, chacune, expliquer à un enfant, un adolescent, un jeune,
01:39qui n'a pas connu, évidemment, les années 60, mais qui n'aurait même pas vu les films de Bardot.
01:45Si vous deviez lui expliquer qui elle était, qui elle l'est, qui elle reste, que lui diriez-vous, Antoine Debecq ?
01:53Je dirais que c'est un phénomène.
01:55Il y a un événement Bardot, un avènement Bardot, un corps qui apparaît à un moment, une manière de parler.
02:04Je pense que c'est quelque chose que tout le monde peut entendre, qui est foncièrement originale et qui fait polémique.
02:14Je pense que c'est ça qui est intéressant aussi chez Bardot, c'est qu'elle provoque les débats,
02:20elle provoque les fureurs ou au contraire les adhésions très fortes.
02:25Et voilà, c'est cette forme-là un peu, je dirais, Bardot.
02:30Simone est agrédié au Bardot, expliquer à un enfant.
02:32Je l'ai fait avec ma petite nièce qui a 12 ans et qui a adoré la figure de Bardot.
02:40Et elle m'a dit, mais qu'est-ce qu'elle a cette femme de si merveilleux, à part le fait qu'elle est très belle.
02:47Et je lui ai dit, c'est le prix à payer pour être libre, ma chérie.
02:50Ça, c'est vraiment le prix qu'une femme doit payer pour être libre.
02:53Donc, étudie ce qu'a fait cette femme pour voir un peu comment on fait, pour tracer sa route dans un monde d'hommes, surtout à son époque.
03:03Et Yves Bigot ?
03:04La plus grande star internationale que la France a jamais connue et qui ne soit pas footballeur.
03:10Tout simplement. La seule, à son époque, en tout cas, à pouvoir faire de l'ombre à Marilyn Monroe.
03:15Oui, bien sûr. Et elles se sont rencontrées, d'ailleurs, à Londres, à une soirée qui était donnée par la reine Elisabeth II.
03:23Alors que Bardot était à peine connue, elle avait déjà une petite carrière en Grande-Bretagne.
03:27Elle n'était toujours pas connue en France à ce moment-là.
03:30L'autre aspect de Bardot qui est essentiel, c'est que c'est sans doute elle qui a eu le plus fort impact en faveur du féminisme et des droits de la femme dans le monde.
03:42Alors qu'elle disait, pourtant qu'elle n'était pas féminisme, le féminisme, je m'assoie dessus.
03:48Et on reparlera de ses déclarations racistes, de ses condamnations aussi.
03:53Mais ce qu'elle a symbolisé, et ça, c'est un fait historique dans cette France d'après-guerre et d'avant les Trente Glorieuses, c'est la liberté.
04:04C'est le mot qui la résume le mieux, Antoine de Becque.
04:06Oui, je pense que c'est un mot, en tout cas, qui est très juste par rapport à Bardot.
04:10La liberté de choisir les hommes qu'elle veut aimer.
04:14La liberté d'être la prédatrice et plus la proie.
04:18C'est Simone de Beauvoir qui écrivait ça sur Bardot.
04:21Et je pense que, voilà, Bardot a fait qu'on a beaucoup écrit sur elle.
04:25Ça a été un phénomène, les intellectuels se sont intéressés à Marguerite Duras.
04:31De Marguerite Duras à François Sagan à Simone de Beauvoir.
04:34On a écrit sur Bardot parce qu'elle signifiait quelque chose.
04:37Et ce qu'elle signifie, je pense que fondamentalement, oui, c'est une autre manière d'être femme.
04:44Par exemple, au cinéma, tout simplement, le fait de faire imploser l'emploi de la jeune première.
04:49Voilà, tout d'un coup, Bardot, avec sa manière d'être, son corps, sa liberté sexuelle, sa manière de parler,
04:57eh bien, voilà, elle fait véritablement apparaître quelque chose de moderne, de contemporain, surtout, dans le cinéma.
05:05Et ça, Truffaut et Godard ne l'ont pas raté là-dessus.
05:08Ils ont vu tout de suite ça.
05:09Alors qu'elle était moquée, son talent d'actrice était dénigré, la Nouvelle Vague a vu qu'elle pouvait faire exploser.
05:17Voilà, la Nouvelle Vague a vu qu'elle pouvait être, non pas une actrice, parce que ça ne l'intéressait pas d'avoir une nouvelle actrice.
05:22Ce n'est pas Jeanne Moreau.
05:24La Nouvelle Vague a travaillé avec Jeanne Moreau, mais a travaillé avec Bardot, notamment Godard, bien sûr, dans Le Mépris,
05:29parce qu'elle était ce corps si particulier.
05:33Godard a dit, je traite Bardot comme une plante, comme quelque chose qui symbolise un état, un état d'être
05:43qui est la société de consommation de l'époque, qui est cette modernité, ce rapport à la célébrité, ce rapport à l'Amérique aussi.
05:54Voilà, tout ça, les jeunes gens de la Nouvelle Vague l'ont vu.
05:57Ils ont filmé la réalité, disons, de 1958, de 1963, sur Bardot.
06:04Une façon de bouger, de parler, d'être tout simplement à l'écran, qui à partir en particulier de
06:11« Et Dieu créa la femme » de Vadim, qui était son mari aussi, en 1956, a fait, on le disait, exploser, voler en éclats la bienséance,
06:18les conventions sociales de l'époque.
06:20C'est ça qui s'est passé, c'est ça qui a provoqué Bardot dans cette France, Yves Bigot.
06:24Oui, c'est une femme libre, elle incarne la liberté, elle incarne aussi la joie de vivre,
06:31mais aussi l'existentialisme, aussi d'une certaine façon.
06:35C'est pour ça que la Nouvelle Vague, avec son naturel et incroyable, c'est antiché d'elle.
06:41« Et Dieu créa la femme » en fait a été reconnu, alors qu'il n'était pas destiné à l'être,
06:47comme un des premiers films de la Nouvelle Vague.
06:51Mais oui, vous l'avez dit, elle incarne cette liberté absolue qui est celle de ce rêve incroyable des années 60,
07:00qui est la vie tahitienne, disait Anaïs Nin, cette vie à Saint-Tropez,
07:06où on peut être nu, où on peut s'aimer comme ça d'un jour sur l'autre,
07:12où on est une bande de copains aussi qui réinventent le monde en fonction de ses désirs,
07:18en fonction de ses aspirations et en brisant et en bousculant complètement les conventions.
07:24Vous avez employé le mot « désir » à l'instant, Yves Bigot,
07:28cette façon d'incarner le désir, celui qu'elle suscitait chez les hommes, bien sûr,
07:32mais aussi le sien, son désir de femme, c'est ça qui a été quasi révolutionnaire.
07:37Mais on parle, Simonetta Greggio, d'une personnalité complexe, bien souvent paradoxale.
07:42Elle a été symbole d'émancipation, de libération, mais aussi de fantasme masculin,
07:50c'est-à-dire qu'elle s'est toujours inscrite dans le regard des hommes.
07:52Pas toujours, parce qu'elle a finalement lâché le morceau assez rapidement,
07:58même si c'est d'un vie privée.
08:00Elle a cherché l'amour tout le temps et toute sa vie, et d'ailleurs, elle a fini par le trouver.
08:04Moi, ce qui me stupéfie, c'est quand même qu'on continue de parler de Bardot
08:07comme si on était toujours en 1960, alors que depuis, elle a fait vraiment des choses,
08:12elle a fait vraiment bouger des choses.
08:14Depuis, elle a été la vieille dame digne et indigne qu'elle est devenue,
08:17et c'est devenu surtout une vieille dame, une vieille, vraiment une vieille.
08:22C'est le pouvoir de la grand-mère, là.
08:24Et là, personne ne l'évoque.
08:25C'est comme si tout s'était arrêté à la Régie Renault et à Charles de Gaulle.
08:31La Régie Renault, c'était ce qu'on disait à l'époque,
08:33c'est-à-dire qu'elle est aussi importante, voire plus importante pour la France que la Régie Renault.
08:37Oui, alors que finalement, ce désir-là, ce fantasme-là, elle l'a fui.
08:42Et elle a accepté de vieillir.
08:43Elle a non seulement accepté de vieillir, mais elle a appuyé sur l'accélérateur pour vieillir
08:48et pour devenir ce qu'elle est devenue.
08:49C'est-à-dire qu'elle a une transvraie avec une femme qui a été éjectée du train
08:53et qui est devenue une sorte de sorcière, qui a dit des choses qu'on ne dit pas.
08:57Elle les a dit surtout par rapport, et d'ailleurs quasiment que par rapport aux animaux.
09:03Mais aujourd'hui, on veut voir l'extrême droite, la condamnation,
09:06alors que c'est beaucoup plus difficile d'approfondir,
09:09beaucoup plus difficile de comprendre ce qu'elle est devenue.
09:11Ça fait 70 ans que cette femme n'est plus la bardo de Dieu créé à la femme.
09:15Et on veut toujours voir ça toute la journée d'hier, c'était encore des hommages là-dessus.
09:20Alors qu'aujourd'hui, c'est une vieille dame qui s'est donnée corps et âme aux animaux
09:24et qui a terminé parmi ces animaux.
09:27Moi, hier soir, j'étais encore derrière la madrague.
09:30Il y a 100 cimetières des animaux avec ses petites loupiottes.
09:33Et tous ces animaux depuis 70 ans sont tous là.
09:37Et elle veut être là parmi eux.
09:38Et c'est ça que moi, je vois. C'est cette dame-là.
09:41C'est pas la Brigitte Bardot qui a fait bander le monde entier.
09:46Je m'en breloque de ça. C'est fini tout ça.
09:49Mais justement, vous dites, on est resté bloqué aux années 50-60,
09:54à cette image gravée à jamais sur la pellicule.
09:57Et elle-même, d'ailleurs, a souhaité rester, en tout cas pour le cinéma,
10:02et dans l'imaginaire populaire, cette jeune femme,
10:04puisqu'elle s'est retirée avant 40 ans du cinéma.
10:07Mais quand vous entendez, Simonetta Greggio, certains célébraient en Bordeaux,
10:11la Française absolue, la Française par excellence,
10:15cette France disparue, dont on ne pourrait qu'être nostalgique.
10:18Qu'est-ce que vous en pensez ?
10:20Ça me fait mourir de rire, parce que d'un côté, sur Instagram, ce matin,
10:23ça s'allume d'une détestation totale.
10:26Elle était d'extrême droite, elle était raciste, elle était ceci, elle s'est là.
10:30Et de l'autre côté, c'est la Française absolue.
10:32C'est vrai qu'elle a été, vous rappeliez, 5 condamnations pour incitation à la haine ?
10:35Oui, mais c'est toujours par rapport aux animaux.
10:38Les réunionnais, c'est parce qu'ils prennent les petits chiens,
10:40et ils les envoient aux requins pour faire des...
10:42Oui, ce qui n'excuse rien, mais...
10:44Ce n'excuse rien, mais ça n'empêche que pour elle, c'était le filtre.
10:47Donc aujourd'hui, on veut voir ça.
10:49Et d'un autre côté, ah, mais la Française absolue, l'irréprochable Marianne.
10:53Mais pas du tout.
10:54Cette femme est beaucoup autre chose que tout ce qu'on dit.
10:58Ce n'est pas binaire comme ça.
11:00Ce n'est pas facile de mettre Bardot dans un truc,
11:04parce qu'elle sort de partout, elle déborde de partout.
11:08Antoine Debecq ?
11:09Oui, c'est tout à fait juste, elle déborde de partout,
11:12mais c'est aussi pour ça qu'il faut prendre en compte
11:14la Bardot qui apparaît à la fin des années 50,
11:18la Bardot qui évolue dans les années 60,
11:20la Bardot qui chante à la fin des années 60.
11:24Toutes ces Bardot, c'est ça qui est intéressant dans Bardot.
11:27C'est toutes les Bardot, c'est un Bardot au pluriel.
11:30Et si on ne parle que de la défenseuse des animaux,
11:33on ne voit pas non plus l'entièreté de Bardot.
11:37Donc moi, ce qui m'intéresse, c'est précisément
11:40comment est-ce qu'à tous ces moments de l'histoire de France,
11:44depuis 75 ans, elle a été quelque chose qui a fait parler,
11:48quelque chose qui a été polémique,
11:50une forme dans laquelle s'est reflétée
11:52toutes les passions françaises.
11:55Donc cette Bardot-là, elle me semble effectivement
11:58un bout de France, un bout de France contradictoire,
12:03un bout de France pluriel, un bout de France polémique.
12:07Et c'est ça qui me semble évidemment l'intérêt de Bardot.
12:11Une question de Jean-Louis au Standard de France Inter.
12:13Bonjour Jean-Louis, merci d'être avec nous, on vous écoute.
12:16Bonjour Simon, bonjour à vous trois.
12:19J'aurais une question commune à vous poser.
12:21Vous qui avez abordé Bardot sous des angles différents,
12:24existe-t-il selon vous des aspects de sa personnalité
12:28ou de son côté, ou de son parcours, pardon,
12:31qui mériteraient d'être découverts ou redécouverts ?
12:34Autrement dit, si l'on connaît bien son côté boni,
12:37quel serait son côté Clyde ?
12:39Merci beaucoup Jean-Louis.
12:41Yves Bigot, quel serait le côté Clyde de Brigitte Bardot ?
12:45En tout cas, est-ce qu'il y a des aspects d'elle,
12:48de sa vie, qu'on ne connaîtrait pas encore ?
12:51Non, ça c'est difficile,
12:52parce qu'elle a été plus exposée dans les médias
12:55que quiconque pendant au moins une quinzaine
12:59ou une vingtaine d'années.
13:01Moi, je dirais que ça a été une muse aussi absolument incroyable.
13:05Il faut savoir que Bob Dylan, prix Nobel de littérature,
13:08a écrit sa première chanson pour Brigitte Bardot.
13:10John Lennon et Paul McCartney,
13:12elle était absolument leur idole
13:14quand ils étaient adolescents
13:15et qu'ils commençaient à jouer dans leur premier groupe
13:18avant de devenir les Beatles.
13:21Ça l'a été évidemment, ça,
13:22tout le monde le sait, la muse de Serge Gainsbourg.
13:24Et le côté Bardot chanteuse
13:27est peut-être celui qui est le plus mis de côté.
13:29D'ailleurs, elle-même ne le prenait pas très au sérieux.
13:32Elle disait, je lui ai posé la question,
13:34je lui ai dit, mais pourquoi vous n'avez pas demandé
13:35des chansons à Bob Dylan, aux Beatles,
13:37si vous en aurez écrit volontiers ?
13:39D'ailleurs, Georges Brassens, Jacques Brel, Léo Ferré
13:41lui ont écrit des chansons aussi.
13:43Elle les a toutes refusées.
13:44Et elle m'a dit, avec cette humilité incroyable
13:47qui était la sienne aussi,
13:49elle m'a dit, mais je les aurais abîmées,
13:51moi, ces chansons.
13:52D'ailleurs, je me suis excusé auprès de Georges Brassens
13:54de ne pas chanter la Marguerite
13:56qui l'avait écrite pour moi.
13:57Parce que, moi, c'était ma récréation, la chanson.
14:01C'est ça pour faire la fête,
14:03pour rigoler avec mes copains.
14:05Mais elle avait un talent incroyable.
14:06Toutes ces voix, ces enregistrements dans ça,
14:09ces 80 chansons, ce sont des premières prises.
14:12Elle chantait invraisemblablement juste
14:13et du premier coup.
14:16Mon plus grand regret, moi,
14:18c'est de ne jamais avoir vu Bardot à l'Olympia.
14:21Parce qu'elle était une telle danseuse,
14:23il faut se souvenir qu'elle ne voulait pas faire de cinéma.
14:25C'est la vie et Vadim qui l'ont conduit à faire du cinéma.
14:28Elle, elle faisait de la danse,
14:29elle avait été admise au conservatoire.
14:32Mais danseuse, chanteuse et comédienne comme elle était,
14:35sur scène, elle aurait été fantastique.
14:37Sauf que, m'a-t-elle dit,
14:39j'étais beaucoup trop timide,
14:41j'étais incapable de me produire devant un public.
14:43Et d'ailleurs, la seule fois où j'ai fait du théâtre,
14:45ça a tourné à la catastrophe
14:46parce que j'oubliais mon texte.
14:55Vous évoquez Bardot la chanteuse
14:59et Gainsbourg, évidemment,
15:01Yves Bigot.
15:03Cette chanson qu'on entend
15:04est peut-être l'une des plus célèbres.
15:07Harley Davidson,
15:07on se souvient de cette image
15:09de Bardot en bohémienne chic
15:11sur cette moto.
15:12moto, vous vouliez ajouter un mot,
15:14Antoine Debecq ?
15:15Oui, je voulais dire aussi
15:16qu'il y a le courage de Bardot.
15:19Sa manière, par exemple,
15:20dont elle a réagi
15:21de façon très virulente
15:23et avec beaucoup de courage
15:24à l'OAS
15:25qui, en 1961...
15:27Qui voulait la raqueter
15:27pour financer la lutte
15:30pour l'Algérie française.
15:31Voilà.
15:31Et Bardot a eu le courage
15:33et une des rares
15:34à avoir eu le courage
15:36de rendre publique
15:37la lettre qu'elle avait reçue
15:39et de dire que jamais
15:40elle ne financerait
15:42ce mouvement d'extrême droite,
15:44l'OAS,
15:45pour l'Algérie française.
15:46Donc, voilà.
15:47Et c'est vrai qu'à ce moment-là,
15:49le général De Gaulle
15:50a salué son courage.
15:52C'était aussi quelqu'un,
15:55une personne qui avait le courage
15:57de ses opinions.
15:59Après, on peut toujours...
16:00Opinions condamnables
16:02et condamnées pour certaines, mais...
16:03Absolument.
16:04Et je pense que c'est important
16:06de dire ça,
16:07que cette personnalité
16:09avait ce courage-là.
16:11Capable d'un élan d'amour
16:13envers les animaux
16:15et qui a porté ses fruits,
16:16vous le rappeliez,
16:17Simonetta Greggio,
16:18puisque son ONG,
16:19la Fondation Bardot,
16:20est présente dans plus
16:20de 70 pays aujourd'hui,
16:23qu'elle a permis
16:23des avancées réelles
16:25pour l'étourdissement
16:26des animaux dans les abattoirs
16:28ou contre la chasse
16:29des bébés phoques, par exemple.
16:30Et puis, d'un autre côté,
16:31cette misanthropie,
16:34ces déclarations haineuses
16:36qui, on l'a dit,
16:37ont été à plusieurs reprises
16:39condamnées.
16:40Vous avez, vous essayez,
16:42notamment dans votre roman
16:43Simonetta Greggio,
16:45de vous mettre
16:45dans la tête de Bardot.
16:48Est-ce que vous y êtes parvenue ?
16:50Non, absolument pas.
16:51On ne peut pas se mettre
16:52dans la tête de quelqu'un
16:52comme Bardot,
16:53mais pour répondre
16:54à la question
16:55de notre auditeur
16:56de tout à l'heure,
16:57je dirais que la chose
16:58qui m'a le plus touchée
17:00chez Bardot,
17:01c'est la tendresse
17:02de la petite enfant
17:03disgracieuse
17:04avec un œil
17:05qui voyait,
17:07enfin,
17:07qui disait merde à l'autre.
17:08Le côté qui était
17:09vraiment chez elle
17:10le petit bébé
17:12pas aimé
17:13par ses parents,
17:14pas très apprécié.
17:16Sa sœur était
17:17beaucoup plus jolie
17:18qu'elle,
17:18elle avait des jolis
17:19yeux bleus,
17:20elle avait une cheville
17:20rousse.
17:22C'était une fille
17:23qui est sortie
17:24de sa chrysalide
17:25en y mettant
17:27toute sa timidité,
17:29tout son mal-être
17:31et sa grâce infinie.
17:33Elle est devenue
17:33l'espèce de papillon
17:35qu'elle est devenue
17:35et l'espèce de noctuel
17:37à la fin
17:38qu'elle a fini par être.
17:40Mais c'est un,
17:41je dirais,
17:41qu'elle a traversé
17:42le siècle
17:43comme aucune autre femme
17:45ne l'a fait
17:45avec son espèce
17:48de sillage,
17:49de sillons
17:50d'étincelles
17:51qu'elle porte
17:53dans sa tombe
17:53aujourd'hui.
17:54Et moi,
17:54je pense à elle
17:55et hier matin,
17:56j'étais en voiture
17:57quand j'ai entendu
17:58qu'elle est partie
17:59et j'étais en train
18:00de venir à Saint-Tropez
18:01comme si c'était
18:01une sorte de rendez-vous
18:03que j'ai manqué
18:04pour quelques heures
18:05simplement.
18:06Et je pense à ceux
18:07qui sont restés près d'elle
18:08jusqu'à la dernière seconde,
18:10cette femme,
18:11cette vieille femme
18:12qu'elle était devenue,
18:13qui est morte dans son lit,
18:14qui a laissé son enveloppe
18:16mortelle
18:16dans la maison
18:17qu'elle avait choisie,
18:18qui était une maison
18:19si super simple,
18:21super...
18:22Toutes les maisons
18:22qui sont autour
18:23sont des villas
18:24absolument monstrueuses
18:25et elle,
18:26elle vivait dans cette maison
18:27qui était encore
18:27celle de 56, quoi.
18:29Maison dont vous allez
18:30pouvoir nous parler
18:31dans un instant,
18:32Yves Bigot,
18:32mais d'abord,
18:33je dois dire que
18:33sur l'application
18:34de Radio France,
18:35beaucoup d'auditeurs,
18:36Jean-Marc,
18:37Catherine,
18:37Jérôme,
18:38qui nous écoutent ce matin
18:38sur France Inter,
18:39nous disent
18:40« Je ne comprends,
18:41ça c'est Catherine,
18:42je ne comprends pas
18:43la manière dont on lui
18:44pardonne tout,
18:45dont on accepte
18:46ses pires sorties.
18:48Jean-Marc rappelle
18:48encore une fois
18:49qu'elle a été
18:49plusieurs fois condamnée,
18:51Jérôme nous parle
18:52de ses propos
18:53sur les homosexuels
18:54qui n'ont rien à voir
18:55avec sa défense
18:57des animaux.
18:58Comment on peut expliquer
18:59Antoine Debecq
19:00qu'elle soit restée
19:01malgré tout
19:02alors qu'elle a arrêté
19:02le cinéma en 73 ?
19:04Plus de 50 ans plus tard,
19:06elle est aujourd'hui
19:07célébrée comme une icône
19:08et un mythe
19:08malgré tout cela.
19:09Comment on l'explique ?
19:10Elle est célébrée
19:12et en même temps
19:12elle déclenche
19:13ses fureurs,
19:14ses passions.
19:15Donc je ne dirais pas
19:16que c'est une célébration,
19:17c'est qu'on parle
19:18de Bardot.
19:19On a toujours parlé
19:20de Bardot
19:21de façon comme ça
19:22extrêmement contradictoire
19:23en s'engueulant.
19:27C'est ça
19:27qu'elle a déclenché.
19:28C'est ça
19:28qui est
19:29le phénomène
19:31Bardot.
19:32C'est ça.
19:33La manière
19:33dont Duras
19:34parlait de Bardot
19:35c'était extrêmement violent
19:36et en même temps
19:37tout d'un coup
19:38elle mettait le chaos
19:39dans la famille bourgeoise
19:40et c'était quelque chose
19:41que Duras
19:42a vénéré aussi.
19:44Donc voilà,
19:46Bardot est effectivement
19:47proche du Front National
19:48et du Rassemblement National.
19:51Elle a soutenu
19:52Marine Le Pen.
19:54Pour moi
19:54c'est extrêmement condamnable.
19:56On ne peut pas...
19:57Voilà.
19:57Mais elle est aussi
19:59celle qui a changé
20:01les mœurs en France.
20:03En tout cas
20:03contribué à ça.
20:04Donc voilà,
20:05c'est ce personnage
20:06contradictoire
20:07qui a toujours
20:08provoqué
20:10ces polémiques.
20:11Il faut voir
20:12toutes les Bardot.
20:13Et qui s'est retirée
20:14dès 73.
20:17Elle s'est retirée
20:17dès 73 du cinéma
20:19parce que le cinéma
20:19on n'a jamais été
20:21une vraie passion
20:21pour elle.
20:22C'était plutôt
20:23un moyen.
20:24C'était un moyen
20:24de parvenir.
20:25Elle a fait des grandes rencontres
20:26grâce au cinéma.
20:27Elle est devenue célèbre
20:28grâce au cinéma.
20:29Mais à un moment
20:30le cinéma
20:31n'était plus
20:32ce qui l'intéressait
20:33et ne jouait plus
20:35ce rôle-là.
20:36D'ailleurs
20:36c'est le moment
20:37où le cinéma
20:37devient un art
20:39minoritaire
20:40au milieu
20:41des années 70
20:42c'est plus
20:42par le cinéma
20:43que ça passe.
20:44Elle l'avait très bien compris
20:45d'une certaine façon.
20:46Et on entend cette chanson
20:46qui est entrée
20:47dans la culture populaire
20:48sous le nom de coquillages
20:49et crustacés
20:50mais qui s'appelle
20:50La Madrague
20:51du nom de cette propriété.
20:53Très simple
20:53disait Simonetta Greggio.
20:55Yves Bigot
20:55vous qui êtes tropéziens
20:56vous la connaissez
20:57depuis tout petit
20:58ça vous rappelle des souvenirs ?
21:00Ah oui bien sûr.
21:01Vous savez
21:02chaque fois qu'on croise
21:03quelqu'un
21:03à Saint-Tropez
21:04et on sait déjà
21:07quelle est la question
21:07qu'il va vous poser
21:08c'est où se trouve
21:09la maison
21:10de Brigitte Bardot
21:11et en général
21:13il ne la voit pas
21:14parce que comme
21:15Simonetta l'a rappelé
21:17tout à l'heure
21:17elle est entourée
21:19de villas opulentes
21:21notamment la villa
21:22Von Opel
21:22qu'on ne voit que ça
21:24alors que La Madrague
21:26c'est une toute petite
21:26maison basse
21:28qui est au bord de l'eau
21:29qui était un ancien
21:32hangar à bateau
21:33à l'origine
21:34et que Brigitte Bardot
21:36a acheté
21:37avec ses premiers cachets
21:40du succès
21:40de
21:41Et Dieu créa la femme
21:42mais elle était tropézienne
21:43depuis longtemps déjà
21:44parce que ses parents
21:45avaient acheté
21:46une maison
21:47à 50 mètres
21:49de la maison
21:49de mes parents
21:50dans le village
21:52et elle venait déjà
21:53enfant en vacances
21:55à Saint-Tropez
21:56nous on la croisait
21:57quand on était gamin
21:58dans la rue
21:58elle faisait ses courses
22:00avec son panier
22:01au bras
22:02comme toutes les tropéziennes
22:04et on lui disait
22:06bonjour madame
22:07parce qu'on savait
22:08que si on connaissait
22:09Saint-Tropez
22:09dans le monde entier
22:10c'était grâce à elle
22:11et elle nous répondait
22:12toujours très gentiment
22:14avec un grand sourire
22:15bonjour mon petit
22:16Un mot pour terminer
22:18pour répondre à Sylvie
22:20qui est au standard
22:22on a peut-être
22:23le temps de prendre Sylvie
22:24très rapidement
22:25on vous écoute
22:25pour votre question
22:26bonjour Sylvie
22:27Bonjour
22:28je vais essayer
22:29d'être très rapide
22:30parce que finalement
22:31je vois que j'ai
22:32très peu de temps
22:33en fait
22:34on a beaucoup parlé
22:36de la vie privée
22:36de Bardot
22:37là depuis
22:37et en fait
22:39moi je voulais parler
22:40de sa filmographie
22:41et en l'occurrence
22:42j'ai la chance
22:43d'avoir monsieur Debec
22:44au téléphone
22:45et je voulais parler
22:47du mépris de Godard
22:48s'il a des choses
22:50à nous dire
22:51concernant ce film
22:52par exemple
22:53est-ce que Godard
22:54s'est-il vu
22:55imposer Bardot
22:56parce que je pense
22:59que c'est un film
23:00qui est vraiment
23:00très marquant
23:01dans la filmographie
23:04de Bardot
23:05donc est-ce que
23:05est-ce qu'il a des choses
23:07à nous dire
23:08concernant ce film
23:09est-ce que c'est un film
23:11marquant
23:11vous avez raison
23:15c'est le grand film
23:15de Bardot
23:16s'il y avait un film
23:17à garder
23:18c'était le mépris
23:19Godard
23:20ne s'est pas fait
23:22imposer Bardot
23:23il était très content
23:24de travailler avec elle
23:25mais en même temps
23:25les relations
23:26entre Godard et Bardot
23:27ont été très froides
23:29assez quelconques
23:31en fait
23:31ils étaient à la fois
23:32un peu impressionnés
23:33l'un par l'autre
23:34mais en même temps
23:35et c'est comme ça
23:36que Godard voulait
23:37travailler avec Bardot
23:38c'est-à-dire
23:38pas du tout
23:39avec une actrice
23:40mais avec un phénomène
23:43avec un corps
23:45un peu particulier
23:45c'est d'où
23:47notamment la scène
23:48fameuse
23:49qui ouvre le mépris
23:50cette scène de nu
23:52qui est restée
23:53une des grandes scènes
23:54du cinéma
23:55qui a été
23:56alors elle
23:56imposée à Godard
23:58et à Bardot
23:58parce que les producteurs
24:00ont dit
24:00mais on veut voir Bardot nu
24:02on a payé
24:03pour voir Bardot nu
24:04dans la première version
24:05du mépris
24:06on ne la voit jamais nu
24:07donc Godard
24:08la dénude
24:09sur un canapé
24:10avec Michel Piccoli
24:11et invente
24:12ce dialogue
24:13qui est incroyable
24:14cette sorte de blason
24:15comme ça
24:16du corps féminin
24:17et ça reste
24:19la scène
24:20la plus célèbre
24:21la scène d'amour
24:22je dirais
24:23la plus célèbre
24:24du cinéma français
24:25merci à Sylvie
24:26pour cette question
24:27et à vous Antoine Debec
24:28pour cette réponse
24:30votre biographie
24:31Bardot
24:32est donc à retrouver
24:33aux éditions
24:33Les Pérégrines
24:34la vôtre
24:35Yves Bigot
24:35Brigitte Bardot
24:36la femme la plus belle
24:37et la plus scandaleuse au monde
24:38est parue chez Point
24:40et Simone Etagredio
24:41on peut lire
24:41Mes Nuits sans Bardot
24:43chez Albain Michel
24:44et réécouter
24:45votre grande traversée
24:46consacrée
24:47à cette icône
24:48sur France Culture
24:49merci beaucoup
24:50à tous les trois
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