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00:00Il y a eu le casse-toi pauvre con proféré par Nicolas Sarkozy au salon de l'agriculture en 2008.
00:08On retient aussi l'expression « les 100 dents » attribuée à François Hollande par son ex-compagne Valérie Trier-Velleur.
00:14Emmanuel Macron lui a choqué il y a quelques années en parlant des gens qui ne sont rien.
00:18Aujourd'hui c'est sa femme, Brigitte Macron, qui crée la polémique après ses propos filmés dans les coulisses d'une salle de spectacle parisienne.
00:24Écoutez.
00:25Voilà, salle conne pour désigner les militantes féministes qui avaient interrompu la veille le spectacle de l'humoriste Harry Habitant,
00:50accusé d'agression sexuelle par une ex-compagne et ayant bénéficié d'un non-lieu.
00:54Faut-il voir dans ses propos une insulte grave, révélatrice d'un mépris des élites pour les mouvements citoyens ?
01:01Ou bien s'agit-il simplement d'une parole spontanée, signe que les élites sont des gens comme tout le monde,
01:05capables de déraper, de s'emporter, de parler vulgairement ?
01:09On va en parler avec vous, Clara Lucas.
01:11Bonsoir.
01:11Vous êtes doctorante en sciences politiques et vous vous êtes beaucoup intéressée au mouvement des Gilets jaunes.
01:16Vous avez notamment signé un article intitulé « Pour l'honneur des travailleurs, les Gilets jaunes face au mépris de classe ».
01:23C'est ce qu'il s'agit justement de mépris de classe, ce à quoi la France a assisté cette semaine avec cette vidéo diffusée de Brigitte Macron.
01:32Bonsoir.
01:36Alors, à proprement parler, il ne s'agit pas vraiment de mépris de classe.
01:41Le mépris de classe tel qu'il est travaillé par Nicolas Rénailly et Pierre-Emmanuel Sourignier
01:46est défini comme une affirmation de la grandeur de sa condition par dénégation de la valeur de celle de plus dominée que soi.
01:55Ce mépris permet de tracer des frontières symboliques entre des groupes sociaux en les hiérarchisant moralement.
02:03Mais en l'occurrence, on est dans une forme de mépris politique qui remobilise ce registre à l'encontre de groupes protestataires
02:13pour les disqualifier, non seulement socialement, mais aussi politiquement, en les renvoyant à l'irrationalité, à l'illégitimité, à l'irrespectabilité.
02:22Dans la scène dont nous parlons, le mépris passe par une insulte, mais il peut aussi s'exprimer de manière plus diffuse
02:30par l'indifférence ou la moquerie.
02:34Qu'est-ce qui a choqué le plus chez les propos de Brigitte Macron ?
02:38C'est effectivement cette vulgarité dont vous parlez, ou c'est le fait qu'une femme, finalement, parle ainsi d'autres femmes ?
02:45C'est, d'une part, le côté explicitement, effectivement, insultant, qui est fait de manière assumée, avec aussi une certaine satisfaction,
03:00dans un contexte aussi où les questions de genre et les questions des luttes féministes,
03:11féministes, même si elles rencontrent aussi des résistances, font aussi l'objet d'un certain soutien au sein de l'opinion publique.
03:23Évidemment, le fait que ce soit une femme peut peut-être aussi contribuer à l'indignation qui a pu être manifestée face à ses propos.
03:37En attendant, voilà, Brigitte Macron n'est pas non plus une femme comme toutes les autres,
03:46elle est dans une position de domination et d'influence,
03:50qui fait que ses intérêts ne sont pas forcément les mêmes que ceux des groupes qu'elle insulte ici dans ce propos.
04:02L'Élysée a expliqué que les mots de Brigitte Macron exprimaient une critique de la méthode radicale employée par les manifestantes féministes.
04:08Qu'est-ce que vous pensez de cette ligne de défense ?
04:12Eh bien que, en fait, ça renvoie à l'idée que le mépris est une forme de stratégie défensive et agressive
04:24qui peut se mettre en place de la part des dominants lorsqu'ils se sentent menacés, en fait,
04:32lorsque les rapports de pouvoir sont critiqués.
04:37Et donc, en ce sens, les mouvements qui se montrent plus subversifs,
04:44qui adoptent des modes d'action considérés comme radicaux,
04:49sont les plus susceptibles de provoquer des réactions de mépris de la sorte.
04:58Depuis le déclenchement de cette polémique,
05:00les mouvements féministes ont repris l'insulte comme un slogan,
05:04et puis beaucoup d'artistes également,
05:05je pense notamment à l'actrice Marion Cotillard,
05:08mais il y en a beaucoup d'autres,
05:09la chanteuse Angèle, en signe de solidarité.
05:12Est-ce que c'est devenu une stratégie classique de retourner l'insulte, finalement, en sa faveur ?
05:18Tout à fait, c'est un mouvement qu'on retrouve assez fréquemment dans ce genre de cas.
05:26Le mépris, d'un certain côté, il peut susciter des formes de honte,
05:30et donc des formes d'autocensure,
05:32mais il peut susciter aussi des formes de résistance,
05:35notamment lorsqu'il est partagé collectivement,
05:36et l'indignation qu'il suscite devient alors un moteur de mobilisation
05:41et de contestation de l'ordre social méprisant.
05:44Donc, ce qu'on observe actuellement,
05:46c'est que, là, le mépris exprimé de manière visible, publique, explicite,
05:53il va réactiver des dynamiques de contestation,
05:56et ces phrases méprisantes, elles nourrissent une forme de créativité militante,
06:00on le voit avec ce détournement satirique
06:02qui devient un slogan, un hashtag,
06:06et donc on est dans une forme de retournement du stigmate,
06:08c'est-à-dire que le jugement stigmatisant est revendiqué,
06:11transformé en motif de fierté et d'identification positive,
06:15ce qui tend à annihiler complètement l'intention de dévalorisation initiale.
06:21Dans vos travaux, vous parlez du rôle des émotions dans les mouvements protestataires,
06:26est-ce que vous pouvez nous en dire plus ?
06:29Tout à fait, alors moi, l'objectif, en fait, de ma thèse,
06:36c'est d'essayer de comprendre, en fait, comment les émotions,
06:38elles participent à la production et à la reproduction des rapports de domination,
06:43et dans ce cadre-là, le mépris joue un rôle important,
06:49mais également, je cherche à m'intéresser à la manière
06:52dont les émotions sont aussi des ressorts de la contestation
06:57de ces mêmes rapports de domination.
06:59Et dans ce cas-là, les émotions liées à la colère,
07:04et notamment celles de l'indignation,
07:05sont particulièrement intéressantes à analyser.
07:08Et voilà, c'est ce qu'on peut observer, là, dans cette séquence actuelle,
07:16c'est ce mépris qui, en fait, se transforme en indignation
07:22et, au lieu de susciter de la honte,
07:26suscite, en fait, des formes de colère et donc des formes d'action collective.
07:30Quel effet ce type d'incident peut avoir sur la confiance des citoyens
07:34en sa classe politique, en ses institutions ?
07:37Est-ce que ça peut leur amener à changer de vote, tout simplement ?
07:44C'est effectivement des événements qui sont marquants,
07:49qui restent gravés dans les mémoires.
07:52Et tout particulièrement, vous les avez citées,
07:58les petites phrases méprisantes d'Emmanuel Macron.
08:02On a pu voir aussi quel rôle elles avaient pu jouer
08:04au sein du mouvement des Gilets jaunes.
08:09Par ailleurs, voilà, finalement, cette confiance,
08:13elle est peut-être aussi, quelque part, déjà perdue,
08:16dans la mesure où ce n'est pas la première fois
08:19qu'on assiste à ces formes de mépris ouverts et explicites
08:23de la part de certaines élites politiques.
08:26Mais est-ce que ça veut dire que nos politiques
08:27doivent être systématiquement dans le politiquement correct,
08:31justement, que certaines vérités, parfois,
08:34ne doivent pas être dites ?
08:36Et je pense notamment lorsqu'Emmanuel Macron
08:37avait parlé des salariés illettrés
08:40et qu'il avait apparemment été avéré
08:42que certaines, effectivement, ne savaient pas lire.
08:45Est-ce que les propos d'Emmanuel Macron
08:48étaient si dérangeants que ça ?
08:53Ils le sont, car c'est une forme de désignation
08:59d'une catégorie en pointant uniquement des qualités
09:04qui seraient absentes chez ces personnes.
09:07Et dans cette mesure-là, c'est une forme d'irrespect
09:11qui ne devrait pas forcément être de vigueur
09:17de la part d'un président de la République
09:19envers ses citoyens.
09:21Les élites, est-ce qu'elles en ont conscience
09:24qu'elles n'ont pas le droit au dérapage ?
09:27Est-ce qu'elles n'utilisent pas parfois ce langage
09:30pour se rapprocher du peuple ?
09:32Emmanuel Macron, toujours, qui a un langage très châtié,
09:36utilise parfois aussi un langage plus vulgaire
09:39comme stratégie politique, non ?
09:43Oui, c'est intéressant.
09:45Et cette stratégie, on pourrait la désigner
09:48sous la forme d'une stratégie de condescendance, en fait.
09:52Comme si, pour se rapprocher du peuple,
09:56il fallait, de façon artificielle,
09:59imiter des éléments de langage ou de discours.
10:03Mais voilà, ce qui reste en fait
10:06dans des formes de communication
10:08qui, par ailleurs, ne fonctionnent pas toujours très bien.
10:14Pour terminer, puisqu'on est dans la communication,
10:17est-ce que vous pensez que Brigitte Macron
10:18devrait présenter des excuses publiques
10:20comme le demandent certaines associations
10:22où, de toutes les façons, le mal est fait ?
10:26Ce serait déjà, à minima,
10:29une forme de reconnaissance du tort
10:32qu'elle a pu causer
10:34chez, notamment, les victimes
10:37de violences sexistes et sexuelles
10:40qui ont pu s'identifier aux militantes
10:42ainsi insultées.
10:44Merci, merci beaucoup, Clara Lucas,
10:47d'avoir répondu à cette question
10:49qui fâche, qui a fait couler
10:51beaucoup d'encre cette semaine,
10:52les propos polémiques de Brigitte Macron.
10:54Merci à vous.
10:56Restez avec nous.
10:57Dans quelques instants, vous allez retrouver
10:58Fatima Tawan pour le Journal de l'Afrique.
11:00Et on se donne rendez-vous juste après.
11:01Sous-titrage Société Radio-Canada
11:02Sous-titrage Société Radio-Canada
11:03Sous-titrage Société Radio-Canada
11:03Sous-titrage Société Radio-Canada
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11:06Sous-titrage Société Radio-Canada
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