Un détenu de la prison de Châteaudun (Eure-et-Loir) a été placé en quartier disciplinaire après une nouvelle apparition sur les réseaux sociaux. L'homme se filme régulièrement et totalise plusieurs dizaines de milliers d’abonnés.
00:00Vous vouliez nous parler de ce détenu de Châteaudin, qui fait chaud depuis sa cellule sur TikTok et qui rend folle l'administration pénitentiaire ?
00:07Complètement, effectivement, c'est un détenu à la maison d'arrêt de Châteaudin, au centre pénitentiaire,
00:11qui cumule sur deux comptes séparés presque 60 000 followers, donc c'est pas donné à tout le monde,
00:16et qui sur TikTok, effectivement, on voit des images qui sont floutées, dit un certain nombre de choses.
00:21Il se fait appeler le déjanté, donc c'est un pseudo qu'il a, et il est très suivi.
00:25Il est très suivi par un certain nombre de détenus, il est très suivi à l'intérieur, il est très suivi à l'extérieur.
00:28Alors, régulièrement, bien sûr, il rend fou l'administration pénitentiaire, qui le place en quartier disciplinaire.
00:35Ça veut dire qu'au moment...
00:35En punition.
00:36En punition, quartier disciplinaire, c'est les cellules d'isolement, qui posent d'ailleurs, à mon sens, peut-être un certain nombre de problèmes,
00:41les cellules d'isolement, parce que c'est des endroits où on est isolé de tout, on ne peut pas voir sa famille, on ne peut pas voir son avocat.
00:46J'ai déjà eu du mal à accéder à mes clients parce qu'ils étaient en cellule disciplinaire.
00:49Bon, toujours est-il qu'elles existent, mais que ce n'est pas ad vitam aeternam.
00:53Donc, il va en sortir de cette cellule d'isolement, et peut-être que c'est un petit peu son tort.
00:57Alors, ça veut dire qu'il faut en faire en un petit peu en disant, rendez-vous mi-décembre, lorsque je serai sorti, je ferai à nouveau des vidéos.
01:01Tout entendu, je vais réussir à obtenir un téléphone portable et à vous refaire des choses du masséduire.
01:05Parce qu'en vérité, ce qu'on sait, et c'est ça la vraie réalité aussi de la vie carcérale, c'est que les portables dans le monde carcéral, ce n'est pas très dur d'en obtenir.
01:13On en obtient par drone, on en obtient, ça arrive par des surveillants, on en obtient lors des visites au parloir, au par l'éphalie.
01:19Pardon, je suis complètement naïve, mais par drone, comment ça marche ? Quand ils sont de sortie, j'allais dire, ils se font...
01:27Exactement.
01:27Livrer.
01:28En fait, à l'époque, il y a encore une dizaine, une quinzaine d'années, c'était juste lancer au-dessus du mur.
01:32Donc en fait, vous voyez, c'est vraiment, c'est le Moyen-Âge aujourd'hui, lancer au-dessus du mur des petits pochons avec l'intérieur.
01:37Je parle de portable.
01:37Oui, mais il faut viser la cellule.
01:39Ça peut être autre chose.
01:39Ah non, non, il faut viser la cour de promenade.
01:41Ah, et donc on en laisse un peu partout, sauf qu'il y a des surveillants qui vivent.
01:44Alors, vous savez que les prisons sont à tel point des zones de non-droit que les surveillants ne vont pas dans les promenades.
01:48Parce que c'est trop dangereux.
01:50C'est beaucoup trop dangereux.
01:51Donc ça fait très longtemps, malheureusement, que les surveillants ne vont plus en promenade.
01:54Si vous voulez, ils n'y vont plus pour se protéger eux-mêmes, mais ça dit beaucoup aussi du sort qu'il est réservé aux détenus les plus fragiles.
01:59Parce que les détenus les plus fragiles qui, eux, en vérité, ne vont plus non plus en promenade, parce que c'est dangereux pour eux,
02:05et bien, résultat, en fait, les promenades, c'est les gens les plus dangereux qui y vont.
02:07En tout cas, c'est la loi du plus fort, parce que ce sont, aujourd'hui, il faut le dire, des zones de non-droit.
02:11C'est le prophète, c'est le film Le Prophète.
02:12C'est le film, effectivement, un prophète, c'est la réalité carcérale de ce pays.
02:17Voilà, encore une fois, Nicolas Sarkozy vient de sortir un livre sur la prison, il en parle lui aussi.
02:20Il n'est jamais sorti de sa cellule, sauf une fois, parce que l'administration pénitentiaire a beaucoup insisté, c'est ce qu'il raconte en tout cas.
02:24Il n'était pas prévu qu'il aille dans la cour où il y avait des études ?
02:27Non, non, non, tout à fait.
02:27C'était pas du tout ce qu'était.
02:28Tout à fait, mais toujours est-il que les promenades, malheureusement, sont de plus en plus désertées par un certain nombre de personnes.
02:34Donc, toujours est-il qu'il y a, effectivement, ce TikToker qui est assez présent sur le déjanté, comme il se fait appeler sur les réseaux sociaux.
02:42Mais l'administration pénitentiaire, notamment avec Gérald Darmanin, qui maintenant est ministre, a un peu changé de politique carcérale,
02:48puisque maintenant, ils ont un objectif zéro portable, zéro portable dans les prisons, ce qui me paraît.
02:52Les fouilles XXL, zéro portable, c'est la première, il y a un petit mois à peu près, un petit peu moins que ça, à la maison d'Arène Nanterre.
02:59Voilà, moi, je la connais bien, la maison d'Arène Nanterre, j'y étais encore ce matin pour voir quelques clients.
03:03Donc, l'objectif, c'est zéro portable.
03:04Il en reste, ils le savent, tout le monde le sait, il en reste et il y en aura toujours.
03:08Combien de saisis, il y a eu, j'ai vu un chiffre passé qui était absolument...
03:11Alors, ça change tous les jours, en vérité, il y en a tous les jours.
03:13Alors, 2400 détenus ont été fouillés sur 38 centres et il y a eu 500 portables retrouvés.
03:19Oui, mais je crois qu'on a...
03:19C'est une cellule sur deux.
03:22Ce sont plusieurs, heureusement, par cellule.
03:24J'ai regardé à un moment donné, il a parlé de 40 000 téléphones.
03:28De toute façon, honnêtement, on dit qu'il y a à peu près un portable par détenu.
03:32La population carcérale en France, elle est 60-70 000 personnes.
03:35Donc, en vérité, on peut penser qu'il y a 50 000 peut-être portables en France dans nos prisons.
03:39Donc, ça paraît ubuesque, mais il faut savoir que les portables en prison, ce n'est pas nos portables.
03:43Ce sont des portables qui sont en plastique, je crois, qui ne sont pas détectés par ces détectés.
03:47Évidemment, qui sont très faciles, très, très faciles à cacher.
03:50Je disais tout à l'heure, ils rentrent avec les familles, avec les drones, avec les surveillants, etc.
03:53Parfois, les détenus arrivent eux-mêmes avec des portables en retour, en termes de sortie, etc.
03:58Comment ?
03:58On parlait des brouilleurs à une époque.
03:59Alors, il y a une bonne chose, c'est qu'il y a les brouilleurs.
04:01Mais la vraie bonne chose qui existe maintenant aujourd'hui, c'est qu'il y a des véritables portables
04:05qui sont autorisés, qui sont cloués au mur des cellules.
04:08Et les détenus y ont un accès.
04:11Avec des numéros enregistrés.
04:13Avec des numéros contrôlés.
04:14C'est extrêmement cher.
04:15Ça veut dire que vraiment, c'est un euro la minute.
04:17J'exagère à peine.
04:18Mais en tout cas, ça aujourd'hui, c'est possible.
04:21Et ça leur permet, si vous voulez, de se passer un petit peu plus facilement des portables.
04:25Et donc, je terminerai juste en disant, je le disais, il y a Gérald Damanin qui change la politique carcérale.
04:29Parce que lui, il dit, maintenant, ça suffit.
04:31Donc, il y a le procureur, d'ailleurs, qui ouvre la maison d'arrêt de Châteaudun, qui a dit,
04:36bon, écoutez, depuis 20 ans, on nous a dit que le portable et les stupéfiants servaient à acheter un petit peu la paix sociale.
04:41Aujourd'hui, ce n'est plus le cas.
04:42Donc, je fais ce qu'on me demande de faire.
04:44Donc, chacun prend acte à la place où il est qu'il y a un changement politique qui a été décidé au niveau du garde des Sceaux.
04:50Maintenant, il faut savoir que c'est dangereux, effectivement, pour les détenus.
04:54Ce n'est pas dangereux pour eux, mais c'est vrai que ça aura un impact.
04:56Mais c'est dangereux aussi, moi, je le dis, et je pense à eux, pour le personnel pénitentiaire.
04:59Parce qu'en vérité, c'est des cocottes minutes.
05:02Ça peut, à un moment, exploser.
05:03Il y a 6500 postes qui sont vacants en France au niveau des personnels pénitentiaires.
05:06On sait qu'il manque des places de prison,
05:08que les détenus sont parfois dans des matelas sur le sol parce qu'il n'y a pas assez de place.
05:12Donc, voilà, le risque, c'est qu'à un moment, ça monte, ça monte, ça monte, ça monte.
05:16Et à un moment, ça peut exploser.
05:17On se rappelle que régulièrement, il y a eu quand même, je ne vais pas parler de mutinerie,
05:21mais des espèces de révoltes quand même au sein des maisons d'arrêt.
05:23Il y en a eu assez régulièrement, mais il y en a eu encore il y a six mois, il y a un an, il y a deux ans.
05:27Donc, voilà, il y a aussi un risque à avoir cette politique extrêmement rigide
05:30à l'égard du monde carcéral qui est en vérité toujours aujourd'hui des hommes de non-droit.
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