00:00Comme chaque semaine, c'est l'heure de notre rendez-vous avec Reporters, le média de l'écologie, Eléa Guedj ce matin.
00:06Bonjour Léa. Bonjour Damien.
00:08Et alors cette semaine, chez Reporters, vous nous parlez de ces pays qui envisagent de déplacer leur capitale sous la menace des effets du changement climatique.
00:15Oui, à commencer par Téhéran, on en a beaucoup parlé ces dernières semaines.
00:18La capitale de l'Iran souffre du manque de pluie, au point que les autorités ont décidé de rationner l'eau et envisagent même d'évacuer la ville.
00:26On parle quand même de 15 millions d'habitants, mais en réalité, l'idée de ce déménagement de la capitale, elle ne date pas d'hier.
00:32Notre journaliste Jeanne Kassar nous l'explique dans un article sur Reporters.
00:36En réalité, elle était évoquée dès 1989, cette idée, à cause des épisodes de sécheresse de plus en plus rapprochés et une gestion de l'eau défaillante.
00:46Et alors où serait relocaliser la capitale iranienne ?
00:48Alors justement, pour la première fois, le gouvernement a évoqué un lieu, Makran, au sud du pays.
00:54C'est un lieu stratégique aux portes des routes maritimes commerciales.
00:59Le problème, c'est que ça reste une zone semi-désertique où il faudrait construire une usine de dessalement de l'eau de mer, ce qui est très coûteux et pas très écologique.
01:06D'accord, ça fait beaucoup de scie. L'Iran n'est pas le seul pays d'ailleurs à envisager de déménager sa capitale.
01:11Oui, en Thaïlande, par exemple, l'idée de déplacer Bangkok revient régulièrement à cause de l'affaissement du sol et de la montée des eaux.
01:19Bangkok, en fait, s'enfonce, notamment en raison de pompage dans les eaux souterraines, tandis que l'eau de la mer, elle, elle s'élève.
01:27Résultat, la capitale est régulièrement en inondation. Elle subit régulièrement des inondations.
01:33Mais le projet de déménagement, il ne semble pas de près de se réaliser tout de suite parce que les autorités, pour l'instant,
01:38elles misent surtout sur des digues pour contrer l'assaut de la mer et sur des canaux pour dévier les crues.
01:43Et alors aujourd'hui, Léa, il n'y a pas vraiment de projet concret quelque part dans le monde de déplacement d'une capitale ?
01:48Alors s'il y a par exemple Jakarta en Indonésie, là aussi, le sol s'affaisse.
01:53Là aussi, encore une fois, notamment en raison de pompage dans les nappes souterraines.
01:58On parle ici de 11 millions d'habitants.
02:00Alors en 2019, l'ancien président a pris une décision radicale, déplacer la capitale administrative sur l'île de Borneo.
02:08L'objectif, ce n'est pas d'y transférer toute la population pour l'instant, mais d'y transférer les fonctions administratives,
02:14le palais présidentiel et plus quand même d'un million de fonctionnaires.
02:18Et il en est où ce projet ?
02:19Alors là, pour l'instant, la première phase des travaux est quasi terminée.
02:23Mais pour l'instant, ça ressemble plutôt un petit peu à une capitale fantôme.
02:27Et aux difficultés de financement de ce projet s'ajoutent des critiques sur son impact environnemental.
02:32Les autorités, elles promettaient une ville verte, zéro émission.
02:35Certains dénoncent plutôt un projet qui, à terme, risque de fractionner les terres des populations autochtones
02:42et de menacer des zones riches en biodiversité.
02:45En fait, ce qu'il faut dire, c'est que ces projets de déplacement de capital,
02:48souvent, ils répondent davantage à des enjeux stratégiques, économiques, politiques,
02:52plutôt que de répondre véritablement aux enjeux climatiques.
02:55Et puis, ces projets, ils posent plein de questions.
02:58Déplacer, oui, d'accord, mais pour aller où ? Pour faire quoi ?
03:00Pour refaire une mégalopole ultra-goudronnée qui pourrait redevenir surpeuplée.
03:05Et déplacer le problème, oui.
03:06C'est ça, il faut vraiment se poser la question de, est-ce que c'est une bonne solution ?
03:09Justement, en parlant de cas de solution face aux effets du changement climatique,
03:12il y a une idée qui revient à la mode, c'est celle de fertiliser les océans.
03:16On en parle ce matin, ça veut dire quoi ?
03:18Alors, l'idée, c'est de déverser des tonnes de nutriments,
03:20alors essentiellement du fer dans l'océan, pour tenter de faire croître le phytoplankton.
03:25Alors, pourquoi le phytoplankton ?
03:26Parce que le phytoplankton, c'est des micro-organismes végétaux
03:29qui absorbent du CO2 de l'atmosphère par photosynthèse.
03:33Alors, dans l'idée, on peut se dire que c'est super et que c'est facile,
03:36sauf que, comme l'explique notre journaliste Vincent Luquez,
03:38l'idée de la fertilisation des océans, elle a déjà été étudiée, modélisée
03:43et même expérimentée à petite échelle dans les années 90-2000.
03:46Et le résultat, c'était plutôt mitigé,
03:49avec une efficacité climatique assez incertaine et des risques pour la biodiversité.
03:53Et alors, pourquoi on en parle ? Pourquoi ça ressort maintenant ?
03:56Alors, d'abord, il y a une question de contexte
03:57qui est favorable à ces techniques d'élimination du carbone.
04:01D'abord, les rapports du Groupement international des experts du climat, le GIEC,
04:05qui nous disent aujourd'hui que pour rester sous le seuil
04:08ou au moins ne pas trop le dépasser, le solde de viabilité économique,
04:11il va falloir recourir à ces techniques d'élimination du carbone
04:14en complément de nos réductions des émissions de CO2 drastiques.
04:19L'autre partie de ce contexte, c'est les systèmes de crédit carbone.
04:25Vous savez, c'est ces marchés sur lesquels les entreprises, les États,
04:28s'échangent des crédits d'émissions carbone.
04:30Ces systèmes, ils se développent énormément.
04:33C'est des crédits qui sont générés par des activités qui réduisent
04:37ou qui absorbent le CO2 et donc ils s'échangent ces crédits.
04:40C'est des droits à polluer.
04:41Voilà, c'est un peu des droits à polluer.
04:43Et en fait, ils s'échangent ces crédits.
04:45C'est très favorable, ça, à ce qu'on appelle la géo-ingénierie.
04:48C'est des techniques pour essayer d'influer sur le climat ou sur le cycle du carbone.
04:53Et notamment dans ces techniques, il y a la fertilisation des océans.
04:56C'est très en vogue en ce moment, notamment dans l'univers des start-up
05:00qui déjà ont vendu des centaines de milliers de crédits carbone aux entreprises
05:04en promettant de séquestrer du carbone dans les océans à travers la fertilisation.
05:09Et c'est quoi le problème de cette technique de fertilisation ?
05:12Alors déjà, cette technique, elle se heurte à des processus naturels complexes.
05:16C'est une des raisons pour lesquelles ça a un impact sur le climat très incertain.
05:20Et même si elle permettait finalement cette technique de faire croître le phytoplankton,
05:24encore faudrait-il que le CO2 capté puisse couler dans les abysses
05:28pour y être piégé pendant des milliers d'années.
05:30Aussi, l'autre problème de taille quand même de cette technique,
05:34c'est qu'elle pourrait, elle risque d'émettre plus de gaz à effet de serre qu'elle n'en capture.
05:40Alors comment ? Par exemple, le fer déversé, il pourrait par exemple nourrir certaines bactéries
05:45qui relâchent du CO2 au lieu d'en capter.
05:49Ça pourrait être contre-productif si finalement on arrive à lever ces risques ?
05:52Alors oui, imaginons qu'on lève toutes ces incertitudes.
05:56Il resterait à établir le bilan carbone et écologique d'une telle opération d'ampleur.
06:01Ça veut dire énormément de navires dans l'océan.
06:03Ça signifie aussi du minage et du transport de fer.
06:06Donc il faut compter aussi l'impact de ça.
06:07En fait, ces solutions-là de technosolutionnisme,
06:12elles sont souvent assez critiquées, cette géo-ingénierie,
06:15parce qu'elles risquent de nous entraîner dans un cercle vicieux.
06:18Et puis elles risquent aussi de nous détourner de nos objectifs
06:21de réduction des émissions de carbone en se disant
06:25« bon, c'est pas grave, on pourra les éliminer ».
06:28Et ces techniques-là aussi, elles peuvent engendrer des perturbations en chaîne.
06:32C'est-à-dire que pour régler les dérèglements climatiques,
06:34on finit par créer de nouveaux dérèglements.
06:35C'est un peu un cercle vicieux.
06:37Merci beaucoup Léa de nous avoir éclairé sur ces questions ce matin.
06:41Des articles à retrouver bien sûr comme chaque semaine sur reporter.net.
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