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  • il y a 5 jours
20 ans après le « non » des Français au référendum pour une constitution européenne, l'Union européenne reste au centre de nombreux débats en France. Si le « Frexit » ne semble plus à l'ordre du jour, l'Union européenne reste considérée par certains comme technocratique ou déconnectée et par d'autres comme la condition même de notre souveraineté.Quel rapport les Français entretiennent-ils avec l'Union européenne ? Quels sont aujourd'hui leurs attentes ou leurs critiques ?Pour en parler, Jean-Pierre Gratien reçoit Laure Salvaing, directrice générale de Verian France, Patrick Martin-Genier, enseignant à Sciences Po Paris, spécialiste des questions européennes et Yves Bertoncini, consultant et enseignant en affaires européennes.LCP fait la part belle à l'écriture documentaire en prime time. Ce rendez-vous offre une approche différenciée des réalités politiques, économiques, sociales ou mondiales....autant de thématiques qui invitent à prolonger le documentaire à l'occasion d'un débat animé par Jean-Pierre Gratien, en présence de parlementaires, acteurs de notre société et experts.

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Transcription
00:00:00Générique
00:00:02...
00:00:16Bienvenue à tous. Au menu de ce débat doc aujourd'hui,
00:00:19Giscard et l'Europe, chronique d'un rêve inachevé.
00:00:22Un documentaire réalisé par Gilles Kayatte et le journaliste David Revaud-Dallon.
00:00:26Je vous laisse le découvrir et je vous retrouverai juste après sur ce plateau
00:00:30en compagnie de mes invités avec eux et 20 ans après le nom français
00:00:35à la constitution européenne orchestrée par Valéry Giscard d'Estaing.
00:00:39Nous nous interrogerons sur le rapport qu'entretiennent aujourd'hui
00:00:42les Français à la construction européenne. Bon doc.
00:00:48Oui, nous pouvons rêver et faire rêver de l'Europe.
00:00:53Et si...
00:00:56Et si le rêve d'Europe unie de Valéry Giscard d'Estaing s'était accompli ?
00:01:01De quelle Europe serions-nous les citoyens aujourd'hui ?
00:01:05L'Europe disposerait-elle d'une armée puissante ?
00:01:09D'une constitution ?
00:01:10D'une nouvelle solidarité ?
00:01:12Serait-elle respectée ?
00:01:15Ou crainte ?
00:01:16La carrière politique de Valéry Giscard d'Estaing
00:01:21a épousé de 1945 au référendum sur la constitution européenne de 2005
00:01:27le temps long, laborieux, parfois fructueux, souvent douloureux
00:01:32de la réalisation de l'unité européenne, toujours envisagée, rarement attente.
00:01:37Jeune ancien combattant, il est le témoin de la naissance de l'idée même d'une Europe unie.
00:01:45Puis un catalyseur d'idées jugées bizarres.
00:01:47Il faudra mettre en place une monnaie européenne, et je vous indique que c'est possible.
00:01:53Monsieur le Président de la République.
00:01:56Et pour sept ans, un accélérateur de particules d'une Europe qui se complaisait alors dans l'immobilisme.
00:02:02Pour finir, tel Saint-Louis sous son chêne, arbitre des élégances d'un texte ambitieux,
00:02:12finalement balayé.
00:02:14Toute sa vie, Giscard aura poursuivi comme une obsession son rêve européen.
00:02:27Né en 1926 en Allemagne, Valéry Giscard d'Estaing vit son adolescence à Paris.
00:02:33Pendant l'occupation.
00:02:34Il était d'une famille qui était maréchaliste, notoire, et d'un certain niveau en plus, d'engagement.
00:02:42D'origine auvergnate, son père, Edmond, inspecteur des finances, a fait toute sa carrière en administrant de puissantes sociétés coloniales.
00:02:50Et dans les bonnes familles, quand le père avait fait quelque chose d'un peu incongru, le fils s'engageait.
00:02:58Après quelques faits de résistance, et alors qu'il se prépare à entrer à Polytechnique, il lâche ses études pour participer en août 1944 à la libération de Paris.
00:03:08Il a 18 ans.
00:03:09Quand on le voit autour du parcours de Valéry Giscard d'Estaing, on s'aperçoit que très jeune, il a eu le souci de ne pas passer à côté de l'histoire.
00:03:17Il entend le discours du général de Gaulle qui dit « la France libérée, Paris libérée par ses propres forces » et il dit « mais en fait, la guerre n'est pas finie, Hitler est toujours à Berlin, la moitié de la France est encore occupée par les Allemands ».
00:03:31Alors que rien ne l'obligeait à s'engager, alors qu'il a 18 ans, au lendemain de la libération de Paris, il s'engage contre le vœu de son père.
00:03:41Son père était furieux parce qu'il préparait l'X. Il a été un rebelle à ce moment-là.
00:03:45Le jeune Valéry s'engage dans l'armée de Delattre, parti à l'assaut de la frontière allemande et des restes de l'armée nazie.
00:03:53Sa guerre se finira à Constance.
00:03:56Il a pris des risques, il a participé à toute la campagne, même en 1945 jusqu'à la fin de la guerre.
00:04:02Et ça n'a pas été une partie de plaisir, il a vraiment combattu.
00:04:06Il revient le 14 juillet 1945, il est sur son char Sherman, sur la place de la Bastille, et on le voit sur la tourelle de son char.
00:04:18« C'est toute l'armée de la nation qui défile aujourd'hui sur le sol même, où se dressait autrefois la Bastille ».
00:04:25Fondamentalement, son engagement européen, il est né pendant cette période de la conviction qu'il fallait tourner la page.
00:04:36On sort de trois guerres dramatiques pour l'Europe.
00:04:43L'Europe est à plat.
00:04:45Et des gens intelligents, des gens sensibles se disent « on ne peut pas continuer comme ça indéfiniment ».
00:04:54C'est-à-dire dans 15 ans, la France et l'Allemagne vont recommencer.
00:04:57Et donc, c'est après la guerre que le sentiment, la nécessité de surmonter ces drames de l'histoire,
00:05:06est devenu le plus fort, et donc c'est imposé dans la tête des gens.
00:05:11C'est vraiment l'histoire qui a imposé cette idée européenne.
00:05:17Il y a l'idée chez lui que cette idée européenne, après la guerre, est le grand combat, finalement, de la génération qui arrive aux affaires.
00:05:24Son père, Edmond Giscard d'Estaing, était un personnage très traditionnaliste, de sensibilité maurassienne.
00:05:31Et incontestablement, après la guerre, il adhère à l'idée de l'Union européenne.
00:05:38Il est clair qu'Edmond Giscard d'Estaing, le père de Valéry, a adhéré au mouvement pan-européen.
00:05:43Le mouvement pan-européen a été fondé avant-guerre par un diplomate autrichien un peu dandy, Richard Coudeneuve-Kalergi.
00:05:51L'idée iconoclaste de Coudeneuve, faire l'Union de l'Europe.
00:05:55Richard Coudeneuve-Kalergi a compris, à l'issue de la guerre désastreuse pour toute l'Europe, qu'il fallait que l'Europe se ressaisisse.
00:06:03Et il a eu cette idée géniale, révolutionnaire, de produire un projet européen d'Union, s'appuyant sur une entente franco-allemande, dans une perspective politique, d'Union politique et de défense.
00:06:24Coudeneuve-Kalergi sentait la nécessité pour l'Europe qu'il souhaitait, pour la pan-Europe qu'il voulait, d'avoir un leader.
00:06:31Quelqu'un qui puisse inspirer le grand public, donc le leader en l'occurrence qui s'imposait, c'était Churchill.
00:06:41Rejeté dans l'opposition à la fin de la guerre, Churchill est fasciné par le projet pan-européen de Coudeneuve-Kalergi.
00:06:48Il décide alors de lui apporter un soutien spectaculaire.
00:06:51Je vais maintenant dire quelque chose qui vous aiment.
00:06:56Compte tenu de ce que pouvait être Giscard à ce moment-là, il était suffisamment ouvert, curieux et intelligent
00:07:18pour avoir évoqué les idées de Coudeneuve sur l'Europe avec son père.
00:07:23Tout cela milite pour faire dans sa propre culture personnelle et politique l'idée forte qu'il faut construire l'Europe
00:07:32en ayant certainement une influence et une reconnaissance pour ceux qui ont posé les jalons du mouvement européen.
00:07:41En ce début des années 50, la jeunesse européenne semble être saisie d'une fièvre fédéraliste.
00:07:48Le modèle des États-nations, celui qui a détruit l'Europe, est désormais obsolète.
00:07:53Il faut partir à l'assaut des postes frontières.
00:07:56Faire de l'Europe un territoire indivisible.
00:07:59Deux hommes surfent sur cette nouvelle vague.
00:08:02Le ministre Robert Schuman et Jean Monnet, un haut fonctionnaire aux talents multiples.
00:08:07Il propose la création de la communauté européenne du charbon et de l'acier,
00:08:12unissant la production industrielle de la France, de l'Allemagne, de l'Italie et du Benelux.
00:08:19L'Europe ne se fera pas d'un coup, ni dans une construction d'ensemble.
00:08:25Elle se fera par des réalisations concrètes, créant d'abord une solidarité de fait.
00:08:31La proposition de Robert Schuman, inspirée par le plan préparé par Jean Monnet,
00:08:37c'est vraiment de poser une première pierre à travers cette communauté européenne du charbon et de l'acier.
00:08:43Mais cette communauté européenne du charbon et de l'acier,
00:08:45elle doit en fait permettre de créer une fédération européenne dans les années qui suivent.
00:08:50La CECA devient la première organisation au monde basée sur la supranationalité.
00:08:55On oublie souvent, mais dans la déclaration Schuman,
00:08:59il est cité l'objectif de créer une fédération européenne.
00:09:03Nous voulons l'unification de l'Europe.
00:09:05Car l'unité de l'Europe, c'est notre tâche essentielle et immédiate.
00:09:10Aucune autre politique n'est capable de sauver les pays européens
00:09:14de leur division, de nos antagonismes et de nos impuissances.
00:09:19Depuis 1945, depuis que la Russie de Staline a mis l'Est de l'Europe sous sa coupe,
00:09:30le monde est entré en guerre froide.
00:09:33Sous la pression des États-Unis, l'Europe de l'Ouest, Allemagne comprise,
00:09:37doit se réarmer et vite pour faire face à l'ogre russe.
00:09:40À partir du moment où vous avez une réalité d'une Europe dans un monde bipolaire,
00:09:47entre les États-Unis d'un côté et l'Union soviétique de l'autre,
00:09:53une armée européenne, c'est la souveraineté européenne qui est capable de se défendre.
00:10:01Alors que les premiers trains de la CECA traversent les frontières européennes
00:10:04sans payer de droits de douane,
00:10:06Jean Monnet propose alors de franchir une nouvelle étape dans l'Union.
00:10:10La défense européenne, c'est une proposition française, avec deux raisons.
00:10:16Un, bien sûr, cette idée d'organiser la défense européenne
00:10:19dans un contexte de guerre froide qui se cristallise.
00:10:23Et puis pour les Français, il y a un autre aspect qui est particulièrement important,
00:10:27c'est d'organiser le réarmement de l'Allemagne à l'époque.
00:10:30Les Français n'ont absolument pas envie que l'Allemagne reconstruise une armée
00:10:35qui soit hors de contrôle.
00:10:37Et donc finalement, la défense européenne, c'est aussi un moyen de répondre à cet enjeu,
00:10:42puisque ce réarmement se ferait dans le cadre d'une défense européenne.
00:10:46À Paris, au Quai d'Orsay, la conférence sur la formation de l'armée européenne
00:10:49que présidait M. Schumann a commencé ses travaux.
00:10:52La communauté européenne de défense soulève l'enthousiasme.
00:10:56Elle se voit parée de toutes les vertus.
00:10:59Elle serait une assurance contre un retour du nazisme
00:11:01et un bouclier contre le communisme.
00:11:04Edmond Giscard d'Estaing est à fond pour.
00:11:07Il y voit une source de prospérité.
00:11:09Qu'a donc attendu l'Europe pour se doter d'un projet aussi ambitieux ?
00:11:13La communauté européenne de défense, elle prévoit vraiment une armée européenne.
00:11:19C'est 42 divisions, donc c'est 800 000 hommes.
00:11:25Avec des chars, des avions.
00:11:27On imagine les soldats en uniforme, avec un uniforme commun
00:11:32et qui vont aller se battre de manière commune pour défendre l'Europe occidentale à l'époque.
00:11:38Pour son commandement, on imagine un ministre de la défense européen
00:11:42qui est un ministre qui est en charge de diriger finalement cette armée
00:11:47et qui doit être responsable devant des institutions politiques.
00:11:52L'idée, c'est de construire des institutions politiques
00:11:54qui doivent chapeauter cette défense européenne
00:11:57et qui représentent à la fois les gouvernements nationaux
00:11:59mais qui représentent aussi la volonté populaire, si on veut.
00:12:04Et donc, c'est pour ça qu'on imagine aussi tout de suite un Parlement
00:12:08qui est lié au suffrage universel
00:12:09qui est chargé de contrôler les agissements de ce ministre
00:12:12et de contrôler ce qui est fait de cette défense européenne.
00:12:16À Paris, les vélités se sont réunis au Quai d'Orsay
00:12:18pour simuler les trois nôtres du monde
00:12:19qui constituent l'acte de naissance de l'armée européenne.
00:12:22Deux ans après la signature du traité instituant la CED
00:12:27c'est la France qui va mettre en échec le projet
00:12:29au moment de le faire ratifier.
00:12:32Par un artifice de procédure et sans même le voter
00:12:35le gouvernement français, alors dirigé par Pierre Mendès France
00:12:38abandonne l'idée, son idée, d'une armée européenne.
00:12:43L'opposition farouche des gaullistes déjà souverainistes
00:12:46et des communistes alors inféodés à Moscou
00:12:49vont enterrer le traité à l'Assemblée nationale.
00:12:52Et alors que le reste du continent était partant,
00:12:55l'Europe a perdu et pour longtemps son rêve d'unité militaire.
00:13:00Pour le chancelier allemand Adenauer,
00:13:03c'est un jour noir pour l'Europe.
00:13:05L'échec de cette communauté européenne de défense,
00:13:09c'est le premier coup d'arrêt, c'est le premier non à l'Europe,
00:13:12le premier non à l'Europe des Français, il y en aura d'autres.
00:13:15Et c'est une première crise, voire un doute presque existentiel
00:13:20pour les militants de l'Europe.
00:13:24Malgré l'échec de la CED,
00:13:27le jeune haut fonctionnaire Giscard d'Estaing,
00:13:28toujours enthousiaste,
00:13:30rejoint le Comité pour les États-Unis d'Europe,
00:13:32créé par Jean Monnet.
00:13:33Son comité pour les États-Unis d'Europe,
00:13:36c'est un groupe qui vise à influencer
00:13:38le processus de la construction européenne.
00:13:40C'est un peu ce qu'on pourrait appeler aujourd'hui un think tank, si on veut.
00:13:43Son objet, c'était de maintenir vivant,
00:13:47parmi ces hommes politiques responsables,
00:13:50et parfois puissants dans leur pays,
00:13:53l'idée que l'Europe était nécessaire, indispensable.
00:13:55Quand il parle des États-Unis d'Europe, la référence est claire.
00:13:58Il imagine que cette Europe supranationale
00:14:01va se construire par saut successif,
00:14:05parce que, finalement,
00:14:07on va coopérer dans un certain nombre de domaines.
00:14:10Ces coopérations vont poser un certain nombre de questions,
00:14:12de problèmes qu'il faudra résoudre,
00:14:14et donc il nous faudra coopérer dans d'autres domaines.
00:14:16Et au fur et à mesure,
00:14:17on va étendre le champ des coopérations
00:14:20et les prérogatives des institutions
00:14:22qui ont été créées au niveau supranational.
00:14:24Sorti dans la botte de l'ENA,
00:14:28Giscard, finalement séduit par la politique,
00:14:30a rejoint le cabinet du nouveau président du Conseil,
00:14:33le centriste Edgar Faure.
00:14:35La politique se rapproche de Giscard à grands pas.
00:14:38Lorsqu'Edgar Faure est renversé,
00:14:40un classique de la Quatrième République,
00:14:42Giscard franchit alors le Rubicon.
00:14:45Il va se présenter en Auvergne
00:14:46aux législatives de 1955.
00:14:48Il a parcouru tout le département
00:14:51dans une vieille voiture
00:14:54avec quelquefois des accidents.
00:14:58Et à l'époque, les routes n'étaient pas bien fameuses.
00:15:00En plus, c'était en plein hiver.
00:15:03Et l'Auvergne était à l'époque
00:15:04beaucoup plus rude que maintenant.
00:15:07Il aimait le contact des gens.
00:15:09Il était heureux d'aller les rencontrer,
00:15:13de discuter avec eux,
00:15:15d'essayer de les persuader
00:15:17et de voter pour lui.
00:15:20Ça, il aimait beaucoup.
00:15:26Il venait à la suite d'un homme de 80 ans.
00:15:30Ça renouvelait un peu les choses.
00:15:34Il a 30 ans quand il entre à l'Assemblée nationale.
00:15:38La France est préoccupée par l'Algérie,
00:15:40bientôt par la crise de Suez
00:15:41et par la négociation d'un nouveau traité européen
00:15:44censé créer un marché commun
00:15:46entre les six pays de l'ACK.
00:15:49Il y avait un grand débat
00:15:50sur la ratification du traité de Rome.
00:15:53Dans le cadre de ce débat,
00:15:54il y avait deux interventions marquantes.
00:15:56D'une part, Pierre Madès-France
00:15:57pensait que, en ce qui concerne le marché commun,
00:16:00que l'économie française
00:16:01n'était pas en état de supporter
00:16:03l'ouverture des frontières.
00:16:04Et donc, le jeune Giscard lui répond,
00:16:07il prend vraiment le contre-pied
00:16:09de ce que dit Pierre Madès-France.
00:16:11Il dit oui, il ne nie pas
00:16:12que le traité de Rome
00:16:14peut faire courir un risque
00:16:17à l'économie française.
00:16:18Mais il dit, il a cette formule,
00:16:21il dit qu'il faut assumer ce risque.
00:16:22« Je souhaite que nous poursuivions
00:16:25la construction d'une entité économique
00:16:27et plus tard politique
00:16:29à la dimension d'un continent,
00:16:32ainsi que la vocation de notre pays
00:16:34à penser, à éclairer
00:16:36et peut-être à diriger
00:16:38cette construction continentale.
00:16:40Je suis donc favorable
00:16:42à la ratification de ce traité. »
00:16:45Dans son esprit, il y a cette idée
00:16:46que désormais, le rôle de la France,
00:16:48le meilleur rôle qui s'offre à elle,
00:16:50est de prendre la tête du combat
00:16:51pour l'unification de l'Europe.
00:16:53« À Rome, le palais du Capitole
00:16:55dessiné par Michel-Ange
00:16:56et qui domine la ville éternelle
00:16:57a été le cadre majestueux
00:16:59de la rencontre des six
00:17:00venus mettre le point final
00:17:02aux négociations
00:17:03instituant le marché commun. »
00:17:05Et même si dans les traités de Rome,
00:17:06il y a un certain nombre
00:17:06de dispositions qui peuvent laisser
00:17:09entrevoir l'émergence
00:17:11d'une Europe politique,
00:17:12l'élection en suffrage universel
00:17:14direct du Parlement européen
00:17:15est déjà prévue dans les traités de Rome.
00:17:17Simplement, il y a aussi
00:17:18beaucoup de dispositions
00:17:19de ces traités de Rome
00:17:20qui ne vont pas être entrées en vigueur,
00:17:24qui ne vont pas être mises en œuvre.
00:17:26Et ce qui devait arriver, arriva.
00:17:29La IVe République n'a pas survécu
00:17:31au coup de boutoir de la guerre d'Algérie.
00:17:33En mai 1958,
00:17:35de Gaulle revient au pouvoir en sauveur.
00:17:37Hostile au traité de Rome,
00:17:39il va pourtant l'appliquer.
00:17:41Mais d'entrée de jeu,
00:17:42il va doucher les espoirs fédéralistes
00:17:44qu'avait fait naître le traité.
00:17:45J'ai déjà dit, je répète,
00:17:47qu'à l'heure qu'il est,
00:17:48il ne peut pas y avoir
00:17:49d'autres repossibles
00:17:52que celles des États,
00:17:55en dehors naturellement
00:17:56des mythes, des fictions, des parades.
00:17:59Repéré par Michel Debré,
00:18:01nouveau Premier ministre,
00:18:03Valéry Giscard d'Estaing
00:18:04démarre une nouvelle vie.
00:18:06Il entre au gouvernement
00:18:07comme secrétaire d'État aux finances.
00:18:09Mettant un mouchoir pudique
00:18:10sur ses idées européennes,
00:18:12il accède pour la première fois
00:18:13au plateau de télévision
00:18:14« J'ai apporté un graphique
00:18:17pour les téléspectateurs. »
00:18:19et se lance avec énergie
00:18:20et pédagogie
00:18:21dans sa nouvelle mission.
00:18:22« C'est la production
00:18:23au cours des dernières années.
00:18:24Maintenant, il faut la chercher,
00:18:26c'est au moment où cette courbe
00:18:27va commencer à ralentir. »
00:18:28Apprécié par le général,
00:18:30il monte en grade
00:18:31trois ans plus tard.
00:18:32En 1962,
00:18:34il devient ministre des Finances.
00:18:36Un poste à la mesure
00:18:37de ses ambitions.
00:18:39Il est en charge
00:18:39de redresser la France.
00:18:42Dans les années 60,
00:18:43il a toujours cherché
00:18:44à se différencier des gaullistes.
00:18:47Il était un allié,
00:18:48mais il ne voulait pas paraître
00:18:51comme un subordonné.
00:18:52Il ne voulait pas être un appoint.
00:18:54Il voulait définir sa propre identité.
00:18:57Il la définissait de deux façons.
00:18:59La première, c'était
00:18:59en tant que ministre
00:19:01de l'Économie et des Finances
00:19:02et à travers l'Europe.
00:19:05Et ce qu'on a retenu de lui,
00:19:06ça a été l'Européa,
00:19:08qu'il a été toujours,
00:19:09et pour le coup,
00:19:11qu'il a été très tôt
00:19:12par rapport à l'ensemble
00:19:14de la classe politique.
00:19:16Il n'était plus que deux en lice.
00:19:18Et dès 23h,
00:19:19M. Mitterrand
00:19:19reconnaissait sa défaite.
00:19:21Ainsi,
00:19:22le général de Gaulle
00:19:22est réélu pour sept ans
00:19:24président de la République.
00:19:28Giscard ne saura jamais
00:19:30qui de Pompidou
00:19:31ou de Debré
00:19:31l'a congédié du gouvernement
00:19:33après la réélection de de Gaulle.
00:19:34Ce qu'il voit
00:19:37comme une profonde injustice
00:19:39va pourtant libérer
00:19:41ses chaînes.
00:19:44Oui,
00:19:46mais
00:19:46qui signifie
00:19:50le soutien
00:19:52de cette politique,
00:19:54mais accompagné
00:19:55de la volonté
00:19:56de proposer
00:19:57pour l'avenir
00:19:59un certain nombre
00:20:00d'orientations
00:20:01fondamentales.
00:20:02A partir de cet épisode
00:20:05du 8 mai,
00:20:06Valéry Giscard d'Estaing
00:20:07a été considéré
00:20:08comme l'homme à abattre
00:20:09parce que d'abord
00:20:10il affirmait
00:20:11ses positions
00:20:11qui apparaissaient
00:20:12comme très autonomes
00:20:14vis-à-vis
00:20:14d'un doxia gaulliste.
00:20:17Une vieille connaissance
00:20:19fédéraliste
00:20:19de son père Edmond,
00:20:21Richard Coudeneuve-Kalergi,
00:20:23va se rappeler
00:20:23au bon souvenir
00:20:24de Valéry Giscard d'Estaing
00:20:25sous la forme
00:20:26d'une invitation
00:20:27au congrès pan-européen
00:20:28de Vienne.
00:20:30Entre deux représentations
00:20:31à l'opéra,
00:20:32on va cogiter
00:20:33sur l'avenir
00:20:34de l'Europe.
00:20:35Giscard doit présider
00:20:36la commission consacrée
00:20:37à l'avenir
00:20:38de la monnaie.
00:20:40Les fédéralistes
00:20:41ou les pan-européens
00:20:43de l'époque
00:20:44étaient relativement
00:20:45peu nombreux
00:20:46comme activistes,
00:20:48mais avaient
00:20:49beaucoup d'influence.
00:20:50Ils jouaient un rôle
00:20:51et ils essayaient
00:20:52de jouer un rôle
00:20:53constructif.
00:20:54Ce voyage à Vienne
00:20:58va être l'occasion
00:21:00pour Giscard
00:21:00de lâcher
00:21:01une bombe fédéraliste
00:21:02comme une profession
00:21:04de foi.
00:21:05Nous proposons
00:21:05comme objectif
00:21:07la création
00:21:08d'une confédération
00:21:09européenne
00:21:10qui devrait atteindre
00:21:12en 1980
00:21:13sa pleine maturité,
00:21:15c'est-à-dire
00:21:15être compétente
00:21:17pour décider,
00:21:19pour financer
00:21:20et pour gérer
00:21:21la politique extérieure,
00:21:23la défense
00:21:24et la monnaie.
00:21:26C'est un engagement
00:21:27fort.
00:21:28Lui, il y voit
00:21:28un moyen,
00:21:30encore une fois,
00:21:31de réaliser
00:21:31concrètement
00:21:32cette unification
00:21:33de l'Europe
00:21:34auquel il aspire.
00:21:35C'est un objectif,
00:21:36ce n'est pas
00:21:37un doux rêve
00:21:37à l'époque
00:21:39et des plans
00:21:40de monnaie
00:21:41uniques
00:21:43ou en tout cas
00:21:43d'unification monétaire
00:21:44des monnaies européennes
00:21:45existent déjà.
00:21:46Oui, on peut le dire,
00:21:47c'est un objectif politique.
00:21:49Revenu à Paris,
00:21:50il continue
00:21:51sur sa lancée
00:21:52dans les réunions
00:21:53de son club
00:21:53de réflexion politique,
00:21:55ne rechignant plus
00:21:56à rêver tout haut.
00:21:57J'ai suggéré
00:21:58en ce qui me concerne
00:21:59la constitution
00:22:00d'un Sénat européen.
00:22:02Je considère
00:22:03comme nécessaire
00:22:03la création
00:22:04à bref délai
00:22:05d'une communauté
00:22:06monétaire européenne
00:22:07précédant la création
00:22:09d'une monnaie européenne.
00:22:10Et enfin,
00:22:11nous proposons
00:22:11aujourd'hui
00:22:12que soit retenu
00:22:13le principe
00:22:14d'une confédération
00:22:15européenne
00:22:16à établir
00:22:17pour 1980.
00:22:19Là,
00:22:19il ne s'agit pas
00:22:20de se différencier.
00:22:21C'est de l'ordre,
00:22:24il ne faut pas exagérer,
00:22:25ce n'est pas une prophétie,
00:22:27mais enfin,
00:22:28c'est une idée.
00:22:30Bon,
00:22:31qui est une idée
00:22:31qui correspond beaucoup
00:22:33à Jean Monnet,
00:22:33quand même.
00:22:34Mais il s'en fait
00:22:36d'une certaine façon
00:22:37le porte-parole politique.
00:22:39Et c'est un choix,
00:22:40évidemment,
00:22:41c'est un choix assez fort.
00:22:43il n'y aura pas
00:22:44de marché commun
00:22:45sans monnaie européenne.
00:22:47Et donc,
00:22:47si l'on veut
00:22:48que le marché commun
00:22:48se développe,
00:22:49ce qui est essentiel
00:22:49pour nous tous,
00:22:50je crois,
00:22:51il faudra mettre en place
00:22:53une monnaie européenne
00:22:54et je vous indique
00:22:54que c'est possible.
00:22:57Après cette parenthèse
00:22:58fédéraliste,
00:22:59la politique franco-française
00:23:00va reprendre ses droits.
00:23:02Georges Pompidou
00:23:03accède à l'Élysée
00:23:04et Giscard
00:23:05redevient ministre des Finances.
00:23:07Mais les temps ont changé
00:23:08et la France
00:23:09a désormais besoin
00:23:10de l'Europe.
00:23:11C'est un moment
00:23:12où la relation franco-franc
00:23:13est au plus bas.
00:23:14Mais il y a deux hommes
00:23:15dans l'ombre
00:23:16qui sont tous les deux
00:23:16ministres des Finances.
00:23:17L'un sous Brandt,
00:23:18l'autre sous Pompidou.
00:23:20C'est Valéry Giscard d'Estaing
00:23:21et Helmut Schmidt.
00:23:28Les deux hommes
00:23:29se respectent,
00:23:30s'admirent.
00:23:31Ils sont persuadés
00:23:32de leur propre intelligence.
00:23:34Ils se considèrent
00:23:34comme supérieurs
00:23:35à tout le monde.
00:23:36Ils pensent
00:23:36qu'ils sont très peu compris
00:23:37par les autres
00:23:38tellement ils sont
00:23:39supérieurement intelligents.
00:23:40Mais eux deux,
00:23:41voilà,
00:23:41ils se sont trouvés.
00:23:45Les échanges permanents
00:23:46qu'il y a eu
00:23:47entre Helmut Schmidt
00:23:47et mon père,
00:23:48il y a en arrière-plan.
00:23:50Le fait qu'ils ont été
00:23:51tous les deux combattants
00:23:52pendant cette période
00:23:54terrible d'affrontement
00:23:56entre la France
00:23:57et l'Allemagne.
00:23:59C'était vraiment ça
00:24:00qui incarnait
00:24:01dans leur discussion,
00:24:04qui incarnait
00:24:04cette idée simple.
00:24:07l'Europe,
00:24:08elle doit se faire
00:24:08parce qu'il faut
00:24:09définitivement
00:24:11oublier la période
00:24:12où l'Europe
00:24:13s'est déchirée
00:24:14et des pays majeurs
00:24:15comme la France
00:24:16et l'Allemagne
00:24:16se sont retrouvés
00:24:17opposés.
00:24:18Il y avait un social-démocrate,
00:24:20certes modéré,
00:24:21mais social-démocrate.
00:24:22Et puis il y avait
00:24:23Giscard,
00:24:23qui était un libéral
00:24:24sans doute avancé
00:24:25comme il se présentait
00:24:26lui-même,
00:24:27libéral avancé,
00:24:28mais qui s'était
00:24:29vraiment entendu,
00:24:31reconnu
00:24:32et avait lié
00:24:34vraiment des liens
00:24:35d'amitié.
00:24:39Le premier choc pétolier
00:24:41de 1973,
00:24:42il tente à ce moment-là
00:24:43de créer
00:24:44ce qu'on appelle
00:24:45le serpent monétaire
00:24:47qui n'est pas assez
00:24:47puissant
00:24:48pour résister
00:24:50à cette période
00:24:51de grands bouleversements
00:24:52politiques et financiers.
00:24:54Et les deux hommes
00:24:55arrivent au pouvoir
00:24:57suprême
00:24:58quasiment au même moment.
00:24:59Et là,
00:25:00c'est le moment
00:25:00ou jamais
00:25:01de faire avancer
00:25:02la construction communautaire,
00:25:04de la relancer.
00:25:07En 1969,
00:25:09Valéry Giscard d'Estaing
00:25:10avait hésité
00:25:10à se présenter
00:25:11à l'élection présidentielle.
00:25:13Mais après le décès
00:25:14cinq ans plus tard
00:25:15du président Pompidou,
00:25:17il n'est plus question
00:25:17d'hésiter.
00:25:20C'est une campagne
00:25:21inopinée
00:25:22et une campagne
00:25:24très courte.
00:25:26Bon,
00:25:26et que ce que
00:25:27Giscard a voulu
00:25:29instiller immédiatement,
00:25:33c'est sa modernité
00:25:35et sa juvénilité.
00:25:41Qui l'eut cru ?
00:25:42Giscard est populaire.
00:25:44Il a bâti
00:25:45une campagne
00:25:45à l'américaine
00:25:46et rallie
00:25:47une partie de la jeunesse,
00:25:48pourtant traditionnellement
00:25:49acquise à la gauche.
00:25:51Et je souhaite
00:25:52que la France
00:25:53contribue
00:25:53largement
00:25:54au cours des prochaines années
00:25:55par ses propositions,
00:25:57par ses initiatives,
00:25:58parce qu'elle sera capable
00:25:59d'inventer
00:26:00et de proposer
00:26:01à l'union
00:26:02nécessaire
00:26:03de l'Europe.
00:26:07En changeant de décennie
00:26:08et six ans après
00:26:09les bouleversements
00:26:10de mai 68,
00:26:12la France
00:26:12a besoin d'air.
00:26:14Mais elle n'ose pas encore
00:26:15s'offrir à la gauche.
00:26:16Giscard est élu
00:26:19avec 50,8%
00:26:20des voix.
00:26:22Il veut aller vite,
00:26:23réformer à tout va
00:26:24et retrouver au plus tôt
00:26:25son complice et ami,
00:26:27Helmut Schmidt,
00:26:28devenu chancelier
00:26:29de l'Allemagne fédérale
00:26:3015 jours plus tôt,
00:26:31pour faire avec lui
00:26:32de l'Europe
00:26:33son grand œuvre.
00:26:35Pompidou était obsédé
00:26:37par l'idée
00:26:38que les Allemands
00:26:39pouvaient se rapprocher
00:26:40excessivement
00:26:41des Russes.
00:26:44Valéry Giscard d'Estaing,
00:26:46dès qu'il est arrivé
00:26:46au pouvoir,
00:26:48c'est l'idée
00:26:48que si nous voulions
00:26:49effectivement
00:26:50retenir
00:26:52l'Allemagne
00:26:54sur la tentation,
00:26:55ce qu'on appelle
00:26:56la tentation
00:26:56de Rapallo,
00:26:58qui était un traité
00:26:59de convergence
00:27:00entre les nations
00:27:01perdantes
00:27:02de la guerre
00:27:03de 14-18,
00:27:04qui était la Russie
00:27:05et l'Allemagne.
00:27:07Valéry Giscard d'Estaing
00:27:08estimait que la seule façon
00:27:10de régler le problème,
00:27:12c'était de développer
00:27:13une intimité,
00:27:15une solidarité
00:27:16très forte
00:27:17avec l'Allemagne.
00:27:19Et Helmut Schmidt
00:27:20professait exactement
00:27:22la même doctrine.
00:27:23Helmut Schmidt
00:27:24était convaincu
00:27:25que le destin
00:27:26de l'Allemagne
00:27:28démocratique
00:27:29était inséparable
00:27:31du destin
00:27:32de l'Europe,
00:27:32que c'était
00:27:33la seule manière
00:27:34d'avoir une Allemagne
00:27:35pacifique,
00:27:37respectée,
00:27:38puissante,
00:27:39influente.
00:27:40La seule manière
00:27:41pour cette Allemagne
00:27:42était d'accepter
00:27:43une logique européenne
00:27:44qui faisait que,
00:27:46faisant confiance
00:27:47à tous ses partenaires,
00:27:48ses partenaires
00:27:49lui feraient confiance
00:27:50également.
00:27:52Une idée européenne !
00:27:55Élection européenne !
00:27:58Élection européenne !
00:28:01Élection européenne !
00:28:03Toujours là où on les attend,
00:28:05les fédéralistes s'invitent
00:28:07sous l'œil bienveillant
00:28:07de Jean Monnet
00:28:08au jour de gloire
00:28:09du nouveau président
00:28:10qui arrive tout sourire
00:28:12au Quai d'Orsay
00:28:12pour sa première
00:28:13grand-messe européenne.
00:28:14« Nous voulons
00:28:15un vrai
00:28:16de l'Unité européenne ! »
00:28:20Avec Helmut Schmidt,
00:28:21il a concocté un diptyque inédit
00:28:23qui commence par le premier conseil européen
00:28:26de chef d'État et de gouvernement.
00:28:29Une transmutation inédite
00:28:30du languissant conseil des ministres
00:28:32qui n'intéressait plus personne.
00:28:34Valéry Giscardessin aimait bien cette idée
00:28:38un peu congrès de Vienne
00:28:39de « on est dans un salon,
00:28:41on est entre gens de bonne compagnie
00:28:43qui ont sur l'avenir de l'Europe
00:28:45des idées convergentes
00:28:47et assez éclairées
00:28:48et donc on prend des décisions ensemble. »
00:28:51« Nous avons assisté
00:28:52au dernier sommet européen
00:28:54et nous avons participé
00:28:57au premier conseil européen. »
00:29:00« C'était une anomalie pour l'Europe
00:29:02de voir ses chefs de gouvernement
00:29:04ne se rencontrer que trois fois
00:29:06en cinq ans. »
00:29:07« Le principe est clair,
00:29:08c'est la volonté
00:29:10de faire pénétrer l'Europe
00:29:12les compétences communautaires
00:29:14dans le domaine de la politique
00:29:16et notamment de la grande politique. »
00:29:18Mais les annonces ne s'arrêtent pas là.
00:29:20Helmut Schmidt
00:29:21tient lui aussi sa nouveauté.
00:29:23« Donc c'est le deal
00:29:24tu me laisses créer, Helmut,
00:29:26le Conseil européen
00:29:27des chefs de l'État et de gouvernement
00:29:28qui se réunira deux fois par an,
00:29:29donc régulièrement. »
00:29:31« Nous souhaitons déposer en 1976
00:29:34les modalités de l'élection
00:29:37de l'Assemblée européenne
00:29:39au suffrage universel. »
00:29:41« Et en échange,
00:29:43Helmut Schmidt obtient
00:29:44que le Parlement européen
00:29:45soit élu au suffrage universel
00:29:46parce que c'est une lubie allemande.
00:29:48Il croit en la démocratie,
00:29:49à l'élection au suffrage universel,
00:29:52des choses que les Français
00:29:53ont du mal à comprendre.
00:29:54Enfin bon, ça fait plaisir aux Allemands,
00:29:55allez, on va faire un peu de démocratie. »
00:29:58Après deux ans de mandat,
00:29:59les choses se gâtent pour le président.
00:30:02Son premier ministre,
00:30:03Jacques Chirac,
00:30:04provoque la rupture.
00:30:05« Je viens de remettre
00:30:07la démission de mon gouvernement
00:30:10au président de la République. »
00:30:13Tout avait pourtant si bien commencé
00:30:15entre Valéry Giscard d'Estaing
00:30:17et Jacques Chirac.
00:30:18Pendant la campagne présidentielle,
00:30:20Chirac avait contre toute attente
00:30:22soutenu Giscard.
00:30:24En récompense,
00:30:25il avait obtenu Matignon.
00:30:27Mais sous l'influence
00:30:28de ses conseillers politiques,
00:30:30Marie-France Garraud et Pierre Juillet,
00:30:32Chirac s'était mépris
00:30:33sur la taille de son espace politique.
00:30:36Chirac estimait qu'il n'avait pas de rôle
00:30:38et Marie-France Garraud et Pierre Juillet
00:30:40passaient son temps à lui dire
00:30:41« Vous vous faites manœuvrer
00:30:41comme un trompette, ça suffit. »
00:30:43Et puis, c'est devenu presque pathologique.
00:30:46Ça ne pouvait plus durer.
00:30:47C'est-à-dire que Chirac
00:30:48croyait que c'était un faible
00:30:49et que lui aussi,
00:30:51c'est lui qui finirait
00:30:52par prendre le dessus.
00:30:53Et ils se sont trompés l'un l'autre.
00:30:55Et donc, c'est une non-compréhension
00:30:57psychologique du caractère des deux.
00:31:02Sitôt quitté Matignon,
00:31:03Jacques Chirac reprend
00:31:04un parti gaulliste vieillissant
00:31:06pour en faire une machine de guerre,
00:31:08le RPR.
00:31:12L'UDR, puis devenu très vite RPR,
00:31:15freinait l'Europe des quatre fers.
00:31:19Et en particulier,
00:31:20ils se sont opposés autant qu'ils l'ont pu
00:31:22à l'élection du Parlement européen
00:31:25au suffrage universel direct.
00:31:26La création du Conseil européen,
00:31:28mais ça, les Chiraciens étaient d'accord,
00:31:30et l'élection du Parlement européen
00:31:33au suffrage universel.
00:31:35Et là, c'était plutôt un chiffon rouge.
00:31:37Et l'appel de Cochin,
00:31:38c'est né de cette opposition
00:31:40qui était farouche
00:31:41et que Chirac, à l'époque,
00:31:44enfourchait sans la moindre réticence.
00:31:47C'était ici, à 6 km du Seil,
00:31:49que la voiture de Jacques Chirac
00:31:50a brusquement quitté la chaussée.
00:31:52Très rapidement,
00:31:52des dispositions ont été prises
00:31:54pour que Jacques Chirac soit évacué
00:31:56sur un hôpital parisien,
00:31:57l'hôpital Cochin.
00:31:58L'élection européenne se profilait
00:32:02et arrive l'accident.
00:32:05Bernadette faisait le guet à l'hôpital
00:32:07pour que les visiteurs ne viennent pas,
00:32:09c'est-à-dire Pierre Juillet et Marie-France Garraud,
00:32:11mais qui ont quand même réussi
00:32:13à venir dans sa chambre
00:32:14et lui faire signer un texte,
00:32:17je crois qu'il n'avait pas lu,
00:32:18ou lu en diagonale.
00:32:19La violence politique est gigantesque.
00:32:23Comme toujours,
00:32:24quand il s'agit de l'abaissement de la France,
00:32:25« Le parti de l'étranger est à l'œuvre,
00:32:28avec sa voix paisible et rassurante.
00:32:31Français ne l'écoutez pas.
00:32:33C'est l'engourdissement qui précède la paix et la mort. »
00:32:36Et c'était là où se tonge,
00:32:38comme toujours,
00:32:39« Le parti de l'étranger qui est à l'œuvre »
00:32:41et ça avait choqué, évidemment,
00:32:43parce que le parti de l'étranger,
00:32:45c'était Giscard.
00:32:45Les grandes familles
00:32:46qui sont toujours contre l'intérêt de la France
00:32:48et qui pensent à leur intérêt financier particulier,
00:32:52etc.,
00:32:52enfin, tout ça est sorti.
00:32:54Alors, le fait de...
00:32:55Quel est l'intérêt qu'elle soit élue au suffrage universel ?
00:32:57Et de fait,
00:32:58l'élection européenne a été son premier revers.
00:33:02La liste Chirac, ça fait 16%,
00:33:04alors que Mme Veil avait 27%.
00:33:07Voilà mon Europe.
00:33:09C'est une Europe de la raison.
00:33:11Valéry Giscard d'Estaing
00:33:12connaît la force des symboles.
00:33:14C'est un politique de la vieille école.
00:33:16En envoyant Simone Veil,
00:33:18qui a été à Auschwitz,
00:33:20survivante d'Auschwitz
00:33:21à Strasbourg,
00:33:23au Parlement européen,
00:33:24c'est quel signal,
00:33:26quel symbole,
00:33:28et que les Allemands,
00:33:29ensuite,
00:33:29votent pour les lire
00:33:30à la tête du Parlement européen,
00:33:33ont obtenu...
00:33:34C'était quelque chose d'incroyable.
00:33:35Madame Veil,
00:33:37192 voix.
00:33:52Je déclare ouverte
00:33:55la séance soladelle
00:33:57du Parlement européen.
00:33:59Et Giscard,
00:33:59il a été d'une grande intelligence politique
00:34:02à ce moment-là.
00:34:02Alors Valéry,
00:34:04alors Helmut,
00:34:05Valéry Giscard d'Estaing
00:34:09et Helmut Schmitt
00:34:10n'en ont pas fini avec l'Europe.
00:34:12Après les symboles politiques,
00:34:14il est désormais temps
00:34:15de s'attaquer à l'avenir,
00:34:16à l'héritage
00:34:17que d'autres feront fructifier.
00:34:19Il faut s'attaquer
00:34:20à la monnaie.
00:34:23Sous l'œil bienveillant
00:34:24des militants fédéralistes
00:34:25qui réclament depuis toujours
00:34:26une monnaie unique,
00:34:28Giscard et Schmitt
00:34:29savent que s'attaquer à la monnaie,
00:34:31c'est s'attaquer
00:34:31à la souveraineté des nations.
00:34:33Ils vont donc préparer
00:34:34leur système
00:34:35dans le plus grand secret.
00:34:37L'une des idées,
00:34:38c'était de petit à petit
00:34:39faire converger
00:34:40les monnaies
00:34:41à l'intérieur
00:34:42d'une sorte de zone
00:34:43de fluctuation limitée
00:34:44avec des interventions
00:34:46des banques centrales
00:34:46lorsque c'était nécessaire.
00:34:47C'est il y a moins d'un an
00:34:49que nous avons eu
00:34:51le premier échange de vues
00:34:53sur la mise en œuvre
00:34:54possible
00:34:55d'un système monétaire européen.
00:34:58Nous l'avons fait,
00:34:59je m'en souviens,
00:35:00dans le scepticisme général
00:35:02des commentaires.
00:35:04Quand ils créent
00:35:05le système monétaire européen,
00:35:06ils ne disent pas, évidemment,
00:35:08que ça va mener
00:35:09à la monnaie unique.
00:35:10Les résistances souverainistes
00:35:11sont beaucoup trop fortes.
00:35:12Donc il faut faire avaler
00:35:14l'idée de la monnaie unique,
00:35:16mais en la dissimulant.
00:35:17Et il ne le cache pas
00:35:18que c'était évidemment
00:35:20une sorte de complot,
00:35:22non pas contre le peuple,
00:35:24mais au bénéfice du peuple.
00:35:26Et à terme,
00:35:26et ça, eux le savaient,
00:35:28mais je crois que personne
00:35:28ne l'avait perçu à l'époque,
00:35:30ça nous mènera un jour
00:35:31à la monnaie unique.
00:35:37Les trois transformations
00:35:39qu'a apportées
00:35:40Valéry Giscard d'Estaing
00:35:42la création du SME
00:35:44qui a pavé la voie
00:35:45à la création de l'euro,
00:35:48l'élection du Parlement européen
00:35:49au suffrage universel
00:35:51et l'institution du Conseil européen
00:35:54des chefs d'État
00:35:55ou de gouvernement
00:35:55ont été quand même
00:35:57les trois leviers
00:35:59de la seconde naissance
00:36:01de l'Union européenne.
00:36:04Et Giscard est certainement celui
00:36:06qui a donné le primum mobile,
00:36:09comme dirait Descartes,
00:36:10la chicnode initiale
00:36:11qui a fait avancer
00:36:13le système de façon décisive
00:36:15et dont les résultats ont été
00:36:17le marché intérieur,
00:36:19la monnaie unique,
00:36:21le traité de Maastricht
00:36:22et au bout du compte,
00:36:24la victoire sur la guerre froide.
00:36:26Vous aimez cette maison
00:36:27malgré son petit peu de pratique ?
00:36:29Elle n'est pas pratique,
00:36:30elle n'a pas beaucoup d'âme
00:36:31en réalité
00:36:32et je souhaite qu'elle en ait une.
00:36:34À mon avis,
00:36:34il ne faut pas qu'elle ait l'âme
00:36:35de ses propriétaires
00:36:35parce que ses propriétaires
00:36:36par nature changement.
00:36:375, 4, 3, 2, 1.
00:36:49François Mitterrand
00:36:50est élu président de la République.
00:36:51Après sa défaite du 10 mai 1981,
00:37:02Giscard va voir pendant presque 20 ans
00:37:03l'histoire s'écrire sans lui.
00:37:06François Mitterrand va reprendre
00:37:07le flambeau de la construction européenne.
00:37:13En faisant nommer Jacques Delors
00:37:15à Bruxelles,
00:37:16Mitterrand va placer un moine soldat
00:37:18qui, à force de patience,
00:37:20va relancer la construction communautaire.
00:37:23En 1986,
00:37:25la signature de l'acte unique
00:37:27représente l'avènement
00:37:28d'un véritable marché sans frontières
00:37:30à l'échelle du continent.
00:37:33Giscard ne peut pas ne pas en être.
00:37:36Alors que l'Europe prépare
00:37:37le traité de Maastricht,
00:37:39il fait la promotion
00:37:39de la monnaie unique
00:37:40avec son ami Schmitt.
00:37:43Et en 1989,
00:37:45il va même plus loin.
00:37:47Il prend la tête de la liste
00:37:48UDF-RPR
00:37:49pour les élections européennes.
00:37:52Il veut mesurer sa popularité
00:37:53pour un éventuel retour
00:37:55au premier plan national.
00:37:57Mais en devenant député européen,
00:37:59il veut aussi tester
00:38:00ses idées fédéralistes.
00:38:02Ses idées sulfureuses
00:38:03qui ne se développent qu'à l'ombre
00:38:04des bureaux sans âme
00:38:05de Bruxelles et de Strasbourg.
00:38:07Monsieur le Président,
00:38:09le groupe libéral, démocratique
00:38:11et réformateur s'associe.
00:38:14Quand on atterrit
00:38:14dans les institutions européennes,
00:38:16au Parlement notamment,
00:38:18on découvre l'ouvre-boîte.
00:38:20On voit comment
00:38:21on pourrait peut-être
00:38:22ouvrir la boîte
00:38:23du fédéralisme
00:38:24et d'une organisation.
00:38:26Alors fédéralisme,
00:38:27c'est un mot
00:38:27extraordinairement ambigu
00:38:29et puis c'est un mot
00:38:30repoussoir.
00:38:31C'est un mot
00:38:33qui fait peur.
00:38:35Quand il arrive
00:38:35au Parlement européen,
00:38:37Valéry Giscard d'Estaing
00:38:38a présidé
00:38:38le mouvement européen international.
00:38:40Il préside un mouvement
00:38:41explicitement fédéraliste,
00:38:43tout à fait,
00:38:43qui porte des idées fédéralistes.
00:38:45À la fin de l'année 1989,
00:38:48tout le monde découvre
00:38:49avec stupéfaction
00:38:50la chute du mur de Berlin.
00:38:52On sent que c'est la fin
00:38:53de la partition de l'Europe.
00:38:57Pour lui,
00:38:58c'est un moment constituant
00:39:00qui veut que les gouvernements
00:39:02lui reconnaissent
00:39:03la possibilité
00:39:03d'écrire une constitution,
00:39:04un projet de constitution.
00:39:07Lui-même,
00:39:08il participe
00:39:09au sein de cette commission
00:39:10des affaires institutionnelles
00:39:11pour l'écriture
00:39:13d'une constitution européenne.
00:39:14dans cette idée
00:39:16que l'Europe
00:39:17est un nouveau tournant
00:39:18de son histoire
00:39:19et compte bien participer
00:39:21à ce tournant européen
00:39:22et à ce rendez-vous
00:39:24de l'histoire
00:39:25dans les fonctions
00:39:25qu'il occupe
00:39:26au Parlement européen.
00:39:29Mais Giscard n'a pas
00:39:30oublié la France.
00:39:32À l'occasion
00:39:32de l'élection présidentielle
00:39:34de 1995,
00:39:36il croit voir
00:39:36une fenêtre s'ouvrir
00:39:37pour un éventuel retour.
00:39:39En 1995,
00:39:43il se voyait élu.
00:39:46Sauf qu'à l'époque,
00:39:47les sondages le mettaient
00:39:48à 7%.
00:39:49Les Français ne veulent plus
00:39:51de VGE à l'Élysée.
00:39:54La mort dans l'âme,
00:39:55il finit par apporter
00:39:56son soutien à Jacques Chirac,
00:39:57son rival de toujours,
00:39:59en espérant peut-être
00:40:00un renvoi d'ascenseur.
00:40:01Il a compris
00:40:03que son domaine,
00:40:05c'était l'Europe.
00:40:06C'était sa fidélité première.
00:40:08C'est là sa contribution
00:40:09qu'il avait apporté,
00:40:11une contribution essentielle
00:40:12à la construction
00:40:13de l'Union européenne.
00:40:16En décembre 2000,
00:40:17il y a la négociation
00:40:18du traité de Nice,
00:40:20qui est une catastrophe.
00:40:21Le traité de Nice
00:40:22est mal fichu.
00:40:23C'est un échec commun
00:40:24des Français et des Allemands.
00:40:26Jacques Chirac
00:40:27et Lionel Jospin,
00:40:29nous sommes en cohabitation,
00:40:30se tirent dans les pattes.
00:40:30Et Lionel Jospin
00:40:32et Jacques Chirac
00:40:33tirent dans les pattes
00:40:34de Schröder,
00:40:35qui est le chancelier allemand
00:40:35social-démocrate de l'époque,
00:40:37qui tirent dans les pattes
00:40:38des Français.
00:40:39J'avais vu
00:40:40que ce traité de Nice
00:40:41était un mauvais traité.
00:40:42Je me dis volontiers
00:40:43que c'est le plus mauvais
00:40:44des traités européens
00:40:46et qu'il ne changeait rien
00:40:48aux institutions.
00:40:49Je ne préparais pas du tout
00:40:50les élargissements.
00:40:51Donc je voyais
00:40:52que ce traité
00:40:54ne réglait pas le problème.
00:40:55Et les Allemands
00:40:55proposent un processus
00:40:57de rapprochement
00:40:57entre la France et l'Allemagne
00:40:58après l'échec
00:40:59du traité de Nice,
00:41:00qu'on a appelé
00:41:01le processus de Blesheim,
00:41:03où en gros,
00:41:03Schröder et Chirac
00:41:04se retrouvent autour d'une table
00:41:05à boire des bières
00:41:06et à manger de la tête de veau
00:41:07pour essayer
00:41:08de se réconcilier.
00:41:11Et ça marche.
00:41:14Le traité de Nice
00:41:15n'a pas su régler
00:41:15les problèmes
00:41:16entraînés par un élargissement
00:41:17de l'Union
00:41:18de 15 à 28 pays.
00:41:20Sous le regard ébahi
00:41:21des militants fédéralistes,
00:41:22le Conseil européen
00:41:24va proposer une solution
00:41:25sans précédent.
00:41:27Il décide de créer
00:41:27une convention
00:41:28pour l'avenir de l'Europe,
00:41:30chargée d'écrire
00:41:30une constitution.
00:41:32Alors à ce moment-là,
00:41:33se posait en effet
00:41:34la question de la présidence,
00:41:36cette convention.
00:41:36Et je me suis dit,
00:41:38bon, moi,
00:41:38je souhaite être président,
00:41:40je pense que je serai
00:41:41conditionnel,
00:41:43préférable aux autres.
00:41:45L'Élysée de la Convention
00:41:46est lancée
00:41:47et en septembre 2001,
00:41:50une petite phrase
00:41:51de Valéry Giscard d'Estaing
00:41:53qui dit
00:41:54« Je n'ai pas l'intention
00:41:55d'être candidat
00:41:57à l'élection présidentielle.
00:42:00Mais je ne l'exclus pas. »
00:42:03Mais je ne l'exclus pas.
00:42:05Panique à bord
00:42:07de l'Élysée.
00:42:09Jacques Chirac se disant
00:42:10« Mon Dieu,
00:42:11je vais me retrouver
00:42:12avec Valéry Giscard d'Estaing
00:42:13dans les pattes
00:42:14et il pourrait grappiller
00:42:16quelques pourcents
00:42:17de voix
00:42:18qui vont me coûter
00:42:19mon élection.
00:42:20Donc je dois m'en débarrasser.
00:42:22Et Chirac,
00:42:22à ce moment-là,
00:42:23va tout faire
00:42:24pour qu'il devienne
00:42:25président de la convention. »
00:42:28C'est une vraie manœuvre politique
00:42:29parfaitement réussie
00:42:30par Valéry Giscard d'Estaing
00:42:31qui sait manœuvrer son Chirac.
00:42:34Donc j'ai été finalement désigné.
00:42:38L'arrivée de Giscard
00:42:39était vue à la fois
00:42:40avec un certain espoir
00:42:41que les choses changent
00:42:42et certaines questions
00:42:46voire préjugées
00:42:48dans la tête
00:42:48de pas mal de monde.
00:42:51Les Français
00:42:51ne sont pas vus
00:42:53comme un des moteurs
00:42:54de l'Europe
00:42:54dans la tradition communautaire.
00:42:57La tradition intergouvernementale
00:42:59des présidents
00:42:59de la République française,
00:43:00effectivement,
00:43:01ce n'est pas la meilleure carte
00:43:02de visite
00:43:02pour arriver à Bruxelles.
00:43:07Et vous êtes
00:43:07de quelle nationalité ?
00:43:08Français.
00:43:10Et vous ?
00:43:11Italienne.
00:43:12Italienne.
00:43:13Vous parlez
00:43:14entre vous
00:43:15latin.
00:43:17Donc quand Giscard arrive,
00:43:18c'est un petit peu ça
00:43:19l'état d'esprit,
00:43:20mais il y a aussi du respect
00:43:21pour sa personnalité,
00:43:22pour son autorité.
00:43:23Le monde se sentirait mieux
00:43:28s'il pouvait compter sur l'Europe,
00:43:31une Europe s'exprimant
00:43:33d'une seule voix
00:43:34pour faire entendre
00:43:36chaque fois que c'est nécessaire
00:43:38un message de tolérance
00:43:40et de modération,
00:43:41d'ouverture sur les différences
00:43:44et de respect des droits
00:43:47et de respect des droits
00:43:47de l'homme.
00:43:48Oui,
00:43:49chacun se sentirait mieux
00:43:51sur notre planète
00:43:52s'il pouvait entendre
00:43:53la voix forte
00:43:55de l'Europe.
00:43:56Giscard d'Estaing,
00:43:57il veut apparaître
00:43:58comme un des pères fondateurs
00:43:59de l'Europe,
00:44:00c'est-à-dire
00:44:01l'idée de donner
00:44:02une constitution
00:44:03à l'Europe.
00:44:04Après tout,
00:44:05Benjamin Franklin,
00:44:06qui a été l'accoucheur
00:44:07de la constitution américaine,
00:44:08avait 80 ans,
00:44:09il a 74 ans,
00:44:10c'est un petit jeune
00:44:11à côté de Benjamin Franklin.
00:44:12Donc pourquoi ne serait-il pas
00:44:13l'un de ses pères fondateurs ?
00:44:16Il a cherché,
00:44:16on a tous cherché d'ailleurs
00:44:18des précédents,
00:44:19parce que c'est quand même
00:44:21assez extraordinaire.
00:44:22Une réunion
00:44:23qui rassemble
00:44:25les élus
00:44:26et les gouvernements
00:44:28de 28 pays différents
00:44:29pour essayer
00:44:30de se mettre d'accord
00:44:31sur une règle de vie commune,
00:44:33un règlement de copropriété,
00:44:35on marche
00:44:35en terre inconnue.
00:44:38Quels sont
00:44:38les grands exemples ?
00:44:40Et tout naturellement,
00:44:41on en vient
00:44:41à la convention
00:44:42de Philadelphie.
00:44:44En 1787,
00:44:46les 13 États
00:44:47qui constituent
00:44:47les jeunes États-Unis
00:44:48se réunissent
00:44:49à Philadelphie
00:44:50pour donner une constitution
00:44:51à un État
00:44:52désormais fédéral.
00:44:54Ce texte fondateur
00:44:55de la démocratie américaine,
00:44:57écrit sous l'égide
00:44:58de l'humaniste
00:44:58Benjamin Franklin,
00:45:00est toujours en vigueur
00:45:01aujourd'hui.
00:45:02La feuille de route
00:45:03de la convention
00:45:05qui n'est faite
00:45:06que de points d'interrogation.
00:45:08Donc,
00:45:09carte blanche en fait.
00:45:10allez-y.
00:45:12Ah bon,
00:45:12les premiers en plus.
00:45:16Voilà.
00:45:16Là,
00:45:17vous venez là,
00:45:18Jean-Luc.
00:45:21Le souvenir que j'en garde,
00:45:23c'est la capacité
00:45:24à mener à bien
00:45:27une discussion collective
00:45:29de cette ampleur
00:45:31avec ce nombre
00:45:32de participants
00:45:33et ce nombre de sujets.
00:45:35sa capacité intellectuelle
00:45:37à faire vivre ensemble
00:45:39toute cette équipe.
00:45:42Parce que mettre d'accord
00:45:43des futurs membres
00:45:45et des anciens membres,
00:45:46mettre d'accord
00:45:47des gouvernements
00:45:47de droite,
00:45:48de gauche,
00:45:49du centre,
00:45:49mettre d'accord
00:45:50des fédéralistes,
00:45:52des mous,
00:45:54des souverainistes,
00:45:55etc.,
00:45:55c'est quand même pas
00:45:56donné à tout le monde.
00:45:58Et il va mener
00:45:59sa barque
00:46:00de main de maître.
00:46:01Il avait cette espèce
00:46:02de tortue chinoise
00:46:04en céramique
00:46:05ou porcelaine,
00:46:05je ne sais pas.
00:46:08Il avait apporté
00:46:13comme symbole
00:46:14de la Convention
00:46:15la tortue
00:46:16qui avance lentement
00:46:18mais sûrement.
00:46:20Mais c'est une tortue dragon.
00:46:21C'est-à-dire qu'au moment
00:46:22où elle doit saisir le texte,
00:46:24ça devient un dragon
00:46:25et elle devient
00:46:26extrêmement puissante.
00:46:27Donc,
00:46:28patience et puissance.
00:46:30Au départ,
00:46:32il voulait,
00:46:33à l'exemple
00:46:33de la Constitution américaine,
00:46:36faire un texte
00:46:37court
00:46:37avec des phrases
00:46:39simples et courtes.
00:46:40Avec comme objectif
00:46:41que cette Constitution
00:46:42soit compréhensible
00:46:43par n'importe
00:46:44quel citoyen.
00:46:45Il nous appartient
00:46:46aujourd'hui
00:46:47de vous prononcer
00:46:48sur ce projet.
00:46:49Comme c'était
00:46:50un petit texte,
00:46:51c'était quelque chose
00:46:52de valeur constitutionnelle,
00:46:53symboliquement,
00:46:54ça pouvait lancer
00:46:55un mouvement.
00:46:56Ce texte
00:46:58constitue
00:46:59le fondement
00:47:00du futur traité
00:47:02instituant
00:47:03la Constitution
00:47:04européenne.
00:47:06Exactement
00:47:07comme il l'avait fait
00:47:08avec le système
00:47:09monétaire européen.
00:47:10C'est-à-dire,
00:47:11il plantait
00:47:12une petite graine.
00:47:14C'est Napoléon,
00:47:14d'ailleurs,
00:47:15qui avait dit
00:47:15une Constitution
00:47:16doit être courte
00:47:17et obscure.
00:47:19Et après,
00:47:20on l'interprète,
00:47:20la vie change.
00:47:21On part de quelque chose
00:47:22qui, quand même,
00:47:23ressemble beaucoup
00:47:23à une confédération,
00:47:25mais un jour,
00:47:25à partir de ce texte,
00:47:26ça donnera une fédération.
00:47:27C'était pas mal vu.
00:47:30La vraie nature
00:47:31du projet européen,
00:47:34c'est d'être
00:47:34une union d'État
00:47:35parce que l'État existe.
00:47:37À mon avis,
00:47:37ils ne disparaîtront pas.
00:47:38D'ailleurs,
00:47:39je ne crois pas
00:47:39que ce soit un objectif
00:47:40de les faire disparaître.
00:47:41Et en même temps,
00:47:46il a des compétences
00:47:47qu'ils ne peuvent plus exercer.
00:47:48Et ça appelle
00:47:49un schéma
00:47:50dans lequel
00:47:51c'est une union d'État
00:47:52et qui attribue
00:47:54des compétences
00:47:54à l'union
00:47:55et l'union les exerce
00:47:56sur le mode fédéral.
00:48:00Oui, moi,
00:48:00j'accepte le mode fédéral.
00:48:02Et je me suis dit
00:48:02on arrivera
00:48:03inévitablement à ça
00:48:04parce qu'il n'y a pas
00:48:06d'autre solution.
00:48:07Pour Aléry Giscard d'Esta,
00:48:12ça a été un moment
00:48:12important de sa vie
00:48:13dans lequel il a vu
00:48:16aussi une forme
00:48:17d'aboutissement.
00:48:20Je peux imaginer
00:48:20ce que représentait
00:48:21pour la génération
00:48:22de l'après-guerre
00:48:23qui avait connu
00:48:23la division de l'Europe en deux,
00:48:26qui avait vu
00:48:26la construction
00:48:28pas à pas
00:48:29des communautés européennes,
00:48:33le passage
00:48:33qui marquait
00:48:34l'établissement
00:48:36des valeurs européennes
00:48:37sur l'ensemble
00:48:37du continent
00:48:38et qui permettait
00:48:40d'ouvrir la voie
00:48:42à une affirmation
00:48:43plus forte
00:48:43de l'Europe
00:48:44dans le monde.
00:48:45Le 29 mai,
00:48:46ou bien on vote
00:48:47pour l'Europe libérale,
00:48:48c'est ce que veut faire
00:48:49M. Sarkozy,
00:48:50ou bien on vote
00:48:51pour l'Europe sociale,
00:48:52à ce moment-là,
00:48:53il faut dire non
00:48:53à cette constitution.
00:48:55Une fois signé
00:48:56le traité établissant
00:48:57la constitution européenne,
00:48:59le président Chirac
00:49:00doit maintenant
00:49:01le faire ratifier.
00:49:03Deux choix s'offrent à lui.
00:49:05Un vote au Parlement
00:49:05ou un référendum.
00:49:08Poussé par le Parti socialiste,
00:49:10il va choisir
00:49:11la voie référendaire.
00:49:13Les partisans
00:49:14du oui au traité,
00:49:15l'UMP Nicolas Sarkozy
00:49:17et le socialiste
00:49:17François Hollande
00:49:18en tête,
00:49:19vont devoir combattre
00:49:20une coalition
00:49:21hétéroclite
00:49:22du nom.
00:49:23C'est l'histoire d'abord
00:49:26d'une communication
00:49:27lamentable
00:49:29du côté des partisans
00:49:30de la constitution européenne.
00:49:32On a vendu ça
00:49:33de façon manichéenne
00:49:34à l'opinion publique
00:49:36en disant
00:49:36il y a avant,
00:49:37avant c'est les ténèbres,
00:49:38après il y a
00:49:39la constitution européenne
00:49:40et c'était de la blague.
00:49:42Et d'autre part
00:49:42d'une communication
00:49:43extrêmement efficace
00:49:45de la part
00:49:45de leurs adversaires.
00:49:46Nous portons un nom
00:49:51de solidarité
00:49:52contre ceux
00:49:53qui veulent nous mettre
00:49:53aux enchères.
00:49:54D'un côté la gauche
00:49:55qui combat une Europe libérale
00:49:57qui existe déjà
00:49:58et voudrait la voir changer.
00:50:01Et de l'autre côté
00:50:03les souverainistes
00:50:04qui combattent
00:50:05le fédéralisme européen rampant
00:50:06dont la constitution
00:50:07serait le symbole.
00:50:09Que la constitution
00:50:09sauvegarde
00:50:10le modèle social
00:50:11européen,
00:50:13c'est faux.
00:50:13Et puis le président
00:50:15y allait,
00:50:15Jacques Chirac,
00:50:17il y allait à reculons.
00:50:19Il y allait
00:50:20parce qu'on ne pouvait
00:50:21pas faire autrement.
00:50:22Ce qui démontre
00:50:23à quel point
00:50:23il n'en était pas partisan,
00:50:25c'est que quand il essayait
00:50:26de faire campagne pour elle,
00:50:27c'était une catastrophe.
00:50:28Je suis toujours
00:50:29un peu étonné
00:50:30de voir que
00:50:32s'exprime
00:50:34chez nous
00:50:34un sentiment
00:50:36de peur.
00:50:38C'est un sentiment
00:50:39que je ne vous le gâche pas,
00:50:40que je comprends mal.
00:50:43Alors que les sondages
00:50:44donnent le nom
00:50:44largement gagnant,
00:50:45Giscard y croit encore.
00:50:49Et on va se terminer
00:50:50dans la zone
00:50:50un peu
00:50:51que j'espérais,
00:50:53c'est-à-dire
00:50:5352-53%
00:50:55de oui.
00:50:56Valéry Giscard d'Estaing
00:50:58est dans cette affaire
00:50:59ce que Hegel appelle
00:51:00un héros tragique
00:51:01de l'histoire.
00:51:04Il porte
00:51:04effectivement
00:51:06une ambition européenne
00:51:07qu'il avait mise
00:51:08sur les rails
00:51:0830 ans plus tôt
00:51:09en réalité.
00:51:10mais ça,
00:51:11c'est VGE,
00:51:12il s'identifie
00:51:14très fortement
00:51:15à son œuvre,
00:51:17il se l'approprie
00:51:18et il s'est senti
00:51:19très profondément
00:51:20mis en cause.
00:51:21Voici maintenant
00:51:22notre estimation
00:51:23ipsos
00:51:23des résultats
00:51:25de ce référendum.
00:51:27Les Français
00:51:28rejettent
00:51:28la Constitution européenne.
00:51:30Le nom
00:51:30l'emporte largement
00:51:3255%
00:51:33contre 45%
00:51:35pour le oui.
00:51:36Les conversations
00:51:37que j'ai eues
00:51:37avec lui après
00:51:38étaient quand même
00:51:40placées sous le signe
00:51:42de la désillusion.
00:51:43Il était
00:51:44très profondément
00:51:46désabusé
00:51:47sur la capacité
00:51:49de faire avancer
00:51:51l'Union européenne.
00:51:52Mais le crépuscule
00:51:53de Valéry Giscard d'Estaing
00:51:54en fait,
00:51:55ça n'est pas
00:51:5681,
00:51:59c'est
00:51:59le traité européen.
00:52:02C'est pas simplement
00:52:03un rêve
00:52:04qui s'éloigne,
00:52:06c'est un rôle
00:52:07auquel il tenait
00:52:08beaucoup
00:52:09qui disparaît
00:52:10et puis c'est
00:52:11sa grande idée
00:52:12qui est rejetée
00:52:13finalement.
00:52:14Quand je dis
00:52:15sa grande idée,
00:52:16c'est ce qu'il a
00:52:17le plus animé
00:52:18politiquement
00:52:19pendant sa vie
00:52:20et qui tombe
00:52:22en miettes
00:52:23et qui tombe
00:52:24en miettes
00:52:24à cause
00:52:26de la France.
00:52:32Si nous échouions
00:52:35à faire rêver
00:52:37de l'Europe,
00:52:38aucun de nous,
00:52:40même les plus grands,
00:52:42n'aurait un poids
00:52:43suffisant
00:52:43vis-à-vis
00:52:44des géants
00:52:45du monde.
00:52:47Nous resterions
00:52:48alors,
00:52:49chacun face
00:52:50à nous-mêmes,
00:52:52dans une interrogation
00:52:53morose
00:52:54sur les causes
00:52:56de notre déclin
00:52:57et de notre situation
00:52:58de dominer.
00:53:02On nous reproche
00:53:03souvent,
00:53:04notamment
00:53:04parmi les jeunes,
00:53:06de ne pas faire rêver
00:53:08de l'Europe,
00:53:10de nous contenter
00:53:11de bâtir
00:53:11une structure
00:53:12compliquée,
00:53:13opaque.
00:53:17Eh bien,
00:53:18rêvons d'Europe.
00:53:24Toute sa vie,
00:53:24l'ancien chef
00:53:25de l'État français,
00:53:26Valéry Giscard d'Estaing
00:53:27aura donc cherché
00:53:28à concrétiser
00:53:29son rêve européen.
00:53:31Telle est en tout cas
00:53:31la démonstration
00:53:32livrée à l'instant
00:53:33par ce documentaire
00:53:35réalisé par Gilles Cayatte
00:53:36et le journaliste
00:53:37David Revaud-Dallon.
00:53:39Mais,
00:53:3920 ans après
00:53:40le non-français
00:53:41à la Constitution européenne,
00:53:43orchestré
00:53:43par ce même
00:53:44Valéry Giscard d'Estaing,
00:53:45quel rapport
00:53:46entretiennent aujourd'hui
00:53:47les Français
00:53:48à la construction européenne ?
00:53:50Nous allons en débattre
00:53:51avec nos invités
00:53:51présents aujourd'hui
00:53:52sur ce plateau
00:53:53de débat doc.
00:53:54Laure Salvin
00:53:55est tout d'abord
00:53:55avec nous.
00:53:56Bonsoir.
00:53:56Bienvenue à vous,
00:53:57vous êtes directrice générale
00:53:58de Vérien France,
00:54:00donc avec vous
00:54:00qu'on va prendre le pouls
00:54:02de cette opinion française
00:54:03face à la construction européenne.
00:54:05On va le faire également
00:54:06avec Patrick Martin-Genier.
00:54:08Bonsoir.
00:54:08Bienvenue à vous,
00:54:09vous êtes géopolitologue,
00:54:10spécialiste de l'Europe,
00:54:11enseignant à Sciences Po
00:54:12et l'INALCO,
00:54:13bien sûr,
00:54:14l'Institut National
00:54:15des Langues
00:54:16et Civilisations Orientales.
00:54:17Vous êtes l'auteur
00:54:18de l'Europe,
00:54:19a-t-elle un avenir ?
00:54:19Point d'interrogation.
00:54:20Une approche critique
00:54:21de la construction européenne.
00:54:23C'est un ouvrage publié
00:54:24chez StudiRama
00:54:25et une quatrième réédiction
00:54:27de cet ouvrage
00:54:28va bientôt avoir lieu
00:54:29et ça sera donc
00:54:30à découvrir
00:54:30chez StudiRama.
00:54:31Et puis enfin,
00:54:32Yves Bertoncini est avec nous.
00:54:33Bienvenue à vous.
00:54:34Vous êtes consultant
00:54:35et enseignant
00:54:36en affaires européennes
00:54:37à l'ESCP Business School
00:54:39et au Corps des Mines.
00:54:41Vous avez entre autres
00:54:42dirigé l'Institut Jacques Delors
00:54:44pendant sept ans.
00:54:45C'était entre 2011
00:54:47et 2017.
00:54:49Nous venons de voir
00:54:50ce documentaire ensemble,
00:54:52cet engagement européen
00:54:54de Valéry Giscard d'Estaing.
00:54:55Ce documentaire,
00:54:56d'ailleurs,
00:54:57qui au passage nous dit
00:54:57que le crépuscule politique
00:54:59de Valéry Giscard d'Estaing
00:55:00n'est sans doute pas
00:55:01le 10 mai 1981,
00:55:03comme c'est souvent
00:55:04dans l'imaginaire collectif,
00:55:06mais bel et bien
00:55:06après le non-français
00:55:08à ce fameux référendum
00:55:10de 2005
00:55:10autour de la Constitution
00:55:12européenne,
00:55:13orchestré par ce même
00:55:14Valéry Giscard d'Estaing.
00:55:18Juste rapide retour
00:55:19en arrière,
00:55:20il y a 20 ans,
00:55:22c'est un choc
00:55:22ce non-français.
00:55:24Est-ce qu'on s'en est
00:55:25vraiment remis ?
00:55:26Est-ce que ça a été
00:55:27une rupture notable,
00:55:29incontournable
00:55:30de l'opinion
00:55:31qu'ont les Français
00:55:31de la construction européenne ?
00:55:33C'est vrai que ça a été vécu
00:55:34comme un véritable traumatisme.
00:55:37Les Français,
00:55:37quand vous les interrogez
00:55:38sur les éléments
00:55:39et les événements marquants
00:55:41de la vie démocratique,
00:55:42ils citent systématiquement
00:55:44en 2005
00:55:45parce qu'ils ont eu
00:55:45le sentiment
00:55:46qu'on leur avait
00:55:47volé leur vote.
00:55:48Ils s'étaient majoritairement
00:55:50prononcés contre.
00:55:52Plus de 54%.
00:55:53Plus de 54%,
00:55:54avec un niveau
00:55:55de participation
00:55:56qui était élevé,
00:55:57qui était plus élevé
00:55:58que les élections européennes
00:56:00à ce moment-là.
00:56:00Donc,
00:56:01une importance du débat
00:56:02et une implication
00:56:03dans le débat
00:56:04qui était forte.
00:56:05et ils ont eu le sentiment
00:56:07qu'effectivement,
00:56:09après ce non,
00:56:10leur voix n'a pas été écoutée.
00:56:12Et donc,
00:56:12on a parfois parlé
00:56:13de déni démocratique,
00:56:15on a parlé de non-respect
00:56:16de la voix du peuple.
00:56:18Et ce sont des événements
00:56:20que nous suivons,
00:56:20notamment dans l'opinion,
00:56:22grâce aux enquêtes
00:56:23eurobaromètres
00:56:24pour la Commission européenne,
00:56:26nous suivons l'opinion
00:56:27des 27 membres
00:56:28de l'Union européenne
00:56:30dans le temps
00:56:31depuis même
00:56:31les années 70.
00:56:33Et effectivement,
00:56:34on voit que 2005
00:56:34a créé quelque part
00:56:36une crispation.
00:56:38Mais je dirais
00:56:38une crispation
00:56:39au niveau
00:56:40de l'Europe,
00:56:42mais pas que,
00:56:43qui a ensuite rejailli
00:56:44aussi au niveau français.
00:56:46Nous étions pas les seuls
00:56:47à voter non.
00:56:48Quelques jours après,
00:56:49c'était les Néerlandais,
00:56:50eux aussi.
00:56:5120 ans après,
00:56:51vous avez fait un rapport
00:56:52pour Terra Nova
00:56:54à ce sujet
00:56:54pour en tirer
00:56:55les conséquences
00:56:56de ce non français.
00:56:5720 ans après,
00:56:58comment on l'analyse ?
00:57:00Alors, avec Thierry Chopin
00:57:00et Bruno Cotteres,
00:57:02effectivement,
00:57:03je vais quand même
00:57:03commencer par la comparaison
00:57:04avec les Pays-Bas
00:57:05parce que ce qui est intéressant,
00:57:07c'est que cette idée
00:57:08qu'on n'a pas respecté le nom
00:57:09est beaucoup moins présente
00:57:10aux Pays-Bas qu'en France.
00:57:12Donc, c'est quand même notable
00:57:13alors qu'ils avaient voté
00:57:13encore plus pour le nom.
00:57:15Et je veux dire d'abord
00:57:16que ça dit des choses
00:57:17sur la démocratie française
00:57:18et la démocratie néerlandaise.
00:57:20La démocratie néerlandaise
00:57:21est une démocratie
00:57:22où, quand on exprime sa voix,
00:57:24on est fortement représenté,
00:57:25y compris au Parlement néerlandais,
00:57:27ce qui n'a d'ailleurs
00:57:28pas toujours des avantages.
00:57:29Il y a beaucoup d'instabilité.
00:57:31Et puis aussi,
00:57:32le nom, en réalité,
00:57:33a donné lieu
00:57:33à des modifications
00:57:34du texte
00:57:35de Constitution européenne.
00:57:37C'est vrai que ça correspondait
00:57:38peut-être plus
00:57:39aux objections néerlandaises
00:57:40ou aux objections
00:57:41des nationalistes français,
00:57:43c'est-à-dire plus de symboles
00:57:44de l'Union,
00:57:45plus de ministres,
00:57:45plus de primauté
00:57:46du droit européen
00:57:47dans le texte.
00:57:48Il n'est pas vrai
00:57:48de dire que c'était
00:57:49le même texte.
00:57:50C'est un texte
00:57:52deux fois moins long
00:57:52qui a été proposé
00:57:54dans le cadre
00:57:55du traité de Lisbonne.
00:57:56Qui sera ratifié
00:57:57par le Parlement français
00:57:58trois ans après.
00:57:59Voilà.
00:58:00Les Français ont pensé
00:58:01qu'on repassait le même plat
00:58:02en réalité.
00:58:03Et vous dites
00:58:03que ce n'est pas le cas.
00:58:04Je poursuis
00:58:05avec la comparaison néerlandaise.
00:58:07Parce que
00:58:07le malentendu
00:58:09dans le nom français,
00:58:10c'est qu'au fond,
00:58:11beaucoup de Français,
00:58:12pour la première fois,
00:58:13ont lu
00:58:13des traités
00:58:14qui étaient déjà en vigueur.
00:58:15Je pense en particulier
00:58:16au traité de Rome,
00:58:18au traité de Maastricht,
00:58:19qu'ils avaient validé à l'époque.
00:58:20Et quand ils ont lu
00:58:21ces traités en vigueur,
00:58:22ils ont, par exemple,
00:58:23constaté qu'on y promouvait
00:58:25la concurrence libre
00:58:26et non faussée.
00:58:27Alors, ils pouvaient tout à fait
00:58:27dire qu'ils étaient contre
00:58:28la concurrence libre
00:58:29et non faussée.
00:58:30Mais le nom français
00:58:31n'était pas abrogatif.
00:58:32On n'allait pas détruire
00:58:35et révoquer
00:58:35les traités déjà en vigueur.
00:58:36Et il se trouve
00:58:37que cette Europe-là,
00:58:39libérale,
00:58:39elle passe beaucoup mieux
00:58:40aux Pays-Bas,
00:58:41qui est un pays
00:58:41qui, sur ses sujets,
00:58:43a été d'ailleurs instrumental
00:58:44pour la promotion
00:58:45du traité de Rome.
00:58:46Alors qu'en France,
00:58:47et c'est vrai encore 20 ans plus tard,
00:58:48on le voit avec les débats
00:58:49sur l'accord Rio-Mercosur,
00:58:51c'est une Europe
00:58:52qui suscite des oppositions
00:58:54et donc l'opposition
00:58:55est toujours là,
00:58:5620 ans après.
00:58:57La frustration du nom
00:58:59qu'on n'aurait pas respecté
00:59:01me semble excessive,
00:59:03mais elle est tangible.
00:59:03Je suis bien obligé
00:59:04de l'admettre
00:59:05et j'ajouterai encore
00:59:06une dernière chose
00:59:07sur un sujet comme ça.
00:59:08Le nom de 2005,
00:59:10c'était un nom à la Turquie aussi,
00:59:12dans une large mesure.
00:59:13Est-ce qu'il n'a pas été suivi
00:59:14d'effet, le nom à la Turquie ?
00:59:1520 ans plus tard, la Turquie
00:59:17n'est pas entrée
00:59:17dans l'Union européenne
00:59:18et elle n'y entrera pas.
00:59:20On a modifié d'ailleurs
00:59:21la Constitution française,
00:59:22article 88.5,
00:59:24pour donner justement
00:59:25la parole aux Français
00:59:27en cas de nouvelle candidature.
00:59:29Mais c'est vrai qu'en 2005,
00:59:31ils n'étaient pas contents
00:59:31de l'élargissement
00:59:32qui venait d'avoir lieu
00:59:33en 2004,
00:59:34et c'était aussi
00:59:35par les motivations
00:59:36qui ont expliqué
00:59:37la victoire du nom.
00:59:39– Effectivement,
00:59:40élargissant,
00:59:40il faut le bien
00:59:41de le souligner,
00:59:41en 2004,
00:59:4210 pays ont rejoint
00:59:43l'Union européenne,
00:59:4310 pays d'un coup.
00:59:45Et effectivement,
00:59:46beaucoup se sont posé
00:59:47la question de la forme
00:59:48que devait prendre
00:59:49cette construction européenne
00:59:50à l'époque,
00:59:51du fait de ce très large
00:59:53élargissement.
00:59:55Il n'empêche qu'en 2005,
00:59:56tout le monde l'a dit,
00:59:57tout le monde l'a écrit,
00:59:58à l'époque,
00:59:58on n'avait jamais parlé
01:00:00au temps d'Europe,
01:00:01dans les déjeuners,
01:00:02dans les dîners.
01:00:03Et c'est vrai que,
01:00:04comment vous l'alliez,
01:00:05vous, 20 ans après,
01:00:05ce choc ?
01:00:06Est-ce qu'elle était perçue
01:00:07trop libérale,
01:00:09cette constitution européenne ?
01:00:11C'est ce qui ressort
01:00:12dans ce que j'ai pu lire,
01:00:13par exemple,
01:00:13c'est ce qu'on lui reprochait
01:00:14pour beaucoup
01:00:15dans notre pays.
01:00:18Un choc,
01:00:18une rupture,
01:00:19à vos yeux aussi,
01:00:20pour ce qu'a été
01:00:20la vie politique française
01:00:21et les clivages
01:00:23qu'on a observés
01:00:24dans notre société française
01:00:25par la suite ?
01:00:25– Oui, tout à fait.
01:00:26Moi, je pense que
01:00:27les partis politiques
01:00:28ont une responsabilité essentielle
01:00:30pour m'être battu,
01:00:31moi-même,
01:00:31pour la construction européenne
01:00:32depuis des dizaines d'années.
01:00:34J'ai remarqué
01:00:35que les partis politiques français,
01:00:36hormis ceux
01:00:37qui étaient pro-européens
01:00:38ne se battaient jamais
01:00:39pour l'Europe.
01:00:40Valéry Giscard-Dessin
01:00:41dit qu'il faut rêver d'Europe.
01:00:43On ne rêve plus
01:00:43d'Europe aujourd'hui.
01:00:44Elle est banalisée,
01:00:45elle est critiquée,
01:00:46on dit qu'elle est technocratique.
01:00:48Et moi,
01:00:48je me rappelle
01:00:49avoir participé
01:00:50à une réunion agronome
01:00:50en 2005
01:00:52pour me battre
01:00:52pour la constitution.
01:00:53Les réactions étaient
01:00:54majoritairement négatives
01:00:55en disant,
01:00:56c'est ce que disait madame,
01:00:57on va nous voler l'Europe.
01:00:59Ce n'est plus
01:00:59de la démocratie.
01:01:00On veut nous créer
01:01:01une constitution
01:01:02supranationale
01:01:03et les États-nations
01:01:04vont disparaître.
01:01:05Et donc,
01:01:06c'est ça qui est important.
01:01:07Et pourtant,
01:01:08Valéry Giscard-Dessin
01:01:09avait présidé
01:01:10une convention
01:01:10qui avait donné lieu
01:01:11à une conférence
01:01:12intergouvernementale.
01:01:13On l'a vu d'ailleurs
01:01:13dans ce film.
01:01:14Voilà, dans ce film.
01:01:15Et alors,
01:01:16il y avait
01:01:16tous les parlements
01:01:18européens,
01:01:19les parlements
01:01:19qui étaient représentés,
01:01:20le Parlement européen,
01:01:21la Commission européenne,
01:01:22les États,
01:01:22ça a été extrêmement concerté.
01:01:24Malheureusement,
01:01:25aujourd'hui,
01:01:2620 ans après,
01:01:27on continue à nous dire
01:01:28que cette Europe,
01:01:28elle est technocratique,
01:01:29qu'elle n'est pas démocratique.
01:01:31Lorsqu'il y a
01:01:31des élections européennes,
01:01:32tout le monde dit,
01:01:33mais à quoi sert
01:01:33le Parlement européen ?
01:01:35Alors qu'il a un rôle
01:01:35essentiel dans l'édiction
01:01:37de ce qu'on peut appeler
01:01:38les lois européennes
01:01:39et les directives-règlements.
01:01:40Donc aujourd'hui,
01:01:40en d'autres termes,
01:01:41non seulement l'Europe
01:01:41ne fait plus rêver,
01:01:43mais je ne vois guère
01:01:43certains partis politiques
01:01:45vraiment se battre
01:01:46en amoureux de l'Europe
01:01:47pour dire,
01:01:48oui,
01:01:48l'Europe,
01:01:48nous en avons besoin,
01:01:49nous devons continuer
01:01:50à nous battre pour elle.
01:01:52C'était un sujet
01:01:52très transversal.
01:01:53Ça a créé un schisme
01:01:54dans la gauche française.
01:01:56Certains,
01:01:56y compris au Parti Socialiste,
01:01:58parti plutôt pro-européen,
01:01:59certains comme Laurent Fabius
01:02:01et d'autres,
01:02:01Jean-Luc Mélenchon,
01:02:02à l'époque,
01:02:03avait appelé à voter non.
01:02:05Crispation,
01:02:05schisme aussi
01:02:06dans la droite française
01:02:07entre les gaullistes
01:02:08et les plus libéraux,
01:02:09tels qu'étaient évidemment
01:02:10Valéry Giscard d'Estaing.
01:02:13Ça a été tout de même
01:02:14un vrai schisme
01:02:16du côté des formations
01:02:17politiques françaises,
01:02:18ce débat européen.
01:02:18Mais l'intérêt du documentaire,
01:02:20c'est d'avoir
01:02:20cette espèce de perçu
01:02:22sur longue période historique
01:02:24et au fond,
01:02:25ce que ça nous rappelle
01:02:26autour de l'épisode
01:02:27d'un autre nom
01:02:28qui était un nom parlementaire
01:02:29à la communauté européenne
01:02:30de défense.
01:02:31C'est qu'il y a
01:02:32dans notre pays
01:02:32des courants.
01:02:33Là,
01:02:33vous nous ramenez
01:02:34en 1954.
01:02:351954,
01:02:36communauté européenne de défense
01:02:37proposée par la France
01:02:38en 1952,
01:02:39rejetée par le Parlement français
01:02:40en 1954.
01:02:41La constitution française
01:02:42a été très largement façonnée
01:02:44par la France
01:02:44et en particulier
01:02:45par Valéry Giscard d'Estaing
01:02:46et puis il y a eu
01:02:47ce rejet
01:02:48référendaire.
01:02:49Mais à chaque fois,
01:02:50qu'est-ce qui s'exprime ?
01:02:50Un fort courant nationaliste
01:02:52dans notre pays,
01:02:52il était là dans les années 50,
01:02:54il était à nouveau là
01:02:55en 2005,
01:02:56un courant de gauche radicale
01:02:58qui pour des raisons différentes
01:02:59s'oppose à l'Europe
01:03:00et puis une fraction
01:03:01des sociodémocrates
01:03:03un tout petit peu désorientés
01:03:04qui fait la pointe
01:03:05par Pierre Mendes France
01:03:07en 1954
01:03:08et Laurent Fabius
01:03:09en 2005.
01:03:11Et donc,
01:03:12je veux dire,
01:03:12ça ce sont des permanences
01:03:13et qui expliquent
01:03:14et voilà,
01:03:16là aussi le documentaire
01:03:17le rappelle,
01:03:18que je pense
01:03:19que les Français
01:03:19ne sont pas à l'aise
01:03:20avec cette Europe libérale,
01:03:22ils voudraient construire
01:03:23une Europe puissante.
01:03:24Valéry Giscard d'Estaing
01:03:25lui a voté
01:03:25pour le traité de Rome
01:03:26mais le général de Gaulle
01:03:27était contre,
01:03:28la gauche radicale
01:03:29et une partie de la gauche
01:03:30étaient contre
01:03:30et au fond,
01:03:31tout ça a ressurgi
01:03:32d'autant plus facilement
01:03:33en 2005
01:03:34pour deux raisons.
01:03:35d'abord,
01:03:35il y a une longue tradition
01:03:37historique dans notre pays
01:03:38et puis surtout,
01:03:39il faut le dire,
01:03:39c'est valable encore aujourd'hui,
01:03:41la France n'allait pas très bien
01:03:42à l'époque
01:03:43et donc,
01:03:43il y a aussi eu un vote
01:03:44qui sanctionnait
01:03:46la mauvaise situation sociale
01:03:48de la France,
01:03:49on le voyait
01:03:49dans les enquêtes d'opinion
01:03:50et enquêtes de vote
01:03:51et je dirais
01:03:51que l'Europe
01:03:52a pris pour tout le monde
01:03:54et de la même façon
01:03:55que cette coalition
01:03:56qui s'est formée
01:03:57à ce moment-là,
01:03:58on l'a retrouvée plus tard
01:03:59dans les gilets jaunes
01:04:00alors que là,
01:04:01l'Europe n'était pas
01:04:02la cause première
01:04:02de ce malaise-ci.
01:04:04Ah,
01:04:04c'est intéressant
01:04:05ce qui vient d'être dit là
01:04:05aussi,
01:04:06parce que c'est vrai
01:04:07qu'on a souvent dit
01:04:08que ça a été un rapport
01:04:09entre le peuple
01:04:10et les élites,
01:04:11un rapport de force
01:04:12entre peuple et élite
01:04:14et rapport de force
01:04:14d'ailleurs qu'on a vu
01:04:15au moment du côté
01:04:16de la Grande-Bretagne aussi,
01:04:18au moment de voter le Brexit
01:04:19ou pas,
01:04:20ça,
01:04:20ça a été très sensible aussi
01:04:22et ça a perduré
01:04:23dans les années à venir.
01:04:24La crise des gilets jaunes
01:04:25est encore une réminiscence
01:04:27de ce qu'a été
01:04:28le non-français en 2005
01:04:29d'une certaine manière ?
01:04:30D'une certaine manière,
01:04:31oui,
01:04:31parce qu'en fait,
01:04:32ça fait partie effectivement
01:04:33des mêmes tensions
01:04:34dans la société française
01:04:35et ça part des mêmes lieux
01:04:37presque géographiques,
01:04:39je dirais.
01:04:40Je pense que 2005,
01:04:42vous parliez de schisme,
01:04:44effectivement,
01:04:45les Français étaient perdus
01:04:46en 2005
01:04:47et n'ont pas compris
01:04:48particulièrement,
01:04:50n'ont pas compris
01:04:50dans le détail
01:04:51ce sur quoi
01:04:53on leur demandait
01:04:53de voter
01:04:54et donc ont voté
01:04:55un petit peu à côté,
01:04:57je dirais.
01:04:57Ils ont,
01:04:58ils sont passés
01:04:59un peu à côté
01:04:59des élections.
01:05:00effectivement,
01:05:00les enjeux nationaux
01:05:03étaient tellement forts,
01:05:04tellement prégnants
01:05:04et c'est souvent le cas
01:05:05d'ailleurs pour les élections
01:05:06européennes malheureusement
01:05:07où effectivement en France
01:05:08on a tendance à beaucoup
01:05:09nationaliser les enjeux.
01:05:12Donc,
01:05:12c'était pas un non à l'Europe.
01:05:13Par contre,
01:05:14je pense que voilà,
01:05:14c'est important de dire
01:05:15ce n'était pas un non à l'Europe
01:05:16mais c'était un non
01:05:18à effectivement une Europe
01:05:19trop libérale
01:05:20et trop ouverte.
01:05:23Bon,
01:05:23on va en venir à aujourd'hui,
01:05:2520 ans après.
01:05:27L'Europe,
01:05:28la France et l'Europe
01:05:29et l'Union européenne
01:05:30ont traversé des crises.
01:05:32Alors,
01:05:32on va citer peut-être
01:05:33la crise des subprimes,
01:05:35ça c'est la fin
01:05:35des années 2000.
01:05:36On va citer bien sûr
01:05:37la crise du Covid
01:05:39et on va aussi citer
01:05:41bien entendu
01:05:42la guerre en Ukraine.
01:05:43Voilà,
01:05:43ce sont des événements
01:05:44qui ont concerné
01:05:45très directement
01:05:46l'Union européenne.
01:05:47Aujourd'hui,
01:05:48quel est le sentiment
01:05:49des Français
01:05:49vis-à-vis de cette construction
01:05:50européenne,
01:05:5120 ans après
01:05:52et ces trois crises
01:05:53que je viens de citer
01:05:53et il y en a eu d'autres ?
01:05:55Ce qui est très intéressant,
01:05:56c'est de regarder justement
01:05:57l'évolution des données d'opinion.
01:05:58Entre 2005 et aujourd'hui,
01:06:00donc 20 ans après 2025,
01:06:02vous avez un soutien à l'Europe
01:06:03qui se maintient,
01:06:05voire qui se renforce
01:06:06dans les dernières années.
01:06:07Pourquoi justement
01:06:08à cause de ces différentes crises ?
01:06:09Les Français
01:06:10et d'une manière générale
01:06:11les Européens
01:06:12ont réalisé effectivement
01:06:14qu'à plusieurs,
01:06:16finalement,
01:06:17on pouvait davantage s'en sortir
01:06:18et qu'une Europe forte
01:06:19pouvait les aider
01:06:20dans leur quotidien.
01:06:22Moi, ce qui me marque
01:06:22dans le...
01:06:23Donc c'est une Europe protectrice
01:06:24aujourd'hui
01:06:24qui prime aux yeux des Français ?
01:06:26Absolument.
01:06:29Ce...
01:06:29Comment dire ?
01:06:32Cet objectif de paix
01:06:33reste la première priorité
01:06:36pour les Français,
01:06:37pour les Européens aussi,
01:06:38mais pour les Français
01:06:38particulièrement ?
01:06:40Ils sont très attachés
01:06:41effectivement
01:06:41à cet objectif.
01:06:44Ce qui me frappe aujourd'hui
01:06:45dans les données d'opinion,
01:06:47c'est que,
01:06:48contrairement à ce qu'on peut dire,
01:06:49les Français
01:06:49se désintéressent de l'Europe.
01:06:51Certes,
01:06:51les Français ont du mal
01:06:52à comprendre
01:06:53les sujets européens,
01:06:55mais ils ont...
01:06:55Ils sont quand même
01:06:56une grande majorité.
01:06:57Plus de 6 Français sur 10
01:06:58considèrent que
01:06:59les décisions
01:07:00qui sont prises en Europe
01:07:01impactent leur vie quotidienne.
01:07:03Donc, ils voient bien
01:07:04effectivement
01:07:05qu'il y a
01:07:06un réel...
01:07:07Finalement,
01:07:09de réels liens
01:07:10entre ce qui se passe
01:07:11à Bruxelles
01:07:12et ce qui va ensuite
01:07:12se passer
01:07:13dans les territoires.
01:07:15Aujourd'hui,
01:07:15quand on regarde
01:07:16l'attachement
01:07:17des Français
01:07:18à l'Europe,
01:07:19il n'y a plus
01:07:20de questions.
01:07:20Il n'y a plus
01:07:21de questions de Frexit.
01:07:22Et je pense qu'effectivement,
01:07:23Marine Le Pen,
01:07:25qui à un moment donné
01:07:25a changé de braquet
01:07:26pour effectivement
01:07:28se rallier aux autres...
01:07:29En 2017,
01:07:30on s'en souvient très bien.
01:07:31En 2017, effectivement.
01:07:32Eh bien,
01:07:33c'est là où,
01:07:34effectivement,
01:07:34elle s'est alignée
01:07:36finalement
01:07:36sur la vie
01:07:38de l'opinion publique.
01:07:40Vous diriez
01:07:40qu'il n'y a plus
01:07:40de sujets au niveau de...
01:07:42En tout cas,
01:07:42plus de sujets majoritaires.
01:07:43Il n'y a plus
01:07:44de sujets majoritaires,
01:07:45comme ça vient d'être dit,
01:07:46autour de la construction européenne.
01:07:48La question peut-être
01:07:49plus sur le mode
01:07:50de construction européenne.
01:07:52Absolument.
01:07:53Vous êtes d'accord
01:07:53avec ça aujourd'hui ?
01:07:54Oui, moi, je pense qu'on...
01:07:55Il n'y a pas de sujet
01:07:56sur le fait
01:07:56qu'on soit dans cette union européenne.
01:07:58Depuis 2009,
01:08:00on n'a pas vraiment avancé
01:08:01sur le débat institutionnel.
01:08:02Bien sûr que les Françaises
01:08:04et les Français
01:08:04sont pour l'Europe.
01:08:07Erasmus,
01:08:07les jeunes qui vont
01:08:08à l'étranger,
01:08:09c'est rentré dans les mœurs.
01:08:10L'euro,
01:08:11qui est bien plus qu'une monnaie,
01:08:12c'est aussi une culture,
01:08:13une valeur commune
01:08:14à l'Union européenne.
01:08:15Depuis 1er janvier 2002,
01:08:17je crois qu'on a tous
01:08:17de l'euro dans nos porte-monnaie.
01:08:18Voilà.
01:08:19Il y a toute une génération
01:08:20qui n'a connu que l'euro.
01:08:21Qui n'a connu que l'euro.
01:08:22Et quand vous allez
01:08:23au Royaume-Uni
01:08:23et qu'il faut changer de l'argent
01:08:24ou dans d'autres pays
01:08:25non membres de l'Union européenne,
01:08:26bon, évidemment,
01:08:27ça change.
01:08:28Et ça, c'est une perte
01:08:29de souveraineté essentielle.
01:08:30Il faut quand même
01:08:30le rappeler, la monnaie...
01:08:32Au contraire,
01:08:32il faut se dire
01:08:33que plus l'Europe se renforce,
01:08:34plus c'est une souveraineté
01:08:35pour nous au niveau mondial.
01:08:37C'est l'expression
01:08:38d'Emmanuel Macron,
01:08:40la souveraineté européenne,
01:08:41même si l'Europe
01:08:41n'est pas un État.
01:08:43Plus nous sommes forts,
01:08:43plus nous avons
01:08:44des valeurs communes,
01:08:45plus nous sommes en situation
01:08:46de peser
01:08:47sur la scène internationale.
01:08:48Je dirais que le débat
01:08:49aujourd'hui se déplace
01:08:50un peu plus
01:08:50sur le mode
01:08:51de fonctionnement
01:08:53de l'Union européenne.
01:08:55Nous avons connu
01:08:56quelques crises institutionnelles.
01:08:57Rappelez-vous,
01:08:58la commission s'enterre
01:08:58à laquelle siége
01:08:59Mme Cresson
01:09:00qui a démissionné
01:09:01avant d'être mise en minorité
01:09:02par une motion de censure.
01:09:04Nous avons eu,
01:09:04il y a un an ou deux,
01:09:06cette crise du Parlement européen
01:09:07avec l'effet de corruption,
01:09:10les fameuses valises de billets,
01:09:11tout cela,
01:09:12eh bien,
01:09:12ça abîme considérablement
01:09:13l'image de l'Europe,
01:09:14même si ça ne doit pas
01:09:15la remettre en cause.
01:09:16Qu'est-ce qu'on doit leur dire
01:09:17aux Français aujourd'hui ?
01:09:18Les Etats-Unis d'Europe,
01:09:20voilà,
01:09:21cher à Robert Schumann,
01:09:23et même,
01:09:24voilà,
01:09:25Valéry Giscard d'Este
01:09:26adhérait à cette idée
01:09:27majeure
01:09:28d'une construction
01:09:29des Etats-Unis d'Europe.
01:09:31Est-ce que ça,
01:09:31c'est un modèle aujourd'hui
01:09:32qui, selon vous,
01:09:33parle aux Français,
01:09:33c'est un modèle fédéraliste
01:09:35et c'est un modèle
01:09:36qui, à votre avis,
01:09:38correspond aux attentes
01:09:39des Français aujourd'hui
01:09:40dans l'environnement
01:09:41que nous connaissons ?
01:09:42Non, autant pour les Françaises,
01:09:44les Français et les Européens
01:09:45sont pour un renforcement
01:09:46de l'Europe,
01:09:47une meilleure démocratie,
01:09:48et un renforcement
01:09:49de la structure internationale
01:09:50de l'Europe,
01:09:50autant le projet fédéral
01:09:52n'est plus porteur aujourd'hui.
01:09:53Il me semble
01:09:53qu'il n'est plus porteur.
01:09:55Dites-moi aujourd'hui
01:09:56quel est le responsable politique
01:09:57en France
01:09:58qui va vous dire
01:09:58je veux les Etats-Unis d'Europe,
01:10:00je veux une fédération européenne.
01:10:02Non, le sujet n'est plus porteur,
01:10:04même si, naturellement,
01:10:05on est pour le renforcement
01:10:07de cette Europe,
01:10:07une fédération,
01:10:08ça voudrait signifier
01:10:09des pouvoirs
01:10:10qui sont transférés
01:10:11à l'Union européenne,
01:10:13le même modèle
01:10:14que des Etats-Unis.
01:10:15Aujourd'hui,
01:10:16ce n'est plus le modèle
01:10:16qui est revendiqué,
01:10:17on demande plus de transparence,
01:10:19au contraire,
01:10:19plus de subsidiarité,
01:10:21plus de retour
01:10:21à certaines normes nationales.
01:10:23Je vois que vous acquiescez.
01:10:25Vous en pensez quoi ?
01:10:26La volonté d'appartenance,
01:10:27elle est bien mesurée.
01:10:29Les Français,
01:10:30et la plupart,
01:10:31c'est le cas partout,
01:10:32il y a une très forte majorité
01:10:34qui disent
01:10:34qu'il vaut mieux en faire partie
01:10:36de cette Union européenne,
01:10:37malgré tous ses défauts.
01:10:38C'est ce que j'ai compris.
01:10:39Que d'en sortir,
01:10:41le Brexit n'est quand même
01:10:42pas une franche réussite,
01:10:43même si ce n'est pas une prison.
01:10:45Et les partis nationalistes
01:10:46ont bien compris
01:10:48que ça ne marchait pas électoralement,
01:10:49sachant qu'en France,
01:10:50il faudrait en plus sortir de l'euro.
01:10:51Et donc, Marine Le Pen,
01:10:52pour des raisons tactiques,
01:10:54je ne suis pas sûr
01:10:54que ce soit très sincère,
01:10:55ne parle plus de sortir
01:10:57de l'Union européenne.
01:10:58Après, une fois qu'on y reste...
01:10:59Et en tout temps,
01:10:59il y a eu l'exemple du Brexit
01:11:00où là, on commence
01:11:01à avoir un peu de recul.
01:11:02Qui est un contre-exemple.
01:11:04C'est quand même
01:11:04une contre-publicité,
01:11:05même si, rappelons-le,
01:11:06les Britanniques n'étaient
01:11:07ni dans l'euro,
01:11:08ni dans Schengen.
01:11:09Donc, j'allais dire,
01:11:09ils étaient déjà un peu plus proches
01:11:11de la porte de sortie.
01:11:11Et pourtant,
01:11:12ils ont toujours
01:11:13de grosses difficultés,
01:11:14y compris d'ailleurs
01:11:14en matière de migration,
01:11:16alors qu'ils disaient
01:11:16que c'était la faute
01:11:17à l'Europe, tout ça.
01:11:18Donc, le Frexit,
01:11:19ce n'est plus un sujet ?
01:11:20Alors, c'est un sujet si.
01:11:20Pour les plus eurosceptiques ?
01:11:22C'est un sujet qui propuscule,
01:11:22mais en tout cas,
01:11:23et qui n'ont plus d'audience.
01:11:24Une fois qu'on a dit ça,
01:11:25on appartient
01:11:26à un marché commun, d'abord.
01:11:28Alors, la représentation
01:11:29du marché commun,
01:11:30du marché unique,
01:11:31de la concurrence libre
01:11:32et non faussée
01:11:33n'est pas bonne en France,
01:11:34même si, en tant que consommateur,
01:11:35on adore ça.
01:11:36Mais en tant que citoyen,
01:11:39électeur,
01:11:40beaucoup moins.
01:11:41Et sur les sujets
01:11:42de fédération,
01:11:43oui, la France est l'un des pays
01:11:46qui a une culture unitaire.
01:11:47Là, ça la rapproche
01:11:48du Royaume-Uni.
01:11:49Il n'y a pas d'appétence
01:11:50pour le fédéralisme
01:11:52comme idée,
01:11:53comme rêve,
01:11:54même si on aime bien
01:11:55le fédéralisme en réalité,
01:11:56puisque, par exemple,
01:11:58l'union monétaire,
01:11:59l'euro,
01:12:00qui préserve quand même
01:12:01la France dans la crise
01:12:02que nous connaissons,
01:12:03c'est une monnaie fédérale.
01:12:04Le Parlement européen,
01:12:05c'est un Parlement fédéral.
01:12:07La politique de concurrence,
01:12:08c'est une politique fédérale.
01:12:09Mais je crois que...
01:12:10Non, mais le parallélisme
01:12:10avec les Etats-Unis,
01:12:11vous prenez l'exemple de la monnaie,
01:12:12le dollar aura considérablement
01:12:14facilité la mise en œuvre
01:12:17des Etats-Unis.
01:12:18Bien sûr.
01:12:19Et donc, l'euro est parti à 10,
01:12:21nous sommes 20,
01:12:21les Bulgares nous rejoignent,
01:12:22ça fera 21.
01:12:23Et si tous ces pays rejoignent,
01:12:24c'est bien qu'il y a un intérêt
01:12:25et leur peuple sont d'accord
01:12:27pour rejoindre.
01:12:28Mais alors,
01:12:28d'où elle vient,
01:12:29cette défiance des Français ?
01:12:30Le vrai projet français...
01:12:31On adhère, oui,
01:12:32on se sent fiers d'être européens,
01:12:33c'est ce que vous nous dites,
01:12:34on y adhère majoritairement.
01:12:35Mais il y a toujours
01:12:36une défiance très forte.
01:12:37Moi, je pense qu'elle prend
01:12:38sur quoi cette défiance ?
01:12:39Elle prend sur la dimension libérale
01:12:42de l'Europe
01:12:43que beaucoup de peuples acquiissent.
01:12:45Je veux dire,
01:12:46les Néerlandais,
01:12:46je les ai cités,
01:12:47mais les pays excommunistes,
01:12:48ça leur va bien
01:12:49parce qu'ils ont essayé le communisme,
01:12:50ils préfèrent le libéralisme.
01:12:52Nous, on a un pays
01:12:53dans lequel l'État est fort,
01:12:55il y a une demande de protection
01:12:56et l'Europe nous expose,
01:12:57aussi bien la libre circulation,
01:12:58la concurrence interne
01:12:59que les accords commerciaux.
01:13:01Donc là,
01:13:01il y a une source de défiance.
01:13:02Il y a une source de défiance
01:13:03de ce pouvoir,
01:13:04effectivement,
01:13:05qui est une sorte de fédération.
01:13:06Jacques Delors,
01:13:07qu'on cite dans le film,
01:13:08il parlait de fédération
01:13:09d'État-nation.
01:13:11Il avait trouvé un concept
01:13:12qui aurait pu plaire
01:13:13à beaucoup de monde.
01:13:14Par rapport aux Allemands
01:13:15qui sont fédéraux chez eux,
01:13:17il y a un étage de plus
01:13:18au niveau européen.
01:13:19Et puis, je crois
01:13:19qu'il y a un dernier point,
01:13:20mais ça, c'est plus favorable,
01:13:21il me semble,
01:13:22c'est que les Français
01:13:23ont toujours voulu
01:13:23l'Europe puissance.
01:13:25C'est-à-dire,
01:13:26De Gaulle le disait lui-même,
01:13:27c'est un levier d'archimètre
01:13:29pour peser dans le monde.
01:13:30On le voit bien,
01:13:30les derniers mots
01:13:31de Valéry Giscard d'Estaing
01:13:32dans le documentaire.
01:13:33Il faut qu'on ne soit pas dominés.
01:13:35Mais ça, c'est un rêve
01:13:35très français, vous savez,
01:13:36parce qu'il y a beaucoup
01:13:37de peuples européens
01:13:38qui n'ont jamais prétendu
01:13:39peser sur le monde
01:13:40et qui ont été
01:13:41beaucoup dominés déjà.
01:13:43Et malgré tout,
01:13:44le projet d'Europe puissance
01:13:46est en train de progresser.
01:13:47Il a progressé
01:13:47dans les dernières années
01:13:48compte tenu du contexte
01:13:50géopolitique.
01:13:51Et ça, ça joue aussi
01:13:52pour renforcer
01:13:53ce sentiment d'appartenance.
01:13:54Parce que face
01:13:55à l'invasion russe
01:13:56de Vladimir Poutine,
01:13:58flasse à la concurrence
01:14:00exacerbée des Chinois
01:14:01face au lâchage
01:14:02de Donald Trump
01:14:03et à son agressivité,
01:14:05puisqu'il n'y a plus
01:14:05vraiment d'Arc atlantique
01:14:07et d'Occident,
01:14:08qu'est-ce qu'il reste ?
01:14:09Il reste les Européens.
01:14:10Et peut-être que c'est une façon,
01:14:12c'est un moment, donc,
01:14:13d'investir ce rêve inachevé
01:14:15qu'évoque Valéry Giscard d'Estaing.
01:14:17Cette question de l'Europe puissance,
01:14:18beaucoup mise en avant aussi
01:14:19par l'actuel chef de l'État,
01:14:20Emmanuel Macron,
01:14:21qui a fait un discours
01:14:22assez important en 2017
01:14:23à la Sorbonne sur le sujet.
01:14:24Il a refait un discours
01:14:25sur le sujet en 2024.
01:14:27On va juste passer
01:14:28cette fiscinalitique
01:14:29de l'Union Européenne aujourd'hui,
01:14:3127 États membres,
01:14:3220 États membres de la zone euro,
01:14:33450 millions d'habitants,
01:14:3519 420 milliards de dollars de PIB,
01:14:39ce qui ferait,
01:14:40et ce qui fait aujourd'hui
01:14:41de l'Union Européenne,
01:14:42la deuxième puissance économique mondiale,
01:14:44derrière les États-Unis,
01:14:45et juste devant la Chine.
01:14:47Mais si on ne comptabilisait
01:14:48que la France,
01:14:49la France est aujourd'hui
01:14:50la septième puissance économique mondiale,
01:14:52et si on se projetait
01:14:53à 2050,
01:14:55la France ne serait plus
01:14:56dans le top 10
01:14:57des principales puissances
01:14:59économiques mondiales.
01:15:00C'est peut-être pour étayer
01:15:01ce que vous venez de dire.
01:15:03Les Français sont-ils d'accord
01:15:05de continuer
01:15:05cette construction européenne ?
01:15:07Si oui,
01:15:07dans quel domaine ?
01:15:09Oui,
01:15:09alors effectivement,
01:15:10comme on disait,
01:15:11il n'y a pas de remise en question
01:15:12de l'avenir de l'Europe.
01:15:13Et d'ailleurs,
01:15:14ce qui est intéressant,
01:15:15c'est de noter aussi
01:15:16que les Français
01:15:17sont plutôt optimistes
01:15:18sur l'avenir de l'Europe.
01:15:20Vous avez à peu près 50%
01:15:21des Français
01:15:21qui se disent optimistes.
01:15:23Alors,
01:15:23quand ils parlent
01:15:24de leur pays,
01:15:25les Français sont moins
01:15:2670% à être optimistes.
01:15:27Donc,
01:15:27on voit quand même
01:15:28le décalage.
01:15:29De la même façon,
01:15:29on parle beaucoup
01:15:30de défiance
01:15:30à l'égard
01:15:31des institutions européennes,
01:15:32mais en France,
01:15:33comme ailleurs,
01:15:34d'ailleurs,
01:15:35en Europe,
01:15:36on est beaucoup moins défiant
01:15:37à l'égard
01:15:37de l'Union européenne
01:15:38qu'à l'égard
01:15:39de son propre gouvernement.
01:15:41Et puis,
01:15:42pour poursuivre aussi
01:15:44sur la fierté
01:15:46d'être français,
01:15:47sur la fierté
01:15:47d'être puissant,
01:15:48je pense qu'effectivement,
01:15:49en France,
01:15:49on a une histoire
01:15:50qui continue à perdurer.
01:15:53Et pour les Français,
01:15:54effectivement,
01:15:55cette question de puissance
01:15:56dans le monde
01:15:56reste importante.
01:15:58Est-ce qu'ils ont
01:15:58le sentiment
01:15:58que c'est la masse critique
01:16:00qu'il faut atteindre
01:16:00aujourd'hui
01:16:01pour concurrencer
01:16:02dans la deuxième partie
01:16:03du siècle,
01:16:04par exemple,
01:16:04la Chine,
01:16:05les États-Unis,
01:16:06qui s'annoncent
01:16:06comme étant,
01:16:07bien évidemment,
01:16:08les deux principales puissances
01:16:09demain dans le monde ?
01:16:10Absolument.
01:16:11Et ne serait-ce que
01:16:11d'un point de vue,
01:16:13alors évidemment,
01:16:13économique,
01:16:14mais démographique aussi.
01:16:15On voit bien,
01:16:16effectivement,
01:16:16que la France
01:16:16ne peut plus compter seule.
01:16:18Et c'est vrai
01:16:18que quand on demande
01:16:19aux Français aujourd'hui
01:16:20quels sont les bénéfices
01:16:21qu'ils ont à faire partie
01:16:23de l'Europe,
01:16:23en première position,
01:16:24ils mettent la paix,
01:16:26en deuxième position,
01:16:27le fait de...
01:16:29Comment dire ?
01:16:31Le fait de donner
01:16:33plus de puissance,
01:16:34de donner un poids
01:16:34supérieur à la France.
01:16:36Ce n'est pas du tout
01:16:36le cas dans les autres
01:16:37pays européens,
01:16:38d'ailleurs.
01:16:38Dans les autres pays européens,
01:16:40le deuxième bénéfice
01:16:42qu'ils y voient,
01:16:43c'est l'échange,
01:16:44l'économie, etc.
01:16:46Et les Français,
01:16:47je pense que c'est ça
01:16:48aussi le problème.
01:16:49Et c'est le problème
01:16:49que nous avons
01:16:51avec le libéralisme
01:16:52notamment et l'argent.
01:16:54C'est-à-dire qu'effectivement,
01:16:55on a le sentiment
01:16:56que l'Europe,
01:16:57pour les Français en tout cas,
01:16:59ne crée pas suffisamment
01:17:00d'opportunités économiques,
01:17:02contrairement par exemple
01:17:02au Danemark ou en Suède,
01:17:04où là, effectivement,
01:17:04les citoyens ont le sentiment
01:17:05que l'Europe,
01:17:07elle fournit cette activité,
01:17:08cette dynamique économique.
01:17:09En France,
01:17:10on est resté sur la paix
01:17:12et la puissance internationale.
01:17:13Et je pense que c'est
01:17:14ce qui fait défaut
01:17:15au rêve européen,
01:17:16c'est que ça ne suffit plus
01:17:18quelque part pour les Français
01:17:19pour continuer à faire vivre
01:17:22ou à renouveler
01:17:23ce rêve européen.
01:17:25Vous qui avez une approche
01:17:26un peu critique
01:17:26de la construction européenne
01:17:28telle qu'elle existe aujourd'hui,
01:17:30vous verriez un infléchissement
01:17:32dans quel sens,
01:17:33dans quel domaine
01:17:34faut-il, selon vous,
01:17:36avoir des projets communs européens ?
01:17:40Est-ce que c'est sur le plan militaire
01:17:42de la sécurité,
01:17:43de la souveraineté
01:17:44qui doit changer d'échelle
01:17:47à vos yeux ?
01:17:49Où est-ce que se situe
01:17:50votre approche critique
01:17:51aujourd'hui de la construction européenne ?
01:17:52Mon approche critique,
01:17:53c'est peut-être
01:17:54sur le fonctionnement opaque
01:17:55des institutions européennes.
01:17:57Nous, nous sommes des experts,
01:17:58on sait comment ça fonctionne.
01:17:59Mais allez expliquer
01:18:00aux Françaises,
01:18:01aux Françaises,
01:18:02comment ça fonctionne
01:18:03le Parlement européen.
01:18:04Quelles sont les lois ?
01:18:05Quand moi, je vais
01:18:05dans les régions,
01:18:07je connais bien les agriculteurs,
01:18:08on va dire
01:18:08« Ah, j'ai des subsides européens,
01:18:10c'est très important. »
01:18:11Sur l'environnement,
01:18:13les directives en matière
01:18:13d'environnement.
01:18:14Lorsque vous regardez
01:18:15les achats publics
01:18:16des collectivités locales,
01:18:18tout ça est impacté
01:18:19par le droit européen.
01:18:20Mais on ne le dit pas.
01:18:21Donc c'est très important.
01:18:22Ce qui serait intéressant,
01:18:23moi, si j'étais
01:18:24européen français,
01:18:26vous voyez,
01:18:26je créerais une chaîne
01:18:27européenne de télévision
01:18:29pour montrer en direct
01:18:30les débats,
01:18:30pour voir que ce n'est pas opaque,
01:18:32comme on discute.
01:18:33Il y en a une
01:18:33au Parlement européen,
01:18:34une chaîne,
01:18:34mais elle n'est pas suffisamment
01:18:35diffusée.
01:18:37Les Françaises
01:18:38n'y comprennent plus rien
01:18:39entre le président
01:18:40de la Commission européenne,
01:18:42le président permanent
01:18:43du Conseil européen
01:18:44des chefs d'État
01:18:45et de gouvernement,
01:18:46le président du Conseil
01:18:47des ministres.
01:18:47En fait,
01:18:48quand vous avez l'Europe
01:18:49qui se déplace
01:18:49sur une scène internationale,
01:18:50on ne sait plus
01:18:51qui représente l'Europe.
01:18:52Tout cela est un peu opaque.
01:18:53Donc voilà,
01:18:54c'est cela qui me paraît
01:18:55très intéressant.
01:18:56Et enfin,
01:18:56on a critiqué
01:18:57l'Europe libérale.
01:18:58Elle est trop libérale.
01:18:59On aime bien quand même
01:19:00le libéralisme,
01:19:01les achats,
01:19:02la compétitivité économique,
01:19:03notamment pour les entreprises.
01:19:05Mais il y a quelque chose
01:19:05qui manque peut-être,
01:19:06c'est l'Europe sociale.
01:19:07montrer que l'Europe,
01:19:09elle est capable
01:19:09de faire plus
01:19:10pour les salariés
01:19:12en Europe.
01:19:14C'est toujours là
01:19:15que le bas blesse
01:19:16pour l'essentiel
01:19:17sur ce volet social.
01:19:18J'ai rencontré
01:19:19beaucoup d'agriculteurs
01:19:20aussi qui me disent
01:19:21mais l'Europe,
01:19:22elle est là
01:19:22pour les grosses exploitations.
01:19:23Elle n'est pas pour nous.
01:19:24Beaucoup d'agriculteurs
01:19:25meurent aujourd'hui
01:19:26dans leurs petites exploitations.
01:19:28Donc il y a quand même
01:19:28un instrument de solidarité,
01:19:30la politique régionale.
01:19:31Et donc c'est là
01:19:32où il faudrait faire un effort
01:19:33sur les institutions,
01:19:35plus les démocraties,
01:19:36plus sur le terrain.
01:19:37Voilà.
01:19:37Et donc pour continuer
01:19:38cette approche européenne.
01:19:40Un grand merci vraiment
01:19:41à tous les trois
01:19:42d'avoir participé
01:19:43à ce débat doc aujourd'hui.
01:19:45Merci aussi
01:19:45à féliciter Gavalda,
01:19:48Thibaut Brosset et Kelle
01:19:50qui comme à l'accoutumée
01:19:50m'ont aidé
01:19:51à préparer cette émission.
01:19:52Vos réactions,
01:19:52ça sera sur
01:19:53hashtag débat doc.
01:19:54Et je vous donne
01:19:54tout simplement rendez-vous
01:19:55pour un prochain débat doc
01:19:56à la même place,
01:19:57la même heure
01:19:57et toujours,
01:19:58toujours avec son documentaire
01:20:00et son débat.
01:20:01à très bientôt.
01:20:01À très bientôt.
01:20:01Sous-titrage Société Radio-Canada
01:20:03Sous-titrage Société Radio-Canada
01:20:04Sous-titrage Société Radio-Canada
01:20:05Sous-titrage Société Radio-Canada
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