00:00Le film sort en 1959, il est le 20ème long métrage d'animation de l'histoire du cinéma et il aura fallu quasiment une décennie de développement pour qu'il voit le jour.
00:08Le budget est pharaonique pour l'époque, 6 millions de dollars, soit le double de Cendrillon sorti quelques années auparavant.
00:14Mais Walt a une ambition toute particulière avec ce film, pour lui c'est à l'époque la pierre angulaire de son oeuvre, et pour ça il ne les ignora pas sur les moyens.
00:21C'est simple, chaque plan du film est une composition unique, où chaque détail compte.
00:25Les décors sont illustrés par Hayvin Hurl, qui s'inspire des enluminures des traits richeurs du duc de Berry,
00:30qui va aussi piocher dans les peintures du début de la renaissance et dans l'architecture gothique afin d'accentuer le pessimisme du métrage.
00:36Pour rendre justice à ces images, il opte pour un format pellicule en 70mm,
00:40qui permet au cadre d'épouser à merveille la composition visuelle qui prend de ce fait tout son sens.
00:45Malheureusement ne pourra retrouver le format original qu'à partir de 2008 sur l'édition DVD et Blu-ray édité par Disney.
00:50Ce format particulier est additionné à la caméra multiplane, un système inventé par les studios Disney,
00:55et qui consiste à superposer les éléments d'une animation les uns derrière les autres,
00:59afin d'accentuer la profondeur de champ, préciser l'éclairage, et gagner en précision et en fluidité durant l'animation.
01:04Et c'est une réussite totale, l'animation est très réaliste, mais surtout sensationnelle.
01:09La scène du dragon est encore un exemple du genre, tant tout ce qui fait sa composition est parfait.
01:13Pas besoin de mettre de mots sur ces images, elles parlent d'elles-mêmes.
01:16Ça a de la gueule quoi.
01:17L'équipe du pôle animation se sert d'image en prise de vue réelle,
01:20tournée avant la conception des personnages, afin justement d'accentuer ce réalisme.
01:24Vous l'aurez compris, il y a un vrai parti pris artistique derrière la Belle au bois dormant.
01:28Malheureusement, cette ambition aurait eu raison de son succès commercial.
01:31Le film n'entrera pas dans ses frais, parce que les gens à cette époque n'adhèrent plus trop aux contes de fées.
01:35Walt en aura conscience et réduira les coûts pour les prochaines productions,
01:38puis préférera concentrer son énergie sur l'élaboration de ses parcs à thème.
01:42La Belle au bois dormant signe donc la fin d'une ère artistique.
01:44Le film est unique, il est visuellement aux antipodes de ses prédécesseurs.
01:48Mais son récit, lui, très simpliste, en prendra le chemin.
01:51Ça n'empêche pas qu'il raconte quelque chose, mais il le fait surtout visuellement,
01:54et à travers un pessimisme graphique assez dingue pour un conte de fées Disney.
01:59Les couleurs sont très sombres, lugubres, voire agressives.
02:02Voici les teintes dominantes, et vous pouvez constater que c'est pas très féerique.
02:05On a une dominance de vert, de violet et de noir pour le personnage de Maléfique,
02:09mais c'est l'antagoniste, c'est cohérent.
02:10Le truc, c'est qu'on voit très peu le personnage de Maléfique à l'écran,
02:13et pourtant elle est omniprésente à travers les teintes qui la définissent.
02:16Le violet, le vert, le noir...
02:18On retrouve une de ses trois couleurs à chaque plan.
02:20Tout simplement parce qu'elle s'est installée dans l'esprit de tous,
02:22et c'est ce qui crée cette atmosphère très pesante.
02:24La seule impression de Bonomi, elle transparaît à travers les trois fées.
02:27Les couleurs sont vives, les courbes arrondies, accueillantes.
02:30On y reconnaît la bienveillance dès le premier coup d'œil.
02:32Aurore, elle, est à part.
02:33Elle est le rayon de soleil de cet univers lugubre, comme son nom l'indique.
02:37Tout ça, on le met au service de personnages qui sont bien définis,
02:40bien rangés dans des cases à l'époque de la sortie du film.
02:42Aurore, c'est l'innocence, Philippe, c'est le courage, et Maléfique, c'est le mal.
02:46Mais on n'est plus en 1959, et les rôles sont redistribués.
02:49Aujourd'hui, on fait preuve de plus de nuances.
02:51Et cette vision de l'œuvre, ancrée dans notre présent, va susciter pas mal de controverses.
Commentaires
15