Le pape Léon XIV choisit le Moyen-Orient pour son premier déplacement à l'étranger

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00:00L'autre titre de cette édition, c'est cette visite du pape Léon 14 en Turquie.

00:05Il était ce matin à Istanbul.

00:06Il s'est rendu à la maison d'accueil pour personnes âgées,

00:09des petites sœurs, des pauvres, des religieuses qui se consacrent depuis plus de 130 ans

00:12maintenant au service de leur prochain.

00:14Après avoir quitté Istanbul, le souverain pontife s'est rendu, vous le voyez sur ces images, à Iznik.

00:20Il célèbre la foi commune aux côtés des orthodoxes,

00:24aux côtés même du patriarche Bartholomé Ier.

00:28Et à l'occasion des 1700 ans du Concile de Nicée,

00:31cet événement fondateur dans l'histoire du christianisme.

00:35Voilà pour ces images en direct de cette célébration commune.

00:40Je vous propose d'écouter le souverain pontife.

00:45Je suis heureux d'entamer mon parcours épiscopal avec une visite dans votre pays,

00:51car votre terre est inextricablement liée aux origines de la chrétienté.

00:54Et aujourd'hui, elle invite tous les enfants d'Abraham et l'humanité entière

01:00à la fraternité qui reconnaît et embrasse les différences.

01:03Voilà pour cette prise de parole avant même de se rendre à Iznik.

01:11Bonjour à vous, Marc Pirini.

01:13Vous êtes chercheur au Carnegie Europe, ancien ambassadeur de l'Union Européenne en Syrie et en Turquie.

01:19Merci de prendre quelques instants pour répondre aux questions de France 24.

01:22La Turquie, donc, comme première étape de ce voyage au Moyen-Orient pour le souverain pontife,

01:27pourquoi est-ce qu'il a choisi cette région-là comme premier déplacement à l'étranger,

01:31sachant qu'a priori, le pape n'a aucun ancrage dans cette région-là en particulier ?

01:37Non, le pape n'a aucun ancrage lui-même,

01:39mais la chrétienté a un ancrage dans beaucoup d'endroits en Turquie.

01:43Donc, du point de vue du chef de l'Église catholique, du point de vue œcuménique, ça fait un sens.

01:51Les autorités turques ont saisi l'occasion en ajoutant,

01:59après le début de la planification de cette visite, le passage en premier par Ankara

02:05et en faisant de cette visite une visite d'État, d'un chef d'État, le chef du Vatican,

02:10à un chef d'État, Recep Tayyip Erdogan.

02:14Donc, vous avez montré hier et plutôt aujourd'hui le protocole qui va être ça,

02:20une visite d'État, c'est quelque chose d'assez lourd, qui…

02:30Allez-y, allez-y, vous êtes toujours bien connecté, on vous entend bien, vous êtes bien cadré.

02:34Poursuivez, je vous en prie.

02:35Bien, merci.

02:37Donc, on a un protocole très impressionnant, vous l'avez vu,

02:41la garde présidentielle à cheval, la revue des troupes, etc., etc.,

02:45le mausolée à Tâturc.

02:46Donc, tout cela permet au pouvoir turc de dire, nous sommes un pays puissant,

02:53nous avons deux visites d'État cette semaine, puisqu'il y avait il y a quelques jours

02:57le président de la Corée du Sud, nous avons eu il y a un mois deux premiers ministres européens,

03:03Starmer du Royaume-Uni, le chancelier Merck pour l'Allemagne.

03:07Donc, ça aide beaucoup le président turc sur la scène nationale à réaffirmer son importance

03:15par la Poutine, par la Trump, etc., alors même que les sondages, depuis plusieurs mois,

03:22depuis le début de l'année en fait, le monde le montre systématiquement perdant

03:26face à ses opposants internes.

03:28Donc, il y a là un enjeu de politique interne qui est très important,

03:33qui est très bien mis en scène par la Turquie.

03:36– Alors, vous dites que la Turquie, et notamment le président Erdogan,

03:40veut saisir cette occasion pour paraître comme un État puissant sur la scène internationale.

03:44C'est ce que vous dites à l'instant. Restons sur la politique interne.

03:47Comment est-ce que la communauté chrétienne, elle, perçoit-elle cette visite ?

03:51On rappelle qu'ils sont moins de 1% de la population en Turquie, c'est chrétien.

03:57Là encore, quel message il cherche à leur envoyer, le président turc,

04:00en ayant insisté d'ailleurs pour que le souverain pontife passe par Ankara ?

04:04– Oui. Alors, c'est un message de tolérance ou d'unité,

04:11sachant que le souverain pontife allait de toute façon parler de dialogue,

04:17de tolérance, de rejeter les divisions.

04:21Si l'on regarde ce qu'il a dit et ce que dit la communication du Vatican,

04:25il y a justice et pardon, il y a compassion et solidarité, etc.

04:31Donc, le message du président Erdogan, surtout dans le discours d'hier,

04:36les deux discours d'hier, était une sorte de parfait miroir de ce que le pape avait à dire.

04:42Sauf que ce n'est pas exactement ce qui se passe dans la société turque au jour le jour.

04:49Des témoignages de fidèles chrétiens expliquent que souvent le président turc parle de la Turquie

04:54comme un pays à 99% de musulmans, sans préciser qu'il y a aussi des chrétiens.

04:59Ça, c'est quelque chose qu'ils regrettent.

05:02Et on rappelle que la Turquie est en principe un pays laïque,

05:04mais ils ont le sentiment que les choses sont en train de changer.

05:07Est-ce que là, il peut y avoir un tournant, quelque chose qui change

05:10pour cette communauté chrétienne en Turquie avec cette visite papale ?

05:14Disons que la visite du pape rassure la communauté chrétienne

05:18parce que les messages du pape sont exactement ceux qu'attend la communauté chrétienne.

05:25Il y a aussi des autres religions présentes,

05:30en ce sens que le patriarche œcuménique orthodoxe est présent et d'autres.

05:36Pour être clair, Marc Pireni, est-ce que c'est une posture

05:41ou est-ce que ça peut réellement changer quelque chose pour cette communauté chrétienne en Turquie ?

05:47Je ne crois pas que ça change grand-chose au sens où la communauté,

05:52comme vous l'avez dit, est extrêmement petite.

05:55Donc, elle cherche à être rassurée.

05:58Elle cherche aussi à avoir ses lieux de culte préservés.

06:01Les orthodoxes, eux, ont d'autres problèmes,

06:05puisque le patriarche qu'on a vu sur vos images a aujourd'hui 85 ans.

06:10Il est extrêmement frêle, donc il y a le problème de sa succession.

06:15Et l'État turc n'aime pas du tout qu'on l'appelle un patriarche œcuménique

06:19parce que ça voudrait dire qu'il y a une sorte de Vatican orthodoxe à Istanbul,

06:23ce qui est insupportable pour les nationalistes turcs.

06:26Donc, il y a beaucoup de sujets là-derrière.

06:29Mais encore une fois, il faut bien voir que dans un pays où il n'y a pas de liberté de presse,

06:34ce qui va être communiqué au public turc à travers les télévisions

06:39qui sont quasi totalement contrôlées par le pouvoir,

06:42c'est nous avons reçu un chef d'État, nous avons un message de tolérance,

06:47nous avons parlé de notre justice.

06:49Reste à savoir qu'est-ce qu'en privé, le pape aura pu dire au-delà de ces allusions

06:56que j'ai mentionnées tout à l'heure.

06:58C'est ce qui amène à ma prochaine question.

07:00Marc Pireni, selon vous, quel type de diplomatie entend mener Léon XIV ?

07:04Il va en Turquie, il va aller aussi au Liban, visite très attendue,

07:07il ne va pas dans les territoires palestiniens.

07:10Pour quelles raisons ?

07:11Et quelle diplomatie il entend mener pendant son pontificat ?

07:15Alors je pense qu'aller dans les territoires palestiniens aujourd'hui

07:20poserait des problèmes de sécurité absolument énormes.

07:24Et la visite au Liban, bien sûr, elle a une toute autre dimension

07:28puisque la proportion de chrétiens au Liban est évidemment bien plus forte

07:33que ce qu'elle est en Turquie.

07:35Je crois que nous sommes en train, comme observateurs,

07:40de voir les premières manifestations à l'international de ce pape

07:46qui est d'un style tout à fait nouveau.

07:50On l'a dit sur votre antenne plus tôt ce matin,

07:53il est plus discret que son prédécesseur,

07:55il passe des messages sur une tonalité très basse, très discrète.

08:01Bon, très bien, ce qui fait problème peut-être,

08:07c'est qu'on ne saura pas quelle aura été la discussion réelle

08:11entre ces deux chefs d'État en privé.

08:15Parce que le pouvoir turc, maîtrisant totalement la communication de son côté

08:21et le Vatican ayant opté pour une communication extrêmement discrète,

08:28encore une fois, on ne saura pas si les sujets les plus difficiles,

08:32c'est-à-dire l'absence de liberté de presse,

08:35les difficultés de la société civile, la justice sous ordre,

08:39ont été abordés.

08:41Peut-être ils l'ont été, on ne le saura pas,

08:43peut-être ils ne l'ont pas été,

08:45parce que l'approche du Vatican aura été très prudente pour une première visite.

08:50Donc on est dans la retenue, beaucoup plus de retenue,

08:53on n'est pas dans la situation qu'on a connue avec le pape François.

08:57L'objectif n'est pas de les comparer constamment,

08:59mais lui n'hésitait pas à interpeller, à dire franchement,

09:02ce qu'il pensait au chef d'État qui le recevait.

09:06Et dans la diplomatie moderne, comme vous le savez de par votre métier,

09:11la diplomatie est très largement publique et médiatisée aujourd'hui.

09:15Donc ce qui n'est pas dit publiquement, dans des discours,

09:19dans des communications du Vatican, etc.,

09:24revêt beaucoup moins d'importance.

09:27Mais, encore une fois, cela a été dit sur votre antenne hier et ce matin,

09:31c'est une approche délibérée de ce pape, que l'on connaît peu,

09:36qui procède de façon extrêmement prudente.

09:41Reste à voir si, face à une autocratie constitutionnelle,

09:46qui est ce que la Turquie est aujourd'hui,

09:48pour que sa constitution a créé une autocratie,

09:51et les mises en œuvre au jour le jour,

09:54reste à voir si la Turquie sera sensible à ses messages,

09:59notamment ceux qui concernent le dialogue,

10:05la compassion, la justice.

10:07Merci beaucoup, Marc Pirini.

10:09Merci d'avoir répondu à nos questions sur France 24.

10:11Merci.

10:12Merci.

10:13Merci.

10:14Merci.

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