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Anne Fulda reçoit Franz-Olivier Giesbert pour son livre «Voyage dans la France d’avant» dans #HDLivres

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Transcription
00:00Bienvenue à l'heure des livres, François-Olivier Gisbert.
00:02Ce qui est bien, c'est qu'on n'a pas vraiment besoin de vous présenter.
00:05Tout le monde vous connaît, journaliste, écrivain, vous avez dirigé Le Point, Le Figaro.
00:11Vous êtes aujourd'hui toujours éditorialiste au Point.
00:13Et vous venez de publier Voyage dans la France d'avant, chez Gallimard.
00:17C'est un livre, le quatrième et dernier tome de votre histoire intime de la Ve République,
00:22qui est une sorte de fresque des 50 dernières années en politique.
00:26Alors, un livre dans lequel il y a de l'amour, il y a de la rage, il y a des portraits bien troussés,
00:31il y a des personnages que vous détrônez un petit peu.
00:35Et puis, il y a un soupçon de tristesse aussi, une forme de mélancolie peinée.
00:41On a l'impression que vous ne reconnaissez pas la France que vous avez aimée.
00:45C'est comme si, comme chantait Aznavour, elle se laisse aller ?
00:49Oui, c'est en fait une bouteille à la mer, ce livre.
00:53Les livres sont souvent des bouteilles à la mer.
00:56Je suis triste et puis je suis en colère.
00:59Donc, ce livre, on peut le définir comme ça, c'est un chant d'amour et puis un cri de colère.
01:05Les deux en même temps.
01:07La nostalgie, oui, bien sûr, le côté vieux con, nostalgique, ça je...
01:11Mais je prends, bien sûr, j'assume tout à fait.
01:13Et puis, ce n'est pas grave et c'est normal, c'est la vie.
01:16Tout le monde est comme ça à partir d'un certain âge.
01:17Vous n'êtes pas quelqu'un de fasciste ?
01:18Non, mais au contraire, je suis joyeux, j'ai la joie de vivre en moi et je ne suis pas le dior enfant qui dit la France, c'est fini, on va tous mourir, c'est affreux.
01:27Bien entendu que non.
01:28Mais je pense que ça ne va pas bien, c'est évident.
01:32Mais moi, j'ai écrit ce livre, en fait, si vous voulez, pour essayer de comprendre pourquoi ça va mal.
01:39Et d'ailleurs, la série, j'avais fait ça.
01:41C'était l'idée, c'était comment on en est arrivé là ?
01:43Et au fond, le livre qui est la conclusion de la série, qui balaie quand même la France depuis 1958, ça fait un bail, le livre, il va sur les points importants qui font que la France en est là aujourd'hui.
02:00C'est-à-dire, par exemple, toutes les passions tristes.
02:02Les passions tristes, ce que Spinoza définit très bien, le philosophe Spinoza, c'est-à-dire le ressentiment, la haine, la convoitise, l'envie, la jalousie, voilà.
02:12Et ça, on est là-dedans depuis très longtemps.
02:16Et d'ailleurs, je balaie un peu l'histoire de France.
02:17C'est un peu aussi le livre d'une vie, vous voyez ?
02:19C'est-à-dire, c'est un côté mémoire, je reconnais, mais ça amuse les gens, évidemment.
02:24On va passer chez Giacometti, par exemple, au début, parce que c'est le lidole de mon enfance.
02:28Très joli passage.
02:29Le lidole de mon enfance.
02:30Qui vous donne une leçon de vie incroyable.
02:32Ah oui, oui, bien sûr, et puis qui m'a dit quelque chose qui m'a frappé sur le moment.
02:36Et je m'en suis rendu compte en retrouvant la feuille longtemps après, pour ne pas préparer ce livre.
02:41Et j'ai vu sur une feuille volante, il y avait des propos qu'il avait tenus, et il y avait « n'en fait qu'à ta tête ».
02:46Et j'avais encerclé le mot « n'en fait qu'à ta tête ».
02:48Vous l'avez bien écouté, ça ?
02:50Beaucoup, parce que c'est important, bien sûr.
02:51Mais je crois que c'est très important d'en faire qu'à sa tête, et de n'écouter que son instinct.
02:55Son instinct est de ne pas suivre le troupeau.
02:57Il l'avait d'ailleurs ajouté, écrivez-vous, « l'embrigadement est une forme de suicide ».
03:01Absolument, tout à fait.
03:03Et bon, moi c'est vrai que je ne me suis jamais laissé embrigader, mais le problème de la France aujourd'hui,
03:08c'est qu'elle est confrontée à des difficultés massives.
03:11Je veux dire que c'est vrai sur le plan économique, puisque, bon, on a eu des pouvoirs successifs,
03:15à commencer évidemment par le dernier président, qui ont tout laissé filer,
03:20les finances publiques, avec un endettement délirant,
03:22parce que l'endettement, ce n'est pas fini,
03:24quand il faudra payer 100 milliards, simplement par la charge de la dette,
03:28par le remboursement, simplement la charge de la dette en 2029,
03:31on ne va pas rigoler.
03:32Et pour ça, on n'a qu'une solution, d'ailleurs, c'est de développer le gâteau économique
03:36pour pouvoir mieux, comment dire, ben oui, rembourser cette dette.
03:41Mais ce n'est pas le chemin qu'on prend, si j'entends les dernières informations,
03:44c'est même le chemin contraire, c'est-à-dire on va réduire le gâteau,
03:47couper dans tous les sens, enfin bon, tout ça est atroce.
03:49Et puis, laisser filer l'immigration.
03:50L'immigration, c'est-à-dire, c'est du délire complet,
03:53c'est-à-dire, moi j'ai, attendez, moi je suis un fils d'immigré,
03:57je suis, on peut dire, même moi-même immigré,
03:59puisque je suis né aux Etats-Unis, et je suis complètement français.
04:02Un père est américain et une mère Normande.
04:03Il n'y a pas plus de français que moi, je suis complètement patriote.
04:06Comme d'ailleurs, beaucoup, il ne faut jamais oublier,
04:08parce qu'il ne faut jamais taper sur les musulmans en général,
04:13parce que j'ai remarqué que dans cette génération-là,
04:16il y a les meilleurs patriotes, les plus grands défenseurs de la France.
04:19Ça, il ne faut jamais l'oublier, je le redis tout le temps,
04:21parce que c'est très important de le dire.
04:23Et qui défendent la laïcité, et qui sont croyants quand même.
04:27Parce que c'est très beau, la laïcité et la République.
04:30On voit, quand on n'a pas la laïcité et la République,
04:32ce que ça donne le modèle britannique.
04:34Vous avez vu un peu, c'est terrible.
04:36La charia dans les quartiers, il faudrait accepter ça.
04:39Donc, si vous voulez, moi, j'ai écrit ce livre en colère.
04:43Vous voyez, je commence à parler de ça, je me mets en colère.
04:45Et en même temps, en décrivant la France comme un pays magnifique,
04:50et en essayant de comprendre à travers l'histoire,
04:52à travers aussi hier et aujourd'hui,
04:54pourquoi, disons, tout à foiré.
04:57C'est probablement ce qui est le plus intéressant et le plus original,
05:01c'est cette analyse à travers l'histoire,
05:03et notamment depuis la Révolution française.
05:05En fait, on ne cesse de reproduire, de répliquer,
05:08les mêmes schémas qui handicapent la France.
05:11C'est toujours, voilà.
05:12Il faut toujours faire le grand soir.
05:14Enfin, c'est aberrant.
05:16Et puis, on est sous De Gaulle, quand même.
05:19Ça, c'est ma génération.
05:20Sous De Gaulle en mai 68.
05:22Qu'est-ce qu'ils font, ces jeunes gens ?
05:24Enfin, à l'époque, j'avoue que j'étais très anti-gauchiste.
05:28J'étais déjà social-démocrate,
05:30ou, bon, j'étais dans le camp, disons, des réformistes.
05:33Et tout le monde était maoïste, ou trotskiste,
05:36et puis, ils criaient tous les RSSS.
05:38Et puis, De Gaulle dessous.
05:40Alors que la France avait, à l'époque, une croissance de 5 à 6 %.
05:43On n'était pas sous Macron.
05:45On avait une croissance chinoise, quoi, la chinoise.
05:48Et ça, c'était le résultat d'une politique sérieuse,
05:51à la générale De Gaulle, politique de la ménagère, comme on dit.
05:541 plus 1 égale 2.
05:55Et puis, on ne va pas s'endetter.
05:58Et puis, il n'y avait plus d'inflation.
06:00Enfin, c'était la France d'avant.
06:04Oui.
06:05Alors, est-ce que la France d'aujourd'hui est toujours,
06:08comme vous l'écrivez, ce peuple robert-pierriste
06:11que les passions idéologiques mènent par le bout du nez ?
06:13Et où la violence demeure un fermement constituant ?
06:17On le voit aujourd'hui.
06:19Il suffit de regarder les rangs de LFI à l'Assemblée nationale.
06:22Quand vous regardez l'hémicycle,
06:24ça braille, ça hurle, ça insulte.
06:27Bon, alors attendez, il y a toujours eu de la violence dans les parlements.
06:31Il suffit de regarder ce qui se passe à la Chambre des communes depuis des siècles.
06:34Bon, c'est normal, on s'engueule, c'est la loi de la démocratie, j'accepte ça.
06:38Mais le problème, ce sont les insultes, la violence.
06:42Et puis, peut-être demain, la violence physique,
06:44puisque vous en êtes déjà très souvent en politique, vous savez très bien.
06:46Regardez certains tweets de Rémi Hassan, on en est à la menace.
06:49On menace, François-Xavier Bellamy, on menace.
06:53Et ça, ça montre très bien, c'est la pente, c'est Robespierre,
06:57comme vous le disiez très bien.
06:59Robespierre est toujours vivant.
07:00Mais non, mais Robespierre est toujours là.
07:02Et en plus, et en plus, alors c'est ça, moi je pense que j'apporte quand même ma petite pierre,
07:06parce que c'est un livre que je prépare depuis longtemps.
07:07C'est pas ce livre-là, d'ailleurs, je voulais toujours écrire.
07:11J'avais plusieurs sujets en tête sur l'histoire de France.
07:13Et en fait, j'avais fait beaucoup de recherches depuis longtemps,
07:16mais j'ai tout mis là-dedans.
07:17Parce que, par exemple, l'histoire de Robespierre, c'est extraordinaire.
07:20C'est-à-dire, les gens se répètent comme ça,
07:22parce qu'ils racontent des carabistouilles,
07:24comme ça, tous ces historiens depuis des années.
07:26Et on reprend toujours,
07:28on reprend par exemple les historiens robespieristes comme Berceboule,
07:32et tout le monde copie,
07:34et c'est toujours la même histoire.
07:36Vous avez parlé de Thènes.
07:37Pauvre con. Non, mais j'arrive, moi.
07:40Et qu'est-ce que je fais ?
07:42Je regarde, parce que c'est mon métier aussi.
07:44Je vais aux documents originaux.
07:46C'est-à-dire que je fais ce que personne ne fait jamais.
07:48C'est-à-dire, je cite le discours de Robespierre.
07:50Mais c'est un taré.
07:51C'est un taré.
07:52Appel au meurtre.
07:53Menace physique, personnelle.
07:55Tout ça au milieu de considérations autour de Cicéron,
07:59l'Empire romain, etc.
08:00Parce qu'il se pique de l'Antiquité.
08:02Mais enfin, c'est absurde.
08:04C'est un taré.
08:05Mais quant à Marat, c'est un fou, complet, sanguinaire.
08:10Qui veut couper les oreilles des gens ou les pousses
08:12pour qu'on les reconnaisse bien, les ennemis de la Révolution.
08:15Vous dénoncez la tentation de l'abîme.
08:18Oui, bien sûr.
08:18Ça va avec.
08:19Une constante française.
08:21Mais bon, il y a De Gaulle qui est au-dessus de tous.
08:24Un mélange de ce qu'il y a de mieux pour la France.
08:26Mais il n'y a plus de De Gaulle.
08:28Alors où peut-on trouver une lueur d'espoir ?
08:30Ça, c'est une question qu'on me pose souvent.
08:33Mais quand je fais l'éloge de De Gaulle,
08:35ce n'est pas pour dire qu'il y a un De Gaulle.
08:36Aujourd'hui, il n'y a plus de providentiel.
08:38Il n'y a pas de personnage historique en France.
08:40Mais vous savez, il y a d'autres pays qui s'en sont sortis.
08:42Ils ont trouvé des gens qui avaient simplement comme qualité.
08:46Non pas qu'ils étaient intelligents, qu'ils avaient des beaux costumes
08:48et qu'ils parlaient bien anglais,
08:50mais qu'ils avaient de la volonté et du courage.
08:52Je vous en ai cité plein.
08:53Regardez.
08:54On va prendre par exemple, très à droite,
08:56Margaret Thatcher,
08:58Premier ministre conservatrice en Grande-Bretagne.
09:00Elle a sauvé son pays,
09:02qui était devenue une sorte de poubelle effrayante,
09:05un peu ce qu'il est en train de devenir aujourd'hui.
09:07Elle a complètement sauvé avec juste de la volonté.
09:10C'est pour ça qu'on l'appelait la dame de fer.
09:12Après, vous avez le type qui avait toujours un coup dans le nez,
09:15le chancelier Schröder,
09:18qui aimait bien boire du champagne avec Chirac ou avec moi.
09:21C'est un personnage que j'aimais beaucoup.
09:24Il est toujours vivant, d'ailleurs.
09:26Mais il a sauvé son pays.
09:27Et puis aujourd'hui, regardez,
09:30Giorgia Meloni, ce n'était pas évident.
09:32C'était l'extrême droite italienne.
09:34Elle est arrivée, elle a compris les problèmes.
09:36Et puis elle ne fait pas du tout ce qu'elle avait dit qu'elle ferait.
09:38Mais elle le fait bien et les Italiens sont contents.
09:41C'est l'extrême droite, vous direz.
09:42Et regardez les sociodémocrates danoises
09:46qui sont en train de faire sous la conduite de Maître Frederiksen,
09:48la première ministre,
09:49qui fait une politique très ferme sur l'immigration,
09:52sur les finances publiques, etc.
09:54Voilà, il faut se reprendre.
09:55Et en plus, on a la chance,
09:58Anne Fula,
09:58on a la chance d'avoir un beau pays.
10:01Très beau pays,
10:02avec des paysages inouïs,
10:04une histoire incroyable,
10:05une culture magnifique.
10:07Je ne sais pas qui a dit,
10:09c'était vraiment une énorme connerie.
10:11Là, il n'y a pas de culture française.
10:13Mais enfin, évidemment, il y a une culture française.
10:15Et la culture française s'appuie sur quoi ?
10:16Sur l'esprit critique,
10:17sur l'ironie,
10:18sur le rire,
10:19un peu dévastateur parfois.
10:21C'est-à-dire...
10:21Et vous savez très bien
10:22qui a dit qu'il n'y a pas de culture française,
10:24c'est Emmanuel Macron.
10:25Vous prenez l'air naïf.
10:27En tout cas,
10:28donc, tout n'est pas perdu.
10:30C'est quand même la conclusion.
10:32Je suis obligée de nous interrompre.
10:33Je vais vous dire,
10:33tout n'est pas perdu.
10:34Et vous connaissez ma devise.
10:35Non.
10:35On les aura.
10:36Oui, on les aura.
10:37Et je vous conseille vraiment de lire
10:39Voyage dans la France d'avant.
10:40C'est paru chez Gallimard.
10:41Merci beaucoup,
10:41Frantz-Olivier.
10:42Merci à vous.
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