Tony Estanguet, athlète et président du comité d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques d'été de 2024

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00:00Et nous a rejoint dans ce studio Héloïse Goua pour parler série.

00:03Salut Héloïse, mais je crois que vous ne pouvez pas rester très longtemps, vous êtes convoquée.

00:06Mais oui, il y a un problème, c'est que je dois aller passer une visite médicale à 11h15.

00:10Or à 11h15, je suis avec vous et je n'arrive pas à les appeler,

00:13donc peut-être que je passe un appel pour leur dire que là, je n'ai pas dit faux.

00:15Si jamais ils écoutent Europe 1, on les prévient, il n'est pas sûr qu'Héloïse soit à son rendez-vous.

00:19Non mais ils écoutent, le cabinet médical, il aurait de chaussée, donc normalement ils écoutent Europe 1.

00:23Et puis là, je la regarde, elle a une bonne tête, je crois que tout va bien.

00:26C'est bon, vous me le faites à mon certificat Thomas.

00:29Oui, oui, oui, appelez-moi docteur.

00:29Vous êtes à l'art.

00:31On est donc très heureux d'être ce matin avec Tony Estanguet.

00:34Merci beaucoup d'être là ce matin, Tony, pour revenir sur cette formidable aventure des JO de Paris.

00:40Parce que si on y réfléchit deux minutes, ces JO, c'est quand même un des derniers moments où on a renoncé,

00:46on a ressenti peut-être pas une union nationale, mais au moins un moment de bonheur collectif en France.

00:53Depuis, je crois que ça ne nous est pas vraiment arrivé.

00:55En tous les cas, c'était émouvant, effectivement, de voir les Français heureux,

01:00de voir les Français même fiers de leur pays,

01:03de les voir hurler derrière des athlètes qu'ils ne connaissaient pas quelques jours auparavant,

01:09chanter la main.

01:09Des épreuves qu'on ne connaissait pas parfois aussi.

01:11Découvrir des sports, notamment sur les JO paralympiques.

01:14C'était une belle rencontre, c'est la première fois que la France organisait les JO paralympiques,

01:17et je crois que c'était une belle réussite aussi,

01:19parce que je pense qu'on a pris une petite claque quand même de voir derrière ces performances extraordinaires des athlètes paralympiques,

01:27un message aussi d'unité, d'inclusion.

01:30Voilà, ça fait du bien, je trouve, de mettre un peu de sens aussi dans les émotions.

01:35On a tous tendance à ressentir de temps en temps des émotions qui nous poussent à agir.

01:40Je pense que ce genre de moment, il ne faut pas les minimiser.

01:43Mais ça manque d'ailleurs.

01:45Alors vous revenez justement sur toute cette histoire, cette aventure dans votre livre « Par amour du sport ».

01:49Nous, on a vibré tout un été, mais pour vous, c'est dix années intenses de votre vie, on s'en rend compte.

01:57Est-ce que vous diriez d'ailleurs les plus intenses ?

01:59Parce que vous avez beaucoup gagné, vous, aux JO, est-ce que c'était encore plus fort que ça ?

02:03Oui, c'est ce que je raconte dans ce livre.

02:05C'est vrai que ça a été pour moi un moment clé dans ma vie,

02:09de tourner la page d'une première vie d'athlète où pendant une vingtaine d'années, quasiment,

02:15toute ma vie tournait autour de mon sport, de la compétition.

02:19Je voulais être le meilleur, je voulais gagner les JO olympiques.

02:21Vous l'avez été, je rappelle, triple champion olympique.

02:23Et ça a été une quête un peu obsessionnelle tous les jours,

02:26de voir comment est-ce que je peux progresser, comment est-ce que je peux être meilleur,

02:29comment je repars au combat après une défaite, et ainsi de suite.

02:32J'ai adoré cette vie d'athlète.

02:34Et en 2012, quand je décide d'arrêter ma carrière, les gens me disent

02:37« Attention, ça va être difficile de retrouver un projet, des émotions aussi fortes. »

02:43Là, tu as atteint le Graal.

02:44Tu ne vas jamais retrouver un truc aussi fort que d'avoir été trois fois champion olympique.

02:48Et en fait, je dois reconnaître que Paris 2024 m'a offert ce supplément d'âme.

02:55Non seulement j'ai retrouvé l'adrénaline du sport, de l'événementiel sportif,

02:59mais l'aventure collective, le fait d'être au milieu de tous ces acteurs,

03:05de devoir les embarquer, de devoir les convaincre,

03:08de devoir lutter contre le pessimisme, quand même, dans un pays où on ne croit pas trop en nous,

03:12on critique tout le temps.

03:15Donc c'était intéressant de raconter tout ça,

03:16parce que les gens, je pense, ne se rendent pas compte

03:19de toutes les étapes par lesquelles on est passé avant d'arriver au jeu.

03:22Héloïse ?

03:22Et justement, vous n'avez pas eu le blues post-JO,

03:25comme après un mariage, une grande fête ?

03:27Nous, on a tous eu le blues.

03:29Franchement, non, parce que j'étais un peu programmé dans ma tête pour que ça s'arrête.

03:33Franchement, ça faisait plus de dix ans que j'étais quand même sous pression.

03:36Il y avait quand même beaucoup d'enjeux.

03:38Moi, j'avais un petit peu peur qu'il se passe quelque chose jusqu'à la fin.

03:41Donc quand on m'a dit, ça y est, c'est fini.

03:43C'est plutôt du soulagement, en fait.

03:44Oui, j'étais soulagé.

03:45J'avoue que j'étais soulagé, très satisfait, bien évidemment, et heureux,

03:49mais content aussi que ça s'arrête pour calmer le jeu,

03:53prendre quelques mois, digérer tout ça,

03:55parce que ma vie a quand même changé avec ces jeux.

03:59J'ai été sous le feu de la ronde,

04:01j'ai fait des choses que je n'avais jamais fait auparavant.

04:03Donc voilà, tout ça, c'est pas anodin,

04:06et j'avais besoin de prendre un peu de distance avec cette vie folle.

04:10Et écrire ce livre.

04:11Et alors moi, j'étais assez épaté dans ce livre par tous les détails.

04:14Comment vous arrivez à vous souvenir de chaque date,

04:18les rendez-vous, les personnes présentes ?

04:20Bon, j'imagine que vous aviez des petites notes quand même,

04:21des agendas aussi qui vous ont aidé, mais c'est assez profond.

04:24Exactement, des agendas.

04:24Les notes, non, en fait, je tenais pas de journal de bord,

04:28ou voilà, je notais pas, même si tout le monde disait,

04:30mais ce que tu vis est dingue, il faut que tu prennes des notes,

04:32parce qu'un jour, il faudra raconter cette histoire.

04:34Moi, j'étais pas là-dedans, j'étais dans...

04:36Déjà, je vais essayer de réussir les jeux,

04:38de commencer pas à imaginer l'après,

04:39parce que je n'ai aucune idée de ce que sera l'après.

04:42Donc, il a fallu se replonger dans l'agenda,

04:45avec mon assistante,

04:47retrouver toutes les dates,

04:49tous les temps forts,

04:51les réunions importantes,

04:52qui était présent à cette réunion,

04:55essayer de croiser un peu nos souvenirs.

04:57Et j'ai adoré, en fait, parce que moi, le premier,

04:59en fait, les émotions des jeux avaient un peu

05:01écrasé tout le reste, et j'avais oublié

05:03toutes les galères qu'on a rencontrées pendant ce jeu.

05:06Votre livre, il s'ouvre sur la difficile défaite

05:09de la candidature de Paris,

05:10pour les JO de 2012, qui se sont déroulées à Londres,

05:13qui seront vos derniers JO, vous, finalement,

05:16comme athlètes.

05:17Mais cette défaite, vous dites que, finalement,

05:19ça a été une chance pour vous.

05:20Oui, j'ai eu beaucoup de chance ce jour-là.

05:21C'est vrai qu'on était, donc, en 2005,

05:24à Singapour, au moment de la décision

05:26de qui allait organiser les jeux de 2012.

05:30Paris, la France était en finale face à Londres.

05:33Donc, gros suspense.

05:34Bon, on pensait vraiment que c'était notre tour.

05:36C'était la, je ne sais plus combien dième fois,

05:38la quatrième fois, que je crois,

05:40que la France déposait une candidature à ce moment-là.

05:42Donc, forcément, on y croyait tous.

05:45Et moi, en tant qu'athlète, à ce moment-là,

05:47je me disais, ça va être génial,

05:48je vais pouvoir terminer ma carrière en France.

05:50Tout le monde y a cru, au JO à Paris.

05:52Eh bien, non, ça ne l'a pas fait.

05:54Donc là, douche froide, tout s'effondre.

05:57Mais finalement, moi, j'ai eu beaucoup de chance.

05:59Parce que non seulement j'ai pu terminer ma carrière à Londres

06:01et champion olympique à Londres,

06:02et en plus, organiser les Jeux de Paris en 2024.

06:07Donc, j'ai eu, finalement, le beurre et l'argent du beurre.

06:09Mais alors, il a fallu aussi convaincre, convaincre, convaincre

06:13face aux critiques incessantes.

06:16Il faut dire qu'on adore critiquer en France.

06:18Mais on ne peut pas dire qu'avant le début de ces JO,

06:21la France était vraiment derrière vous, Tony Estanguier.

06:23Non, pas vraiment.

06:24J'ai un peu les oreilles qui sifflaient

06:26pendant une partie de cette aventure.

06:30Et d'un autre côté, c'est ce que je raconte dans ce livre.

06:32Pour moi, ça a été dur.

06:33Parce qu'en tant qu'athlète de haut niveau,

06:35on est plutôt habitué dans un sport comme le mien,

06:39d'avoir une communauté de supporters

06:42qui est plutôt bienveillant, plutôt sympa.

06:44Donc, je n'aurais jamais été vraiment critiqué.

06:46Donc là, un peu tout s'effondre.

06:49En fait, au début, vous êtes la cible,

06:51vous en prenez plein la gueule.

06:52C'est quand même dur parce que

06:54on s'attaque à vos valeurs,

06:57on s'attaque à vous personnellement,

06:58on s'attaque à plein de choses.

07:00Et moi, j'étais en mode commando.

07:02J'étais en mode, je suis là,

07:03il faut organiser les jeux.

07:04J'y croyais vraiment.

07:05J'étais quand même assez convaincu, au fond de moi,

07:09que la France était capable de réussir ses jeux.

07:12On avait tout dans ce pays,

07:13des professionnels, des artistes, des athlètes.

07:17Il n'y a aucune raison que ça ne marche pas.

07:20Donc oui, je raconte qu'il a fallu tenir la barre.

07:24Heureusement, construire une équipe aussi qui y a cru.

07:28Je pense qu'il y a quand même eu toujours un noyau dur d'acteurs

07:30qui ont cru au jeu.

07:32Et je rends hommage aussi à toutes celles et ceux dans ce livre

07:35qui ont permis que les jeux réussissent.

07:36Mais voilà, pour moi, ça a été quand même une aventure.

07:40Et les critiques, elles ont continué.

07:42Même aujourd'hui, il y a quelques semaines encore,

07:44Nelson Monfort qui critiquait une partie de la cérémonie d'ouverture.

07:47On va en parler de ses critiques dans un instant

07:49sur la cérémonie d'ouverture.

07:51Et puis, on va parler série aussi avec Héloïse Gouin.

07:54On revient tout de suite sur Europe 1.

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