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00:00Bonjour Jean-Sylvestre Mongrenier, merci d'avoir accepté notre invitation.
00:03Vous êtes géopolitologue, spécialiste des questions de défense,
00:07directeur de recherche à l'Institut Thomas More.
00:10Alors à chaque fois que Kiev achète du matériel aux Européens,
00:12on se demande si ça peut changer la donne sur le terrain militaire.
00:16Cette visite, vous la considérez comme particulièrement importante ?
00:20Elle est de nature à changer le rapport de force entre Kiev et Moscou ?
00:25Alors le rapport de force immédiat sur le terrain, à l'évidence non,
00:29puisque la situation autour de Koprovska et sur d'autres points du front
00:34rappelle notamment l'importance de l'infanterie, l'importance de tenir le terrain,
00:38les drones ne suffisent pas, surtout lorsqu'il y a du brouillard.
00:42Donc là, il s'agit de situations à court terme qui sont particulièrement inquiétantes.
00:46Alors en revanche, cet accord, ou plutôt cette lettre d'intention,
00:50qui pourrait se traduire ultérieurement par un véritable contrat,
00:54un accord en profondeur inscrit finalement la situation présente,
01:00la situation de l'Ukraine, la guerre, dans la perspective sur 5 ans, sur 10 ans.
01:05Ça montre que la France, que les pays européens, plus largement les pays occidentaux,
01:09s'inscrivent encore et toujours dans la perspective d'un État-nation ukrainien
01:14qui tient malgré tout la ligne et qui verrait à terme son indépendance
01:21et sa souveraineté confortée, pleinement respectée.
01:25Ce n'est pas un soutien tactique à court terme dont on parle.
01:28Là, il s'inscrit dans la durée.
01:30C'est ça ce qui est important aujourd'hui,
01:31c'est que les soutiens européens de l'Ukraine s'inscrivent dans le temps long,
01:35le temps long que connaît bien Vladimir Poutine,
01:37qui pourrait rester en poche jusqu'en 2036.
01:39On en parlait tout à l'heure avec notre chroniqueur.
01:44Oui, et puis ce qui est en jeu également,
01:47c'est une redistribution des responsabilités entre les États-Unis,
01:50d'une part leurs alliés européens, d'autre part.
01:53Il ne s'agit pas de dire que les États-Unis ne sont plus là,
01:55comme on l'entend trop souvent, à croire qu'on le souhaiterait.
01:58Ça n'est pas souhaitable.
02:00Il y a toujours 90 000 soldats américains en Europe.
02:02Il y aura peut-être quelques retraits,
02:04mais on ne parle plus aujourd'hui d'un hypothétique retrait total.
02:07Mais en revanche, il faut bien partager le fardeau de la défense de l'OTAN,
02:13d'une part, et puis d'autre part,
02:16passer le relais, pour faire simple, aux Européens,
02:19quant au soutien de l'Ukraine,
02:21même si bien sûr, dans l'immédiat,
02:23ça implique encore et toujours l'achat de matériel américain,
02:28qui sont disponibles, qui sont là sur étagère,
02:30dont les Ukrainiens ne peuvent pas se passer.
02:34Mais l'idée directrice, quand même, est de côté de l'Atlantique.
02:39C'est qu'à terme, le principal,
02:42et peut-être même l'unique soutien de l'Ukraine,
02:46ce sera les alliés européens des États-Unis.
02:49C'est ça également qui est en jeu,
02:51cette redistribution du pouvoir, des responsabilités,
02:53entre les deux rives de l'Atlantique.
02:55Avec ces rafales, Kiev se doterait pour la première fois
02:57de systèmes de défense aérienne nouvelle génération.
03:00Le problème, et vous le savez, c'est qu'il faut aussi former les pilotes.
03:04On sait où elle en est, cette formation des pilotes ukrainiens,
03:07notamment en France ?
03:10Écoutez, la formation semble bien avancer,
03:12puisqu'il y a déjà eu un certain nombre de livraisons de Mirage 2000.
03:16Alors c'est vrai que ce ne sont pas du tout les mêmes ordres de grandeur.
03:18Ce qui était prévu, c'était aussi Mirage 2000.
03:21I3 ont déjà été livrés, mais la formation, elle est en route.
03:25Il y a déjà un certain nombre de pilotes qui sont formés,
03:29qui utilisent finalement le matériel français qui est livré.
03:34Le grand défi, ce sont à mon sens les lignes de production,
03:38parce que 100 avions de combat rafales,
03:42c'est la plus grosse commande que Dassault pourrait espérer pour cet avion.
03:48On avait les Émirats arabes unis, c'était 80 rafales qui avaient été commandés,
03:52l'Inde 62. Donc là, 100, c'est un véritable défi.
03:57Et puis, entre deux, bien sûr, c'est surtout qu'on trouve les mécanismes de financement
04:01pour que cette lettre d'intention devienne un véritable contrat.
04:06Et puis, il y a cette déclaration ukrainienne qui n'est pas passée inaperçue aujourd'hui.
04:10Kiev voudrait coproduire à terme des avions rafales avec la France.
04:15Un tel transfert de technologie vous semble-t-il possible ?
04:17Oui, de toute façon, il le faudra bien si on veut vendre ses avions, du matériel en général.
04:24Là, il y a un certain nombre de marchés qui, par le passé, ont pu être perdus
04:28face à d'autres concurrents, parce qu'on était peut-être un peu plus réticents que d'autres
04:33à côté de transfert de technologie.
04:35Mais quand on regarde les différentes firmes militaires ou industrielles européennes
04:39qui, aujourd'hui, sont engagées dans cette coopération avec l'Ukraine,
04:43il y a beaucoup de sites de coproduction qui impliquent des transferts de technologie.
04:48C'est quelque chose qui est indispensable.
04:51Alors, après, bien sûr, il faut être capable de conserver le cœur des technologies les plus cruciales.
04:59Bon, c'est la France d'assaut, c'est le fer.
05:01D'ailleurs, il suffit de voir la difficulté de la coopération concrète entre Français et Allemands
05:05sur ce qu'on appelle l'avion de combat du futur.
05:08Tous les points de ralentissement ou de blocage portent, justement, sur ces transferts de technologie.
05:12La France a beaucoup à gagner à travailler avec les Ukrainiens,
05:16notamment dans le domaine des drones, où les Ukrainiens sont bien plus performants ?
05:22Alors, oui, il y aurait certainement des retombées pour tout ce qui est conception et production de drones.
05:28Tous les pays européens, et même les États-Unis, sont bien conscients du retour d'expérience
05:32et de l'avance dont bénéficient les Ukrainiens.
05:37Mais au-delà, je crois que le président français l'a rappelé,
05:42ce ne sont pas simplement des questions technologiques, militaires ou industrielles.
05:46Le véritable enjeu, c'est la défense de l'Europe.
05:50Et il se trouve que l'Ukraine, finalement, est une sorte de bastion avancée,
05:54un rempart contre l'armée russe.
05:57Il faut tout faire pour éviter que ce rempart ne se transforme,
06:02peut-être un jour, demain, entre en plein, en plateforme de départ,
06:05plus vers l'ouest pour les armées russes.
06:08Donc, il ne faut pas perdre de vue l'enjeu éminemment géopolitique
06:12qui surplombe à toutes les questions technologiques, militaires ou industrielles et financières.
06:18Merci, Jean-Sylvestre Mongrenier, d'avoir accepté aujourd'hui l'invitation de France 24.
06:22Merci et bonne journée à vous.
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