Passer au playerPasser au contenu principal
  • il y a 2 jours

Bilal Hamdad, peintre, est l'invité de Daphné Burki pour son exposition “Paname” à Paris au Petit Palais jusqu’au 8 février 2026 et l'exposition "L'Espagne entre deux siècles" au musée Goya de Castres jusqu'au 6 mars 2026.

Retrouvez « Nouvelles têtes » présenté par Daphné Bürki France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/nouvelles-tetes

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00Daphné Burki et sa nouvelle tête.
00:02Il est 9h50, nous sommes en direct dans la grande matinale de France Inter
00:05et ce matin ma nouvelle tête s'appelle Bilal Amdad.
00:08Il est peintre, un peintre génial.
00:10Pas le génial décoratif, tu sais qu'on accroche par politesse, non.
00:14Un génial avec du poids, avec du cadre, avec une maîtrise de la lumière et du réel.
00:18Son nom circule partout, surtout depuis qu'il expose au Petit Palais à Paris depuis le mois d'octobre.
00:22Son exposition s'appelle Paname, un titre qui dit tout, la ville et ses vaines ouvertes
00:26et la manière dont il les peint.
00:27C'est un naturaliste urbain.
00:30Je vous invite tout de suite à aller voir ce qu'il fait.
00:32Bon, si vous êtes en bagnole, faites gaffe.
00:33Son travail, c'est un fond entre le documentaire et la fable picturale.
00:38Dans une époque saturée d'images, de pixels, lui, il remet la peinture debout.
00:42Pas nostalgique, pas passéiste du tout, non, c'est hyper vivant.
00:46Bilal Amdad, il est né en 1987 à Sidi Balabès en Algérie.
00:51Son premier langage, c'était le football au poste de libéraux.
00:54Vous savez, le dernier rempart, le défenseur libre de ses mouvements,
00:58mais qui, à 17 ans, n'y voyait plus d'horizon.
01:01C'est son père, au mille vies, qui lui a refait une petite passe, comme on dit.
01:04Un père ingénieur, enseignant, agriculteur, écrivain, peintre.
01:09C'est parti.
01:10Bilal débarque au Beaux-Arts de sa ville.
01:12Une révélation, un bonheur.
01:14Vous vous êtes dit quoi à ce moment-là ?
01:15Vous vous êtes carrément dit...
01:16J'ai dit que ça peut m'accompagner dans ma vie.
01:20Toute votre vie, ça vous accompagnera.
01:22Ça a été le coup de foudre.
01:23Alors, bonjour Bilal et bienvenue sur France Inter.
01:26On est ravis de vous accueillir ce matin.
01:28Ces images, il faut les voir, je vous jure.
01:30Elles frappent immédiatement.
01:32C'est un truc de fou.
01:33Je comprends pourquoi elles n'arrêtent pas en ce moment de se partager.
01:36Elles voyagent dans le regard des gens, comme sur les réseaux sociaux.
01:39Vous êtes un phénomène.
01:40Comment vous vous sentez, là, aujourd'hui, en dehors de votre petit atelier du 19e arrondissement ?
01:45Très bien, c'est la première expérience, mais je me sens très bien.
01:48Alors, première expérience ce matin, en effet, en direct, sur une radio, au micro de France Inter.
01:52Quand je vous ai demandé, vous vous souvenez de votre première fois, vous m'avez dit la première vente d'un tableau.
01:56J'ai compris que je pouvais vraiment vivre de ça.
01:58Oui, c'était juste après mon diplôme au Beaux-Arts de Paris.
02:02Donc, j'étais dans l'atelier de Jamal Tata et je suis sorti en 2018.
02:07Donc là, c'était vraiment le point de départ.
02:10Oui, c'est ça.
02:11Vous partez de photos prises sur le vif.
02:13Parfois, vous faites un peu des mises en scène.
02:15Vous dites que votre appareil, c'est un peu votre carnet de croquis.
02:18Et ça donne ce naturalisme assez saisissant.
02:20Dans vos références, il y a Eugène Hadjet.
02:22C'est un photographe du 20e qui a documenté Paris avec une précision obsessionnelle.
02:28Les rues, ses métiers, les ombres, les passants.
02:32Et dans vos cadrages, c'est un peu la même chose.
02:34J'essaie de vous écrire, chers auditeurs, parce qu'encore une fois, on se dit
02:36« Mais elle parle de peinture à la radio ! »
02:38Mais oui, parce qu'il faut aller voir ce travail.
02:40Et c'est assez fascinant.
02:43Est-ce que vous diriez que vous êtes un peintre social ?
02:46En fait, moi, je ne décide pas ce que je vais faire ou ce que je veux représenter.
02:50En fait, je présente mon quotidien.
02:52Et c'est les autres qui définissent si je parle de ça ou pas.
02:56Dans vos tableaux ?
02:58Et ça peut être ça, le cas, parce qu'il y a des idées comme ça au départ, mais ça reste personnel.
03:04Après, l'interprétation reste libre.
03:06Oui, c'est ça.
03:07En tant que spectateur, on se sent complètement libre de penser ce qu'on veut.
03:11Dans vos tableaux, il y a quelque chose quand même qui revient souvent malgré vous, c'est la solitude.
03:15Dans les scènes que vous peignez, il y a du monde, mais on sent que tous les individus sont absorbés,
03:19ils sont isolés un peu dans leur propre trajectoire.
03:21Est-ce que c'est un thème que vous cherchez, la solitude ?
03:24Ou est-ce que ça arrive malgré vous ?
03:26Parce que vous documentez finalement la vie dans une grande ville.
03:29Oui, je pense que le thème, le sujet de la solitude est venu depuis que je suis à Paris.
03:35Et je n'ai pas décidé dès le départ que je vais travailler sur ce sujet-là.
03:39Mais c'est venu à fur et à mesure.
03:41Et je pense que cette question-là, elle se retrouve dans les grandes villes.
03:45Et je pense à Paris.
03:46Alors, il y a ce son qui va arriver de Férouze, parce que vous dites que cette sensation d'isolement,
03:54vous l'avez à Paris, mais vous ne l'aviez pas dans votre ville en Algérie.
03:58Vous n'aviez pas du tout cette même sensation ?
04:00Non.
04:01Donc, j'ai grandi dans un village.
04:04Il est à 40 kilomètres de Sidi Belabès.
04:07C'était, en fait, on vivait ensemble.
04:09Après, on a déménagé à l'âge de 11 ans à Sidi Belabès.
04:13Et là, c'était presque pareil.
04:15Mais quand je suis venu en France, après, je ne sais pas, il y a la question de déplacement,
04:20la question, peut-être que ce n'est pas pareil, mais peut-être que j'ai senti un peu ça.
04:24Cette solitude.
04:26Vous avez expliqué cette sensation d'isolement un peu, comme vous le percevez à Paris.
04:33Mais dans votre tête et dans votre cœur, il y a d'autres présences.
04:36Les maîtres.
04:37Et vous les sortez tout le temps, ces maîtres.
04:39Vous citez souvent Rubens, Le Cavarage, Velazquez, mais aussi Degas, Manet, Courbet ou encore Hopper.
04:45Vous avez fait les beaux-arts en Algérie et donc aussi ceux de Paris.
04:49Vous avez passé votre temps dans les musées à observer les tableaux.
04:52Et vous avez passé aussi récemment des heures au musée du Prado, quand vous étiez en résidence à la Casa de Velazquez,
04:58à regarder ces tableaux, à tisser des ponts entre leur monde et le vôtre.
05:03Est-ce que vous partagez avec eux, avec tous les peintres que je viens de citer,
05:06et que vous citez régulièrement, cette obsession de donner une dimension sacrée aux scènes les plus ordinaires ?
05:12Oui, je pense que c'est la question.
05:14Moi, je cherche toujours des solutions de peinture.
05:18Et en fait, je trouve ces solutions-là dans les maîtres anciens.
05:22Et c'est par rapport à la couleur, par rapport, par exemple, à la composition.
05:26Et j'essaie toujours de mettre en valeur la personne que je vais présenter.
05:31Ça peut être des amis, ça peut être un livreur, ça peut être une vendeuse, un vendeur...
05:39Qui sort du métro.
05:40Une personne qui sort du métro.
05:42Et je le mets tous au même niveau.
05:46Et pour l'inspiration, je regarde les peintures anciennes.
05:50Oui, parce que si on rentre dans l'une de vos peintures, je crois que c'est un de vos amis, l'Angélus.
05:54C'est un jeune homme, il faut l'imaginer, il est assis sur la rambarde du métro cité.
05:58Il a le regard ailleurs, il y a ce cadrage en contre-plongée, il y a l'auréole du pictogramme de sortie.
06:03On dirait une espèce d'icône contemporaine comme ça.
06:05Et ce titre, l'Angélus, vous l'avez compris, c'est un clin d'œil à Millet,
06:09où vous reprenez la silhouette du village.
06:12On fait un cours d'histoire de l'art.
06:13Du village, gravé sur le mur du métro.
06:16Vous glissez du sacré encore une fois dans l'urbain et ça devient une espèce de prière moderne.
06:20Vous, Bilal, moi j'aimerais bien que vous décriviez une autre toile, elle s'appelle Nuit égarée.
06:24Oui.
06:24Qu'est-ce qu'on y voit ? Parce que moi, je vois des corps allongés, l'eau très sombre.
06:28Mais qu'est-ce que vous avez voulu dire ?
06:30En fait, ce tableau-là, je l'ai commencé, j'ai interprété un tableau très connu de Millet.
06:36C'est Ophélie, c'est une dame qui est allongée dans l'eau.
06:40Et ce tableau, il était interprété par pas mal d'artistes après lui.
06:43Et souvent, c'était la même chose.
06:45Donc moi, j'ai fait un paradoxe avec l'oeuvre originale.
06:47Donc j'ai fait poser une personne ou c'est un collègue d'atelier.
06:53Et en fait, il est endormi, il est allongé.
06:58Et cette question-là, en fait, on le trouve aussi dans la peinture.
07:02On ne sait pas s'il dort, on ne sait pas s'il est en train de rêver.
07:06Ou si ce sont des gisants.
07:07Aussi des gisants.
07:08Et toutes ces questions-là, ça donne des interprétations, ça donne des lectures.
07:12J'aime bien quand vous restez tout doux.
07:15Il y a toute une jeune génération qui est en train de se déplacer dans le petit palais pour voir ses tableaux.
07:20Il touche tout le monde, il est intergénérationnel.
07:22Évidemment, moi j'ai vu une référence au naufragé immigré de la Méditerranée ou de la Manche.
07:26Mais chacun, il verra ce qu'il a envie de voir.
07:28Aujourd'hui, vous signez une quinzaine de toiles par an.
07:30La plus grande, elle est exposée en ce moment même.
07:32Elle vous a pris six mois de travail.
07:34Je ne sais pas si vous vous rendez compte que plus tard, vos toiles,
07:36elles seront certainement consultées pour comprendre quelle était la physionomie de la capitale
07:40dans les premières décennies du XXIe siècle.
07:42Ou voler au Louvre.
07:43Ou voler au Louvre.
07:44Je ne sais pas si vous imaginez ça quand vous étiez jeune,
07:47dans votre chambre avec votre frère qui écoutait du rap non-stop,
07:50dont évidemment Tupac.
07:52Je ne sais pas si vous imaginez ce destin-là, Bila Lamdad.
07:55Mais vous, en fait, votre enfance, elle se tenait plutôt dans un film, par exemple, Titanic.
08:01Et que je trouve absolument adorable de me sortir comme référence.
08:06En même temps, il y a beaucoup de gens qui meurent à la fin.
08:09Ce son de l'enfance, il m'a fait penser à votre médium,
08:14qui est pour moi le médium de l'enfance, c'est la peinture à l'huile.
08:17Parce que toutes ces peintures sont faites à la peinture à l'huile.
08:19C'est une odeur particulière, c'est un toucher particulier.
08:22Qu'est-ce que ça vous ramène, vous, cette peinture à l'huile ?
08:25La peinture à l'huile, ça me ramène à mon enfance.
08:27Mon père, il est artiste peintre, donc j'ai grandi avec ça.
08:31Et en fait, quand on a déménagé à Sidi-Belabès,
08:34on habitait dans l'appartement.
08:37Donc l'atelier, il était dans l'appartement, et l'odeur, elle était là.
08:41Et il y a ce souvenir de lui regarder.
08:46Des fois, il me demande des conseils,
08:48même si j'étais enfant et je n'avais rien à voir.
08:51Mais il savait que j'ai peut-être ce regard...
08:55Ce regard supra-frais.
08:57Il s'appelle Bill Alamdan.
08:59En ce moment, il est exposé au Petit Palais, si vous passez par la capitale,
09:03mais aussi au musée Goya de Castres,
09:05où son travail dialogue, encore une fois, avec un autre peintre d'il y a 100 ans,
09:09Francis Arberger.
09:10Je vous le conseille chaudement.
09:12Et puis, si vous n'osez pas encore vous déplacer,
09:13vous pouvez aller le regarder sur son compte Instagram.
09:16Mais en tout cas, les expositions, elles durent jusqu'au 8 février pour Paname.
09:19Merci d'avoir accepté l'invitation,
09:21parce que je sais que ce n'est pas évident pour vous de sortir de l'atelier.
09:24Je suis bien.
09:25Merci beaucoup, Bilal.
09:26Merci, Daphné.

Recommandations

9:40
À suivre