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  • il y a 2 semaines

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00:00En ce qui concerne les criminels et les romans policiers, il en est, chers amis, comme de la parabole de la poule et de l'œuf.
00:19Oui, vous savez, ce petit raisonnement très simple qui peut vous plonger dans des abîmes de perplexité.
00:25La question est, lequel a existé d'abord ? C'est la poule, dit l'esprit logique. C'est elle qui a pondu l'œuf.
00:35Certes, mais dans ce cas, d'où venait la poule ? Eh bien, posez-vous la question. D'où viennent les sinistres héros des histoires policières ?
00:48Leur modèle existe dans la réalité, penserez-vous. Mais lorsque vous aurez entendu notre dossier d'aujourd'hui,
00:55je suis certain que vous ne pourrez pas vous empêcher d'avoir le sentiment contraire.
01:00Le criminel, dont voici l'histoire, ne peut être sorti que de l'imagination d'un auteur diabolique et anglais, qui plus est.
01:07Et pourtant, il a existé, il a vécu, il a tué.
01:15Ce mauvais rêve devenu réalité, Grégory Franck a choisi de lui donner pour titre « Gentleman jusqu'au bout des ans ».
01:25« Excusez-moi, Mrs. Lane. Avez-vous des nouvelles de Mrs. Durand-Dicone ? J'ai peur qu'il ne lui soit arrivé quelque chose. »
01:54Dans la grande salle à manger de Lonslow Court Hotel, l'homme qui vient de parler s'est incliné très courtoisement devant la table où la vieille Mrs. Lane achève son potage.
02:06Dans toute la pièce, le bruit des cuillères s'est arrêté un instant et les autres diners assis, chacun seul devant une nappe blanche, lancent un regard de réprobation.
02:18A-t-on idée de suggérer qu'il soit arrivé quelque chose à l'une des pensionnaires de Lonslow Court Hotel ? Ce serait inconvenant.
02:29Lonslow Court Hotel est situé dans South Kensington, à Londres.
02:35Pourtant, nous ne dirons pas que c'est un hôtel anglais. Non, Lonslow Court Hotel est beaucoup plus que cela.
02:43C'est un hôtel britannique, situé dans un quartier bourgeois.
02:48C'est un de ces établissements où l'on ne voit pratiquement jamais de voyageurs ou de clients de passage.
02:52Pourtant, les chambres sont presque toutes occupées.
02:57Dans ce havre feutré, à l'abri des atteintes extérieures, à l'abri de ce XXe siècle si peu convenable,
03:05se dessèchent insensiblement et lentement, si lentement, les derniers exemplaires de l'authentique bourgeoisie anglaise.
03:14C'est, si vous voulez, une sorte de musée sociologique où l'on pourrait observer les survivants d'une espèce disparue.
03:23Mais personne, en fait, ne peut les observer car le public n'est pas admis.
03:29Si, par contre, votre pédigré vous y autorise,
03:33alors vous aurez le droit d'avoir votre chambre ou votre appartement pour le reste de votre vie dans l'établissement.
03:39Vous pourrez vivre dans ce milieu qui est le vôtre, sans avoir à vous soucier de la tenue d'une maison et du recrutement des domestiques.
03:47Vous pourrez marcher à petits pas, sur d'interminables tapis, prendre vos repas à votre table, seul, dans un coin de la salle à manger.
03:54Vous pourrez lire dans le grand salon ou écrire vos lettres pour l'Australie, dans le salon Tudor.
04:00Vous ferez, en somme, ce que font vos voisins, officiers ou fonctionnaires en retraite, dignitaires de l'église anglicane ou veuves des personnages en question.
04:09Ce sont des veuves qui constituent l'essentiel de la très convenable clientèle de l'Anslocourt Hotel.
04:18Tenez, voici par exemple Olive Durand-Dicone, chambre 115.
04:25C'est une cliente typique de la maison et pourtant une exception.
04:28En effet, elle n'a que 69 ans et elle est encore fort belle, de sorte que ses bijoux, les sacs à main de couleur vive qu'elle affectionne et son manteau d'astracan ne constituent pas pour elle un camouflage,
04:41mais une sorte de complément naturel, comme si elle était née ainsi discrètement parée.
04:45D'ailleurs, cette aisance et cette beauté durable lui valent quelques jalousies qui pimentent agréablement son existence.
04:54La chambre 404 enferme elle aussi une exception.
04:58M. John George Egg, qui n'a que 39 ans.
05:02Il est célibataire, un charme fou, une voix bien timbrée, sachant à merveille d'oser les indispensables remarques insignifiantes sur le temps qu'il fait.
05:10John George Egg habite ici depuis quatre ans.
05:14Une élégance impeccable, celle qu'on ne remarque pas.
05:19Les cheveux noirs, bien entendu, jamais longs, mais surtout pas d'un millimètre trop court.
05:24Une petite moustache qui fait discrètement rêver.
05:27« Ah, ce monsieur est vraiment très, très bien. »
05:31C'est donc lui, John George Egg, qui vient d'adresser la parole à la vieille Mrs. Lane, alors qu'elle n'a même pas terminé son potage.
05:41« Avez-vous des nouvelles de Mrs. Durand-Dacon ? Je crains qu'il ne lui soit arrivé quelque chose. »
05:47Mrs. Lane lève vers Mr. Egg son visage de vieux coquère.
05:53« Elle le déteste, celui-là, avec sa petite moustache, son allure séduisante.
05:56Et cette sale habitude de manigancer je ne sais quel secret, avec Olive Durand-Dacon.
06:03Mais enfin, qu'est-ce qu'elle peut lui trouver ? »
06:06Mrs. Lane pose sa cuillère.
06:08« Comment voulez-vous que je sache ? Vous devriez être mieux informé que moi.
06:14Ne deviez-vous pas hier la conduire dans je ne sais quelle usine pour je ne sais quel rendez-vous ? »
06:21« Certes, chère madame, je devais la retrouver au magasin de l'armée de la marine hier après-midi.
06:26Je l'ai attendue une heure et elle n'est pas venue. »
06:30Mrs. Lane fait « Hum ? »
06:32Reprend sa cuillère et se replonge dans son potage, signifiant par là que l'entretien est terminé.
06:39Il est vrai que jamais Mrs. Durand-Dacon n'est partie plus d'une heure de l'hôtel sans prévenir la réception qu'elle serait absente pour un moment.
06:47Or, ce vendredi, elle est sortie en début d'après-midi, n'est pas rentrée le soir, pas plus que le samedi.
06:56Le dimanche, M. Hague croise à nouveau Mrs. Lane alors qu'elle sort du salon.
07:00« Non, il renouvelle sa question. Non, toujours pas de nouvelles. D'ailleurs, ajoute la vieille dame, je vais me rendre au commissariat pour demander qu'on fasse des recherches.
07:12Or, je crois que vous avez parfaitement raison. Permettez-moi de vous y accompagner. »
07:16Mrs. Lane fait donc sa déposition au commissariat de Chelsea et déclare se tenir à la disposition de la police au cas où la moindre information parviendrait.
07:25« Moi aussi, je suis à votre disposition, » dit Hague, « et il insiste pour que l'on prenne note de son identité. »
07:34Le lendemain, lundi 21 février 1949, le sergent Lembourne est chargé de l'enquête de routine concernant cette disparition, une parmi les sept ou huit signalées durant le week-end.
07:45Mais le sergent de police Lembourne a quelque chose de particulier. C'est une femme.
07:52Et en tant que telle, ce sergent possède une intuition assez particulière.
07:55« Non, ce dossier n'est pas comme les autres. »
07:59Et ce monsieur Hague, qu'elle vient de convoquer pour une seconde déposition, n'est pas non plus un témoin comme les autres.
08:05Le sergent serait bien incapable de dire pourquoi, mais c'est ainsi.
08:09Elle demande donc à l'inspecteur divisionnaire de contrôler cette impression.
08:14Voici donc John George Hague, convoqué pour une troisième déposition.
08:19« Mais certainement, monsieur l'inspecteur, cela ne me gêne aucunement de vous répéter le peu de choses que je sais, si cela peut vous faire progresser.
08:27Donc, j'avais rendez-vous vendredi à deux heures et demie avec Mrs. Durand-Dicone.
08:34Depuis combien de temps la connaissez-vous ? »
08:36« Trois ans environ. J'ai donc attendu une heure et puis je suis parti. »
08:41« Que deviez-vous faire en sa compagnie ? »
08:43« Nous devions nous rendre ensemble dans une usine de Crowley dont je suis l'un des directeurs. »
08:48« Directeur, monsieur Hague ? »
08:50« Enfin, agent commercial, disons que je suis un peu associé avec le directeur pour certaines affaires. »
08:56« Mais justement, c'était d'affaires à qui il était question cet après-midi-là. »
09:00« Mrs. Durand-Dicone avait en effet un projet pour lequel elle comptait sur moi. »
09:03« Elle voulait faire produire en série des ongles. »
09:07« Des ongles ? »
09:08« Oui, oui, monsieur l'inspecteur, des ongles artificiels pour les dames. »
09:13« Elle était persuadée que cela aurait un grand succès. »
09:16« Voyez-vous un inconvénient, Mr. Hague, à me confier l'adresse de cette usine et le nom de votre associé ? »
09:24« Aucun, monsieur l'inspecteur, absolument aucun. »
09:29« Cette conversation a lieu le mercredi. »
09:32« Il faudra deux jours pour vérifier un certain nombre de points et notamment prendre contact avec le directeur de l'usine. »
09:39« L'établissement s'occupe de mécanique, entre autres. »
09:41« Oui, le directeur connaît Hague. »
09:44« Non, il ne lui donne pas un soleil régulier. »
09:46« Oui, Hague lui a parlé de cette histoire d'ongles. »
09:49« Non, cela n'intéressait pas sa firme à cause du prix de revient. »
09:53« Oui, il prête de temps en temps les clés de l'entrepôt à Hague. »
09:57« D'ailleurs, pas plus tard que vendredi dernier, justement. »
10:01« Vendredi. »
10:02« Mais c'est le jour de la disparition. »
10:06« Le directeur voit-il un inconvénient à ce que l'on perquisitionne dans ses locaux ? »
10:11« Non, pas d'inconvénients. »
10:14« On va donc aussitôt perquisitionner. »
10:18« Et les résultats vont être pour le moins étonnants et même effarants. »
10:29« Les récits extraordinaires de Pierre Belmar, un podcast européen. »
10:36« Donc, le 26 février, huit jours après la disparition de Mrs. Durand-Dicone,
10:43l'attitude de George Hague a mis la puce à l'oreille de la police.
10:47Il a été entendu à nouveau et, entre-temps, on a pris des renseignements sur lui. »
10:52La directrice de Lancelot Court Hotel, en particulier, révèle que, malgré son excellente apparence,
11:00ce gentleman est assez mauvais payeur et qu'il a des fins de moins difficiles.
11:05D'ailleurs, il vient, ces jours derniers, de rembourser les notes qu'il avait en suspens à la caisse de l'hôtel.
11:10On a eu également l'autorisation de perquisitionner dans la petite usine à Crowley, dans la banlieue de Londres.
11:15Le résultat de la perquisition laisse les policiers perplexes.
11:20Trois grosses bonbonnes, du genre de sel où l'on transporte des produits chimiques,
11:26une serviette de cuir et un carton à chapeau marqué de l'initial H.
11:37Dans ce carton, voici un revolver Enfield et huit cartouches.
11:45Le revolver porte dans le canon des traces de poudre récentes.
11:51Et puis, il y a aussi dans ce carton à chapeau des papiers au nom de plusieurs personnes.
11:58Madame Rosalie Anderson, docteur Archibald Anderson,
12:03Donald Maxwan, William Maxwan et Ami Maxwan.
12:08Et puis, voici un reçu en date du 19 février dernier, un reçu de teinturier.
12:15D'autres policiers, entre-temps, prennent des renseignements dans les environs.
12:20Le vendredi après-midi, le réceptionniste du George Hotel de Crowley
12:26a vu deux personnes entrer ensemble et ressortir ensemble quelque temps plus tard.
12:32Mrs. Durand-Diccon et John George Egg.
12:34Il était entre 4 et 5 heures.
12:36Le même soir, à 7 heures moins le quart,
12:41Egg a dîné au restaurant du vieux prieret à Crowley.
12:45« Un œuf sur toast et une tasse de thé », précise le propriétaire.
12:48« Nous avons bavardé ensemble. »
12:50Il était seul.
12:52On sait maintenant à quoi correspond le reçu de teinturier trouvé dans le carton à chapeau à l'usine.
12:56C'est un manteau d'astracan, un manteau de dame.
13:01La pièce à conviction est saisie.
13:02Et la sœur de Mrs. Durand-Diccon le reconnaît formellement.
13:07Il appartient à la disparue.
13:11Après avoir lu un article dans le journal,
13:13un prêteur sur gâche s'est présenté spontanément dans la journée.
13:16Le samedi 19 février, un homme a apporté des bijoux.
13:19Il est repassé le 21 pour toucher l'argent.
13:21Cet homme, c'est John George Egg.
13:24Le soir du 26 février,
13:28le suspect est à nouveau convoqué au commissariat de Chelsea.
13:34Confortablement installé dans un fauteuil,
13:36il s'apprête à aider de son mieux la police.
13:39L'inspecteur en chef le fixe un moment en silence.
13:43Et puis, d'un bloc,
13:46il lui dit en détail où en est l'enquête
13:48et tous les indices qui ont été découverts.
13:54Alors, Egg se penche vers lui
13:57et dit simplement
13:59« Franchement, monsieur l'inspecteur,
14:04entre nous,
14:06quelle chance peut-on avoir
14:08de jamais sortir de Brawnmore ? »
14:14« Pour les Anglais, c'est le symbole même de la prison,
14:20l'équivalent de la santé pour les Parisiens. »
14:25« Quelle chance il peut avoir d'en sortir ? »
14:29C'est la seule question que posera John George Egg.
14:33Et puis, il va passer aux aveux,
14:35très courtoisement,
14:37« Gentleman jusqu'au bout des angles. »
14:39Nous possédons la transcription
14:41de toutes ces dépositions
14:42et la plus effrayante
14:45est certainement celle du 28 février.
14:49« Si je vous dis la vérité,
14:52vous ne me croirez pas, monsieur l'inspecteur.
14:55Elle est trop extraordinaire.
14:58Vous n'êtes pas obligé de parler selon la loi.
15:00Je vous remercie de votre avertissement,
15:03mais je veux dire la vérité.
15:06Et si ce durodicone a complètement disparu,
15:09vous ne la retrouverez jamais.
15:11Et d'ailleurs, vous ne pourrez jamais prouver
15:13qu'aucun crime n'ait jamais été commis.
15:17Effectivement, elle était au rendez-vous.
15:19Et nous sommes allés ensemble
15:20à Crowley pour cette histoire d'ongle artificielle.
15:23J'avais les clés de l'entrepôt.
15:25Et c'est là que nous nous sommes rendus
15:26après avoir quitté le George Hotel.
15:29Je lui ai donné à examiner
15:31un certain nombre de papiers.
15:32Pendant qu'elle y prêtait attention,
15:34je me suis approché d'elle avec le revolver
15:36et je l'ai abattu d'une balle dans la nuque.
15:39Puis, je suis allé prendre dans la voiture
15:42un gobelet et un canif.
15:44J'ai pratiqué une incision dans son cou
15:46et j'ai recueilli un verre de sang que j'ai bu.
15:49Ensuite, j'ai ôté son manteau d'astracan
15:51et ses bijoux, puis j'ai placé le corps
15:53dans une cuve d'une contenance de 160 litres.
15:57J'ai ensuite rempli la cuve
15:58en y déversant, au moyen d'une pompe,
16:01le contenu des bonbonnes.
16:04Que contenaient ces bonbonnes, M. Haig ?
16:07De l'acide sulfurique.
16:11Ensuite, M. Haig...
16:13Eh bien, ensuite, je suis allé prendre le thé
16:15au vieux prioret et bavarder un peu avec le patron.
16:17J'ai passé les jours suivants
16:19à vendre les bijoux,
16:20à faire nettoyer le manteau d'astracan
16:22et à venir de temps en temps
16:24contrôler la disparition du corps.
16:26Quand cela a été terminé,
16:28j'ai vidé le contenu de la cuve
16:29dans la cour de l'entrepôt.
16:31Il ne reste plus rien de...
16:34M. Durand-Dicone.
16:38L'inspecteur qui prend note
16:39de cette épouvantable déposition
16:40essaie au maximum de garder
16:42l'impassibilité britannique
16:44comme on le lui a enseigné
16:46à l'école de détective de Scotland Yard.
16:48Mais, comme vous,
16:51il a pu noter au passage
16:52certains points importants.
16:53D'abord, le criminel se trompe.
16:56Mme Durand-Dicone n'a pas totalement disparu.
16:58Les experts peuvent retrouver sa trace
17:00car un certain nombre de parties du corps
17:02ne sont pas attaquées par l'acide.
17:04En l'occurrence, l'examen minutieux
17:06de la répugnante matière
17:07répandue dans la cour de l'entrepôt
17:09permettra de retrouver des calculs.
17:11Vous savez, ces petites pierres
17:13que l'on a quelques fois dans les reins.
17:14Il y aura aussi le dentier
17:16de la disparue
17:17et la poignée en plastique rouge
17:19de son sac.
17:22Et puis, vous avez noté aussi dans ce récit
17:24l'incroyable détail du verre de sang.
17:29Le policier qui l'entend
17:31s'efforçant de ne pas réagir
17:33sait parfaitement qu'un criminel
17:34qui déclare se livrer
17:35à une cérémonie aussi aberrante
17:37ne peut être qu'un maniaque
17:39poursuivi par l'idée de tuer.
17:42Et le policier ne se trompe pas.
17:44« Deux jours plus tard,
17:47Egg demande à faire
17:49une nouvelle déposition. »
17:52Ce que je vous ai raconté
17:53n'est pas mon premier crime.
17:56En 1944,
17:58j'ai réglé son compte
18:00à William McSwan.
18:03La famille McSwan
18:04comptait au nombre de mes amis
18:06depuis de nombreuses années.
18:07Un soir, j'ai dîné
18:08avec le fils, William,
18:09et puis je l'ai amené
18:11dans un sous-sol
18:12que j'avais loué.
18:14Je l'ai assommé
18:14avec une matraque,
18:16puis j'ai fait couler
18:17de son cou
18:17un verre de sang
18:18que j'ai bu.
18:20Il a mis
18:20cinq minutes environ
18:21pour mourir.
18:23J'ai dissous son corps
18:24dans de l'acide sulfurique.
18:27Les parents de William
18:27étaient inquiets
18:28et je leur ai suggéré
18:31que leur fils
18:32avait peut-être
18:32disparu volontairement
18:33pour ne pas aller faire
18:35la guerre.
18:36Un peu plus tard,
18:37je suis allé en Écosse
18:37et j'ai envoyé à la famille
18:38des lettres rassurantes
18:40en imitant l'écriture
18:41de William.
18:42L'année suivante,
18:43j'ai conduit
18:44dans ce sous-sol
18:45le père, Donald,
18:46et la mère, Amy.
18:48Je les ai tués
18:49et fait disparaître
18:50de la même manière.
18:51Oh, attendez,
18:52je n'ai pas encore tout dit.
18:54Un jour,
18:55j'ai lu une annonce
18:56proposant une maison à vendre.
18:57C'est ainsi
18:58que j'ai fait
18:59la connaissance
18:59de M. et Mme Anderson.
19:01Je suis allé chercher
19:02M. Anderson
19:03à l'hôtel,
19:04à l'hôtel Métropole,
19:06à Brighton.
19:07C'est à l'usine de Crowley
19:08cette fois
19:08que j'ai conduit
19:09un matin M. Anderson
19:10et puis sa femme
19:11dans l'après-midi.
19:13Comme précédemment,
19:14à chaque fois,
19:14j'ai bu mon verre de sang.
19:17C'est cet atroce détail
19:19du verre de sang
19:19qui va permettre,
19:21chose incroyable,
19:22à John George Egg
19:23de bâtir sa défense.
19:26Ce verre de sang,
19:26loin de la capacité
19:27qui va peut-être
19:29être pour lui
19:30la chance,
19:32la seule chance
19:33de sauver sa tête.
19:35En effet,
19:36examinons ces divers crimes.
19:38Chacune des opérations
19:39qui les composent
19:40a été manifestement
19:42préméditée
19:43avec un grand soin.
19:44On retrouve même
19:45dans les papiers de Egg
19:46des comptes
19:47montrant qu'avant son forfait,
19:48il avait pendant deux jours
19:49rassemblé consciencieusement
19:51tous les instruments nécessaires.
19:52la cuve de 160 litres
19:54spécialement renforcée
19:55pour résister à l'acide,
19:57la commande des bonbonnes,
19:58la pompe spéciale
20:00qu'il avait même fait
20:01modifier pour qu'elle puisse
20:02plonger sans difficulté
20:03dans le goulot étroit
20:05de cette bonbonne,
20:06des gants caoutchouc,
20:07un tablier,
20:08des chiffons.
20:10On voit bien
20:10que la préméditation
20:12ne fait aucun doute.
20:14Or,
20:15en Angleterre,
20:15un meurtrier
20:18a une seule chance
20:19à peu près,
20:21à peu près sûre
20:22de sauver sa tête.
20:23Ce sont
20:24les règles
20:25de McNecton.
20:28Que disent
20:28ces règles ?
20:30L'accusé
20:31peut plaider
20:32la folie
20:33et être ainsi
20:35hors d'atteinte
20:36de la justice.
20:39Mais
20:39il lui revient
20:41la charge
20:42de prouver
20:42qu'il ne se rendait
20:45pas compte
20:45de ce qu'il faisait
20:46au moment
20:47du crime.
20:50Voilà pourquoi
20:51le verre de sang
20:53est un excellent début,
20:55une intelligente préparation
20:57à la future défense
20:59de Haig.
21:00Parti de là,
21:01loin d'essayer
21:01de revenir sur ses aveux
21:02ou de jouer les égarés,
21:04il va avouer
21:05d'autres crimes
21:06le plus possible
21:06et il va,
21:08méthodiquement,
21:09essayer
21:09d'en prouver
21:10la vérité.
21:11Oui,
21:12j'ai croisé
21:13un soir
21:13dans les rues
21:13de...
21:14Emmer Smith,
21:16une jeune femme
21:16que j'ai ensuite
21:17assassinée
21:18en temps voulu.
21:19Son nom,
21:19je ne le connais pas.
21:20Elle était mince
21:21et brune.
21:22C'est tout
21:22ce que je peux dire.
21:23Ensuite,
21:24ce fut un homme
21:24encore jeune,
21:25à peu près de ma taille
21:26et de ma carure,
21:27rencontré dans un cabaret
21:28et que j'ai attiré
21:29par ruse
21:30dans la cave
21:31que j'avais louée.
21:32Il y a eu aussi
21:33une fille
21:33qui m'avait accroché
21:34à Eastburn
21:34sur la promenade
21:35devant la mer.
21:37Elle,
21:37je l'ai plongée
21:37dans l'acide
21:38dans notre peau de crôler.
21:39Celle-là,
21:40je me souviens
21:41de son prénom,
21:41Mary.
21:43À chaque fois,
21:43j'ai bu leur sang.
21:45Aucune preuve
21:46de la véracité
21:47de ces trois crimes
21:48ne put être trouvée.
21:50Il présentait aussi
21:51une différence
21:52avec les six meurtres prouvés.
21:54Haig
21:54n'en aurait tiré
21:55aucun avantage pécuniaire.
21:57Or,
21:58c'est bien ceux-là
21:59qui le guidaient
22:00dans l'assassinat
22:01des Max One,
22:02des Andersons
22:02et même
22:03dans celui
22:05de Madame Durand-Dicone.
22:06Le faible bénéfice
22:07qu'il en avait tiré
22:08lui avait permis
22:08quand même
22:09de rembourser
22:09une petite dette
22:10concernant son loyer
22:11à l'hôtel.
22:12Tous ces éléments
22:13rendirent plus que difficile
22:15la tâche de son avocat
22:16qui plaida quand même
22:18la démence
22:19avec l'appui
22:20d'un seul témoin,
22:21un psychiatre.
22:22Celui-ci
22:23fit état
22:23des conversations
22:24qu'il avait eues
22:25avec le prisonnier
22:25au cours desquelles
22:26il avait appris
22:27qu'encore tout enfant,
22:29Haig
22:29avait eu des rêves
22:30sanglants
22:31et que depuis,
22:33il s'imaginait
22:34guidé par l'esprit saint
22:35qui lui commandait
22:36de boire
22:37des verres de sang.
22:39Haig
22:39était paranoïaque.
22:42Ce genre d'explication
22:43était déjà
22:43très à la mode
22:45chez les anglo-saxons,
22:45mais l'avocat général
22:47en détruisit
22:48toute la portée
22:49auprès des jurés
22:50par une seule
22:50petite question.
22:52Dites-moi,
22:53docteur,
22:54comment
22:54avez-vous eu
22:56connaissance
22:56de ces rêves
22:58sanglants ?
23:01Mais par l'accusé
23:03lui-même ?
23:05C'est tout
23:06ce que je voulais
23:07savoir.
23:08Il fut ensuite
23:09assez peu difficile
23:10de faire reconnaître
23:12au psychiatre
23:12que même
23:13si Haig
23:14était paranoïaque,
23:15il avait quand même
23:16assassiné en cachette,
23:17qu'il avait ensuite
23:18fait disparaître
23:19les corps,
23:20qu'il avait enfin
23:21aussi longtemps
23:21que possible
23:22dissimulé la chose
23:23à la police.
23:24C'est donc
23:24qu'il craignait
23:25d'être poursuivi.
23:26S'il craignait
23:27d'être poursuivi,
23:28c'est qu'il savait
23:29que ses gestes
23:30étaient répréhensibles
23:31aux yeux de la loi anglaise.
23:32Peut-être pas aux yeux
23:33de l'esprit
23:33qu'il guidait,
23:34mais de la loi,
23:35si.
23:36Donc,
23:36aux yeux de cette loi,
23:37il était coupable.
23:41John George Haig
23:42fut condamné
23:44à mort.
23:46Mais,
23:47malgré la démystification
23:48apportée à son personnage
23:50de vampire
23:50par le plaidoyer
23:52de l'avocat général
23:53et par le verdict lui-même,
23:55le public
23:56a quand même
23:56voulu oublier cela
23:58et construire
23:59autour de Haig
24:00une sorte
24:02de légende
24:03qui en fasse
24:04un fou,
24:05un monstre,
24:07c'est tellement
24:07plus rassurant.
24:09Oui.
24:11Mais,
24:11s'il était fou,
24:13au fait,
24:15le rendre
24:15sain d'esprit,
24:17c'était tellement
24:18plus pratique.
24:18vous venez d'écouter
24:39les récits extraordinaires
24:40de Pierre Bellemare,
24:42un podcast
24:43issu des archives
24:44d'Europe 1.
24:45Réalisation
24:46et composition
24:47musicale,
24:48Julien Tarot.
24:49Production,
24:50Estelle Lafon.
24:52Patrimoine sonore,
24:53Sylvaine Denis,
24:54Laetitia Casanova,
24:56Antoine Reclus.
24:57Remerciements
24:58à Roselyne Bellemare.
25:00Les récits extraordinaires
25:01sont disponibles
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25:03et l'appli
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