Passer au playerPasser au contenu principal
  • il y a 22 heures
Il y a dix ans, le 13 novembre 2015, la France était frappée par les attentats les plus meurtriers de son histoire contemporaine.Après une décennie de lutte contre le terrorisme - marquée par la défaite de l'État islamique en Syrie, mais aussi par l'attentat du 14 juillet 2016 à Nice et les assassinats des professeurs Samuel Paty et Dominique Bernard - l'heure est au bilan : la France est-elle encore menacée par le terrorisme islamiste ? L'arsenal judiciaire et sécuritaire français est-il est à la hauteur des nouvelles formes que prend la menace terroriste ? Avons-nous enrayé la radicalisation à l'intérieur de nos frontières ? Sommes-nous la cible l'État islamique au Khorassan, branche régionale de Daesh recomposée en Asie centrale ?Pour répondre à ces questions, Jean-Pierre Gratien reçoit Anne-Clémentine Larroque, chercheuse spécialiste de l'islamisme, Jean-François Ricard, procureur de la République antiterroriste entre 2019 et 2024 et Vincent Nouzille, journaliste d'investigation.LCP fait la part belle à l'écriture documentaire en prime time. Ce rendez-vous offre une approche différenciée des réalités politiques, économiques, sociales ou mondiales....autant de thématiques qui invitent à prolonger le documentaire à l'occasion d'un débat animé par Jean-Pierre Gratien, en présence de parlementaires, acteurs de notre société et experts.

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00:00Générique
00:00:01...
00:00:16Bienvenue à tous dans Débat d'Og.
00:00:18Voilà 10 ans, l'État islamique visait la France au cœur avec les attentats du 13 novembre.
00:00:23Une soirée d'horreur et de sang, comme va nous le rappeler le documentaire exclusif
00:00:27qui va suivre Vendredi Noir, réalisé par Daniel Psény et Franck Zalert.
00:00:32Je vous laisse le découvrir et je vous retrouverai juste après sur ce plateau
00:00:36en compagnie du magistrat Jean-François Ricard, de l'historienne Anne-Clémentine Larocque
00:00:41et du journaliste Vincent Nouzille.
00:00:44Avec eux, nous chercherons à savoir si la menace terroriste djihadiste
00:00:48est encore et toujours à l'ordre du jour en France.
00:00:51Bon doc.
00:00:57C'est un petit clavier.
00:01:19Tu sens ma nervosité ?
00:01:34On dit qu'on peut y aller.
00:01:36Est-ce que tu acceptes de revoir la vidéo que j'ai tournée le soir de l'attentat ?
00:01:49Oui.
00:01:59Ah bah oui.
00:02:02J'ai toujours pas revu.
00:02:03C'est l'intégrale ?
00:02:04Ouais.
00:02:06Il y a le son ou il n'y a pas le son ?
00:02:07Il y a le son sur l'endroit aussi.
00:02:08Je peux le couper ?
00:02:10Bien sûr.
00:02:11En fait, j'ai toujours pas osé regarder cette vidéo avec le son.
00:02:14Le son me procure un truc que j'aime pas du tout en fait.
00:02:20Tu me dis quand je peux y aller ?
00:02:22S'il vous plaît, qu'est-ce qui se passe ?
00:02:41Hein ?
00:02:43Putain.
00:03:05Putain.
00:03:06Putain.
00:03:07Putain.
00:03:09Putain.
00:03:10Putain.
00:03:11Putain.
00:03:12Putain.
00:03:13Putain.
00:03:14Putain.
00:03:15Putain.
00:03:16Putain.
00:03:17Putain.
00:03:18Putain.
00:03:19Putain.
00:03:20Putain.
00:03:21Putain.
00:03:22Putain.
00:03:23Ça vous dérange si je coupe ?
00:03:26Bon.
00:03:27Je crois que j'allais pas regarder en entier.
00:03:30Depuis un moment.
00:03:34Bon, c'est dur.
00:03:38C'est dur.
00:03:41C'est dur.
00:04:08Bonjour.
00:04:09Bon réveil à tous.
00:04:10Bienvenue sur France Culture ce vendredi, 13 novembre, c'est la journée de la gentillesse.
00:04:23Il fera cet après-midi 14 degrés sur la région parisienne, donc ça reste relativement doux pour la saison, mais avec quand même pas mal de nuages.
00:04:33Eagles of Death Metal, c'est pas vraiment du hard rock, c'est gentil. En tout cas, ils seront en concert au Bataclan à Paris.
00:04:42La journée du 13 novembre 2015, je ne me rappelle plus vraiment de la journée.
00:04:47J'étais à Paris pour la seule fois de l'année. Je suis un provincial qui vient très occasionnellement.
00:04:58Je me souviens avoir dit à mes collègues que j'avais un concert, que ça allait être cool.
00:05:04On avait réservé nos billets il y a un moment avec ma meilleure amie avec qui je faisais tous mes concerts.
00:05:11Et les Eagles of Death Metal faisaient partie des groupes qu'on adorait.
00:05:15Je les avais vus à rock en scène et ça n'avait pas été un super concert pour moi, parce que ce n'était pas les bonnes conditions.
00:05:25Donc je me dis là, ça va être la revanche, on va vivre le concert dans une salle mythique.
00:05:32Moi, je n'avais pas très envie en vrai d'y aller. C'est ma femme qui a insisté ici, on y va, j'ai envie de les voir, je les ai été sûrs.
00:05:37On est rentrés, on a briefé un peu la baby-sitter avant d'y aller.
00:05:45Et sur la moto, je disais, t'es sûr, tu ne veux pas qu'on aille au resto tranquille et tout ?
00:05:49Je me disais, non, non, j'ai envie de les voir.
00:05:51J'ai rejoint Magali, du coup, devant le Bataclan, on s'est retrouvés, ils faisaient chaud ce jour-là.
00:05:59Je me souviens, en arrivant au Bataclan, me dire, mince, j'ai presque pas envie de faire un concert.
00:06:04Je voyais les gens en terrasse manger leurs burgers et ça me faisait envie, en fait.
00:06:12En rentrant, je me dis, je vais vraiment profiter du concert.
00:06:16Je vais vraiment rester devant la scène.
00:06:18On envisage la fosse un moment et puis après, je me dis, c'est Eagles of Death Metal.
00:06:22Je suis enceinte, ça va pogoter, on va peut-être la jouer tranquille.
00:06:26Donc, on monte, en effet, au balcon.
00:06:34Le concert démarre.
00:06:42Grosse musique, gros son.
00:06:44Franchement, le groupe est une très bonne prod.
00:06:46Ça sonne bien, quoi.
00:06:47Moi, je fais beaucoup de concerts.
00:06:49Et le public parisien, je le connais.
00:06:52Généralement, quand tu cries un peu trop fort, les gens, ils te regardent.
00:06:54Là, c'était le feu, c'était le bordel.
00:06:56On est en train, c'est un concert extraordinaire.
00:07:03On rentre dans le Pogo, c'est-à-dire en plein milieu, vraiment à 10 mètres de la scène, centre de la fosse.
00:07:14J'étais bien parce qu'il y avait une très bonne ambiance, mais j'étais pas tranquille et je saurais jamais pourquoi.
00:07:26Je me dis, putain, mais c'est qui les boulets qui lancent des pétards dans une salle de concert, quoi.
00:07:43Genre, le respect est mort, quoi.
00:07:45Ça va très vite dans mon cerveau.
00:07:47Je me dis, tiens, la pompe à bière a explosé.
00:07:49Tiens, il y a des ballons.
00:07:50On regarde les projos.
00:07:52Tiens, est-ce que c'est un projecteur qui a éclaté ?
00:07:55Pourquoi ? Je sais pas.
00:08:00Mais à ce moment-là, quasiment, vraiment dans l'instant, j'ai pris ma copine.
00:08:06Je nous ai mis au sol.
00:08:07Et là, d'un coup, en fait, on se retrouve par terre, quoi.
00:08:10Et il y a eu un espèce de mouvement de panique où toute la salle s'est couchée comme d'un seul homme.
00:08:16On a pris les premières vagues sur nous, des gens qui se faisaient tirer dessus.
00:08:20Et on est très vite tombés à terre.
00:08:23J'ai essayé de rattraper ma femme comme je pouvais dans la cohue.
00:08:25On s'est fait recouvrir par les gens.
00:08:28Et là, en fait, tu vois qu'il y a d'autres mecs qui sont en train de tirer sur d'autres mecs.
00:08:31Et moi, je me souviens que mon cerveau, il était en mode, ce qui est en train de se produire n'est pas possible.
00:08:43On se dit, c'est pas possible.
00:08:45Enfin, si vraiment, c'est ce qu'on croit, parce que tout le monde est un petit peu sous le choc.
00:08:50Ma femme, elle a capté tout de suite.
00:08:52Elle a capté tout de suite que des gens voulaient à notre vie.
00:08:55Alors que moi, j'ai mis longtemps.
00:08:57Enfin, je pense, après, le temps est tellement étiré dans ces cas-là.
00:09:01Et en fait, j'ai eu besoin de dire à mon ex plusieurs fois.
00:09:12Mag, c'est des vrais gens avec des vraies mitraillettes.
00:09:14Je me souviens de cette phrase.
00:09:15Bon, je l'entends la phrase, mais en fait, c'est un scénario de film.
00:09:21On s'est parlé avec ma femme.
00:09:23Je lui ai dit que je l'aimais.
00:09:24Elle m'a dit, je veux pas mourir, je veux voir les enfants.
00:09:27Et il y a une sorte de bousculement de pensée.
00:09:32Mince, il y a mon chat à la maison.
00:09:33Et puis, non, je peux pas mourir là.
00:09:36Si je meurs là, ma mère se remettra jamais.
00:09:40Pendant ce temps-là, il passait autour de nous.
00:09:43Il y avait un énorme silence.
00:09:44Il tirait sur les gens.
00:09:46Il finissait les gens.
00:09:47On les entendait marcher, en fait.
00:09:48Ça sentait la poudre, le son de la calage dans le corps.
00:09:58On le ressentait vraiment à côté de nous, je pense, au-dessus.
00:10:01Il y avait des gens qui étaient allongés au sol.
00:10:04Il y avait du sang.
00:10:06Il y avait des cris.
00:10:07Il y avait les tirs.
00:10:08Il y avait l'odeur qui était horrible.
00:10:10C'était assez ouf comme truc.
00:10:16Après, une fois qu'il a arrêté de tirer,
00:10:18quand ils passaient entre nous,
00:10:20j'entendais beaucoup de souffrance.
00:10:21C'est des trucs que j'oublierai jamais.
00:10:23C'est des cris et des halaides,
00:10:27des gens qui souffraient.
00:10:30Je me souviens que je voulais pas les regarder
00:10:31parce que j'avais peur.
00:10:33Et parce que j'avais peur, en fait,
00:10:34qu'en croisant leur regard,
00:10:36c'est à ce moment-là qu'ils allaient me tirer dessus.
00:10:37Et je me disais, tant que je croise pas leur regard,
00:10:39ça va aller.
00:10:45En fait, je les entendais parler en français.
00:10:47Comme toi et moi.
00:10:51Donc, je sais pas pourquoi,
00:10:53je me suis toujours dit qu'ils parleraient
00:10:54en rebeu si c'était des terroristes.
00:10:56Mais c'est complètement con.
00:10:58Il y a des gens qui avaient la lucidité
00:11:00de se dire, OK, ils sont en train de recharger,
00:11:02on y va maintenant.
00:11:03Et moi, en fait, j'étais paralysé.
00:11:08Enfin, genre terrorisé au sens premier du terme, en fait.
00:11:10Moi, le déclic réel, ça a été de voir face à moi,
00:11:17la personne à ma gauche suffoquer,
00:11:20cracher du sang, s'étouffer comme ça.
00:11:23Et à ce moment-là, mon instinct m'a dit de ramper, en fait.
00:11:26Moi, j'ai aperçu tout le monde s'engouffrer vers la sortie.
00:11:32Je me suis levé avec ma femme.
00:11:34Et elle, elle a été tétanisée.
00:11:35Elle est restée complètement par terre.
00:11:38Moi, j'avais le bras tendu et j'étais debout comme ça,
00:11:40avec un silence incroyable.
00:11:42Et j'étais genre un lapin, quoi.
00:11:45J'aurais pu vraiment me faire tirer dessus.
00:11:47Je sais que j'ai un gros noir.
00:11:50J'ai couru vers la sortie.
00:11:55Quand je reprends mes esprits,
00:11:57je patouche dans le sang qu'il y a au niveau des toilettes.
00:12:04On s'approchait des sorties de secours
00:12:05et il y avait des corps, en fait,
00:12:09qu'il fallait enjambler.
00:12:10Donc, on s'est mis à quatre pattes.
00:12:11Je rampe en m'accrochant au sac,
00:12:14à une épaule, pour essayer d'avancer, quoi.
00:12:19Et c'est effectivement en levant le bassin pour ramper
00:12:21que j'ai pris la balle dans le nerciatique, du coup, de la jambe.
00:12:30J'ai pris une balle par l'arrière de la cuisse.
00:12:33Le point d'entrée est un tout petit trou, en fait,
00:12:35juste du diamètre de la balle.
00:12:37Et le point de sortie, par contre,
00:12:38c'est un truc comme ça au niveau de ma cuisse, en fait.
00:12:41Et ça a tapé l'os.
00:12:42Et mon os, il a éclaté en mille morceaux.
00:12:48La douleur était hallucinante.
00:12:51Je ne pensais pas qu'on pouvait avoir mal à ce point-là.
00:12:54Et je me souviens de cette sensation très particulière
00:12:57de voir la balle à travers ma peau.
00:12:59La balle qui était intacte,
00:13:01que l'on voyait par transparence,
00:13:02juste sous ma peau, à l'avant de la cuisse.
00:13:05Ma jambe, je ne la sens plus.
00:13:06C'est devenu un poids mort.
00:13:07C'est une enclume qui brûle
00:13:09avec une sensation de brûlure vraiment énorme.
00:13:11Donc je me relève et j'essaye de tirer par les bras
00:13:14mon ex-compagnon pour qu'au moins,
00:13:15il sorte de cette salle.
00:13:20Je me souviens que les portes des sorties de secours,
00:13:23elles étaient grandes ouvertes
00:13:25parce que les gens étaient tombés par terre,
00:13:27en fait, et elles maintenaient les portes ouvertes.
00:13:29et donc je me souviens de passer par-dessus,
00:13:34des roulades,
00:13:35enfin, c'était hyper flou, en fait,
00:13:36dans ma tête, quoi.
00:13:38Et après, je me retrouve dehors,
00:13:41dans la rue,
00:13:46à côté du trottoir,
00:13:47à plat ventre.
00:13:54Et c'est là où je commence effectivement
00:13:55à crier,
00:13:57à appeler Ruben,
00:13:58parce qu'il est dans l'axe des tirs,
00:13:59parce qu'il se fait marcher dessus.
00:14:01Et à partir de ce moment-là,
00:14:14de toute façon,
00:14:14je vais hurler,
00:14:15je crois,
00:14:15pendant quatre heures à peu près,
00:14:17pour être sûre de...
00:14:19Déjà,
00:14:19pour qu'on nous sauve de la rue.
00:14:23C'est mon mec,
00:14:24c'est mon mec !
00:14:25Attention, attend !
00:14:26Mettez-le !
00:14:29Mettez-le !
00:14:30Mettez-le !
00:14:31Mettez-le, s'il vous plaît !
00:14:32Mettez-le !
00:14:33Mettez-le !
00:14:33Mettez-le !
00:14:35Mettez-le !
00:14:36Mettez-le !
00:14:36Mettez-le !
00:14:37Mettez-le !
00:14:38Mettez-le !
00:14:39Mettez-le !
00:14:40Dans mon souvenir,
00:14:41c'est une ambiance plombée.
00:14:44C'est...
00:14:44Il y a quelques hurlements,
00:14:46mais par rapport au nombre de gens qu'on était,
00:14:48c'est plutôt cette agonie silencieuse.
00:14:50Mettez-le !
00:14:51Mettez-le !
00:14:52Mettez-le !
00:14:53Mettez-le !
00:14:54Mettez-le !
00:14:55Mettez-le !
00:14:56Mettez-le !
00:14:57Mettez-le !
00:14:58Mettez-le !
00:14:58Mettez-le !
00:15:00Mettez-le !
00:15:00Mettez-le !
00:15:00Quand je reprends mes esprits,
00:15:01je suis, bah, rue,
00:15:03la rue Hamelot, là,
00:15:03passage Hamelot,
00:15:04mais je suis sans ma femme, quoi.
00:15:06Et en fait,
00:15:07au bout d'un moment,
00:15:07j'entends,
00:15:08« Je suis là ! »
00:15:09« Je suis là, bébé, je suis là ! »
00:15:11« C'est là ! »
00:15:13« C'est là ! »
00:15:14« C'est là ! »
00:15:15Et en fait,
00:15:15ma femme,
00:15:16elle était passée devant moi
00:15:17sans que je la voie,
00:15:19avec un groupe sûrement.
00:15:21Donc,
00:15:21je me retourne et elle est là,
00:15:23dehors.
00:15:25C'est incroyable
00:15:26ce qui se passe là,
00:15:27dans ma tête.
00:15:38Je la rejoins
00:15:39et je la prends dans mes bras.
00:15:40Et là,
00:15:41mon cœur,
00:15:41il explose de joie.
00:15:42C'est un truc de fou,
00:15:43ce qui se passe.
00:15:45C'est...
00:15:46C'est...
00:15:47C'est un...
00:15:48C'est un gros,
00:15:49je crois pas bon.
00:15:50Ouais, c'est...
00:15:54C'était...
00:15:57C'est assez intense.
00:15:59Je savais que j'allais chouiner.
00:16:00Lorsque j'ai entendu
00:16:14les coups de Kalachnikov
00:16:16qui continuait
00:16:17à pétarader
00:16:19dans la salle,
00:16:21là,
00:16:21je décide
00:16:21de ne pas sortir
00:16:22du Bataclan.
00:16:23Ça a été ça,
00:16:24le drame.
00:16:25C'est-à-dire que je suis monté
00:16:26à l'étage.
00:16:27Et là,
00:16:29je me suis retrouvé
00:16:30coincé encore plus.
00:16:34Avec ma copine,
00:16:35on se retrouve
00:16:35dans une espèce de loge
00:16:36avec un canapé
00:16:37et puis dans cette loge,
00:16:40une autre porte
00:16:41qui donne sur des toilettes.
00:16:43Et donc,
00:16:44on s'enferme
00:16:44dans les toilettes
00:16:45et les bruits
00:16:48de pétards continuent.
00:16:52Je casse le plafond,
00:16:54le faux plafond
00:16:55et je me rends compte
00:16:56qu'il n'y a pas la place
00:16:57de s'y planquer,
00:16:58qu'il n'y a pas assez de fond.
00:17:01Et donc là,
00:17:01on se regarde
00:17:02et là,
00:17:03il y a un moment suspendu.
00:17:05On ne se dit rien.
00:17:07Et dans notre regard,
00:17:09c'était...
00:17:11A priori,
00:17:14c'est la fin.
00:17:18On reprend nos esprits
00:17:19et on se dit
00:17:21mais on n'est pas du tout
00:17:22suffisamment...
00:17:23On ne s'est pas sécurisé
00:17:24là où on est.
00:17:26Donc,
00:17:27on ressort des toilettes
00:17:28et moi,
00:17:30dans ma tête,
00:17:30j'avais le souvenir
00:17:31de cette fenêtre.
00:17:35La fenêtre était...
00:17:37était ouverte,
00:17:38mais elle était
00:17:39bien trop haute
00:17:39pour que je puisse
00:17:40me permettre
00:17:41de sauter.
00:17:42J'ai évalué
00:17:43les possibilités
00:17:44de m'accrocher
00:17:45en considérant ça.
00:17:47C'était soit la paraplégie,
00:17:48soit la mort.
00:17:50Donc,
00:17:51je choisis
00:17:52à ce moment-là,
00:17:53troisième cachette illusoire,
00:17:55d'essayer de sortir
00:17:56de cette fenêtre
00:17:57sans m'évacuer
00:17:58du Bataclan.
00:18:04Quand je suis sur la fenêtre,
00:18:05c'est la deuxième fois
00:18:06où je me dis
00:18:06que je vais mourir.
00:18:09La première fois,
00:18:10c'était dans la fosse
00:18:11où j'ai senti
00:18:12des balles siffler
00:18:13au-dessus de ma tête
00:18:14où il y a des personnes
00:18:15qui sont mortes
00:18:16à côté de moi.
00:18:17Et la deuxième fois,
00:18:18c'est quand je me dis
00:18:18que la seule manière
00:18:20de sortir du Bataclan,
00:18:21ce sera les pieds devant
00:18:22puisque soit je me lâche
00:18:24de cette fenêtre
00:18:25ou soit les terroristes
00:18:27vont me le découvrir
00:18:28et auquel cas,
00:18:30je ne vois pas
00:18:31pourquoi ils m'épargneraient
00:18:31plus qu'un autre.
00:18:36Dans mon esprit,
00:18:37on n'était qu'au premier balcon.
00:18:39Donc, en fait,
00:18:39je me suis dit
00:18:39que ce n'était pas très haut,
00:18:40c'est un premier étage.
00:18:42J'enjambe la barrière
00:18:45et je descends
00:18:49pour essayer
00:18:50d'être un peu plus proche
00:18:51du sol,
00:18:51je me suspends.
00:18:56Et en fait,
00:18:57à ce moment-là,
00:18:57je me rends compte
00:18:57que c'est beaucoup trop haut.
00:19:02Il y avait des poubelles
00:19:03d'immeubles
00:19:04et dans ma tête,
00:19:04je me disais
00:19:04rapprocher une poubelle,
00:19:05ça va amortir ma chute.
00:19:09Et j'entends des gens
00:19:09qui s'excusent,
00:19:10qui disent
00:19:11« Je suis désolée,
00:19:11je ne peux pas,
00:19:12ça tire, ça tire. »
00:19:15Et en fait,
00:19:17je pense que je n'avais pas
00:19:17pris conscience
00:19:18de ce qui se passait
00:19:18sous moi
00:19:19dans cette impasse.
00:19:25Et en effet,
00:19:26il y a eu un moment,
00:19:27un temps qui s'est arrêté
00:19:29et je regarde
00:19:29et en effet,
00:19:30je vois des gens
00:19:30allongés,
00:19:34blessés,
00:19:35qui ne bougent plus.
00:19:41et puis un moment
00:19:42de flottement
00:19:42où il n'y a plus de cris,
00:19:47plus de hurlements,
00:19:50grand moment de silence
00:19:52et je vois des gens
00:19:54cachés
00:19:55sous des portes cochères
00:19:56et j'interpelle les gens
00:20:02en disant
00:20:03« Aidez-moi, aidez-moi,
00:20:06je vais tomber. »
00:20:08Le moment où je dis
00:20:16que je suis enceinte,
00:20:19je culpabilise vachement
00:20:21parce que je me dis
00:20:22« Ah putain,
00:20:24tu joues sur un truc ? »
00:20:25Enfin,
00:20:28oui,
00:20:28j'ai culpabilisé
00:20:29d'avoir dit ça.
00:20:31Elle le disait tellement fort
00:20:32que je crois
00:20:33que tout le passage
00:20:33à Blou
00:20:34a dû l'entendre.
00:20:36Et donc,
00:20:36je relève la tête
00:20:37et là je vois
00:20:38sur la corniche
00:20:41en haut à ma droite
00:20:43deux personnes.
00:20:49Quand je vois
00:20:49la femme enceinte
00:20:51qui a fait le même calcul
00:20:53que moi,
00:20:54c'est-à-dire
00:20:54qu'elle voulait sauter
00:20:54de la fenêtre,
00:20:56je me dis
00:20:56« Quel courage ! »
00:20:57Elle doit être bien désespérée
00:20:58pour tenter
00:20:59quelque chose comme ça.
00:21:00Je crois que je dis
00:21:05« Aidez-moi,
00:21:07je vais lâcher,
00:21:07je vais lâcher,
00:21:08je ne tiens plus. »
00:21:10C'est à ce moment-là
00:21:22que je re-rentre
00:21:24dans le Bataclan
00:21:24en me disant
00:21:25que sa vie
00:21:27était la priorité.
00:21:32Sur le coup,
00:21:33je me dis
00:21:33« Ça va être compliqué
00:21:34parce que déjà,
00:21:37moi,
00:21:37je n'ai qu'un bras
00:21:37parce que je ne peux pas
00:21:38lui donner les deux
00:21:40parce que l'autre
00:21:40doit servir d'appui.
00:21:43Et puis mon bras,
00:21:43j'ai l'impression
00:21:44qu'il va se disloquer
00:21:45sous le poids
00:21:46d'une personne
00:21:47totalement dans le vide.
00:21:48« Seb,
00:21:51il me tend une main
00:21:52que je saisis. »
00:21:54« Et donc,
00:21:54elle me met
00:21:54ses deux bras
00:21:55autour du mien,
00:21:57de mon avant-bras.
00:21:59Et là,
00:22:00c'est une force
00:22:00surhumaine
00:22:01parce que
00:22:02l'adrénaline
00:22:03a dû jouer son jeu,
00:22:04je pense. »
00:22:07« Il me hisse
00:22:08et moi,
00:22:08je tire
00:22:09et j'arrive
00:22:10à remonter
00:22:11et à rejamber
00:22:11la rambarde
00:22:12et à me retrouver
00:22:13à l'intérieur.
00:22:14J'arrive à la retirer
00:22:15comme ça,
00:22:16d'un coup.
00:22:17Et je me souviens
00:22:18qu'on se regarde
00:22:19à ce moment-là
00:22:19et qui me dit
00:22:21« Waouh,
00:22:21mais t'es vachement forte. »
00:22:24Et puis là,
00:22:26il y a quelques secondes,
00:22:29je ne sais pas
00:22:30ce qu'il fait.
00:22:31Et ensuite,
00:22:32elle a disparu.
00:22:34Elle s'est volatilisée.
00:22:36Mais c'est vrai
00:22:37qu'à ce moment-là,
00:22:38j'avais deux vies
00:22:39entre mes mains.
00:22:41Et finalement,
00:22:43c'était,
00:22:44je pense,
00:22:44symboliquement fort
00:22:45qu'il se passe
00:22:46cette action
00:22:48avant que je sois
00:22:50pris en otage.
00:22:55Bonsoir.
00:22:56Et un journal consacré
00:22:57ce soir
00:22:58à des fusillades
00:22:59dans le centre de Paris.
00:23:01La préfecture annonce
00:23:01au moins 18 morts.
00:23:03Le bilan n'est pas
00:23:03encore définitif.
00:23:04« Je me souviens
00:23:07d'être
00:23:08dans un état second. »
00:23:13C'était un état de choc.
00:23:17Et j'ai mal.
00:23:18J'ai super mal.
00:23:19Et j'ai froid.
00:23:21J'ai peur.
00:23:22Je me souviens
00:23:26de penser
00:23:27horrible.
00:23:29J'ai envie
00:23:30que ça s'arrête.
00:23:31J'ai envie
00:23:31de ne plus avoir mal.
00:23:32Tant pis
00:23:33si je m'endors
00:23:33à ce moment-là.
00:23:38À ce moment-là,
00:23:38on habite
00:23:39juste à côté
00:23:40du Bataclan.
00:23:40on a entendu
00:23:43des tirs.
00:23:45Je me suis dit
00:23:46que c'était des tirs.
00:23:47Je l'ai dit
00:23:48à Xavier
00:23:48et qu'il ne m'a pas cru.
00:23:51On a ouvert la fenêtre.
00:23:52On a vu
00:23:52ces gens
00:23:53qui couraient.
00:23:55J'ai demandé
00:23:55ce qui se passait
00:23:56en fait.
00:23:58Et des personnes
00:23:59ont répondu.
00:24:01Ils nous ont dit
00:24:01qu'ils s'étaient
00:24:02fait tirer dessus.
00:24:05Qu'il fallait les aider.
00:24:07Écoute,
00:24:08Président !
00:24:08Hein ?
00:24:09Je sais que
00:24:15quand je vois
00:24:15tous ces gens,
00:24:16je me dis
00:24:17moi aussi,
00:24:17il faut que je descende.
00:24:21Je dis à Aurore,
00:24:23il faut que je fasse
00:24:23quelque chose.
00:24:24Il faut que j'aille
00:24:25aider les gens.
00:24:26Je descends.
00:24:30Xavier est allé
00:24:30dans la rue
00:24:31pour aider
00:24:32les personnes
00:24:33qui ne pouvaient
00:24:35pas marcher.
00:24:35C'est mes sauveurs.
00:24:40Ce sont nos sauveurs
00:24:41de cette soirée-là.
00:24:43Moi, je ne peux pas
00:24:44me dire
00:24:44qu'il y a des personnes
00:24:45qui sont probablement
00:24:46au bas de l'immeuble
00:24:46qui sont en danger de mort
00:24:48et ne pas tout faire
00:24:49pour les sauver.
00:24:53Quand je sors,
00:24:54je tourne la tête
00:24:55vers l'entrée
00:24:56du Bataclan
00:24:57et moi,
00:24:58dans mon esprit,
00:25:01je n'ai pas
00:25:01l'impression
00:25:01d'être dans une
00:25:02zone de guerre,
00:25:04en fait.
00:25:08Je me souviens
00:25:09assez clairement
00:25:10de Ruben.
00:25:12Je sais que
00:25:12je le traîne.
00:25:13On me traîne
00:25:18sur, je ne sais pas,
00:25:2020 mètres,
00:25:21peut-être 30 mètres,
00:25:23jusqu'à devant
00:25:25un immeuble
00:25:25qui a une vingtaine
00:25:28de mètres
00:25:28de la sortie
00:25:29de secours
00:25:29du Bataclan.
00:25:32Quand j'ai vu
00:25:33que deux personnes
00:25:34prenaient Ruben
00:25:35par les bras
00:25:36pour le tirer
00:25:37au sol,
00:25:38au milieu de la route,
00:25:39jusqu'à leur immeuble,
00:25:41à ce moment-là,
00:25:41c'est l'énorme soulagement
00:25:42de se sentir à l'abri,
00:25:44en fait.
00:25:45Ça, c'est le premier
00:25:46soulagement réel,
00:25:47c'est de se dire
00:25:47« Waouh, je suis en vie, là ! »
00:25:50Il y a une fusillade !
00:25:53C'est lourd !
00:25:55Ah, attends !
00:25:55Fisez-vous,
00:25:56fisez-vous !
00:25:56Ah, c'est lourd !
00:25:58Ah, c'est lourd !
00:26:01C'est lourd, c'est lourd !
00:26:03C'est lourd, c'est lourd !
00:26:05William, c'est Xavier
00:26:07qui me soulève,
00:26:08ils me prennent
00:26:09sur leurs épaules.
00:26:10On passe les portes d'entrée,
00:26:11moi, je marche comme je peux
00:26:13sur une jambe,
00:26:14enfin, voilà, quoi.
00:26:16On a pris l'ascenseur
00:26:17et ensuite,
00:26:18ils me déposent
00:26:19chez eux,
00:26:20à leur étage, quoi.
00:26:23Toutes les personnes
00:26:24qui étaient valides,
00:26:26je les ai fait
00:26:28entrer dans le salon.
00:26:29Magali était dans la cuisine,
00:26:31Ruben était dans le couloir.
00:26:32Il y avait un autre mec
00:26:33blessé
00:26:34avec une balle dans le dos
00:26:35qui était dans les toilettes,
00:26:38je crois.
00:26:38Magali était à côté de moi
00:26:40dans le couloir,
00:26:40elle ne pouvait plus bouger
00:26:41non plus.
00:26:42Et après,
00:26:42il y avait tous les autres
00:26:43qui n'étaient pas blessés
00:26:44mais qui venaient aussi
00:26:45du Bataclan.
00:26:46Comme si je me réveillais
00:26:47de ma torpeur,
00:26:48je vois qu'il y a
00:26:50peut-être une dizaine,
00:26:51peut-être une quinzaine
00:26:52de personnes
00:26:53dans l'appartement.
00:26:57Il y avait énormément,
00:26:58énormément de sang,
00:27:00il était impossible
00:27:00de savoir
00:27:01à quel point
00:27:03ils étaient touchés,
00:27:03en fait.
00:27:03Quand j'étais allongé
00:27:06par terre
00:27:07et que je perdais du sang,
00:27:08elle était en mode
00:27:09« Attends,
00:27:09j'ai un trou dans le ventre. »
00:27:11Et en général,
00:27:11quand tu as un trou dans le ventre,
00:27:14ce n'est pas très bon au cœur.
00:27:17Il y avait une médecin
00:27:18qui était là,
00:27:19en fait,
00:27:19dans l'appartement
00:27:21et qui m'a dit
00:27:23un truc qui m'a vachement rassuré.
00:27:25En fait,
00:27:25là,
00:27:26si tu n'as pas
00:27:27de grosses veines
00:27:29ou de grosses artères
00:27:29qui est touchées,
00:27:30sinon tu te serais vidé
00:27:31de son sang
00:27:31et tu serais déjà mort.
00:27:33J'ai essayé
00:27:35de m'occuper un peu
00:27:35des blessés,
00:27:36j'allais voir
00:27:36si tout allait bien.
00:27:38Je restais un petit moment
00:27:39avec chaque blessé.
00:27:40À un moment donné,
00:27:42j'ai proposé de l'alcool
00:27:43aux personnes
00:27:44qui étaient là
00:27:44pour les aider
00:27:45un peu
00:27:46à surpasser tout ça.
00:27:51Un des hommes
00:27:52qui étaient là
00:27:52voulait en découdre,
00:27:54en fait,
00:27:54il a vu une batte
00:27:55de baseball
00:27:55à l'entrée chez nous.
00:27:57Il voulait descendre
00:27:57avec sa batte de baseball
00:27:58et en fait,
00:27:59sa meuf lui disait
00:27:59« Mais mec,
00:28:00qu'est-ce que tu vas faire
00:28:01avec une batte de baseball
00:28:01contre une calache ? »
00:28:03Alors vous l'avez dit,
00:28:04le bilan est très provisoire.
00:28:0615 morts au Bataclan,
00:28:0718 morts selon la préfecture
00:28:09et il y aurait
00:28:10une crise d'otages en cours.
00:28:12La police,
00:28:12en tout cas,
00:28:13a bouclé le périmètre.
00:28:16Au premier étage
00:28:18du Bataclan,
00:28:19en face de moi,
00:28:21il y a quelques marches
00:28:22avec une rampe
00:28:23et une porte.
00:28:24et donc je toque à la porte
00:28:28en essayant d'être
00:28:29la plus discrète possible
00:28:30et pourquoi dans ma tête
00:28:32je me dis
00:28:32que ma copine est dedans ?
00:28:34Et je dis
00:28:35« C'est moi, c'est moi,
00:28:35c'est Charlotte,
00:28:36ouvre-moi, ouvre-moi ! »
00:28:37Et donc en fait,
00:28:38j'ai quelqu'un qui ouvre,
00:28:39je m'embarque,
00:28:40qui ferme
00:28:41et en fait,
00:28:41je me retrouve
00:28:42dans une petite pièce
00:28:43plongée dans le noir
00:28:46avec déjà,
00:28:48je ne sais pas,
00:28:51une quinzaine de personnes.
00:28:54On entend les terroristes
00:29:00qui découvrent
00:29:02des gens cachés
00:29:03dans une pièce
00:29:04qui était probablement
00:29:05la loge dans laquelle
00:29:06je m'étais initialement réfugiée.
00:29:10Et on comprend
00:29:12que là, ça y est,
00:29:14ils sont là
00:29:14avec des gens
00:29:17qui retiennent en otage.
00:29:22Je comprends
00:29:23que ça va durer.
00:29:28Et donc là,
00:29:29on commence
00:29:29à les entendre parler.
00:29:32Ils nous expliquent.
00:29:33On a envie
00:29:33de venger
00:29:34les gens
00:29:35qui sont morts
00:29:36en Syrie
00:29:37à cause
00:29:37des bombes
00:29:39françaises,
00:29:40américaines.
00:29:41Et je les entends
00:29:42rire,
00:29:43je les entends
00:29:43viser des gens,
00:29:45se dire entre eux
00:29:45« Bah tiens,
00:29:46lui, je l'ai eu. »
00:29:47Et à un moment donné,
00:29:50on entend quand même
00:29:51les terroristes dire
00:29:53« Reculer, reculer,
00:29:54tirer par la fenêtre. »
00:29:56On comprend en fait
00:30:03qu'il y a
00:30:05la police qui est arrivée.
00:30:08On ne sait pas
00:30:08à quelle soit
00:30:08ça, on va être mangé.
00:30:10On se dit qu'on va,
00:30:11moi je me dis
00:30:11qu'on va y passer
00:30:12un par un,
00:30:13qu'il va nous
00:30:13prendre en exemple.
00:30:15Je me souviens
00:30:21de m'être dit
00:30:21« Le pire,
00:30:22c'est pas que je meurs.
00:30:24Le pire,
00:30:24c'est la peur de mourir. »
00:30:28Je dirais que
00:30:28c'est la plus grande torture.
00:30:34Un otage
00:30:34qui était à côté de moi
00:30:35avait reçu
00:30:36l'autorisation
00:30:37de mettre
00:30:38son pull
00:30:39puisqu'elle semblait
00:30:41avoir froid.
00:30:41Donc voilà,
00:30:42un acte humain
00:30:43de la part
00:30:43d'un terroriste.
00:30:45Et là,
00:30:45je m'en gaufrais
00:30:45dans la brèche.
00:30:46J'avais super froid.
00:30:47J'étais à la fenêtre
00:30:48depuis au moins
00:30:50une heure
00:30:50à prendre le courant
00:30:51d'air en t-shirt
00:30:52avec ma chemise
00:30:53autour de ma taille.
00:30:55Je lui dis
00:30:55« Et moi,
00:30:55est-ce que je peux
00:30:56mettre ma chemise,
00:30:57s'il te plaît ? »
00:30:59Et là,
00:31:00il m'a dit
00:31:00« Toi,
00:31:01tu parles trop.
00:31:03Est-ce que tu vas
00:31:03être le premier
00:31:04à mourir ce soir ? »
00:31:10On a eu
00:31:10des téléphones
00:31:11qui ont vibraient
00:31:11dans la pièce
00:31:12et à chaque fois,
00:31:14c'était un...
00:31:15une panique intérieure.
00:31:18Et puis,
00:31:19à un moment donné,
00:31:19ils envoient quand même
00:31:20un otage
00:31:20pour vérifier
00:31:21qu'il n'y a personne.
00:31:24Et à ce moment-là,
00:31:26notre poignet
00:31:27joue.
00:31:30Et en fait,
00:31:30je ne sais pas
00:31:30qui est cet otage-là.
00:31:32Mais il a compris
00:31:32qu'il y avait quelqu'un
00:31:33qui retenait la porte.
00:31:35Et donc,
00:31:36il a dit
00:31:36« Il n'y a rien,
00:31:37c'est fermé. »
00:31:38« À l'heure où nous parlons,
00:31:42l'assaut est en cours
00:31:43au Bataclan,
00:31:44la salle de concert
00:31:45de l'Est parisien
00:31:47où se trouveraient
00:31:47plusieurs dizaines
00:31:48d'otages. »
00:31:50« Le moment
00:31:50qui fait basculer
00:31:51la soirée,
00:31:52c'est quand l'assaut
00:31:53est donné.
00:31:54La BRI,
00:31:55depuis qu'elle est là,
00:31:56on est à la fois
00:31:57rassurés
00:31:57et terrorisés.
00:31:59On sait très bien
00:32:02qu'on va se retrouver
00:32:03entre deux feux.
00:32:04D'un côté,
00:32:04il y a une colonne
00:32:05de la BRI surarmée
00:32:07et de l'autre,
00:32:08il y a deux terroristes
00:32:10armés de Kalashnikov
00:32:12avec des ceintures
00:32:13d'explosifs
00:32:13qui,
00:32:14lorsqu'ils vont se sentir
00:32:15menacés,
00:32:16vont tout faire exploser.
00:32:23J'entends que ça monte,
00:32:24je les entends dire
00:32:24« Si vous avancez,
00:32:27on les tue un part,
00:32:27on les balance
00:32:28par la fenêtre.
00:32:29» L'assaut,
00:32:30il intervient
00:32:31en une fraction
00:32:33de seconde.
00:32:35Il y a la porte
00:32:36qui est défoncée
00:32:37et ensuite,
00:32:39c'est un fratrat
00:32:41d'éclats,
00:32:43de balles,
00:32:45de bruits.
00:32:49La colonne
00:32:50de la BRI
00:32:51est derrière
00:32:52un bouclier.
00:32:54Ils tirent
00:32:55à bout portant
00:32:57sur les terroristes
00:32:58qui sont à 1-2 mètres
00:33:00de chaque otage.
00:33:02Il y en a un autre
00:33:02qui est tout au bout
00:33:03et qui tient
00:33:05la colonne en joue.
00:33:09C'est un miracle
00:33:10que je sois encore là
00:33:11pour en parler.
00:33:11« On est dans l'immeuble
00:33:16juste à côté
00:33:17du Bataclan.
00:33:17On entend les tirs
00:33:20de l'assaut.
00:33:22J'entends une explosion
00:33:23très, très forte
00:33:23à tel point
00:33:25qu'en fait,
00:33:26les murs
00:33:26de cette salle
00:33:27s'effritent
00:33:29et qu'on se retrouve
00:33:30envahis
00:33:30d'une espèce
00:33:31de poussière.
00:33:33les ceintures
00:33:37explosives,
00:33:38miraculeusement,
00:33:39elles explosent
00:33:40en direction
00:33:41du plafond.
00:33:42Et moi,
00:33:43dans ma tête,
00:33:43je me dis
00:33:44« Ça y est,
00:33:46c'est fini ! »
00:33:48Et là,
00:33:48je réalise
00:33:48que le miracle
00:33:50de la vie,
00:33:51je suis encore en vie
00:33:52après cette scène
00:33:54de guerre.
00:33:55Et puis là,
00:33:56quelqu'un me tire
00:33:57par les cheveux,
00:33:58me dit
00:33:58« Lève ton T-shirt,
00:34:00sors de là,
00:34:04lève les mains
00:34:04pour savoir
00:34:06si j'étais terroriste
00:34:08ou pas. »
00:34:09Et puis,
00:34:09ils nous font sortir
00:34:10au pas de course
00:34:11les uns après les autres.
00:34:17En fait,
00:34:18il y a une sorte
00:34:18de corridor
00:34:19de flics
00:34:20qui me gueule dessus
00:34:21en me disant
00:34:22« Sors vite, vite,
00:34:23vite, regarde pas ! »
00:34:25Alors moi,
00:34:26je m'exécute,
00:34:26je regarde devant moi,
00:34:27je sais très bien
00:34:28pourquoi il me dit ça.
00:34:29« Ce qui vous plaît,
00:34:30messieurs, dames,
00:34:30vous reculez,
00:34:31merci ! »
00:34:32On est sortis,
00:34:37ma femme,
00:34:37elle a explosé
00:34:38en sanglots,
00:34:39elle ne tenait plus,
00:34:39j'ai dû la tenir,
00:34:40elle est partie en crise,
00:34:42vraiment super intense.
00:34:48L'évacuation était ouf,
00:34:50c'était genre
00:34:50un film de guerre,
00:34:51le truc en fait.
00:34:52Il y avait
00:34:53une colonne de blessés
00:34:54au milieu,
00:34:55encadrée
00:34:55par des flics armés.
00:34:57Je me souviens
00:34:58des flics,
00:34:58je me souviens
00:35:00des corps là,
00:35:01par terre.
00:35:03Ils avaient installé
00:35:04un hôpital
00:35:05dans un bar
00:35:06qui est derrière.
00:35:08Au bar La Royale.
00:35:09J'ai le souvenir
00:35:10qu'on nous marque
00:35:11des numéros
00:35:12sur le front
00:35:13pour faire
00:35:14un premier tri
00:35:15des blessés
00:35:16avec les mentions
00:35:18urgence relative,
00:35:20urgence absolue.
00:35:20Il y avait
00:35:26plein de blessés
00:35:27à l'angé par terre.
00:35:29Il y avait des morts
00:35:30aussi,
00:35:31il y avait des gens
00:35:32qui n'étaient plus là.
00:35:33Et c'était
00:35:34pareil,
00:35:35c'était ouf,
00:35:36il y avait des ambulances
00:35:36dans tous les sens,
00:35:37il y avait des flics,
00:35:37il y avait des pompiers,
00:35:39ça criait.
00:35:44Les gens,
00:35:45ils étaient à gare.
00:35:47Autour,
00:35:47il y avait des secours.
00:35:48Je me rappelle,
00:35:49ils nous ont dit
00:35:49« Ah, vous ne pouvez pas
00:35:49partir,
00:35:50il y a François Hollande
00:35:50qui arrive. »
00:35:51On avait dit
00:35:52« Bon sang,
00:35:53François Hollande,
00:35:54il faut qu'on rentre. »
00:35:55Ma copine,
00:35:58elle finit par me retrouver.
00:35:59On se retrouve
00:36:00sur un boulevard
00:36:00mais on est hébétés,
00:36:01je suis pieds nus,
00:36:02j'ai la couverture
00:36:03de survie
00:36:04qu'on m'a donnée.
00:36:05Et puis en effet,
00:36:06je retrouve mon compagnon
00:36:07qui a réussi
00:36:07à passer les cordons
00:36:08de sécurité.
00:36:13La première chose
00:36:13que je fais
00:36:14en sortant
00:36:14quand je suis encore
00:36:15torse nu,
00:36:16c'est que j'appelle
00:36:17ma mère,
00:36:18j'appelle ma soeur
00:36:19qui appelle
00:36:20ma petite amie.
00:36:21J'appelle ma mère,
00:36:23je vois que je n'ai plus
00:36:23trop de batterie,
00:36:24je réalise un coup
00:36:25qu'elle ne sait pas
00:36:26que je suis là.
00:36:27Rien que de lui annoncer ça,
00:36:28j'ai l'impression
00:36:28qu'elle va faire
00:36:29une crise cardiaque.
00:36:30Donc,
00:36:30je l'engueule.
00:36:32Je dis
00:36:32« Maman,
00:36:32tu te tais,
00:36:33tu m'écoutes. »
00:36:35Avec Ruben,
00:36:36on était au Bataclan,
00:36:37on est blessés
00:36:38mais on va bien.
00:36:38ma femme avait
00:36:45cette obsession
00:36:45depuis qu'on était
00:36:47par terre
00:36:47dans la fosse.
00:36:48Elle voulait
00:36:48revoir les enfants
00:36:49et il fallait
00:36:49qu'on rentre
00:36:50pour aller voir
00:36:52les enfants.
00:36:53On a attrapé
00:36:53un taxi,
00:36:54je me rappelle,
00:36:54on n'avait pas
00:36:54beaucoup de monnaie
00:36:55et on lui a dit
00:36:56« Vous pouvez nous déposer
00:36:57juste pour 10 euros »
00:36:58et le mec nous a ramenés
00:36:59chez nous.
00:37:00On retrouve tous nos amis
00:37:07qui étaient tous réunis
00:37:08chez une copine
00:37:10et donc,
00:37:11en fait,
00:37:11ça a été mon premier
00:37:13refuge à ce moment-là.
00:37:19Et donc,
00:37:19je me souviens
00:37:19qu'ils me récupèrent
00:37:20et qu'ils me disent
00:37:23« Mais on va te mettre
00:37:23des chaussettes. »
00:37:24En fait,
00:37:25qu'ils voient
00:37:25que j'ai du sang partout
00:37:26donc qu'ils me permettent
00:37:29d'aller me...
00:37:30me laver.
00:37:35Toutes nos fringues,
00:37:36les pompes,
00:37:37on était plein de sang
00:37:38jusqu'à...
00:37:40Ouais,
00:37:40on en avait sur nous,
00:37:41quoi.
00:37:42Et la baby-sitter
00:37:43elle était en panique,
00:37:43elle avait la télé allumée.
00:37:47Mais moi,
00:37:48tout de suite,
00:37:49j'ai eu besoin
00:37:49de vomir
00:37:52ce que je venais de vivre,
00:37:53de dire ce qui s'était passé.
00:37:54Et donc,
00:37:55en fait,
00:37:55j'ai tout raconté,
00:37:56on est restés tous ensemble
00:37:57et je pouvais pas boire
00:37:58d'alcool
00:37:59parce que j'étais enceinte
00:38:00et ça,
00:38:00je me souviens de m'être dit
00:38:01« Mais je rêve d'un verre
00:38:03de quelque chose
00:38:05juste pour redescendre. »
00:38:08Les heures qu'on suivit,
00:38:12déjà,
00:38:12on a passé de longs moments
00:38:13à regarder nos enfants.
00:38:16Wow,
00:38:17c'était...
00:38:18c'était incroyable, quoi.
00:38:19On les regardait
00:38:20sans rien dire.
00:38:22Je crois qu'on l'a jamais dit
00:38:23ça aux gosses.
00:38:25On les regardait
00:38:26longtemps,
00:38:26les enfants dormirent.
00:38:28On se disait
00:38:28« Putain,
00:38:29wow,
00:38:29c'est fou, quoi.
00:38:30On n'en aura plus
00:38:31ces trois orphelins. »
00:38:32« Tire à la Kalachnikov,
00:38:39prise d'otage de masse,
00:38:41attentat suicide coordonné,
00:38:42au moins 120 morts. »
00:38:44C'est donc au Bataclan,
00:38:45salle de spectacle,
00:38:46que l'horreur a dépassé
00:38:47l'entendement hier soir,
00:38:48l'attaque la plus sanglante
00:38:49et la plus meurtrière.
00:38:50Un des parcours
00:38:54les plus compliqués
00:38:55que j'ai eu à vivre,
00:38:57ça n'a pas été
00:38:57de sortir de cette salle.
00:39:00Ça, c'était l'instinct.
00:39:01Ça s'est fait comme ça.
00:39:03Par contre,
00:39:04vivre après,
00:39:05avec tout ça, oui.
00:39:11Quand j'arrive à l'hôpital,
00:39:12moi, à ce moment-là,
00:39:13je vais bien.
00:39:14Je suis en vie,
00:39:14j'ai confiance,
00:39:15je lâche prise.
00:39:16J'ai pris une balle,
00:39:17deux, je m'en fous.
00:39:18Je suis en vie.
00:39:19Je suis en vie.
00:39:19Je me sens la plus forte du monde.
00:39:22Je me sens indestructible
00:39:23à ce moment-là.
00:39:26Je crois que c'était
00:39:27un interne qui m'a opéré
00:39:28et j'ai eu droit
00:39:30à un encloutage
00:39:31dans la moelle de l'os
00:39:33du fémur,
00:39:33avec deux vis au niveau
00:39:36du genou
00:39:36et une vis au niveau
00:39:37de la hanche.
00:39:38Et mon os s'est reconstruit
00:39:39autour de ça.
00:39:43Avec Ruben,
00:39:43on s'est retrouvés
00:39:4415 jours plus tard
00:39:45en centre de rééducation.
00:39:48Nos potes avaient organisé
00:39:49un calendrier partagé
00:39:51où ils bloquaient
00:39:53les jours
00:39:54pour ne pas venir
00:39:54tous au même temps.
00:39:56Et ce qui fait
00:39:56qu'en fait,
00:39:56on avait tout le temps
00:39:57des potes
00:39:58qui venaient nous rendre visite.
00:39:59On n'avait rien à gérer.
00:40:02Et du coup,
00:40:03toute cette période,
00:40:04elle a été pour nous
00:40:06en fait très agréable.
00:40:08Et puis d'un coup,
00:40:09vous sortez.
00:40:09vous retrouvez votre chez-vous
00:40:17que vous ne reconnaissez plus.
00:40:19Donc je me souviens
00:40:19que cette sortie
00:40:20de centre de rééducation,
00:40:22en réalité,
00:40:23pour moi,
00:40:23elle est très violente.
00:40:24Je me sens seule,
00:40:25je me sens abandonnée,
00:40:26je ne sais pas comment
00:40:26je vais faire.
00:40:29J'ai du mal
00:40:29à faire trois pas,
00:40:31donc je ne peux même pas
00:40:31aller de ma cuisine
00:40:32à mon salon
00:40:33en portant un plateau.
00:40:34J'ai mes béquilles.
00:40:34Parfois,
00:40:37je ne peux pas ramasser
00:40:37mes chaussettes.
00:40:38Je ne peux pas les mettre.
00:40:40Je suis obligée d'attendre
00:40:41que mon corps veuille bien
00:40:42pour pouvoir passer
00:40:44un petit coup d'aspirateur,
00:40:45aller me doucher.
00:40:46Pour tous les gestes basiques
00:40:47du quotidien
00:40:48où on n'a même pas à réfléchir,
00:40:49moi, je suis obligée
00:40:50d'attendre
00:40:50que mon corps veuille bien.
00:40:54D'être reconnue
00:40:55en tant que victime,
00:40:55je pense que ça fait partie
00:40:57du processus
00:40:58de reconstruction.
00:41:01L'expertise
00:41:02était nécessaire.
00:41:05C'est aussi une façon
00:41:06de dire
00:41:09que ça a eu lieu.
00:41:14Je me souviens
00:41:14de l'expert
00:41:15qui m'accueille
00:41:16et qui me dit
00:41:17d'emblée
00:41:18« Bon,
00:41:19je sais pourquoi
00:41:19vous êtes là,
00:41:20c'est comme les autres,
00:41:21vous voulez votre indemnisation. »
00:41:23C'est une bataille
00:41:23d'assurance
00:41:24avec des experts
00:41:25qui, des fois,
00:41:26n'ont aucun tact.
00:41:28C'est un cliché
00:41:29du médecin
00:41:31gavé d'arrogance
00:41:32qui va vous prendre de haut.
00:41:35On n'est pas là
00:41:35pour vous écouter
00:41:36vraiment parler
00:41:37des difficultés
00:41:38de votre vie.
00:41:38On est là
00:41:38pour faire rentrer
00:41:40quelques difficultés
00:41:41dans des cases.
00:41:42Moi, ma situation,
00:41:43du coup,
00:41:43est un peu plus complexe
00:41:45et du coup,
00:41:46ne rentre pas
00:41:46vraiment dans les cases.
00:41:48Donc, c'est pas facile
00:41:49à indemniser.
00:41:52Magali,
00:41:53le fait qu'elle ait été
00:41:54moins bien indemnisée
00:41:56que moi,
00:41:57alors qu'en fait,
00:41:58aujourd'hui,
00:41:59elle a encore des séquelles
00:41:59et pas moi,
00:42:00moi, je trouve ça dégueulasse.
00:42:04Ma femme et moi,
00:42:05psychologiquement,
00:42:06on était ravagés.
00:42:08On a été chez le psy,
00:42:11à la suite psychologique,
00:42:12ensemble, ouais.
00:42:14La reconstruction,
00:42:15elle a commencé
00:42:16lorsque j'ai pris contact
00:42:19avec un psychologue.
00:42:21J'avais la sensation
00:42:22d'avoir été un peu
00:42:23la victime sacrificielle
00:42:24du pays, quand même,
00:42:25qu'on avait manqué
00:42:25de protection,
00:42:26qui avait eu
00:42:27des négligences,
00:42:28voire de laisser faire.
00:42:30Et j'étais
00:42:31quelque part
00:42:33très en colère.
00:42:37J'avais la sensation
00:42:38qu'il y avait
00:42:39un lien de cause à effet
00:42:40entre cet attentat
00:42:42et les agissements
00:42:44du pays,
00:42:46de la France,
00:42:47sur la scène internationale.
00:42:48J'en suis arrivé
00:42:52à penser que,
00:42:53finalement,
00:42:55les terroristes
00:42:55avaient des bonnes raisons
00:42:58d'opérer.
00:42:59et ce premier psy
00:43:03m'a permis
00:43:03de faire ce distinguo
00:43:05entre le sentiment
00:43:06des terroristes
00:43:07qui voulaient
00:43:08ramener une forme
00:43:09de justice
00:43:10et leur méthode
00:43:12qui ne faisait que
00:43:13mettre de l'huile
00:43:14sur le feu.
00:43:15Moi, j'ai eu
00:43:19comme réaction
00:43:22de me couper
00:43:23d'absolument
00:43:24tout ce qui pouvait
00:43:26se dire,
00:43:27se voir,
00:43:29s'entendre
00:43:30sur le 13 novembre.
00:43:32J'ai repris le travail
00:43:36en septembre 2016,
00:43:38donc au moment
00:43:38de la rentrée scolaire
00:43:39puisque j'étais
00:43:39professeure des écoles.
00:43:41Je dois regérer
00:43:42mon métier d'avant,
00:43:43mais au final,
00:43:44dans ma tête,
00:43:44il se passe
00:43:45des tonnes de choses
00:43:46en parallèle
00:43:47que je ne sais même
00:43:48pas expliquer.
00:43:48C'est juste
00:43:49une sorte de remise
00:43:50en question
00:43:50du sens de la vie.
00:43:54J'ai beau savoir
00:43:54que je suis chanceuse,
00:43:55mais qu'est-ce que j'en fais
00:43:56maintenant de ma vie ?
00:44:01Caro et moi,
00:44:02on a retravaillé
00:44:02assez rapidement.
00:44:03Moi, j'ai fait
00:44:04un premier tournage
00:44:04qui d'ailleurs
00:44:05était dans l'onzième.
00:44:07C'est incroyable.
00:44:09Déambulation
00:44:09dans les rues du onzième
00:44:10et donc passage
00:44:12devant le Bataclan.
00:44:14C'était fou.
00:44:15Tu vois,
00:44:15mes images,
00:44:16ce n'est pas très joli.
00:44:18Je suis devant,
00:44:19il faut regarder mon plan,
00:44:20je trempe beaucoup.
00:44:23Le retour au travail,
00:44:25je le voulais,
00:44:26en fait.
00:44:26J'avais envie
00:44:27de remonter
00:44:29sur le cheval.
00:44:31Il fallait
00:44:31qu'il fallait
00:44:32que je reprenne
00:44:32les transports en commun.
00:44:35Je voulais absolument
00:44:35me confronter
00:44:36au métro,
00:44:37à la foule.
00:44:40J'avoue
00:44:40que j'ai eu
00:44:41des moments de stress.
00:44:42Il suffisait
00:44:43qu'il y ait
00:44:44un cri
00:44:45de quelqu'un
00:44:46ou que le métro
00:44:47freine
00:44:48de manière
00:44:48pas prévue
00:44:49et ça y est,
00:44:50je m'imaginais
00:44:51le pire tout de suite.
00:44:52Vous voyez,
00:44:52un mec basané
00:44:53en doudoune,
00:44:54j'ai fait ma prière,
00:44:55mais alors combien de fois
00:44:55dans les transports ?
00:44:56J'étais en sueur,
00:44:57j'étais en larmes,
00:44:58j'étais persuadé
00:44:58de mourir,
00:44:59j'étais persuadé
00:44:59que le mec
00:44:59allait se faire péter.
00:45:03C'est un procès
00:45:04hors normes
00:45:04qui s'ouvre aujourd'hui.
00:45:06Les victimes
00:45:06et leurs proches
00:45:07vont replonger
00:45:08dès aujourd'hui
00:45:09et pour neuf mois
00:45:09dans l'horreur
00:45:10du 13 novembre 2015.
00:45:12Un procès pour les victimes,
00:45:14un procès filmé
00:45:15aussi pour l'histoire.
00:45:16J'ai longtemps été tiraillée.
00:45:19Il y avait une part de moi
00:45:20qui avait envie d'assister
00:45:24à ce procès hors normes,
00:45:27voir comment ça se déroulait
00:45:29et puis il y avait ce côté de moi
00:45:31qui avait quand même
00:45:32depuis le début
00:45:33mis à distance
00:45:34tout ce qui se rapportait
00:45:35au 13 novembre.
00:45:37Je n'ai pas témoigné au procès.
00:45:40Je suis resté très éloigné
00:45:41du procès,
00:45:41je n'avais pas envie d'y aller.
00:45:43J'ai l'impression que
00:45:44j'ai envie d'aller de l'avant
00:45:48et aller au procès
00:45:49c'était rester en arrière.
00:45:53La seule fois
00:45:54où je voulais y aller
00:45:54j'ai eu du taf
00:45:55et de toute façon
00:45:57je ne voyais pas trop
00:45:58l'intérêt d'y aller en vrai.
00:46:00Les mecs sont morts.
00:46:02Je savais que je voulais témoigner
00:46:03et c'était une grosse pression
00:46:06parce que j'en avais encore gros
00:46:08sur le cœur
00:46:09vis-à-vis des zones d'ombre
00:46:11qui sont restées en plus
00:46:12parce qu'on a vu
00:46:13les petites mains.
00:46:15Les accusés
00:46:16c'était des petites mains.
00:46:17On n'a même pas eu
00:46:18nos tortionnaires
00:46:19qui étaient déjà morts
00:46:20et on n'a surtout pas eu
00:46:22les cerveaux
00:46:22de l'opération.
00:46:25La seule fois
00:46:26où j'y suis allée
00:46:27c'est parce que
00:46:28ça témoignait
00:46:28et je finis quand même
00:46:30par jeter un oeil
00:46:31au box des accusés
00:46:33rapide.
00:46:36Et en fait
00:46:36ce que je me suis dit
00:46:37pendant tout ce temps
00:46:37que j'ai passé
00:46:38dans cette salle d'audience
00:46:39comment est-ce que
00:46:41des gens aussi
00:46:43lambda
00:46:45ont pu avoir
00:46:50un impact aussi
00:46:53énorme
00:46:55sur
00:46:58des centaines de personnes
00:47:02tout un pays.
00:47:04il y avait un décalage.
00:47:08J'avais préparé
00:47:09mon intervention
00:47:10et au bout
00:47:11de quatre lignes
00:47:12j'ai levé les yeux
00:47:13vers les accusés
00:47:14et j'ai commencé
00:47:16à balayer le regard
00:47:17et à raconter réellement
00:47:19ce que j'avais vécu
00:47:21de l'intérieur.
00:47:21et le procès
00:47:24a permis
00:47:26de déposer
00:47:27faire une déposition
00:47:29ça porte bien son nom
00:47:30c'est-à-dire qu'ensuite
00:47:31on a un poids
00:47:31qui s'enlève.
00:47:34Moi le procès
00:47:35m'a surtout servi
00:47:36à écouter
00:47:37les témoignages
00:47:37des autres.
00:47:39C'est
00:47:39ça a été ma réparation
00:47:40j'avais besoin
00:47:41de savoir
00:47:42comment allaient
00:47:42les autres en fait.
00:47:43Ma fille est née
00:47:51en juin 2016
00:47:53sept mois
00:47:54après les attentats.
00:47:57Quand elle est née
00:47:58j'avais encore
00:48:01des moments
00:48:01où ça allait pas.
00:48:03J'ai jamais étouffé
00:48:04ma peine
00:48:06mes angoisses
00:48:07tout en essayant
00:48:08de la préserver
00:48:08bien sûr.
00:48:11Et puis après
00:48:12en grandissant
00:48:13je me suis quand même
00:48:14demandé
00:48:15comment est-ce
00:48:16que je lui en parle
00:48:17en fait.
00:48:18Parce que je voulais
00:48:18pas que ce soit
00:48:19une révélation
00:48:20je voulais que ce soit
00:48:22un sujet
00:48:22qui soit là
00:48:23qui existe
00:48:24et donc du coup
00:48:26en fait
00:48:26ça a jamais été tabou.
00:48:28Et là typiquement
00:48:29pour aujourd'hui
00:48:29je lui ai dit
00:48:33que j'allais
00:48:34du coup être interviewée
00:48:37pour un documentaire
00:48:38elle m'a dit
00:48:39mais qu'est-ce que
00:48:39tu vas répondre
00:48:40si jamais
00:48:41on te demande
00:48:42comment ça va
00:48:43aujourd'hui ?
00:48:44Et
00:48:46je lui dis
00:48:49bah je sais pas
00:48:50je répondrais
00:48:50que ça va
00:48:51que
00:48:51mais que
00:48:52j'avais du mal
00:48:53à trouver mes mots
00:48:54et c'est elle
00:48:55qui me dit
00:48:56oui que
00:48:57tu gères quoi.
00:48:59Et donc je lui suis dit
00:49:00et voilà
00:49:00c'est maintenant.
00:49:01Charlotte
00:49:11elle est arrivée
00:49:12à un moment
00:49:13
00:49:13j'avais aucun espoir
00:49:14de sortir vivant
00:49:16de là
00:49:16et c'est ce geste là
00:49:18où j'ai deux vies
00:49:21entre mes mains
00:49:21qui m'a poursuivi
00:49:23dans ma reconstruction
00:49:25quelque part
00:49:26donc
00:49:26la femme enceinte
00:49:27Charlotte
00:49:28c'est quelqu'un
00:49:30c'est une soeur aussi
00:49:31c'est une soeur de sang
00:49:32quoi
00:49:33c'est quelqu'un
00:49:33qui est très important
00:49:35même si on se voit
00:49:36très peu.
00:49:39Caro et moi
00:49:39on a décidé
00:49:40de se marier
00:49:40tout de suite
00:49:41alors qu'on est des punks
00:49:43on a foutu du mariage
00:49:44on a vécu
00:49:46on a vécu
00:49:46et on est sorti
00:49:47de l'enfer
00:49:48voilà
00:49:49pour ma part
00:49:51moi je suis sorti
00:49:52de ce passage
00:49:53là c'est une deuxième naissance
00:49:54clairement
00:49:55et ouais
00:49:56bien sûr
00:49:57ça nous a unis
00:49:57c'est clair
00:49:58quoi
00:49:58on aurait tendance
00:50:01à penser
00:50:01que dans l'adversité
00:50:03ou le traumatisme
00:50:04on va se réunir
00:50:06et traverser le truc
00:50:06ensemble
00:50:07mais
00:50:07c'est pas forcément vrai
00:50:09en fait
00:50:09ça peut aussi séparer
00:50:10quoi
00:50:10il suffit de pas vivre
00:50:11les choses
00:50:11de la même façon
00:50:12et à la même vitesse
00:50:13on essaye de sauver le couple
00:50:14alors que
00:50:15juste après les attentats
00:50:16on voit bien
00:50:17que ça va nulle part
00:50:18de toute façon
00:50:24on a été séparés
00:50:24par les balles
00:50:25quelque part
00:50:25ces images
00:50:32pour moi
00:50:34sont importantes
00:50:34pour l'histoire
00:50:35parce que sans ça
00:50:37ça aurait manqué
00:50:39de concret
00:50:40je peux être
00:50:42tout à fait conscient
00:50:43que ça a été mal vécu
00:50:44par d'autres rescapés
00:50:45qui pensent que
00:50:46c'est du voyeurisme
00:50:48oui je t'en ai voulu
00:50:52mais pas à toi
00:50:54du coup
00:50:54j'en ai voulu
00:50:55à la personne
00:50:56qui avait filmé
00:50:56mais
00:50:58je lui en voulais
00:51:02parce qu'en fait
00:51:03ça m'avait volé
00:51:06l'annonce de ma grossesse
00:51:06en fait
00:51:07à plein de gens
00:51:10qui étaient pas encore
00:51:10au courant
00:51:11le témoignage
00:51:13fait partie de l'histoire
00:51:14en fait
00:51:14c'est une preuve
00:51:15c'est un document
00:51:19c'est précieux
00:51:20c'est comme donner
00:51:22une réalité au truc
00:51:24c'est bien
00:51:27que le témoignage
00:51:29existe
00:51:29pour pas qu'on oublie
00:51:31justement
00:51:31c'est un document
00:51:35c'est un document
00:51:38c'est un document
00:51:39c'est un document
00:51:56C'est l'ex-guitariste du groupe Téléphone, Louis Bertignac, qui signe la musique de ce documentaire sur un texte du journaliste Daniel Psény,
00:52:14qui n'est autre que le co-réalisateur de ce film exclusif et bouleversant, consacré aux attentats du 13 novembre 2015,
00:52:23avec, dix ans plus tard, cette lancinante question, la menace terroriste djihadiste est-elle encore et toujours à l'ordre du jour dans notre pays ?
00:52:32Nous allons en débattre maintenant avec nos invités présents aujourd'hui sur ce plateau de débats d'hoc, Jean-François Ricard est tout d'abord avec nous.
00:52:38Bienvenue à vous, vous êtes magistrat après la création du parquet national antiterroriste en 2019, vous avez été le premier procureur de la République antiterroriste entre 2019 et 2024
00:52:51et vous êtes le co-auteur de ce livre, Antiterrorisme, la traque des djihadistes, un ouvrage co-écrit avec le politologue Gilles Kepel et publié tout récemment chez Plon.
00:53:02Anne Clémentine Larocque est également avec nous, bienvenue, vous êtes historienne, spécialiste de l'idéologie islamiste et auteur de ce livre,
00:53:10Le trou identitaire sur la mémoire refoulée des mercenaires de l'islam, publié aux presses universitaires de France.
00:53:17Et puis enfin avec nous, Vincent Nuzi, bienvenue à vous, Vincent Nuzi, vous êtes journaliste d'investigation, auteur chez Fayard de Erreurs fatales.
00:53:25Comment nos présidents ont failli face au terrorisme ?
00:53:28Vous avez suivi l'ensemble du procès V13.
00:53:31V13 était le nom de code donné à l'enquête liée aux attentats du 13 novembre 2015 et aussi celui de la série documentaire que vous avez consacrée à ces attentats.
00:53:40Et que nous avons eu le plaisir, c'est vrai, de proposer maintenant quelques années dans cette même émission des Badocs.
00:53:48On va commencer avec vous, Vincent Nuzi, parce qu'après ce film poignant, bouleversant, avec ces formidables témoignages,
00:53:54sur la base des images tournées par le journaliste Daliem Séni au moment même de ces attentats.
00:54:01Mais ce qui n'est pas dit dans ce documentaire, mais ce n'était pas l'objet de ce film, c'est comment étaient organisés ces attentats.
00:54:07Comment ont été organisés ces attentats du 13 novembre ?
00:54:10C'est une organisation qui part de Raqqa, la capitale politique de l'État islamique à l'époque,
00:54:17et qui se projette finalement en Europe, et en l'occurrence à Bruxelles, avec une antenne installée à Bruxelles.
00:54:24Racontez-nous tout de même cela pour bien recontextualiser ce qu'ont été ces attaques terroristes du 13 novembre.
00:54:30Donc l'année du 13 novembre, c'est une série d'attentats multisites, organisés et planifiés depuis plus d'un an,
00:54:37par une cellule spéciale, les opérations extérieures de l'Amiyad.
00:54:41L'Amiyad, c'était l'organe de sécurité de l'État islamique, donc régnant, si je peux dire, sur la Syrie d'Irak,
00:54:49tout à moins les portions qui avaient été prises par l'État islamique.
00:54:52Donc, à Raqqa, effectivement, c'était un petit peu le quartier général.
00:54:55Et là, il y avait une équipe qui a recruté un certain nombre de personnes qui étaient venues d'Europe,
00:55:02principalement des Belges, mais souvent d'origine marocaine, des Algériens, des Tunisiens et des gens d'origine française.
00:55:11Et elle les a envoyées à partir de l'été de 2015, profitant un petit peu de la vague des migrants.
00:55:18La fameuse crise migratoire, c'est comme ça qu'on l'a appelée en 2015.
00:55:21Et ils sont arrivés par plusieurs routes, entre le mois d'août, le mois de juillet, pardon, et le mois d'octobre,
00:55:28venant par l'Allemagne, l'Autriche, etc.
00:55:31Et c'est une équipe à Bruxelles, qui était essentiellement composée de plusieurs fratries,
00:55:37les frères Bakraoui, les frères Abdeslam, dont Salabdeslam,
00:55:40qui est devenu le survivant des commandos du 13 novembre.
00:55:45Et puis, ils ont réuni tous ces gens-là à Bruxelles.
00:55:48Et puis, le 12 au soir, est parti dans ce que l'un d'entre eux a appelé le commando de la mort,
00:55:55dans trois voitures, sont venus en région parisienne,
00:55:57ont loué deux planques dans lesquelles ils ont préparé les ceintures d'explosifs et les armes.
00:56:04Et ils se sont ensuite répartis en trois voitures, l'une au Stade de France,
00:56:07qui a commencé peu après le match France-Allemagne,
00:56:11le match qui se jouait là-bas, avec un mort et plusieurs dizaines de blessés.
00:56:17Les attaques des terrasses qui ont commencé quasiment concomitamment,
00:56:20donc il y avait une forme de planification de cette coordination de cette action,
00:56:24avec plusieurs terrasses et là, plusieurs dizaines de morts.
00:56:27Et puis, le Bataclan, dont les premiers coups de feu et rafales de Kalachnikov,
00:56:33interrompent le concert de Eagle of the Death Metals à 21h42.
00:56:36On sait que l'un des policiers est intervenu très rapidement pour enrayer cette tuerie
00:56:42et qu'ensuite, il y a eu cette prise d'otage qui s'est conclue par l'assaut du Bataclan après minuit.
00:56:47Donc, on a trois zones d'action et ces commandos,
00:56:52dont certains ont essayé ensuite de s'évader de Salah Abdeslam, lui, il repartient en Belgique.
00:56:58Et le coordinateur sur place des actions, Abdelhamid Abaoud,
00:57:03qui, lui, a été, comme on le sait, neutralisé à Saint-Denis.
00:57:07Et puis, on n'en aura pas fini avec cette cellule en Europe,
00:57:09puisqu'il faut tout de même rappeler qu'après ces attentats parisiens,
00:57:13le 22 mars 2016, il y aura les attentats à Bruxelles.
00:57:17Au consécutif, à 32 morts, à la fois à l'aéroport de Bruxelles et dans un métro bruxellois.
00:57:24Et c'est cette même cellule qui officiait du côté belge,
00:57:28cette fois après les attentats du 13 novembre en France.
00:57:31Ce sont des attaques dites exogènes.
00:57:33On est projeté, on se projette de l'extérieur,
00:57:36comme l'a très bien expliqué Vincent Nuzi,
00:57:38depuis un territoire existant.
00:57:40Est-ce que ce type d'attaque est encore possible dix ans après,
00:57:47ou est-ce que cette menace a été tout de même relativement évacuée,
00:57:51compte tenu de l'évolution du contexte, y compris géopolitique, aujourd'hui ?
00:57:55D'abord, ce type d'attaque est très rare dans l'histoire du terrorisme djihadiste
00:58:00qui a frappé la France depuis 30 ans.
00:58:02Ça ne se compte même pas sur les doigts d'une main.
00:58:04C'est d'ailleurs le plus important qu'on ait connu en France.
00:58:06De très loin, de très loin.
00:58:08C'est très particulier.
00:58:10Deuxièmement, pour répondre à votre question,
00:58:13il faut tenir compte de l'affaiblissement militaire de Daesh,
00:58:16de l'État islamique,
00:58:18qui, depuis mars 2019,
00:58:21dans la poche de Barouz, en Syrie,
00:58:24a vraiment vécu une défaite militaire.
00:58:27Donc l'ensemble de ces éléments
00:58:28peuvent permettre de penser
00:58:30qu'une telle opération, aujourd'hui,
00:58:32serait difficilement réalisable à nouveau à l'identique.
00:58:36Donc de manière totalement exogène,
00:58:39avec un commando projeté,
00:58:40ce qui exige une logistique importante
00:58:43mise en place pendant des mois,
00:58:46permettant l'acheminement de chaque membre du commando
00:58:49et puis ensuite son implantation à proximité du pays visé.
00:58:53L'espèce était la Belgique pour viser la France.
00:58:55Tout ça exige beaucoup de choses.
00:58:58Il n'est pas certain qu'aujourd'hui,
00:59:00Daesh soit en état de reproduire à l'identique ce type de scénario.
00:59:04C'est vrai pour d'autres groupes djihadistes.
00:59:06D'abord, êtes-vous d'accord avec ce qui vient d'être dit ?
00:59:08Cette menace s'est atténuée aujourd'hui,
00:59:10pour l'exemple que vous venez d'expliquer.
00:59:13La menace exogène, la menace extérieure,
00:59:15est complètement, effectivement, atténuée,
00:59:16en tout cas pour l'Europe de l'Ouest.
00:59:18Mais on doit quand même rappeler
00:59:19qu'en mars 2024, dans la banlieue de Moscou,
00:59:23on a eu un attentat quand même projeté, commandité.
00:59:26Vous savez, dans une salle de concert,
00:59:28il y a un centre commercial en même temps,
00:59:29qui provenait de l'État islamique au Khorasan,
00:59:32c'est-à-dire cette région qui se trouve autour de l'EUK.
00:59:36Le IK, exactement.
00:59:38Qui est l'OIK ?
00:59:39Où sont-ils situés ?
00:59:40Où sont-ils basés aujourd'hui ?
00:59:41Le IK a été créé fin 2014, début 2015,
00:59:44justement, en Afghanistan.
00:59:46Et le Khorasan, ça fait référence à une région
00:59:48du califat abbasside, dans l'histoire auparavant,
00:59:51qui était extrêmement vertueuse et riche.
00:59:54Et donc, l'EI, à chaque fois, se réfère à l'histoire.
00:59:57C'est pareil pour le sham, là, c'est au Rhorasan.
00:59:59Et donc, à partir du moment où il y a eu, effectivement,
01:00:01un affaiblissement très clair,
01:00:02territorialement, en 2019,
01:00:04on a eu, quand même, un acheminement
01:00:06des forces médiatiques, notamment,
01:00:09vers le Rhorasan.
01:00:10Et donc, en 2024, vous avez quand même
01:00:12un attentat qui est possible à Moscou.
01:00:15Avec plus d'une centaine de morts,
01:00:17en quelques 140 mots, je crois.
01:00:19C'est pour ça qu'effectivement,
01:00:20je pense que nos services de renseignement
01:00:21et nos services de l'État
01:00:22sont tout à fait à même, aujourd'hui,
01:00:24quand même, d'identifier
01:00:24des attaques projetées et commandités.
01:00:27Mais on doit quand même, effectivement,
01:00:28toujours être vigilant,
01:00:29parce qu'il y a quand même une recomposition,
01:00:31une réadaptation de l'État islamique,
01:00:33notamment, donc, dans des régions,
01:00:35l'Afrique subsaharienne aussi,
01:00:36c'est encore un autre sujet,
01:00:37qui, effectivement...
01:00:38Ce sont des antennes de huile
01:00:40de l'État islamique,
01:00:42en réalité, auxquelles vous faites
01:00:43le référence.
01:00:43Alors, ce n'est pas des antennes
01:00:44au sens kaïdiste,
01:00:45c'est-à-dire que ce n'est pas
01:00:45comme Al-Qaïda avec des antennes,
01:00:46c'est simplement que l'État islamique,
01:00:48donc, s'est vraiment recomposé,
01:00:51recontextualisé après 2019.
01:00:53Et donc, effectivement,
01:00:54ils ont continué d'évoluer
01:00:55dans ces régions-là,
01:00:56ils étaient déjà implantés.
01:00:57Il y a eu, effectivement,
01:00:58la chefferie, l'exécutif,
01:01:00la Shoura,
01:01:00à réorganiser les choses
01:01:02dans ces deux espaces-là,
01:01:03majoritairement.
01:01:04Le fait que les talibans
01:01:05aient repris le pouvoir
01:01:06en Afghanistan,
01:01:07est-ce que ça a facilité
01:01:08la constitution de ce groupe,
01:01:11notamment ?
01:01:12Alors, oui et non,
01:01:13parce qu'en fait,
01:01:13il y avait des forces en présence
01:01:14qui étaient donc très claires
01:01:16jusqu'effectivement en août 2021.
01:01:18Et à partir du moment
01:01:19où les talibans reviennent,
01:01:20l'EIQA peut sortir du bois,
01:01:21si je puis dire,
01:01:22et perpétrer d'ailleurs
01:01:23des attentats.
01:01:24Souvenez-vous de l'aéroport
01:01:25fin août, début septembre,
01:01:26où véritablement,
01:01:27il y a eu une opposition
01:01:28entre djihadistes
01:01:29de notre point de vue,
01:01:30en tout cas entre islamistes,
01:01:31puisque les talibans
01:01:31ne se disent plus djihadistes.
01:01:33Donc, eux,
01:01:34ce qu'ils veulent,
01:01:35c'est exister.
01:01:35Effectivement,
01:01:36il y a une vraie concurrence
01:01:37dans cette région
01:01:37et l'EIQA représente
01:01:39un ennemi très clair,
01:01:41l'ennemi numéro un
01:01:42aujourd'hui pour les talibans,
01:01:43alors qu'auparavant,
01:01:44c'était les Etats-Unis
01:01:44et les alliés.
01:01:47Oui, on peut ajouter
01:01:48que dans l'histoire
01:01:49du terrorisme djihadiste
01:01:51depuis pas mal d'années,
01:01:52on a toujours
01:01:53ces fameuses zones de combat
01:01:54qui sont des espèces
01:01:55de pompes aspirantes
01:01:57et refoulantes
01:01:58pour un salon de combattants.
01:02:00On sait que lorsqu'il y a eu
01:02:02la guerre en Afghanistan
01:02:03et qu'il y a eu
01:02:04des camps d'entraînement
01:02:06qui étaient hébergés
01:02:07par un régime
01:02:07qui était plutôt favorable
01:02:08aux djihadistes
01:02:09dans les années 90,
01:02:1190 même un peu 2000,
01:02:13et que ça a attiré
01:02:16des centaines,
01:02:17voire quelques milliers
01:02:18de combattants en Europe.
01:02:20On sait aussi,
01:02:21par exemple,
01:02:21que lorsqu'il y a eu
01:02:23le début de la guerre
01:02:23en Irak,
01:02:25à partir de 2003,
01:02:27conduite par les Américains,
01:02:28et bien ça a attiré
01:02:30un certain nombre
01:02:31de combattants.
01:02:31Alors là,
01:02:32on parle plutôt
01:02:32d'une centaine,
01:02:33je parle sous le contrôle
01:02:34de Jean-François Ricard,
01:02:36et puis après,
01:02:37il y a eu cet État islamique
01:02:40constitué
01:02:40qui a évidemment
01:02:41attiré là
01:02:42à peu près 1500 Français,
01:02:44plus de 3000 combattants
01:02:45étrangers
01:02:46au plan général.
01:02:48Donc l'affaissement
01:02:49de ces zones de combat
01:02:51évidemment diminue
01:02:53le risque
01:02:54que ces pompes fonctionnent.
01:02:56mais il ne faut pas négliger
01:02:57le fait qu'aujourd'hui,
01:02:58on a quand même
01:02:59des zones grises,
01:03:01si je peux dire,
01:03:01de combattants
01:03:02qui restent très importantes.
01:03:03Le Sahel,
01:03:04où les groupes djihadistes
01:03:05ont repris énormément
01:03:06d'emprises,
01:03:07y compris territoriales.
01:03:10Il y a encore
01:03:10des poches en Syrie
01:03:12qui sont extrêmement menaçantes.
01:03:14Il y a l'État islamique
01:03:15au Khorassan.
01:03:16Il y a,
01:03:18du fait du conflit
01:03:20lié au Hamas
01:03:21et à l'attaque
01:03:21du 7 octobre 2023,
01:03:23des zones de combat
01:03:24qui peuvent être aussi projetables.
01:03:26Donc on n'en a pas fini
01:03:29avec les zones de combat
01:03:30et avec les zones d'attirance
01:03:32où des djihadistes
01:03:33peuvent se refaire une...
01:03:34Alors puisqu'on n'en a pas fini
01:03:36avec ces zones de combat,
01:03:38est-ce que nos services
01:03:39de renseignement,
01:03:41les services de renseignement
01:03:42européens
01:03:42et plus au-delà,
01:03:44peut-être les services
01:03:45de renseignement
01:03:45d'autres pays
01:03:46ont un œil tout particulier
01:03:48sur ce cas de figure
01:03:51et cette capacité
01:03:52à enrayer
01:03:52d'éventuelles attaques
01:03:54venues de l'extérieur ?
01:03:56Est-ce que c'est le cas ?
01:03:57Ça fait vraiment partie
01:03:58des exigences premières
01:04:01de l'ensemble
01:04:02des services de renseignement
01:04:04et donc ce qu'on appelle
01:04:05la communauté du renseignement.
01:04:07C'est-à-dire suivre
01:04:08de très près
01:04:10les activités
01:04:12de chacune de ces organisations,
01:04:14en particulier,
01:04:15comme cela a été dit
01:04:15de manière tout à fait exacte,
01:04:17de celles qui sont susceptibles
01:04:18d'attirer sur leur sol,
01:04:20sur leur base,
01:04:21à leur base,
01:04:22des ressortissants français
01:04:24quitte à les reprojeter
01:04:25par la suite
01:04:26dans notre pays.
01:04:28Pour l'Afrique,
01:04:29on s'était attendu
01:04:30fréquemment
01:04:31à ce que des Français
01:04:33rejoignent
01:04:34ces organisations
01:04:35basées
01:04:36dans différents pays.
01:04:37Ça n'a pas été le cas
01:04:39à quelques exceptions près.
01:04:41En ce qui concerne
01:04:42l'État islamique
01:04:44au Khorasan,
01:04:45ça a été un peu
01:04:46la même chose.
01:04:46Il y a très, très peu
01:04:47de Français
01:04:48qui sont partis
01:04:48pour rejoindre ces organisations.
01:04:50Ceci dit,
01:04:52ceci dit,
01:04:52effectivement,
01:04:53et là,
01:04:53je rejoins tout à fait
01:04:55Mme Larocque,
01:04:57l'État islamique au Khorasan
01:04:58a réussi en 2024
01:05:00des opérations
01:05:02d'envergure,
01:05:03de très grande envergure,
01:05:05très loin de ses bases.
01:05:07En Russie,
01:05:08mais aussi en Iran.
01:05:09Moscou,
01:05:10l'Iran.
01:05:10L'Iran.
01:05:11En Turquie aussi,
01:05:12je crois.
01:05:12Oui.
01:05:13Et il s'intéresse
01:05:15à la France.
01:05:16Il y a quelques jours,
01:05:17un jeune Français
01:05:18a été arrêté à Lyon.
01:05:20Le parquet antiterroriste
01:05:21l'a rappelé.
01:05:24Et il paraissait
01:05:26être, en quelque sorte,
01:05:28un relais
01:05:29de cette organisation.
01:05:31En 2022,
01:05:32il y avait déjà eu,
01:05:34à Strasbourg,
01:05:34des arrestations
01:05:35qui portaient
01:05:37la marque aussi
01:05:38de cette organisation.
01:05:39Donc,
01:05:40l'État islamique au Khorasan
01:05:41s'intéresse également
01:05:43à l'Europe,
01:05:44notamment à l'Allemagne,
01:05:45l'Autriche,
01:05:46et potentiellement
01:05:46à la France,
01:05:47quitte à n'avoir
01:05:48aucun ressortissant français
01:05:50dans ses rangs.
01:05:51C'est donc peut-être,
01:05:53peut-être,
01:05:54l'organisation
01:05:55la plus dangereuse
01:05:56en l'État
01:05:57en ce qui concerne
01:05:58une éventuelle opération
01:06:00qui vendrait de l'extérieur.
01:06:01C'est ce que soulignaient
01:06:02d'ailleurs nos services
01:06:03d'enseignement
01:06:04dans une note
01:06:05datée du tout début janvier
01:06:08de cette année 2025.
01:06:10Vous souhaitiez rajouter
01:06:10quelque chose ?
01:06:11Oui,
01:06:11je suis absolument d'accord
01:06:12avec M. Ricard,
01:06:13dans le sens en plus
01:06:15où nous avons
01:06:16des ressortissants
01:06:16en France nord-caucasiens
01:06:18qui parlent la langue russe,
01:06:20tout comme effectivement
01:06:21ceux qui composent
01:06:22l'EIKA actuellement.
01:06:24Donc il y en a vraiment aussi
01:06:24ce lien historique,
01:06:26traumatique
01:06:26entre les personnes
01:06:28qui viennent en fait
01:06:28de l'ex-URSS,
01:06:30Caucase
01:06:30et Asie centrale.
01:06:31Et effectivement,
01:06:32on a des mineurs
01:06:33notamment au moment
01:06:34des Jeux Olympiques
01:06:34qui avaient été arrêtés,
01:06:35enfin deux individus
01:06:37vers Saint-Etienne
01:06:37qui voulaient faire
01:06:38justement une attaque
01:06:39sur le club de foot,
01:06:42enfin pas le club de foot,
01:06:42mais le stade de foot
01:06:44de Saint-Etienne
01:06:45qui effectivement,
01:06:46eux,
01:06:46avaient prêté allégeance
01:06:47à l'EIKA.
01:06:48Donc on a vraiment aussi,
01:06:50je pense que les services
01:06:50d'enseignement
01:06:51évidemment y réfléchissent,
01:06:52cette collusion d'intérêts
01:06:54entre ceux qui sont exilés,
01:06:56qui parlent le russe
01:06:57et qui peuvent avoir
01:06:57des intérêts communs
01:06:58effectivement avec l'EIKA.
01:07:00On parle de l'État islamique,
01:07:02de l'EIKA,
01:07:03du côté caucasien.
01:07:05Al-Qaïda aujourd'hui,
01:07:07ça reste une organisation
01:07:08opérationnelle
01:07:09pour ce type de projection
01:07:12dont on a parlé.
01:07:13Il y a d'autres organisations,
01:07:15autres que l'État islamique,
01:07:17capables de mener
01:07:18ce type d'opération
01:07:20sur notre territoire.
01:07:20Ce qui est très intéressant,
01:07:21c'est que nous,
01:07:22on a toujours besoin
01:07:22d'étiquettes.
01:07:23On a toujours besoin
01:07:24d'avoir besoin de dire
01:07:26ils seront affiliés
01:07:27à ça, à ça ou ça.
01:07:29Et en fait,
01:07:29ce qu'il faut bien avoir
01:07:30en mémoire,
01:07:31c'est qu'il y a eu
01:07:32des périodes,
01:07:33dites de basse-eau,
01:07:35en termes d'attentats,
01:07:36où on pensait
01:07:38que faute d'organisation,
01:07:41il ne se passait pas grand-chose
01:07:42et que finalement,
01:07:44Al-Qaïda a été une époque
01:07:46avec un espèce de pique,
01:07:48l'Islamique a été
01:07:49à une époque
01:07:49et entre deux,
01:07:51il ne se passait rien.
01:07:52En réalité,
01:07:53le djihad, lui,
01:07:54il continue de fonctionner
01:07:55à plein régime
01:07:56et peu importe
01:07:57les étiquettes.
01:07:58Il y a eu des époques,
01:08:00Jean-François Ricard
01:08:00est bien mieux placé
01:08:01que moi pour en parler,
01:08:03où il n'y avait pas
01:08:04d'étiquette particulière,
01:08:05il n'y avait pas
01:08:05d'organisation qui commanditait.
01:08:07Cela n'empêchait pas
01:08:08des projets de se préparer,
01:08:11des gens de recruter,
01:08:12des messages de diffuser
01:08:13et maintenant
01:08:14avec les réseaux sociaux.
01:08:16Donc, il faut se méfier
01:08:17de se dire
01:08:17l'organisation est affaiblie,
01:08:19mais en gros,
01:08:21tout se passe bien.
01:08:22Non,
01:08:22il peut y avoir
01:08:23à bas bruit,
01:08:25si je peux dire,
01:08:26des organisations
01:08:27ou pas d'organisation,
01:08:29mais des groupes
01:08:30qui se structurent
01:08:31et qui peuvent se préparer
01:08:32pour passer à l'action
01:08:33au nom du djihad
01:08:34qui reste une cause
01:08:35idéologique majeure.
01:08:36Oui.
01:08:37Alors, il semble
01:08:38que ces attentats
01:08:41de type exogène
01:08:43soient moins d'actualité,
01:08:45la menace est peut-être
01:08:46moins pressante,
01:08:47c'est ce que je retiens
01:08:47de ce que vous nous avez dit,
01:08:49et qu'en revanche,
01:08:50la nature du djihadisme
01:08:53et des menaces a changé
01:08:54et que c'est la menace endogène,
01:08:56celle qui vient
01:08:57de notre pays même,
01:08:58de l'intérieur,
01:08:59qui a pris de l'importance
01:09:00aujourd'hui.
01:09:01Est-ce que vous êtes
01:09:02d'accord avec ça ?
01:09:03Et pouvez-nous donner
01:09:04quelques exemples
01:09:05de cette menace
01:09:06dite endogène,
01:09:07cette fois,
01:09:07qui vient de l'intérieur ?
01:09:10De quoi est-elle faite,
01:09:11cette menace ?
01:09:11Je partage tout à fait
01:09:12ce point de vue.
01:09:14Et j'irai même encore
01:09:15beaucoup plus loin.
01:09:16La France a été victime
01:09:18du terrorisme djihadiste
01:09:19depuis 30 ans environ.
01:09:22Et au cours de ces 30 années,
01:09:25l'immense majorité
01:09:27des projets d'action
01:09:29ou des actions réalisées
01:09:30ne l'ont pas été
01:09:32à l'origine
01:09:33de la part
01:09:35d'organisations
01:09:35structurées.
01:09:37Le GIA,
01:09:38en 1995,
01:09:40mais aussi en France,
01:09:42avec la fameuse campagne
01:09:42d'attentats,
01:09:43l'attentat de Saint-Michel,
01:09:44etc.
01:09:45Et puis,
01:09:46nous connaissons
01:09:4820 ans plus tard
01:09:49les attentats
01:09:50réalisés
01:09:50par l'État islamique,
01:09:52mais toutes les autres actions,
01:09:54il y en a des dizaines,
01:09:56elles ne proviennent pas
01:09:57de réseaux
01:09:59qui sont,
01:10:00en quelque sorte,
01:10:00affiliés
01:10:01à une organisation
01:10:01structurée,
01:10:03mais beaucoup plus
01:10:03à une mouvance.
01:10:04Et cette mouvance,
01:10:05elle est installée
01:10:06en France
01:10:07depuis longtemps,
01:10:09depuis 30 ans,
01:10:10et en quelque sorte,
01:10:12elle s'est épaissie
01:10:13génération
01:10:14par génération.
01:10:15Les générations
01:10:16ne succèdent pas
01:10:17les unes aux autres,
01:10:18elles s'agrègent
01:10:19les unes avec les autres.
01:10:21Les grands anciens,
01:10:23ceux qui ont aujourd'hui
01:10:23la cinquantaine passée,
01:10:25peuvent être toujours
01:10:26extrêmement efficaces,
01:10:28actifs,
01:10:28pour recruter,
01:10:30donner des ordres,
01:10:31inciter,
01:10:32conseiller.
01:10:33On le voit
01:10:34dans les attentats
01:10:36qui ont lieu
01:10:36au cours des années
01:10:372015 et suivantes,
01:10:39on voit par-ci,
01:10:40par-là,
01:10:41un grand ancien,
01:10:42par exemple,
01:10:42que moi,
01:10:42j'ai eu l'occasion
01:10:43de connaître 15 ans plus tôt.
01:10:45Donc,
01:10:45c'est ça,
01:10:46la situation aujourd'hui,
01:10:48une série
01:10:48de générations
01:10:50qui s'agrègent
01:10:51les unes aux autres,
01:10:53qui,
01:10:53aujourd'hui,
01:10:54est devenue
01:10:55une forme de tourisme
01:10:56de masse.
01:10:57On n'est plus,
01:10:58comme dans les années 90,
01:11:00avec quelques centaines
01:11:01d'individus.
01:11:02Mais il y a des milliers
01:11:03d'individus concernés,
01:11:05y compris,
01:11:05comme vous l'avez déjà dit,
01:11:07des très jeunes,
01:11:07des mineurs.
01:11:08Milliers d'individus
01:11:09concernés
01:11:10sur notre territoire.
01:11:12Oui.
01:11:12Est-ce que pour la décrire
01:11:13plus au-delà,
01:11:14cette mouvance,
01:11:15de quoi est-elle faite ?
01:11:16Justement,
01:11:17Elle répond
01:11:18à quel ressort idéologique ?
01:11:20Et comment recrute-t-on
01:11:21ce personnel ?
01:11:24Il y a quelque chose
01:11:24à dire,
01:11:24effectivement,
01:11:25en lien avec ce que
01:11:26M. Ricard vient de dire,
01:11:27c'est que,
01:11:28quand vous prenez
01:11:28les attaques
01:11:29de Mohamed Merah
01:11:29en mars 2012,
01:11:32vous avez très clairement
01:11:33une affiliation,
01:11:34ce qu'on n'avait pas compris
01:11:35au départ,
01:11:35mais à Al-Qaïda.
01:11:37Or,
01:11:38Mohamed Merah
01:11:39est né en France,
01:11:40dans la cité des Isars,
01:11:42donc à Toulouse,
01:11:43et a été,
01:11:43effectivement,
01:11:44environné de familles
01:11:45qui se sont radicalisées.
01:11:46Quand ?
01:11:46Pas en 2012,
01:11:48mais au moment
01:11:49de l'attentat
01:11:50du 11 septembre 2001.
01:11:51Et on a des dossiers,
01:11:52aujourd'hui,
01:11:52de femmes,
01:11:53notamment,
01:11:53qui nous retranscrivent
01:11:54ce qui a pu se passer
01:11:55en 2001.
01:11:55Donc,
01:11:56effectivement,
01:11:56on a vraiment
01:11:56cette agrégation,
01:11:58en fait,
01:11:59idéologique de radicalité
01:12:00qui vient justement
01:12:01construire,
01:12:02finalement,
01:12:03un effectif
01:12:04de terrorisme de masse.
01:12:06Qu'est-ce qui se passe aussi ?
01:12:07Moi,
01:12:07j'ai essayé de voir aussi
01:12:08dans les dossiers
01:12:08dans mon livre,
01:12:10justement,
01:12:10ce qui pouvait aussi nourrir
01:12:11et ce qui pouvait,
01:12:13justement,
01:12:13connecter,
01:12:14finalement,
01:12:14l'histoire individuelle
01:12:15à l'histoire collective
01:12:16de ces fameux
01:12:17terroristes djihadistes.
01:12:18Et on voit bien
01:12:19qu'en fait,
01:12:20ce que propose
01:12:21la propagande
01:12:21État islamique
01:12:22ou Al-Qaïda,
01:12:23c'est aussi
01:12:24de grandes idées
01:12:25de justice,
01:12:26de réparation,
01:12:27qui vont venir
01:12:28parler directement
01:12:29à des gens
01:12:30qui ont un passé traumatique,
01:12:31que ce soit
01:12:32des nord-caucasiens,
01:12:33que ce soit
01:12:33des nord-africains
01:12:34qui ont été exilés,
01:12:35qui sont arrivés en France
01:12:35dans les années 60-70,
01:12:37en tout cas,
01:12:38leurs parents.
01:12:38il y a quelque chose
01:12:39qui se passe,
01:12:40il faut quand même
01:12:40regarder cela
01:12:41et c'est vrai
01:12:41qu'aujourd'hui,
01:12:42on a aussi
01:12:43chez les jeunes,
01:12:44puisqu'on a 70%
01:12:45de passages à l'acte,
01:12:47en tout cas,
01:12:47de projets d'action violentes
01:12:48qui sont issus
01:12:49de personnes
01:12:50qui ont moins de 21 ans
01:12:51aujourd'hui,
01:12:52depuis 2023,
01:12:53c'est les chiffres,
01:12:53puisque M. Ricard...
01:12:54Parmi eux,
01:12:55beaucoup de mineurs
01:12:56de moins de 17 ans.
01:12:57Exactement,
01:12:58ce que M. Ricard
01:12:59avait appelé
01:12:59les nouveaux mineurs
01:13:00et effectivement,
01:13:01ça, il faut le regarder
01:13:02en face,
01:13:03on a de nouveaux supports,
01:13:04tout le monde parle
01:13:04de radicalisation en ligne
01:13:05en disant,
01:13:06c'est ça le sujet,
01:13:07ce sont les réseaux sociaux,
01:13:08ce n'est pas forcément
01:13:09le sujet,
01:13:09c'est la visibilité
01:13:10de la radicalisation
01:13:11des réseaux sociaux.
01:13:13Mais il faut regarder
01:13:13identitairement
01:13:14ce qui se passe aussi
01:13:15pour nos jeunes,
01:13:16qui sont peut-être
01:13:17en queue de comète,
01:13:18on verra,
01:13:18et en tout cas,
01:13:18qui appartiennent encore
01:13:20à ces idéologies
01:13:21qui sont nées
01:13:22il y a plus de 30 ans.
01:13:24Le danger est là
01:13:25aujourd'hui,
01:13:26Vincent Dousy ?
01:13:26Oui.
01:13:27Une population
01:13:27assez hétérogène,
01:13:29très difficile,
01:13:29j'imagine,
01:13:30à identifier
01:13:30pour nos services
01:13:31de sécurité ?
01:13:32Oui, alors,
01:13:33il y a quand même
01:13:33quelques données
01:13:34qui sont intéressantes
01:13:35qui vont vous permettre
01:13:36de vous donner
01:13:37un ordre de grandeur.
01:13:39Par exemple,
01:13:40on sait qu'il y a
01:13:41un fichier des radicalisations
01:13:42dans lequel il y avait
01:13:43à une époque
01:13:4422 000 noms,
01:13:46les services
01:13:46sont un petit peu
01:13:47nettoyés,
01:13:47tout ça,
01:13:47pour environ
01:13:48se concentrer
01:13:50sur environ
01:13:505 000 noms
01:13:51qui sont classés,
01:13:52je crois,
01:13:53en trois catégories
01:13:54de risques,
01:13:55en quelque sorte.
01:13:55Donc,
01:13:56ça fait 5 000 personnes.
01:13:57On a un autre indicateur
01:13:58qui est le nombre
01:13:58de personnes
01:13:59qui sont surveillées
01:14:01par nos services
01:14:02de renseignement
01:14:03puisqu'il y a
01:14:03un avis
01:14:04d'une commission spéciale
01:14:06qui fait un bilan
01:14:06tous les ans
01:14:07et on sait
01:14:07que c'est un petit peu
01:14:09décru,
01:14:09évidemment,
01:14:10depuis les années
01:14:102016-2017,
01:14:12mais on est sur
01:14:136 000 à 7 000 personnes
01:14:15qui sont surveillées
01:14:17sur la base
01:14:17de soupçons réels,
01:14:19de radicalisations
01:14:20ou de radicalisations
01:14:20violentes.
01:14:21Et donc,
01:14:22voilà,
01:14:22donc on a
01:14:235 000 à 7 000 personnes
01:14:24en France.
01:14:25Et sur cela,
01:14:25on trouve effectivement
01:14:26de plus en plus de mineurs
01:14:27pour rebondir
01:14:28ce qui vient d'être dit.
01:14:29Et ça,
01:14:30on le voit
01:14:31à travers
01:14:31les données récentes
01:14:32du PNAD
01:14:33d'ouverture de dossiers
01:14:34dans l'année 2025,
01:14:38où on est,
01:14:39je crois,
01:14:40c'est ce qu'a dit
01:14:40le procureur
01:14:41il y a quelques jours,
01:14:42on est à 17 mineurs
01:14:44dossiers ouverts
01:14:47sur des actions
01:14:48d'associations
01:14:49de malfaiteurs
01:14:49terroristes
01:14:50en France
01:14:51depuis le début
01:14:51de l'année.
01:14:52On était à 19
01:14:53l'année dernière
01:14:56pour l'année 2024
01:14:57et ce chiffre
01:14:59a largement
01:14:59augmenté.
01:15:00On est à peu près
01:15:01à 20%
01:15:02des ouvertures
01:15:03de dossiers
01:15:04pour des affaires
01:15:04de terrorisme
01:15:05en France
01:15:05qui concernent
01:15:06des mineurs.
01:15:08Je parle sous votre contrôle,
01:15:09monsieur.
01:15:09Alors on a évidemment
01:15:10envie de vous demander
01:15:11si tout cela
01:15:11est sous contrôle.
01:15:13Contrôle du service
01:15:14de renseignement,
01:15:15du parquet national
01:15:16antiterroriste
01:15:17qui juge
01:15:18de plus en plus
01:15:19d'individus.
01:15:20Parce qu'entre-temps,
01:15:22avec la création
01:15:23de ce parquet national,
01:15:24notre arsenal législatif
01:15:27s'est considérablement
01:15:28renforcé.
01:15:29Il faut tout de même
01:15:29le souligner
01:15:30depuis 2019.
01:15:32Est-ce que tout cela
01:15:32est sous contrôle
01:15:33concernant ces fameuses
01:15:34menaces venues
01:15:35de l'intérieur ?
01:15:36Pour les jugements,
01:15:37parce que c'est quelque chose
01:15:38de très important,
01:15:40la France juge
01:15:41le terrorisme.
01:15:42Et à Talencegne,
01:15:43deux chiffres
01:15:44sont extrêmement parlants.
01:15:47Entre les premiers dossiers
01:15:50djihadistes,
01:15:521994,
01:15:53et la création
01:15:54du PNAT 2019,
01:15:55donc en 25 ans,
01:15:57moins d'une dizaine
01:15:58de ces dossiers
01:15:59ont été jugés
01:16:00par la Cour d'Assise.
01:16:02En revanche,
01:16:03pendant les quatre premières
01:16:04années du PNAT,
01:16:062019-2023,
01:16:08quatre années,
01:16:09il y a eu près de 80 dossiers
01:16:10jugés devant la Cour d'Assise.
01:16:13Autrement dit,
01:16:13en quatre ans,
01:16:15huit fois plus
01:16:15qu'en 25 ans.
01:16:17Et à côté de cela,
01:16:17il y a eu 260 dossiers
01:16:19qui ont été jugés
01:16:20devant le tribunal
01:16:20correctionnel.
01:16:22C'est-à-dire une activité
01:16:23énorme de jugement
01:16:24comme nous n'en avons
01:16:25jamais vécu
01:16:26dans toute notre histoire
01:16:27judiciaire.
01:16:28Ça, c'est un premier point.
01:16:30Le contrôle
01:16:31par les services
01:16:32de renseignement
01:16:33et de l'activité
01:16:33polijudiciaire,
01:16:35évidemment,
01:16:36sous la direction
01:16:37des magistrats,
01:16:39est paradoxalement
01:16:40beaucoup plus difficile
01:16:41à réaliser
01:16:42avec des individus
01:16:44un peu isolés
01:16:44ou fonctionnement
01:16:45en tout petit groupe
01:16:46que si on travaille
01:16:47sur un réseau.
01:16:48Lorsqu'il y a un réseau,
01:16:49on va avoir un élément
01:16:50et puis après,
01:16:50on va tirer des fils.
01:16:51On va utiliser
01:16:52toutes les méthodes
01:16:53que la loi
01:16:54va nous confier.
01:16:55mais ça va être
01:16:56beaucoup plus difficile
01:16:57si un individu
01:16:58est isolé,
01:16:59inconnu jusque-là
01:17:00et peu actif
01:17:02sur les réseaux
01:17:03étant particulièrement prudent
01:17:04puisqu'il connaît
01:17:06maintenant,
01:17:07c'est publié partout,
01:17:08toutes les recommandations
01:17:09qu'il doit mettre en œuvre
01:17:11afin d'apparaître
01:17:12comme étant
01:17:12le plus discret possible
01:17:13et de passer
01:17:14sous les radars.
01:17:15Donc c'est à la fois
01:17:16un risque
01:17:17d'action terroriste
01:17:19je dirais peut-être
01:17:19d'une ampleur
01:17:20bien moindre
01:17:22que ce qu'on a connu
01:17:23mais beaucoup plus difficile
01:17:25à détecter
01:17:26et c'est notamment
01:17:27à partir de 2023
01:17:28moi que j'avais
01:17:29lorsque j'étais en fonction
01:17:30constater cette émergence
01:17:33des mineurs.
01:17:33Au début des années 2000
01:17:35il n'y en avait pas
01:17:35un seul.
01:17:37Dans la deuxième partie
01:17:38des années 2010
01:17:39on a commencé
01:17:40à en voir apparaître
01:17:40et à partir de 2023
01:17:42le nombre
01:17:43de ces mineurs impliqués
01:17:44a véritablement
01:17:45fortement augmenté
01:17:46et reste
01:17:47dans cette augmentation
01:17:48actuellement.
01:17:49Et ça sera ma...
01:17:50Oui vous voulez dire quelque chose ?
01:17:51Juste peut-être une chose aussi
01:17:52je pense que l'attentat
01:17:53commis
01:17:54à l'endroit
01:17:55de Samuel Paty
01:17:56le 16 octobre 2020
01:17:58est quand même
01:17:59un moment aussi
01:17:59très particulier
01:18:00parce que
01:18:01un jeune homme
01:18:03de 18 ans
01:18:03Abdoulade Kanzoraf
01:18:04il a 18 ans
01:18:05on n'est pas effectivement
01:18:06dans le mineur
01:18:06mais il venait d'avoir 18 ans
01:18:07d'origine caucasienne
01:18:08en l'occurrence
01:18:09d'origine caucasienne
01:18:09tchétchène
01:18:10exactement
01:18:10va effectivement
01:18:11commettre cet attentat
01:18:12et donc effectivement
01:18:13en 2023
01:18:13on a aussi à l'école
01:18:14de nouveau
01:18:15Mohamed Mogouchkov
01:18:17qui passe à l'acte
01:18:18contre Dominique Bernard
01:18:19qui lui a 20 ans
01:18:20mais a été scolarisé
01:18:21au moment en fait
01:18:22de sa minorité
01:18:22avec ce professeur
01:18:24donc il y a aussi
01:18:25cette si je puis dire
01:18:26cette ambiance
01:18:27scolaire
01:18:28qui vient aussi
01:18:29s'ajouter
01:18:30à tous
01:18:32ces passages à l'acte
01:18:33c'est à dire
01:18:34qu'on va avoir
01:18:34l'école de la république
01:18:35qui va être concernée
01:18:36par d'anciens élèves
01:18:37en plus
01:18:38de cette école de la république
01:18:39et ça
01:18:40c'est quand même
01:18:41quelque chose à relever
01:18:41alors effectivement
01:18:42ils ne sont pas mineurs
01:18:43ils n'ont pas 13 ans
01:18:44mais je pense
01:18:44que ça fait partie aussi
01:18:45de ce phénomène
01:18:46qui est en train de prendre
01:18:47aussi actuellement
01:18:48en France
01:18:49et en Europe de l'Ouest
01:18:50de manière générale
01:18:51et phénomène auquel
01:18:52il faut être de plus en plus
01:18:53évidemment vigilant
01:18:54vous le soulignez tous
01:18:55d'ailleurs
01:18:56dans vos différentes interventions
01:18:57que j'ai pu dire
01:18:58sur le sujet
01:19:00vraiment un grand merci
01:19:01à tous les trois
01:19:01d'avoir participé
01:19:02à ce débat d'Oc
01:19:03on aurait bien évidemment
01:19:04voulu passer beaucoup plus
01:19:05de temps avec vous
01:19:05pour savoir si oui ou non
01:19:07nous sommes à l'abri
01:19:07de revivre
01:19:08les mêmes attentats
01:19:09que ceux vécu
01:19:10il y a 10 ans
01:19:11le 13 novembre 2015
01:19:13merci à Daniel Pseny
01:19:14pour ce formidable documentaire
01:19:16qu'il nous a proposé
01:19:17vendredi noir
01:19:19pour ce débat d'Oc
01:19:20aujourd'hui
01:19:20félicité Gavalda
01:19:21et Thibaut Brosset
01:19:23et qu'elles m'ont aidé
01:19:24comme à l'accoutumée
01:19:25à présenter cette émission
01:19:26vos réactions
01:19:27ça sera sur hashtag
01:19:28débat d'Oc
01:19:29et je vous donne
01:19:30quant à moi rendez-vous
01:19:31pour un prochain débat d'Oc
01:19:32bien sûr
01:19:32avec son documentaire
01:19:34et son débat
01:19:35à très bientôt
Écris le tout premier commentaire
Ajoute ton commentaire

Recommandations