- il y a 7 heures
L'ancienne ministre de la Santé Agnès Buzyn et Agnès Giannotti, la présidente de MG France, principal syndicat de médecins généralistes, sont les invitées de France Inter.
Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:00La Grande Matinale
00:01Et ce matin avec Benjamin Duhamel, nous vous proposons donc un grand entretien consacré à l'une des priorités des Français, la santé.
00:09En crise, au moment où le budget de la Sécu est discuté à l'Assemblée Nationale, peut-on sauver le système de santé à la française ?
00:16La France a-t-elle encore les moyens de son modèle social ? Pourquoi l'accès aux soins est-il devenu si compliqué ?
00:23Appelez-nous, racontez-nous vos difficultés, posez vos questions à nos deux invités au 0145 24 7000 et sur l'appli Radio France.
00:32Bonjour Agnès Buzyn.
00:33Bonjour.
00:33Merci d'être avec nous ce matin sur France Inter, professeure de médecine, ancienne ministre de la Santé.
00:38Vous publiez Demain notre santé aux éditions Plon.
00:42Face à vous, je salue Agnès Giannotti, bonjour.
00:44Bonjour.
00:45Merci d'être avec nous sur France Inter, vous êtes médecin généraliste, présidente de MG France, le premier syndicat de votre profession.
00:51Et je précise, pour planter le décor, que vous êtes loin d'être d'accord avec le constat posé par Agnès Buzyn.
00:56Ça vous fait sourire, ça veut donc dire que c'est assez vrai.
00:58Ce qui vous met d'accord en revanche, c'est la crise que traverse le système de santé, les déserts médicaux, la pénurie de médicaments, l'accueil aux urgences,
01:06des difficultés que les Français éprouvent au quotidien.
01:09Le tout alors qu'il faut trouver des économies pour continuer à faire fonctionner ce système de santé à la française.
01:16Alors, même question à toutes les deux, vous qui êtes médecin depuis longtemps.
01:21Est-ce que vous avez déjà été aussi inquiète depuis le début de votre carrière, Agnès Buzyn ?
01:27Non. En réalité, aujourd'hui, personne n'est satisfait parce que nous sommes au milieu du gain.
01:33Nous avons construit un système de santé pour le XXe siècle, à une période où les gens mouraient jeunes,
01:38où il y avait énormément de médecins, où il y avait énormément de cotisants pour financer le système.
01:44Et nous sommes au XXIe siècle. Il y a de moins en moins de jeunes, de moins en moins de médecins, on expliquera pourquoi.
01:51Il y a des Français qui cherchent à accéder aux soins. Il y a des professionnels de santé débordés, qui se sentent sous pression.
01:58Et en réalité, plus rien ne va. Le système, aujourd'hui, coûte beaucoup trop cher. Il convient de le transformer en profondeur.
02:04Et l'inquiétude du terrain, Agnès Gianotti, vous qui êtes médecin généraliste ?
02:08Ça fait des années qu'on voit des mauvaises décisions politiques, aussi bien au point de vue économique que sur la santé, plus précisément.
02:15Et on en paye le prix, aujourd'hui. Et donc, entre la financiarisation qu'on voit arriver à la vitesse grand V,
02:21et qui met vraiment en péril l'ensemble du système de santé, effectivement, je suis inquiète.
02:26S'il faut redresser la barre, c'est maintenant, c'est pas demain.
02:28Et vous parlez des décisions politiques qui ont été prises, et vous aurez bien sûr l'occasion d'en parler à Agnès Buzyn,
02:33qui a elle-même été responsable d'un certain nombre de décisions qui ont été prises.
02:37On va prendre le temps, mesdames, de détailler les grands chantiers du secteur de la santé.
02:40Le plus urgent, c'est ce qui se joue en ce moment à l'Assemblée nationale,
02:42les débats autour du budget de la Sécu, qui tournent autour de la nécessité de contrôler les dépenses,
02:48avec, par exemple, c'est ce qui a beaucoup agité le débat, la volonté du gouvernement de doubler les franchises médicales,
02:53c'est-à-dire ceux qui restent à payer par les patients quand ils achètent des médicaments ou vont chez le généraliste.
02:59Les députés ont voté contre, mais le gouvernement maintient son projet.
03:03Est-ce que c'est un mal nécessaire pour faire des économies, Agnès Buzyn, doubler les franchises médicales ?
03:09Alors, aujourd'hui, toutes les solutions qui sont proposées, quelque part, ce sont de mauvaises solutions.
03:14Pourquoi ? Parce que le système n'est pas conçu pour faire la médecine dont nous avons besoin.
03:18Donc, effectivement, le gouvernement cherche des économies, fait des rabots, fait des franchises.
03:23En réalité, il n'a pas d'autre choix. Il n'a pas d'autre choix pour ralentir l'augmentation des dépenses.
03:29Madame Gianotti parlait, évidemment, des décisions budgétaires.
03:33En réalité, les Français doivent comprendre une chose.
03:36Nous sommes le troisième pays au monde en termes de dépenses de santé.
03:40Juste en plus de nous, il y a les États-Unis.
03:43On ne compte pas, le système est absolument dysfonctionnel.
03:46Il y a l'Allemagne. Donc, nous partons déjà de dépenses de santé très, très élevées.
03:51Et nous augmentons ces dépenses de santé de 4% par an.
03:54Ça veut dire quoi ? C'est qu'aujourd'hui, la santé représente 12% de notre PIB.
03:59Dans 10 ans, la santé, à ce rythme-là, représentera 20% de notre PIB.
04:04Est-ce qu'on l'a décidé ? Est-ce que c'est ce que nous souhaitons collectivement ?
04:09Où doit aller l'argent ?
04:10Vous dites que les patients, forcément, doivent payer ? On va devoir payer ?
04:13Certainement pas. Ce n'est pas du tout ce que je dis.
04:15Ce que je dis aujourd'hui, c'est qu'il faut transformer la façon dont nous fonctionnons.
04:19Nous sommes le troisième pays au monde en termes de dépenses.
04:22Or, nous sommes le douzième en termes d'espérance de vie.
04:25Et je ne parle même pas de l'espérance de vie en bonne santé.
04:28Ça veut dire qu'avec tout l'argent que nous mettons, les résultats ne sont pas au rendez-vous.
04:32Ça nécessite une refonte de notre système de santé et de la façon dont nous le finançons.
04:38Agnès Gianotti, sur cette question du doublement des franchises médicales,
04:40quand on écoute les responsables gouvernementaux, Jean-Pierre Farandou, dans ce studio,
04:44qui dit l'air de la générosité, c'est fini, c'est plus possible.
04:47La ministre de la Santé, Stéphanie Riste, qui en appelle à la responsabilité individuelle des patients.
04:53Est-ce que, là encore, quand on est dans une situation financière telle qu'on la connaît,
04:56il n'y a pas une forme de logique à demander, dans une limite évidemment qui est celle fixée par les textes,
05:02c'est-à-dire 100 euros par an, de demander, de contribuer davantage quand on va acheter une boîte de médicaments
05:09ou quand on va chez le médecin ?
05:10Ce n'est pas 100 euros par an, c'est 350 euros par an pour les plus malades.
05:14C'est un impôt sur les malades.
05:16C'est-à-dire que, contrairement à l'impôt qui est proportionnel à ce qu'on gagne,
05:19là c'est proportionnel à l'importance de la maladie.
05:21Plus on est malade, plus on va payer.
05:23Donc c'est totalement injuste.
05:25Après, il faut savoir de quelles dépenses de santé on parle.
05:28Là, on parle de la dépense collective.
05:29Mais donc si c'est une dépense individuelle,
05:32parce que si on prend dans la poche des patients, c'est une dépense individuelle,
05:36l'augmentation des cotisations des complémentaires, c'est une dépense individuelle,
05:40et les frais de gestion des complémentaires sont bien supérieurs à celles de l'assurance maladie.
05:44Donc en fait, les dépenses de santé au total vont augmenter avec ce type de réformes qui sont totalement injustes.
05:50Et quand je parlais de mauvais choix politiques,
05:52en 2019, l'assurance maladie était en équilibre financier.
05:56Il n'y avait pas de trou.
05:57Et puis, aujourd'hui, 22 milliards de déficit.
06:01Qu'est-ce qui se passe ?
06:01Est-ce que c'est nous qui avons commencé à prescrire n'importe quoi ?
06:05Ce n'est même pas le Covid qui a creusé, ça a été pris ailleurs.
06:08Ségur de la santé, pas financé, 13 milliards par an de déficit.
06:13Politique de l'offre, l'État français a considéré que diminuer les cotisations,
06:19ça allait marcher.
06:20Ça n'a pas marché.
06:215 milliards par an.
06:22Le trou, il est là.
06:23Je précise sur le plafond, le projet du gouvernement, c'est de doubler de 50 à 100 euros par an le plafond des franchises médicales.
06:30Sauf qu'ils ont augmenté les françaises, il y en a 4.
06:32Ça fait 350, je m'attends.
06:33Mais c'était Agnès Genotti quand je parlais des 100 euros, c'est ce dont je parlais.
06:35Agnès Buzyncan, vous voyez là, au fond, ça se transforme en une sorte de réquisitoire général sur les choix qui ont été faits depuis 2017.
06:43D'abord, en 2019, j'étais effectivement ministre en charge de la santé.
06:47Effectivement, les comptes étaient revenus à l'équilibre.
06:50Mais je voudrais expliquer quelque chose aux Français.
06:52Aujourd'hui, le Parlement vote une enveloppe globale pour financer la santé.
06:57Or, nous avons des dépenses de santé liées aux arrêts de travail, aux transports, au nombre de consultations,
07:04à la longueur de nos ordonnances consommation de médicaments, qui explosent littéralement.
07:09On n'est pas à plus 4% par an, on est à plus 5% par an pour les consultations chez les médecins.
07:14On est à plus 11% des trois premiers mois de l'année 2025 pour les arrêts de travail.
07:19Donc, en fait, le système n'est plus du tout piloté.
07:21Et dans cette enveloppe fermée, quand les dépenses, qu'on appelle les dépenses de ville, augmentent de façon non contrôlée,
07:29qui payent ? Eh bien, c'est l'hôpital.
07:31Et donc, vous avez une sorte de vase communicant.
07:33Et aujourd'hui, l'hôpital s'appauvrit parce que nous ne sommes plus en capacité de piloter ce système de santé.
07:38Donc, ce que je propose dans le livre, c'est un pilotage du système de santé en fonction des besoins des Français.
07:44En fonction de l'accès aux soins, en fonction de la permanence des soins, en fonction de la qualité des soins.
07:51Aujourd'hui, on paye tout le monde pareil, de la même façon.
07:53Et je pense que ça ne peut plus durer.
07:55Donc, ce que vous dites, c'est qu'il faut que les médecins de ville soient plus durs, plus rudes.
08:00Ça veut dire que vous validez ce qui a été voté à l'Assemblée, la limitation des arrêts maladie à un mois pour la première prescription.
08:07Ça, c'est une... ça va dans le bon sens ?
08:09Ça, je pense que ça va dans le bon sens parce qu'effectivement, les dépenses d'indemnités journalières, d'arrêt de travail, explosent littéralement.
08:17Et ça n'est pas que lié au vieillissement de la population ou aux malades chroniques.
08:21Ça explose chez des gens jeunes qui n'ont aucune pathologie.
08:24Donc, nous avons évidemment...
08:25Ça veut dire quoi, Nesboudin ?
08:26Ça veut dire que c'est des arrêts maladie de complaisance qui sont délivrés par des médecins ?
08:30J'ai horreur d'attaquer frontalement des gens qui sont malades et qui en ont besoin.
08:36Il y a des arrêts de complaisance.
08:37Évidemment, ça n'est pas la majorité.
08:39Il y a aussi la pression qui est mise sur les médecins.
08:43La violence parfois des patients vis-à-vis d'un médecin généraliste seul dans son cabinet.
08:46Et donc, tout ça favorise aujourd'hui des dépenses qui ne sont plus pilotées.
08:51Agnès Vianotti, ça veut dire que vous prescrivez trop d'arrêt maladie ?
08:54Mais c'est nous les coupables.
08:55Tout le livre d'Agnès Buzyn est là-dessus.
08:57Les coupables, c'est les médecins généralistes traitants.
08:59On est le thermomètre.
09:00C'est-à-dire qu'on a en face de nous les patients malades, une population qui ne va pas bien.
09:04Et effectivement, comme on la soigne, ça coûte.
09:07Donc, l'histoire de dire c'est à cause de la ville que l'hôpital va mal, ça ne va pas.
09:11On est tous dans le même bateau.
09:12Si la ville s'écroule, l'hôpital s'écroule.
09:14On fait un million de consultations par jour en ville.
09:17Vous pensez que l'hôpital peut faire ça ?
09:19La première des choses qu'on apprend à nos étudiants quand ils font la spécialité médecine générale,
09:23on appelle le carré de White.
09:25Sur 1000 patients français qui ont un problème de santé,
09:28un quart vont voir le généraliste, 5 pour 1000 vont à l'hôpital.
09:30Mais 6% par an de plus pour les arrêts maladie depuis 5 ans.
09:356% par an, qu'est-ce qui se passe ?
09:37Il se passe que la population va mal,
09:39que là encore, on n'a pas budgété des dépenses prévisibles.
09:42On recule l'âge de la retraite, donc forcément plus d'indemnités journalières.
09:46Mais ça, ça n'a pas été pensé, ça n'a pas été budgété et on s'étonne.
09:50Nous, on a des gens qui ont des troubles musculo-squelettiques des travailleurs manuels,
09:53des épaules en vrac, des genoux en vrac, qui ne peuvent plus continuer.
09:57Qu'est-ce qu'on en fait ?
09:57On les remet au travail.
09:59On a des gens qui ont des souffrances morales.
10:01On a dit que la souffrance morale, c'était le sujet de l'année.
10:05Et quand on a des gens qui vont mal, il faut les remettre au travail.
10:07Donc il n'y a pas parfois, et pour certains, même si Agnès Buzyn disait que c'était une minorité,
10:12une facilité trop importante à délivrer des arrêts maladie ?
10:15Ce qui coûte cher, c'est les arrêts longs, ce n'est pas les arrêts courts.
10:18Et vous croyez qu'on va s'amuser à arrêter des mois et des mois des gens qui vont bien ?
10:22Vous pensez que c'est ça notre travail ?
10:23C'est ce que je...
10:24Alors, deux choses.
10:25D'abord, Madame Giannotti, je pense que vous n'avez pas bien lu mon livre.
10:29Je n'attaque pas du tout les médecins généralistes, je n'attaque personne en fait dans le livre.
10:32Je livre un constat et je partage avec les Français, en fait, la raison des dysfonctionnements.
10:38Vous dites qu'il faut rééquilibrer au profit de l'hôpital.
10:40Mais qu'est-ce que je dis aussi ?
10:41Je dis qu'il y a plein de choses qu'on doit remettre à plat.
10:43Par exemple, est-ce qu'on a décidé collectivement que les médecins généralistes
10:48avaient des raisons d'être les moins bien payés du système de santé ?
10:51Je le dis, Madame Giannotti, est-ce qu'on l'a décidé ?
10:53Pourquoi est-ce qu'un médecin généraliste qui fait en plus 4 ans d'internat,
10:56qui est donc spécialiste de la médecine générale,
10:59est aujourd'hui 2 à 3 fois moins payé qu'un autre type de spécialiste ?
11:03Pourquoi est-ce que c'est une décision collective alors que nous n'avons tant besoin de généralistes ?
11:08Et je dis justement qu'on devrait piloter le système en fonction de nos besoins.
11:11Nous avons besoin de médecins généralistes et il faut peut-être les rémunérer mieux.
11:15mais sur des objectifs qui servent l'intérêt général,
11:18c'est-à-dire des objectifs de santé publique.
11:21Vérifier que les gens sont dépistés, vérifier que les gens sont vaccinés contre la grippe.
11:25Vous ne pouvez pas aller contre ça parce que c'est l'essence même de votre travail.
11:28Donc non, je pose des constats et je propose des solutions qui passent par une transformation.
11:33Mesdames, l'enjeu majeur c'est comment faire des économies sans affaiblir le système de santé,
11:39sans pénaliser les patients.
11:41Et un des symptômes de la difficulté du moment, c'est la pénurie de médicaments.
11:45Ça dure depuis des mois, des années.
11:47L'État ne rémunère pas assez les labos pharmaceutiques.
11:50Ils vont donc vendre ailleurs, à l'étranger, à d'autres pays plus offrants.
11:56Ce qui est en train de se passer avec les médicaments arrive avec les prothèses.
12:00Les orthopédistes commencent à dire qu'il va y avoir des pénuries de prothèses de genoux, de hanches.
12:06C'est un cercle vicieux en fait.
12:08On ne voit pas bien comment on peut sortir de cet impasse.
12:11J'ai un chapitre entier sur les pénuries de médicaments dans mon livre.
12:15Parce qu'en réalité, d'abord, il y a une fausse idée en circulation qui est qu'on paierait trop peu cher les médicaments et que c'est la raison des pénuries.
12:23Ce n'est pas vrai quand vous regardez dans les autres pays.
12:25En réalité, les pénuries, il y en a absolument partout.
12:28Et pour différentes raisons.
12:31D'abord, parce qu'il y a eu une centralisation de la production des molécules chimiques à l'origine des médicaments dans des pays comme la Chine et l'Inde, dans une ou deux usines.
12:39Et donc, quand ces usines ont un problème, un incident, eh bien, toute la chaîne de production s'arrête.
12:45Donc, il y a des pénuries partout dans le monde.
12:47Ça n'est pas lié au...
12:48Il n'y a pas de problème de modèle économique.
12:50Et par contre, il y a un vrai problème de modèle économique qui est que pour favoriser l'innovation dans les années 70-80,
12:56on a décidé qu'à chaque fois qu'un nouveau médicament arrivait sur le marché, on le paierait plus cher que le précédent.
13:02Sauf que c'est sans limite.
13:04C'est-à-dire qu'on les paye de plus en plus cher.
13:06Et c'est de plus en plus déconnecté à l'argent que mettent les laboratoires dans la recherche et l'innovation.
13:11Jusqu'à où on va accepter de payer cette innovation ?
13:16Je vais vous donner un exemple.
13:18Quand vous aviez un cancer et que vous aviez un médicament qui vous apportait trois mois de survie en plus,
13:22dans les années 2000, vous payez ce médicament 3000 euros par mois.
13:26Aujourd'hui, pour ces mêmes trois mois de vie gagnée, vous le payez dix fois plus cher.
13:31Et dans dix ans, ce sera cent fois plus cher.
13:33Ça n'a plus de sens.
13:34Il faut une politique européenne du médicament.
13:36On doit tous se mettre autour de la table.
13:37Nous sommes 450 millions d'Européens.
13:40à nous maintenant aussi de réguler ce prix du médicament.
13:43Agnès Gianotti, sur ce prix du médicament,
13:46non seulement en réponse à ce que dit Agnès Buzyn sur le modèle économique,
13:49et sur vous, votre quotidien de médecin généraliste,
13:52est-ce que vous avez effectivement cette difficulté au quotidien ?
13:56Avec des patients qui ne trouvent pas les prescriptions que vous mettez sur leur ordonnance ?
14:00On fait au mieux avec les pharmaciens avec lesquels on travaille au quotidien.
14:03Mais je voudrais dire que pour faire des économies de santé,
14:07la première des choses, c'est d'avoir des médecins traitants.
14:09Et ça rejoint l'histoire de la démographie.
14:11Il faut que vous sachiez que quand même, il y a la moitié des médecins généralistes
14:14qui n'exercent pas comme médecins traitants.
14:17Il y a une fuite des médecins traitants vers les activités financiarisées et lucratives.
14:21Je parle des plateformes de téléconsultation,
14:24je parle des centres de soins non programmés qui font ce qu'on appelle du one-shot,
14:27c'est-à-dire une consultation, un motif de l'aiguë.
14:30Et si les médecins généralistes ne sont pas médecins traitants,
14:33ça ne correspond pas aux besoins de santé de la population.
14:36Et là, je rejoins tout à fait Agnès Buzyn.
14:38Et ça, c'est essentiel, parce qu'on aurait presque assez de médecins généralistes aujourd'hui.
14:43Simplement, ils n'exercent pas comme médecins traitants.
14:45Et donc, l'attractivité du métier en condition de travail est essentielle,
14:49parce que nous avons des conditions de travail très difficiles.
14:52Alors, il n'y a pas assez de médecins traitants, mais il n'y a pas assez de médecins tout court.
14:55On a aujourd'hui une grande enquête Odoxa pour le réseau, ici, les radios locales de Radio France.
15:01Le résultat, c'est que plus de 8 Français sur 10 disent qu'il est difficile d'accéder à un spécialiste
15:07et que 6 Français sur 10 disent la même chose pour les généralistes.
15:12Qu'est-ce qu'on leur dit à ces Français ?
15:14Il va falloir qu'ils attendent 10 ans pour que de nouveaux médecins soient formés ?
15:19Il y a une fatalité ?
15:19Il faut comprendre.
15:21D'abord, j'ai supprimé le numerus clausus quand j'étais ministre,
15:24de façon à pouvoir former un maximum de médecins.
15:26On en forme autour de 12 000 par an aujourd'hui.
15:28Donc, les choses vont s'améliorer.
15:30Ça commence pour les spécialistes, pour les médecins généralistes.
15:33Comme il va y avoir beaucoup de départs à la retraite,
15:35en réalité, ça ne va pas s'améliorer avant 2030, 2035.
15:38Mais pourquoi est-ce qu'on a autant de difficultés ?
15:42Il n'y a jamais eu autant de médecins en France.
15:43C'est bizarre.
15:44Il y en a 10% de plus qu'en 2010.
15:46Mais en réalité, comme les gens sont très malades,
15:50on est passé de deux consultations par an, il y a 20 ans,
15:54à sept consultations par an et par Français aujourd'hui.
15:58Donc, avec le même nombre de médecins,
16:00en fait, le besoin de consultation a triplé.
16:02Il aurait fallu en former trois fois plus pour pouvoir absorber la charge.
16:06Ça n'a pas été fait dans les années 80.
16:07Et si il y a 2030, 2035, il y a une forme de fatalité ?
16:10Non, il n'y a pas une fatalité.
16:12Il y a une transformation du modèle.
16:13C'est ce que je prends.
16:14D'abord, il y a une refonte des professions.
16:16Il y a énormément de choses qui peuvent être prises en charge
16:18par d'autres professionnels.
16:20Les infirmiers, infirmiers de pratique avance,
16:22c'est les pharmaciens qui peuvent faire des dépistages,
16:25qui peuvent faire de la vaccination.
16:27Et donc, on peut redonner du temps aux médecins.
16:29On peut leur redonner suffisamment de temps
16:31pour qu'ils se concentrent sur leur valeur ajoutée,
16:34c'est-à-dire les diagnostics compliqués,
16:35les suivis compliqués.
16:36Et on laisse tout ce qui est plus simple
16:38ou plus de routine à d'autres professions de santé.
16:42C'est urgent de transformer le modèle aujourd'hui
16:44pour permettre l'accès aux soins à nos concitoyens.
16:47Alors, on va ouvrir le chapitre important de l'hôpital
16:49avec un auditeur au standard de France Inter.
16:53C'est Jocelyn.
16:53Bonjour Jocelyn, bienvenue.
16:55Vous pouvez poser votre question.
16:56Vous pouvez témoigner.
16:58Oui, bonjour.
16:59Jocelyn Rose à l'appareil.
17:01Merci de prendre ma question.
17:02Bonjour à tous.
17:03Bonjour.
17:03Je vous appelle.
17:04Je suis biologiste médical.
17:06donc chef de service à l'hôpital.
17:08Et j'ai une question parce que, en fait,
17:10là, depuis plusieurs années,
17:12et notamment là avec le dernier texte,
17:15on diminue le prix du B tous les ans.
17:19Et donc, en fait, l'objectif est de diminuer, je pense, les...
17:23Je sais, juste expliquez-nous le prix du B.
17:25Qu'est-ce que vous...
17:26Le prix du B, en fait, c'est l'acte de biologie médicale.
17:31Quand on passe un tube dans la machine, voilà, c'est un prix avec un remboursement de la sécurité sociale.
17:38Et le fait de baisser, que ce soit au libéral, en fait, il y a un impact direct sur l'hôpital.
17:43Et donc, nous, diminution du personnel et tout.
17:49Et donc, j'aurais voulu savoir, en fait, on essaye de faire des économies,
17:52mais de l'autre côté, il y a une souffrance encore plus à l'hôpital.
17:55Et deuxième question, parce que là, vous venez de parler, justement,
17:58de donner plus d'action, notamment aux pharmaciens.
18:00Moi, étant pharmacien biologiste, il y a toujours les consultations qui sont fermées aux pharmaciens biologistes,
18:05alors que certains ont la compétence de faire certaines consultations,
18:11notamment de médecine spécialisée.
18:13Merci.
18:14Merci, Jocelyn.
18:15Merci.
18:15Qu'est-ce que vous dites à...
18:16Comment vous répondez à Jocelyn ?
18:17Il a raison.
18:19En 2019, j'avais promis aux Fédérations des hôpitaux
18:22d'augmenter les tarifs hospitaliers pendant trois ans.
18:25Donc, j'avais signé un accord pour monter les tarifs pendant trois ans.
18:28Mais en réalité, je le redis, il y a des vases communicants.
18:32Quand ce qu'on appelle la médecine de ville explose en termes de coûts,
18:37c'est l'hôpital qui paye le prix.
18:38Et dans mon livre, je le dis, ça ne peut plus durer.
18:41On ne peut plus continuer à appauvrir l'hôpital public indéfiniment.
18:45Public, d'ailleurs, privé aussi, parce que les cliniques privées se portent assez mal également.
18:49Donc, aujourd'hui, il y a besoin de préserver notre bien commun.
18:53C'est quoi le bien commun ?
18:54C'est l'hôpital.
18:54C'est ça, le service public.
18:56Juste pour revenir, il y a un malentendu.
18:58Les Français pensent que la santé est un service public.
19:00Ça n'en est pas un.
19:01La médecine est libérale en ville.
19:04Le service public, le seul service public de la santé, c'est l'hôpital.
19:07Et aujourd'hui, c'est lui qui paye les peaux cassées d'une médecine non pilotée.
19:11Agnès Buzyn, juste dans la foulée du Covid, il y avait ce qu'on appelle le Ségur de la santé,
19:14des investissements massifs dans le système de santé français.
19:18Pourtant, tous les messages, et une bonne partie des messages qu'on reçoit sur l'application Radio France,
19:23montrent de la souffrance de soignants.
19:25Regardez par exemple ce que vous dites Frédéric.
19:27Frédéric est infirmier de nuit, il est au bout du rouleau,
19:29il change de service tout le temps, il doit travailler quand il est malade,
19:31enchaîne les services de nuit sans beaucoup de pause.
19:33Est-ce que ces comportements sont normaux pour des soignants, selon vous ?
19:36C'est-à-dire qu'on a mis de l'argent dans l'hôpital et on continue à avoir cette souffrance-là ?
19:40Parce que l'argent ne fait pas tout.
19:42En réalité, le Ségur, c'est une augmentation des salaires.
19:45Mais on peut toujours vous rajouter 100, 200 ou 300 euros de salaire à la fin du mois.
19:48Si votre outil de travail se dégrade, si vous êtes de moins en moins nombreux,
19:52si la pression augmente, le salaire ne suffit pas.
19:55Il faut des conditions décentes de travail à l'hôpital.
19:58Et c'est pour ça que je prône une enveloppe fermée pour l'hôpital,
20:02où on s'accorde à dire qu'on va réinvestir dans l'hôpital public,
20:07qui est notre bien commun.
20:08On ne peut plus continuer à faire payer à l'hôpital les dépenses de ville non contrôlées.
20:12On a besoin d'un pilotage beaucoup plus orienté vers les besoins des patients en ville.
20:18On a besoin de préserver notre bien commun, le service public de l'hôpital,
20:23qui est aujourd'hui le seul service public de la santé.
20:27Je rappelle qu'il y a deux exemples emblématiques en ce moment.
20:30À Caen, plus d'accueil d'interne aux urgences, au CHU,
20:34parce qu'il n'y a pas assez de médecins pour les encadrer.
20:36Et à Toulouse, il manque 25 médecins urgentistes.
20:40Les urgences de Toulouse ne prennent plus que les cas.
20:42extrêmement graves.
20:44Vous seriez donc prête, Agnès Gianotti,
20:47à renier vous sur votre enveloppe de dépenses pour que ça aille mieux à l'hôpital ?
20:53On prend le problème à l'envers et on paye 50 ans d'erreur
20:56qu'est d'avoir une vision hospitalière de la santé.
20:59Si on veut un système égalitaire et qu'on peut soutenir,
21:03soutenable pour l'assurance maladie,
21:05il faut un système basé sur les soins primaires.
21:07Les soins primaires, c'est les soins au plus près des patients.
21:09Ce n'est pas AMG France qui le dit.
21:11C'est l'OMS, la Charte d'Ottawa, 1979.
21:14Je n'invente rien du tout.
21:15Et on a toujours fait le contraire.
21:17C'est-à-dire qu'on part de l'hôpital et on raisonne comme ça,
21:19on raisonne de travers.
21:21Plus on va développer les soins primaires
21:24et plus l'hôpital sera en bonne santé.
21:26Parce que l'hôpital va mal, c'est une réalité.
21:28Et le Ségur de la santé, il le fallait.
21:30Il fallait le financer, mais il le fallait.
21:31Et nous, on tient à ce système égalitaire
21:34et qui soigne les gens selon leurs besoins.
21:36Parce qu'on fête les 80 ans de l'assurance maladie en ce moment,
21:39mais on l'a démoli en même temps.
21:41Et ce qui vide les urgentistes, c'est la même...
21:43Qu'est-ce qu'on démolit ?
21:44La sécurité sociale, en désinvestissant,
21:47comme c'est fait dans le PLFSS cette année.
21:49On ne désinvestit pas.
21:50Je ne suis pas ministre de la Santé, mais on ne désinvestit pas.
21:54Ce qu'il faut comprendre, c'est que les dépenses de santé
21:56augmentent naturellement de 4% par an.
21:59Et que nous partons déjà des dépenses de santé
22:01les plus élevées au monde après l'Allemagne.
22:04Et donc, combien de temps nous pouvons augmenter de 4% par an ?
22:07Moi, je serais ravie si la croissance du pays était de 4% par an
22:10et qu'on pouvait suivre cette augmentation.
22:12Simplement, aujourd'hui, nous n'en avons plus les moyens.
22:15Donc, on ne fait pas des économies.
22:16On continue d'augmenter, mais un peu moins vite que 4% par an.
22:19On diminue à 2% par an les augmentations.
22:22Et je suis totalement d'accord avec Mme Gianotti.
22:24On a besoin d'une médecine de premier recours.
22:27C'est la médecine au quotidien, au plus près des gens.
22:30Dans mon livre, j'explique pourquoi il faut cette médecine de premier recours.
22:33Par ailleurs, on ne va pas complètement supprimer les hôpitaux.
22:36Ils sont en souffrance et il faut les préserver.
22:38Est-ce que ça veut dire qu'il faut envoyer les jeunes médecins
22:40dans des zones où il manque de médecins ?
22:43Comme ça a été voté par l'Assemblée avant l'été.
22:46Est-ce que ça, c'est une bonne solution de contrôler l'installation des médecins ?
22:50Attendre qu'un confrère parte à la retraite avant de pouvoir s'installer ?
22:54Il y a plein de fausses bonnes solutions en ce moment, des solutions dites de bon sens.
23:01Il y a déjà 50% de la profession qui a fui l'exercice de médecins traitants.
23:06Donc plus vous mettez de la pression sur nous,
23:08en nous accusant de prescrire trop d'indemnités journalières alors que les patients en ont besoin.
23:14Moi, tous les matins, quand j'arrive, j'ai 20 patients devant ma porte.
23:17Tous les matins.
23:18Je sais ce que c'est la difficulté à trouver un médecin traitant.
23:20Nous en sommes autant victimes que les patients.
23:23Donc il faut arrêter d'essayer de remplir un lavabo qui fuit.
23:27Il faut d'abord réparer la fuite.
23:28Et ce qui vide les urgences, dont on parlait tout à l'heure des urgentistes,
23:31c'est la même chose que ce qui vide les médecins traitants des cabinets de médecine générale.
23:36C'est la financiarisation.
23:37Ils sont tous partis dans les centres de soins non programmés pour faire de l'argent.
23:40Donc ce n'est pas qu'il y a trop de gens qui vont aux urgences,
23:42même quand ils n'en ont pas forcément besoin ?
23:43Non, c'est qu'il n'y a plus d'urgentistes.
23:45Comme il n'y a plus de médecin traitant.
23:46Un médecin traitant, 50% de son activité c'est de l'aiguë,
23:5050% c'est du chronique et on fait les deux en même temps.
23:53Donc plus vous aurez de médecins traitants installés sur le territoire,
23:55et mieux vous arriverez à prendre en charge.
23:58Vous êtes contre l'installation dans les zones de désert médicaux.
24:01Ce n'est pas ça, c'est qu'on n'est pas assez nombreux.
24:03Il faut d'abord arrêter la fuite des médecins généralistes de l'activité des médecins traitants.
24:08Très bien, écoutez, merci.
24:09Mesdames, Agnès Buzyn, vous vouliez ajouter un mot ?
24:12Une conclusion rapide.
24:12Je pense qu'il faut arrêter des solutions qui traitent les symptômes.
24:16Je trouve qu'aujourd'hui notre système est malade parce qu'il n'est plus adapté aux besoins du 21ème siècle.
24:23Des gens âgés, des gens atteints de maladies chroniques,
24:25ça nécessite des décisions courageuses, à la fois politiques et budgétaires,
24:30et une mise en exécution de réformes courageuses.
24:33Je le souhaite pour un futur quinquennat.
24:35Merci Agnès Buzyn.
24:37Je rappelle le titre de votre livre, Demain, notre santé.
24:41Merci Agnès Gienotti, médecin généraliste du syndicat MG France.
24:46Merci Agnès Gienotti, médecin généraliste du syndicat.
Recommandations
4:10
|
À suivre
7:31
Écris le tout premier commentaire