L’armement de la police ? Une question qui fait débat, alors que la France demeure l’un des pays européens où les forces de l’ordre sont les plus armées.
Conséquences physiques, remise en cause de la légitimité des manifestants souvent pacifiques… Anne-Sophie Simpere, journaliste et autrice de "Police partout, justice nulle part ?", dénonce un armement illégitime, reflet d’un abus de pouvoir et de choix politiques déconnectés de la réalité.
00:00On a, par rapport à d'autres pays européens similaires, la police qui est la plus armée d'Europe.
00:06Ce qui est particulièrement marquant dans l'arsenal de la police française, ça va être par exemple l'usage des LBD,
00:11pratiquement pas utilisé dans d'autres pays européens.
00:13Il y a eu beaucoup de cas de personnes qui ont été éborgnées par des LBD.
00:16Et puis il y a eu des cas où il y a eu des décès suite à l'usage de LBD,
00:20notamment par exemple à Marseille dans le cadre des manifestations et des révoltes suite au décès de Naël en 2023.
00:26Mais aussi des grenades de désencerclement qui, en explosant, ont envoyé des plots en caoutchouc assez durs.
00:31Ça, c'est des armes qui sont extrêmement problématiques parce qu'on a déjà vu des cas de personnes qui ont été éborgnées en recevant un plot dans l'œil.
00:37Par ailleurs, ce sont des armes qui, par nature, ne sont pas discriminantes.
00:41C'est-à-dire que quand elles sont envoyées dans une foule, on ne peut pas savoir qui elles vont toucher.
00:45Alors le flashball qui est ensuite devenu le LBD a d'abord été utilisé dans les quartiers populaires,
00:50a été utilisé dans le cadre des émeutes de 2005.
00:53Je ne pense pas qu'il y ait de stratégie réellement pensée, type on va tester des armes dans les quartiers populaires,
00:58puis ensuite les mettre en manifestation.
01:00Je pense, en revanche, qu'il y a eu un élargissement de ce que l'État considérait comme dangereux.
01:06Et dans les quartiers populaires, les populations sont considérées depuis longtemps comme dangereuses,
01:10ce qui est extrêmement problématique.
01:12Récemment, j'étais au procès d'un CRS qui a tiré une grenade en 2018,
01:18qui a arraché la main d'un manifestant.
01:20Ce qui m'a marquée dans ce procès, c'est que ce CRS parlait uniquement d'opposants.
01:24Les doctrines de maintien de l'ordre mettent ça dans la tête des policiers
01:27parce qu'ils ne voient les gens autour d'eux que comme des opposants, ils se voient comme assiégés.
01:31Alors évidemment, les policiers y subissent des violences, il ne s'agit pas de le nier.
01:34Ils doivent aussi reconnecter avec le fait qu'il y a des manifestants pacifiques.
01:39Alors dans plusieurs pays européens, ça fait des années qu'on réfléchit à des stratégies de désescalade,
01:43c'est-à-dire que les forces de l'ordre doivent avoir la maîtrise de l'escalade des tensions.
01:49Donc par exemple, au Royaume-Uni, ils vont avoir des agents qui seront reconnaissables
01:54comme étant de la police mais non armés dans le cortège
01:56pour discuter avec les manifestants, pour comprendre un peu ce qui se passe.
02:00Dans les autres recommandations, il y a toute la réflexion sur l'opportunité d'intervenir.
02:06Parfois, on peut tolérer un feu de poubelle ou un drapeau qui serait brûlé,
02:10même si c'est contraire à la loi.
02:13Mais si l'intervention des forces de l'ordre au milieu d'un cortège qui est dense
02:16avec une diversité de personnes, ça peut créer un désordre plus grand que ce qu'on essaye d'arrêter.
02:20Les responsables de la police française ne vont jamais dire qu'ils font de l'escalade,
02:24mais quand on regarde à la fois tous les documents, les stratégies de maintien de l'ordre
02:28et toutes les déclarations, notamment des ministres en amont des manifestations,
02:33on est sur une approche qui est purement répressive.
02:35Les manifestations ne sont pas plus violentes en France qu'ailleurs.
02:38Le mouvement des Black Bloc, il est né en Allemagne, en Angleterre,
02:40ils ont aussi tous les phénomènes de hooliganisme.
02:43Au Pays-Bas, il y a eu des manifestations hyper violentes contre les mesures de confinement.
02:47Donc on a tendance à avoir une tolérance beaucoup plus faible
02:50pour des violences qui se passent en manifestation.
02:53Et en revanche, on a une tolérance beaucoup plus forte
02:55pour des violences qui sont commises par les forces de l'ordre.
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