Ancien ministre de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer est revenu sur la libération de Nicolas Sarkozy : «Il est normal d'éprouver de la compassion pour lui».
00:00– Alors, plusieurs choses. D'abord, il y a la dimension humaine du sujet, il y a sa dimension juridique.
00:06Sur la dimension humaine, il est normal d'éprouver de la compassion pour Nicolas Sarkozy
00:10et d'éprouver quelque chose de dur dans le fait d'avoir un ancien président de la République mis dans cette situation.
00:17Sur la dimension juridique, comme vous le savez, je suis un professeur de droit, c'est encore mon métier aujourd'hui d'ailleurs
00:21et donc je suis très attentif à certains concepts qui ont été utilisés comme celui de séparation des pouvoirs
00:27mais aussi celui de responsabilité pénale et de responsabilité politique.
00:30Il ne faut jamais oublier qu'aux origines de notre démocratie, il y a la transformation de la responsabilité pénale des gouvernants
00:36en responsabilité politique. Historiquement, quand le parlementarisme naît en Angleterre, au début c'est de la responsabilité pénale.
00:43On peut même condamner à mort un ministre pour des choses qu'il a faites.
00:46Et puis ce qui a été un début de civilisation, si je puis dire, ça a été la politisation, dans le bon sens du terme, de la responsabilité.
00:52C'est-à-dire, au fait, on destitue. Il faut se rendre compte de la charge, oui, de civilisation et symbolique de cela.
00:59C'est-à-dire, au fond, on passe du meurtre réel au meurtre symbolique, avec notamment la démission du ministre lorsqu'il a quelque chose.
01:07Évidemment, la question du chef de l'État en tant que tel est un problème spécifique puisque, dans notre tradition,
01:12le chef de l'État ne peut mal faire. L'adage était « le roi ne peut mal faire », d'où la responsabilité politique du gouvernement en dessous.
01:18Le fait qu'aujourd'hui, très souvent, au lieu d'avoir de la responsabilité politique, on a de la responsabilité pénale, est une forme de régression.
01:27Et on l'a eu dans de multiples affaires ces dernières années.
01:30Ça a commencé avec l'affaire du sang contaminé et avec d'autres.
01:34La responsabilité politique ne s'est pas exercée sur le moment.
01:37Et donc, ça a dévié en responsabilité pénale.
01:39Et on le voit dans beaucoup d'affaires.
01:41C'est très difficile de régler cette question-là.
01:43Tous les pays sont confrontés à ça.
01:44Vous avez l'impeachment aux États-Unis.
01:46Et à chaque fois, bien sûr, il y a des discussions sur les faits qui relèvent justement de l'autorité judiciaire.
01:51Moi, ce que je veux retenir dans la déclaration de Nicolas Sarkozy, c'est la phrase où il dit « le droit a été appliqué ».
01:57Je crois que lui-même dit depuis le début qu'il faut respecter les institutions judiciaires.
02:02On peut discuter à l'infini autour d'un plateau, de savoir s'il était légitime pour Brice Hortefeux et Claude Guéant d'aller en Libye.
02:09Ça se discute à tout le moins quand même.
02:12Et donc, on peut nous-mêmes faire une sorte de tribunal improvisé.
02:16Mais ce qui est très important, ce à quoi on doit veiller, c'est ne pas désinstitutionnaliser notre pays en décrédibilisant les institutions.
02:23Déjà, je pense que le président Sarkozy lui-même serait attentif à ça.
02:27Et d'une certaine façon, ce que nous avons, on peut le décrire.
02:30Ce que nous vivons ces derniers jours, les épisodes que nous vivons là, on peut les décrire de deux façons.
02:37On peut les décrire d'une manière qui est un peu celle que vous avez eue et qui se discute.
02:42C'est-à-dire de dire, au fond, il y a une sorte de chaos.
02:44Pourquoi est-ce que, d'un seul coup, l'exécution provisoire devait être réalisée précédemment et maintenant elle est annulée ?
02:51On peut dire ça.
02:53On peut dire aussi quel magnifique exemple d'état de droit.
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