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  • il y a 2 mois
À 14 ANS JE SUIS ALCOOLIQUE (ft. Alcoolique anonyme)

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Sport
Transcription
00:00J'ai vomi du sang.
00:0114 ans, j'ai rencontré l'alcool.
00:02Je faisais l'apéro tout seul.
00:04Ce que je voulais, c'était me défoncer.
00:05Ça me donnait des envies de vomir.
00:08J'ai eu l'alcool violent.
00:09Les trous noirs, les bagarres dans les bars, les voitures dans le fossé.
00:13J'étais capable de passer ma main à travers un carreau et de le retirer parce qu'il fallait que je tape dans quelque chose.
00:18Et je faisais vivre l'enfer aux enfants.
00:19Je tombe sur une bouteille d'alcool à 90 et j'ai bu une bonne lampée.
00:23Si arrêter de boire c'était si simple, ça se saurait.
00:26Patricia, ça va ?
00:27Ivo, oui, ça va.
00:28Ça va, ça va bien, merci.
00:30Patricia, est-ce que tu peux te présenter ton âge, ton métier, ce que tu fais dans la vie ?
00:33Je suis Patricia, j'ai 57 ans et je suis professeure des écoles.
00:37Patricia, est-ce que tu peux raconter comment tu es devenue alcoolique alors ?
00:40Tout d'un coup.
00:42J'ai commencé à boire le jour de mes 30 ans pour mon anniversaire.
00:45C'était une période très, très difficile pour moi.
00:48Pourquoi c'était difficile ?
00:49Une nouvelle séparation, une relation malsaine, toxique.
00:54Et là, c'était la goutte qui faisait déborder le vase.
00:56J'en pouvais plus, j'en pouvais plus.
00:58Il me fallait trouver un médicament, je dirais, à ma manière, vu que je ne voulais pas parler de ce qui m'arrivait.
01:04Jacques, enchanté.
01:05Bonjour.
01:06Merci d'être venu.
01:07Avec plaisir.
01:07Jacques, est-ce que tu peux raconter comment tu es devenu alcoolique alors ?
01:11Au début, je ne pensais pas être alcoolique parce que j'ai commencé à boire, j'avais 15 ans et c'était avec les copains.
01:17Comme beaucoup.
01:18On faisait des soirées.
01:19Après, j'ai toujours travaillé dans la restauration.
01:21Donc, c'était le milieu de la nuit.
01:23Il y avait toujours de l'alcool à portée de main.
01:26Il fallait aller coller des affiches à l'époque des discothèques pour annoncer les soirées.
01:29Il y avait cette partie où on descendait l'après-midi.
01:31On allait dans les cafés, on bu un demi, un Ricard.
01:34C'était la fête.
01:35C'était la fête.
01:36Marc, comment ça va ?
01:37Ça va très bien.
01:38Merci beaucoup d'être là.
01:39Comment, toi, tu es tombé dans l'alcoolisme ?
01:41Alors, dis-nous tout.
01:42Moi, je pense que je suis alcoolique de naissance.
01:44L'alcoolique et l'alcoolisme, c'est une maladie des émotions.
01:47Et depuis les souvenirs de ma plus tendre enfance, moi, j'ai toujours vécu dans la peur.
01:51J'ai toujours vécu dans l'insécurité.
01:54J'ai toujours eu l'impression de jamais être à ma place nulle part.
01:57Même au sein de ma famille, j'avais très peu d'amis.
01:59J'avais un ami.
02:00Et je me suis souvenu que par le passé, les peu de fois où j'avais bu un petit peu d'apéritif, ça m'avait fait du bien.
02:07Ça m'avait déteintu.
02:08Je suis allée chercher cet effet-là.
02:09Pour essayer de passer une bonne soirée.
02:12Voilà.
02:12Et j'ai trouvé cet effet-là, malheureusement.
02:14C'est la première fois que j'ouvrais de ma propre initiative une bouteille de vin qui m'était destinée.
02:20Tu t'es servi un verre ?
02:21Oui, je me suis servi un verre.
02:23Quelques heures plus tard, j'avais peur que l'effet s'estompe trop.
02:27Je me suis resservie un verre.
02:29Et ainsi de suite, jusqu'à ce que la soirée commence.
02:32Et malheureusement, j'avais déjà bu toute la bouteille.
02:34Et comme je n'étais pas habituée, j'étais déjà bien mal en point.
02:37Avant tes 30 ans, tu n'avais pas forcément l'habitude de boire de l'alcool ?
02:40Non, pas du tout.
02:40C'était vraiment l'alcool occasionnel.
02:43Non, non, tout allait très bien.
02:44Ma relation avec l'alcool était saine.
02:46Qu'est-ce qui s'est passé du coup suite à cette soirée alors ?
02:48Alors le lendemain, je suis malade, bien entendu.
02:51Par contre, je recommence.
02:53Toute seule ?
02:53Toute seule, voilà.
02:54Et ça, j'ai bu pendant 10 ans, jusqu'à mes 40 ans, toujours, toute seule, sauf la dernière fois.
03:00Toute seule, ça veut dire le lendemain, c'était dans ta chambre ?
03:03Voilà, je prenais une bouteille et j'allais me cacher pour la boire.
03:06Par honte ?
03:07Oui, tout à fait.
03:08Par honte, oui.
03:08J'étais consciente que ce n'était pas un comportement normal.
03:12Et j'ai toujours continué pendant 20 ans à faire ce métier, la restauration, être en contact avec l'alcool.
03:18J'aimais bien aller faire des dégustations de vin.
03:20Il y avait un côté ludique, convivial.
03:22C'est ça.
03:22Et puis faire l'apéro, pour moi, ça se passait bien.
03:26Seulement, au fur et à mesure des années, j'ai commencé à avoir une consommation d'alcool qui était quand même beaucoup plus importante.
03:33Et je m'arrangeais aussi pour aller chez les gens aux heures.
03:36J'allais dire non, c'est peut-être l'heure de l'apéro.
03:39Tu calculais un peu les horaires ?
03:40Donc, je pense que moi, l'alcoolisme s'est installé au fur et à mesure.
03:45Ça a été sur plusieurs années, en fait ?
03:46Sur plusieurs années.
03:47Et là où j'ai vraiment pris conscience, c'est les dernières années.
03:50Parce que là, j'ai 45 ans, donc il y a aux alentours de 40 ans.
03:53Il se trouve que moi, j'ai arrêté de parler, j'avais 7 ans.
03:56J'ai vécu un traumatisme.
03:58Est-ce qu'on peut dire lequel, traumatisme ou pas ?
04:00Ma mère m'avait mis une claque en me disant, quand tu auras quelque chose d'intelligent à dire, tu le diras.
04:04Et comme moi, j'étais déjà hyper sensible et hyper mal dans ma peau, j'ai arrêté de parler.
04:09Je ne parlais que bourré.
04:10Bon, alors ça va, comme je buvais beaucoup, je parlais quand même.
04:13À jeun, je prononçais quasiment pas un mot.
04:14Je pouvais passer des semaines entières sans parler.
04:17Et à 14 ans, j'ai rencontré l'alcool.
04:19Ça a été l'explosion.
04:20Je me suis dit, ah voilà, ma solution pour arrêter de souffrir dans la vie, c'est ça.
04:23Ça s'est terminé par 24 heures de coma.
04:25Ma première beuverie.
04:26Et à chaque fois que j'ai persévéré dans l'alcool, c'est-à-dire le plus souvent possible,
04:30ça se terminait tout le temps en trous noirs.
04:32Sur une période qui a duré 19 ans d'alcoolisme, les trous noirs, les bagarres dans les bars,
04:38les voitures dans le fossé ou les cartons, les accidents.
04:42Tu as déjà eu des accidents en voiture ?
04:44Oui, oui.
04:45J'ai eu des accidents en voiture.
04:46J'ai été emmené par les pompiers à l'hôpital pour passer des prises de sang.
04:50Donc j'ai réussi à esquiver les prises de sang, mais je suis toujours passé limite.
04:54Aujourd'hui, pourquoi ton visage, il est flouté ?
04:56Mon visage est flouté parce que l'alcoolisme est toujours aussi mal vu.
05:01Moi, j'entends beaucoup, ouais, non, non, c'est pas une maladie.
05:04Personne ne le force à boire.
05:06C'est elle, c'est lui qui va prendre le verre et qui va le porter à sa bouche.
05:10Il n'a qu'à arrêter, c'est tout.
05:11Il n'a qu'à pas boire, c'est tout.
05:12Eh bien non, c'est pas tout.
05:13Si arrêter de boire, c'était si simple, eh bien ça se saurait.
05:16Parce que c'est vraiment difficile d'arrêter de boire.
05:19Donc mon visage, il est flouté par rapport au comportement des gens face à l'alcoolisme.
05:25Moi, la première, je ne savais pas que l'alcoolisme est une maladie.
05:29Je ne le savais pas, c'est pour ça que j'avais si honte de moi.
05:32Donc je ne veux pas être reconnue parce que je n'ai pas envie de retomber dans ce système de honte, de jugement.
05:40Ça va, j'en ai assez vécu, c'est fini tout ça.
05:43C'est derrière moi.
05:45J'ai bu, oui, pendant 10 ans.
05:46Je ne me le cache pas.
05:48Par contre, mon entourage n'a pas obligatoirement besoin de le savoir.
05:52Mes proches le savent.
05:53Mes amis sont au courant.
05:55Mais ça s'arrête là, professionnellement parlant.
05:57Je ne veux pas que mon entourage le sache.
05:59Ça se respecte.
06:00Merci.
06:01Très bien.
06:01Et du coup, à 14 ans, tu rencontres l'alcool.
06:03Là, ça fait une explosion.
06:05Et suite à ça, à quel rythme tu t'es mis à boire ?
06:07Alors je buvais deux fois par semaine.
06:09Je buvais le mercredi après-midi, puisque c'est le jour où je n'avais pas d'école.
06:12J'étais en apprentissage de menuiserie.
06:14Et je buvais le week-end en général avec deux copains avec qui je traînais.
06:17Et en règle générale, je ne me souviens pas comment je rentrais.
06:20Je ne me souviens pas.
06:21C'était tout le temps très compliqué.
06:24Quelle quantité d'alcool tu buvais ?
06:25Ça a été progressif.
06:27Au début, très peu, puisque je n'étais pas habituée.
06:29Donc mon organisme réagissait très, très vite.
06:32Un verre de vin suffisait à m'apaiser.
06:37On le dit, l'alcool est progressif dans le sens où, au fil du temps, il m'a fallu boire plus d'alcool.
06:44Donc comme il fallait en boire plus, c'était difficile pour s'en procurer, pour le cacher.
06:49Donc je suis passé aux alcools forts.
06:50D'accord.
06:50C'était plus rapide.
06:51Je faisais l'apéro tout seul à la maison.
06:54Alors ça pouvait être le lundi, comme le mardi, comme le mercredi, ou même le jeudi.
06:57Ce n'était pas un verre que je prenais.
06:59Il m'en fallait un deuxième.
07:00Il m'en fallait un troisième.
07:01Tu buvais quoi comme alcool à la maison ?
07:02Moi, c'était pastis.
07:03Ça, c'était ma boisson de prédilection.
07:06Quand il y avait la possibilité, je prenais un peu de vin quand je cuisinais.
07:08L'alcool faisait vraiment partie de ta vie.
07:10Tu buvais quel type d'alcool ?
07:11De la bière, du rhum, du whisky, ce qui traînait, ou de la villageoise s'il fallait.
07:16Tu dis ça parce que même moi, quand j'étais étudiant, au tout début, on buvait de la villageoise dans les cubis.
07:21En fait, aujourd'hui, je ne bois plus du tout d'alcool et même je ne bois pas du tout de vin.
07:24Parce que j'ai toujours ce goût horrible de la villageoise en bouche.
07:28Mais de toute façon, ce n'est pas le goût de l'alcool.
07:29Moi, je n'ai jamais aimé le goût de l'alcool.
07:30Même la bière, je n'aimais pas ça.
07:31Moi, ce que je voulais, c'était me défoncer.
07:34Je détestais le goût, l'odeur.
07:37Ça me donnait des envies de vomir.
07:39Mais je passais outre tout ça.
07:42Moi, je voulais l'effet.
07:43Je voulais tout oublier.
07:44Waouh, impressionnant.
07:45Qu'importe le flacon, pourvu qu'on est l'ivresse.
07:48C'était vraiment ça.
07:49Qu'est-ce que ça te procurait en toi, d'avoir cet apport en alcool ?
07:53Ça me détendait.
07:54Comme un fumeur pourrait fumer une cigarette.
07:56Tout à fait.
07:56Ça me détendait.
07:57Ça me permettait de dormir aussi.
07:59Tu étais toujours en train de passer une période sombre ?
08:01Très sombre, oui.
08:02D'accord.
08:03J'étais sombre très longtemps.
08:04Moi, je buvais le plus vite possible et le plus possible pour disparaître.
08:07Ce que je voulais, c'est disparaître.
08:08Ok, oublier la journée ?
08:10Oublier tout.
08:11Commencer à boire le jeudi soir et me réveiller le dimanche matin.
08:14Je me réveillais le matin.
08:15Je n'avais que deux préoccupations dans ma vie.
08:17Comment je vais réparer les bêtises que j'ai faites hier ?
08:20Et comment je vais trouver de l'alcool aujourd'hui ?
08:22C'est comme si tu voulais mettre un terme à ta vie en buvant ?
08:24Oui, alors j'ai fait des tentatives de suicide.
08:26Je n'ai pas réussi non plus.
08:27Moi, la vie ne m'intéressait pas.
08:28Pour moi, la vie, c'était vraiment un symbole de souffrance, la vie.
08:31Tout me révoltait.
08:32Quand je regardais l'état du monde, je ne pouvais rien y changer.
08:34Et je voyais l'état du monde et ça me terrorisait.
08:39Vous pouvez devenir président ?
08:40Non.
08:40Non ?
08:41Chacun son taf, chacun son boulot.
08:42Oui, chacun son boulot.
08:44Quelle était ta consommation la plus importante que tu aies eu sur une journée ?
08:47Demi bouteille de vin, d'alcool très fort.
08:50Que tu buvais comme ça, cul sec ou tu diluais avec ?
08:53Non, cul sec.
08:53Je savais qu'il me fallait telle dose pour m'enéantir, pour tout oublier, pour m'évader.
09:00Donc, je la buvais cul sec.
09:01Quelle était ta plus grosse consommation d'alcool en une journée ?
09:04Je pense que quand j'étais jeune, on faisait déjà les apéros.
09:06On remontait sur Toulouse, place Saint-Pierre.
09:08Chez Tonton, lors de la culotte.
09:10C'était la P-Hour et puis on redescendait au Star à Albi.
09:13Et on était sept, donc chacun mettait sa bouteille et on ne partait pas tant que les bouteilles étaient terminées.
09:18Et vous conduisiez ?
09:19Oui.
09:20Donc, il ne nous est jamais rien arrivé.
09:21Ce n'est pas la solution de boire et de conduire.
09:23Je ne peux pas dire combien je buvais ou quelle quantité.
09:27Parce que quand on montait au PADACA, c'était une bouteille de 4 litres et demi qui tombait à la soirée.
09:31En termes de quantité, quelle était la plus grosse quantité que tu aies bu dans une journée ?
09:34Ça peut être une bouteille et demie de whisky, ça peut être...
09:36D'accord.
09:37Avec, tu le diluais ou c'était pur ?
09:39C'était pur en général ou alors quand ça me brûlait trop, je mélangeais avec des sodas d'origine américaine.
09:45Est-ce que tu avais un moment dans ta journée où tu buvais de l'alcool ?
09:47Est-ce que c'était le soir à la fin du boulot ou c'était plutôt le matin au réveil ?
09:51Au début, c'était le soir en fin de journée.
09:53Et progressivement, ça a été le matin aussi.
09:55Donc les journées étaient très longues, j'essayais de ne pas boire au boulot.
09:59Sauf les derniers temps où à la coupure au repas, j'allais m'acheter une bouteille.
10:02Même au boulot, tu allais boire ?
10:04Les derniers temps, je ne gérais plus.
10:06C'était un manque ?
10:07Oui, physiquement, j'avais besoin de faire baisser la pression.
10:11C'était quoi ton budget d'alcool ?
10:12Ouf, je n'ai jamais calculé.
10:14En buvant une demi-bouteille d'alcool très fort par jour...
10:18C'est quoi, c'est 10-15 euros de bouteille ?
10:20Oui, c'est un gros budget.
10:22D'accord, donc à la fin du mois, c'était un gros budget.
10:24Est-ce que tu avais l'image de bon vivant auprès de tes amis, de tes proches ?
10:27Comment j'étais perçu par mes amis, je ne sais pas.
10:29Mais pour moi, oui, j'étais la personne toujours fêtarde, toujours à faire des conneries.
10:34Maintenant, avec du recul, je pense que j'ai peut-être eu des façons et des comportements
10:38qui ont vraiment blessé les personnes qui m'ont entouré.
10:40Quand j'étais dans l'alcool, j'avais peut-être des propos ou des gestes qui étaient vraiment déplacés
10:46ou qui n'étaient pas appropriés à la situation.
10:49Moi, je ne m'en apercevais pas.
10:50Tu avais l'alcool violent ?
10:52J'ai eu l'alcool violent.
10:53Genre bagarre, etc.
10:54Je montais très vite.
10:56J'étais capable de passer ma main à travers un carreau et de le retirer
11:00parce qu'il fallait que je tape dans quelque chose.
11:01Donc, ça m'a coûté 18 points extérieur et intérieur.
11:04Et pas besoin d'anesthésie parce que j'étais déjà anesthésié.
11:07J'étais agressive.
11:08En fait, j'étais encore plus mal parce que j'avais honte de moi.
11:11Je disais toujours, un homme qui boit, c'est moche, mais alors une femme, c'est ignoble.
11:14C'est ignoble.
11:15Voilà, je me trouvais laide, moche.
11:17Alors, je ne suis pas fier de tout ça parce que l'alcool prenait le dessus
11:21et qu'il fallait que ça sorte.
11:22Combien de temps ça t'a pris pour être alcoolique ?
11:24Selon moi, en trois mois.
11:25Les trois premiers mois, quand je commençais une bouteille de vin, je la finissais, certes,
11:29mais ce n'était pas tous les jours, ce n'était pas dès le matin.
11:32Par contre, en trois mois, je buvais le matin.
11:36Jusque-là, je me disais que ça ne va pas bien, je ne vais pas bien, je ne vais pas bien.
11:41Mais c'est tout, l'alcool ne me posait pas de problème.
11:43Par contre, quand je me suis vue le matin me prendre un verre avant de prendre la voiture
11:48pour aller amener mon fils à l'école et derrière au boulot,
11:52j'ai dit là, tu passes à la vitesse supérieure, ça ne va pas.
11:54Je ne me suis jamais mentie là-dessus.
11:56Tu es toujours consciente en fait.
11:57En trois mois, j'ai dit tu es alcoolique, tu as un problème avec l'alcool.
12:00Tu n'étais pas dans le déni en fait ?
12:02Non, pas du tout.
12:02Tu es consciente, mais c'était plus fort que toi ?
12:04Oui.
12:04Est-ce que tes amis t'ont mis en garde sur ta consommation d'alcool ?
12:07Non, mes amis non.
12:08On faisait des repas, ils voyaient bien qu'au bout d'un moment, l'alcool avait pris le dessus
12:12et que je commençais à bafouiller et que je commençais.
12:15Automatiquement, je m'arrêtais, on rentrait.
12:18Soit je m'excusais le lendemain parce que mon épouse m'a dit
12:20attention là, tu es allé trop loin, tu as dit des choses que tu n'aurais pas dû dire.
12:24Et tes proches ne sont pas inquiétés ?
12:25Est-ce qu'ils ont vu quelque chose qui avait changé en toi ?
12:27Je ne sais pas exactement à quel moment ils s'en sont aperçus.
12:31J'ai leurré les gens longtemps.
12:33Par contre, je buvais à peu près depuis 4 ans.
12:36Quand ma maman est venue très gentiment me dire
12:39« Tu as un problème avec l'alcool ? »
12:41Et c'était ma sœur qui s'en était aperçue.
12:43Je ne sais pas à quel moment.
12:44Moi, je croyais que ça ne se voyait pas.
12:45J'ai commencé à m'apercevoir que j'avais un problème avec l'alcool.
12:49Ma femme et ma fille me l'avaient quand même déjà dit en amont
12:52« Attention papa, tu as peut-être bu un peu trop, tu as pris la voiture,
12:55tu as une façon de parler qui est un peu différente, tu es des fois agressif. »
12:59Pour moi, je n'avais pas pris conscience parce que c'était l'alcool
13:02et ça allait être mieux le lendemain matin.
13:05Finalement, c'était toujours pareil parce que j'avais quand même bu la veille.
13:09Je m'étais levé le matin, il était 11h, c'est l'heure d'aller faire l'apéro.
13:13Est-ce qu'à ce moment-là, tu avais un compagnon de vie ?
13:15Oui, à ce moment-là, j'avais un compagnon de vie, sauf qu'on s'est séparés.
13:18À cause de l'alcool ?
13:19Il n'en pouvait plus. Je lui faisais vivre l'enfer.
13:21Et je faisais vivre l'enfer aux enfants.
13:23Il a essayé de t'aider ?
13:24Oui, complètement. Oui, oui, tout à fait. Il a toujours été présent.
13:27J'ai essayé d'arrêter de boire pendant 6 ans.
13:30Il n'en pouvait plus d'essayer de m'aider et de voir que ça capotait à chaque fois.
13:33D'accord.
13:33Il ne savait plus quoi faire.
13:35Il faut savoir que l'alcoolique est seul à pouvoir reprendre sa vie en main.
13:40Donc les proches peuvent donner un coup de main, mais…
13:43C'est l'alcoolique qui doit le faire.
13:45Le travail, oui.
13:46Est-ce que les amis que tu avais à l'époque, avec qui tu buvais,
13:49aujourd'hui, ils boivent toujours, ils ne boivent plus ?
13:52Alors, j'ai gardé un ami.
13:54Si j'étais resté comme il est lui, je ne me serais pas considéré alcoolique
13:58parce qu'il a peut-être su ralentir ou s'arrêter ou…
14:02Ok.
14:02T'as mis pour lui, chose que je n'ai jamais pu faire.
14:03Est-ce que l'alcool que tu buvais a eu un impact dans ton travail ?
14:06Toujours pareil, progressivement, oui, les problèmes sont arrivés
14:10puisqu'il y a des matins où je n'ai pas pu me lever tellement j'avais la gueule de bois.
14:14Il y a eu des matins où je n'ai pas pu me lever parce que mon corps ne réagissait pas.
14:17Je ne pouvais pas me lever, mes jambes ne me portaient pas.
14:20Je me levais, je m'écroulais.
14:21Il y a eu beaucoup de retard, il y a eu du travail mal fait pour lequel j'ai été réprimandée.
14:28Les conséquences de mon alcoolisme au niveau professionnel se sont arrêtées là et je me trouve très chanceuse.
14:33Est-ce que le fait de boire beaucoup d'alcool, ça a eu des répercussions sur ton travail ?
14:37Je n'ai jamais eu ce problème parce que du moment où je buvais et que j'avais vraiment fait une grosse soirée la veille,
14:43j'étais toujours à l'heure de mon travail.
14:45Alors, c'est sûr que j'étais moins performant parce qu'il y avait cet effet fatigue, il y avait cet effet des fois mal à la tête.
14:52Je n'ai jamais manqué un jour de travail par rapport à l'heure.
14:55Tu as essayé d'assumer le truc.
14:56Est-ce que ça t'a porté préjudice dans ta vie de boire autant à ce rythme-là ?
15:00Ça m'a coûté des voitures, ça m'a coûté des amendes, ça m'a coûté toutes mes amitiés.
15:04Financièrement, oui, des fois, je partais en virer le soir, le lendemain, je retrouvais les talons de chèque.
15:11À l'époque, c'était encore des francs, désolé.
15:13J'étais allé en boîte 1500 francs.
15:15Ça m'a coûté, moi, de toute façon, je buvais tout ce que je pouvais.
15:18Et moi, quand j'ai posé mon verre, au bout de 19 ans d'alcoolisme, j'étais couvert de dettes.
15:22Je n'avais rien construit.
15:23Moi, j'ai posé mon verre, j'avais 33 ans, je n'avais rien construit dans la vie.
15:25Je suis parti là où mes copains partaient à 18 ans, moi, j'ai commencé ma vie à 33 ans.
15:29Le jour où j'ai arrêté de boire, la veille, j'ai vomi du sang.
15:34Waouh !
15:35Et là, j'ai dit, regarde, et là, je me suis dit, regarde ce que tu te fais.
15:38Sinon, jusque-là, je n'avais jamais été malade.
15:41Et du coup, ça a été l'élément déclencheur pour arrêter par la suite ou c'était plusieurs étapes ?
15:45Voilà, il a fallu encore une autre étape le lendemain.
15:48C'était quoi ?
15:48C'était les reproches de mon fils.
15:51Alors, je dis reproche, je ne le remercierai jamais assez.
15:54qui avait 16 ans, qui est venu me voir parce que le week-end qui a précédé sa venue,
16:00donc j'ai bu devant tout le monde.
16:02Aux quantités que tu bues ?
16:04Voilà, j'ai arrêté de me cacher.
16:05Ce jour-là, je ne me suis pas gérée et j'ai picolé.
16:09Et mon fils a eu honte et il est venu me le dire.
16:11Waouh !
16:12Et il m'a dit que si je ne faisais pas quelque chose pour m'en sortir,
16:15lui, de son côté, refusait de me voir dans cet état.
16:19Donc, il préférait ne plus me voir.
16:20D'accord, donc là, c'était dur.
16:22L'élément déclencheur.
16:23C'était dur, mais c'était positif.
16:25Ça m'a fait beaucoup de bien de dire oui.
16:27J'ai un problème avec l'alcool.
16:28Je le savais depuis le début.
16:30Et on a tout mis en place pour me faire soigner, me faire aider.
16:33Je suis partie en cure.
16:35J'ai pris un psy.
16:36J'ai accepté de parler de mon passé.
16:39Là, il n'y a pas si longtemps que ça, où j'ai touché le fond.
16:42J'ai vraiment fait une grosse soirée.
16:44J'ai pris la voiture et donc je suis rentré.
16:46Je n'ai pas eu d'accident et j'ai causé d'accident à personne.
16:48Je suis rentré à la maison.
16:49Déjà, il y avait ma fille et mon épouse qui m'ont vu et entendu rentrer.
16:53Et quand j'ai vu dans le regard que c'était une fois de trop,
16:56j'ai compris que j'étais vraiment très loin.
16:58C'était l'élément déclencheur qui t'a fait...
17:00D'avoir touché le fond et d'avoir compris qu'une fois de plus,
17:03j'avais fait du mal aux personnes qui m'avaient soutenu
17:05et qui avaient essayé de m'alerter déjà depuis un moment.
17:08J'ai compris que j'avais vraiment un problème.
17:11Elles avaient quoi comme regard quand tu es rentré de la soirée ?
17:13Déçu, une fois de plus.
17:15Malheureusement, elles n'avaient rien à dire parce qu'il était déjà tard.
17:18Et que si elles avaient eu le malheur de dire quelque chose
17:21qui était positif et constructif,
17:23une fois de plus, je me serais encore énervé, emballé
17:26et j'aurais été vraiment très loin dans mes paroles.
17:28Et ça, c'est quelque chose que je ne veux plus qu'elles subissent.
17:31Alors, on va dire, moi, au départ,
17:32je n'ai pas vraiment décidé d'arrêter l'alcool.
17:34Moi, j'étais dans la souffrance.
17:35Pour moi, c'était un cercle qui pouvait se terminer uniquement par la mort.
17:39OK.
17:40Moi, mon père était mort dans l'alcool et je pensais marcher sur ses traces.
17:43Il y a un samedi matin, je suis rentré en cure.
17:45Ma soeur m'a emmené en cure.
17:47Et moi, je ne voyais vraiment pas ce que j'allais faire dans une cure pour les alcooliques.
17:50Moi, je n'étais pas alcoolique.
17:51Moi, pour moi, l'alcoolique, c'était celui qui avait le grand par-dessus
17:55avec le litron de rouge dans la poche.
17:56Ouais.
17:57Qui était assis devant l'église, qui faisait la manche et autres.
17:59Pour moi, je n'étais pas alcoolique.
18:00Moi, je pensais que j'étais malade mental.
18:02Je pensais que voilà.
18:03Et donc, à 33 ans, tu fais la cure ?
18:05Alors, j'ai fait la cure à 28 ans.
18:06Je n'ai pas réussi à poser mon verre les cinq premières années.
18:09Il m'a fallu cinq ans avant de réussir à poser mon verre.
18:11Et un matin, je commençais très tôt à cette époque-là.
18:13Un matin, je me lève à 5h30 et je ne tenais pas debout
18:16parce que je n'étais pas encore suffisamment dessoulé de la veille au soir.
18:19Et je suis tombé à genoux dans la salle de bain et je n'arrivais pas à me relever.
18:23Et là, j'ouvre le placard de la salle de bain et je tombe sur une bouteille d'alcool à 90.
18:26Et j'ai vu une bonne lampée.
18:28Et là, effectivement, j'ai pu me remettre debout.
18:30J'ai pu partir bosser.
18:31Et là, quand même, je me suis dit, effectivement, il y a quand même des trucs qui se...
18:34Il y a un souci quelque part ?
18:36Moi, je pensais que je buvais parce que j'étais dépressif.
18:38Je pensais que je buvais pour tout un tas de raisons.
18:41Finalement, je déprimais parce que je buvais.
18:43Tous mes problèmes venaient de l'alcool.
18:44Tu n'as jamais eu de problèmes de santé liés à l'alcool ?
18:46Non.
18:47De problèmes de santé liés à l'alcool, si.
18:48Des fractures, des chocs, des dents cassées, des trucs comme ça.
18:52Mais je veux dire des...
18:53Mais à l'intérieur ?
18:54Non, non, intérieurement, non.
18:55A priori, il n'y a pas spécialement de séquelles.
18:57Ok, tant mieux, tant mieux.
18:58Aujourd'hui, ça fait combien de temps que tu ne bois plus d'alcool ?
19:00J'arrive à ma dix-septième année d'abstinence.
19:02Bravo, félicitations !
19:04C'est vraiment une victoire ?
19:06C'est une victoire que je dois aux alcooliques anonymes.
19:08Ils t'ont aidé là-dedans ?
19:09Oui, j'ai essayé beaucoup de choses pour arrêter de boire.
19:13Je n'y suis pas parvenu.
19:14Ça fait bientôt un an que j'ai posé le verre.
19:18C'est quelque chose que j'ai envie de continuer.
19:21Ça fait plus de vingt ans que j'ai posé mon verre.
19:23Aujourd'hui, tu ne bois plus du tout ou de temps en temps ?
19:26Jamais.
19:27Tu sens qu'à sa preuve à tout moment ?
19:28Je ne bois plus.
19:29Là aussi, les alcooliques anonymes m'ont bien dit
19:31qu'un verre, c'est trop.
19:33Et dix mille, ça ne sera jamais assez pour un alcoolique.
19:35Donc, nous, ce que je fais des alcooliques anonymes,
19:38c'est zéro alcool.
19:39Ou zéro zéro.
19:40Zéro zéro, oui.
19:41C'est une question de survie.
19:42Mon organisme, il est allergique à l'alcool.
19:44Si je mets un dé à coudre d'alcool dans mon corps,
19:47derrière, je repars exactement là où j'en étais
19:49ou pire encore.
19:50Je sais que je me suis arrêté à une certaine limite.
19:52Et si, par malheur, je venais à reprendre le verre,
19:55automatiquement, je vais déjà attaquer d'entrée.
19:58OK.
19:59Actuellement, tu es en mode zéro alcool.
20:00J'aimais bien aussi tout ce qui était glace rhum raisin,
20:02les choses comme ça.
20:03Voilà, c'est supprimé.
20:04On passe sur une glace vanille, une glace au chocolat.
20:06J'ai tout un tas de témoignages en alcoolique anonyme,
20:08entre dix ou vingt-cinq ans d'abstinence,
20:10qui ont rechuté.
20:11Et ils sont tous repartis exactement là où ils étaient
20:13en trois jours, quatre jours, cinq jours.
20:15On peut rechuter encore après 20 ans d'abstinence ?
20:17Oui.
20:18Moi, c'est pour ça que je continue à aller aux réunions.
20:19Je continue à partager avec les amis.
20:21Je continue encore à découvrir des choses chez moi.
20:23C'est vraiment une thérapie, en fait.
20:25C'est une thérapie, complètement.
20:27Je suis consciente aujourd'hui que si je remets une gorgée
20:30d'alcool dans ma bouche, tôt ou tard, je vais rechuter.
20:34D'accord.
20:35Tu penses que tu as toujours en toi, ça ?
20:36J'en ai fait l'expérience avant d'être chez Léa.
20:38D'accord.
20:39J'ai eu cette expérience, malheureuse.
20:40Je me suis cru guérie.
20:41Donc au moins, tolérance zéro et voilà.
20:43C'est zéro, voilà.
20:44Je le sais.
20:45Je l'ai en tête.
20:46Je me protège de l'alcool.
20:47Donc aujourd'hui, tu as ton verre d'eau ou ton shaker de protéines.
20:50Oui, oui, oui.
20:51Un shaker de protéines.
20:52Indispensable.
20:53Je bois du Coca, de l'eau, du Perrier.
20:56C'est toi qui es maître de ton verre.
20:57Comment les Alcooliques Anonymes t'ont aidé, toi, dans ta reconstruction ?
21:00Moi, je m'aperçois que je vivais vraiment comme un sauvage
21:02avant de rencontrer les Alcooliques Anonymes.
21:04Et c'est extrêmement impressionnant.
21:05On arrive, on pousse la porte et on dit
21:07mais je vais tomber sur qui ?
21:08Bien sûr.
21:09Ça a été une grosse grosse angoisse.
21:11Moi, ce que ça m'a apporté, c'est vraiment cette notion de spiritualité.
21:15Le programme des Alcooliques Anonymes, c'est à peu près ça.
21:17C'est qui je suis, comment je voudrais être et comment je peux faire pour y arriver.
21:20C'est le travail de toute une vie et ça tombe très bien.
21:22C'est ce qu'il me reste à vivre.
21:23La première réunion a été très, très, très bouleversante.
21:26J'ai entendu des choses qui m'ont beaucoup perturbée
21:30parce que les personnes qui parlaient, j'avais l'impression qu'elles parlaient de moi.
21:33Je me reconnaissais tellement dans ce qu'elles disaient.
21:36Et par la suite, j'ai eu envie d'avoir ce qu'une personne en particulier avait partagé.
21:41T'as envie de quoi ?
21:42J'ai envie d'être libérée.
21:43J'ai envie de faire des week-ends comme elle, elle vient de faire.
21:46Elle était de mariage et elle avait fait la fête sans alcool.
21:49L'opposé total de celui que je venais de passer
21:53où j'avais picolé en famille devant mes enfants, devant mes parents, devant ma soeur.
21:57Et elle était heureuse.
21:58Et moi, j'en ai eu envie de ça.
22:00Trop bien.
22:01J'ai envie d'être arrivé en réunion et de ne pas être jugé, d'être écouté.
22:04Et de voir qu'il y avait d'autres personnes comme moi qui avaient un vécu.
22:08J'ai pu m'identifier parce que chaque personne avec l'alcool est différente,
22:12a eu un parcours différent.
22:14Mais le résultat est le même.
22:15C'est que si on n'a pas eu une écoute
22:18ou si on n'a pas quelqu'un qui nous a encouragé ou dit
22:21d'aller pousser cette porte des alcooliques anonymes,
22:23déjà, je pense que je ne serais peut-être pas là actuellement.
22:26ou je serais seul ou j'aurais perdu mon travail.
22:29J'ai eu cette chance d'être entouré et je remercie encore ma femme et ma fille.
22:33Être vivant, c'est surtout ça le plus important.
22:36C'est des alcooliques anonymes qui m'ont tout apporté.
22:38Il suffit de se laisser porter, de se laisser guider, d'être...
22:41d'arrêter de vouloir en faire qu'à sa tête.
22:43J'ai écouté.
22:44Si je suis là aujourd'hui, je veux en témoigner.
22:46C'est aussi grâce aux alcooliques anonymes
22:48parce que je peux me rétablir un jour à la fois.
22:51C'est quand même très important.
22:52Félicitations en tout cas.
22:53Merci.
22:54Est-ce qu'on peut considérer l'alcool comme une drogue ?
22:56Je ne connais pas la drogue.
22:57Par contre, ce que je peux dire pour moi sur l'alcool,
22:59c'est que je ne pouvais plus m'en passer.
23:01Ça peut être apparenté à une drogue en ce qui concerne la dépendance ?
23:05Parce que si je n'ai pas ma quantité d'alcool, je ne me sens pas bien.
23:09L'alcool a une grosse influence sur toute la partie émotion, réaction, comportement avec les gens.
23:17Il fallait au moins que je boive tous les jours.
23:19D'ailleurs, le programme des alcooliques anonymes est décliné dans 60 associations différentes
23:24pour essayer d'aider également les personnes qui sont dépendantes à la drogue,
23:29les personnes qui sont dépendantes au sexe, les personnes qui sont dépendantes à l'argent,
23:33les personnes qui sont dépendantes au travail,
23:36pour aider à peu près toutes les addictions possibles et imaginables.
23:38C'était ma drogue en moi, c'était mon médicament, c'était mon somnifère, c'était mon équilibre.
23:44Je ne pouvais pas aller au travail sans avoir consommé.
23:47Est-ce que tu penses que c'est la même addiction, la cigarette pour un fumeur,
23:50que l'alcool pour un alcoolique ?
23:52Pour moi, l'alcool, c'est différent parce que je ne buvais pas le matin.
23:55C'était plus, j'allais dire, addictif d'être fumeur que d'être alcoolique.
24:01D'accord.
24:02Parce que je sortais de la voiture et j'allumais automatiquement une cigarette.
24:05Je rentrais à la maison et j'en avais déjà fumé 7-8.
24:08L'alcool, c'est vrai que c'était sur certains moments de la journée, mais après, c'est vrai que quand je commençais à rentrer dans l'alcool, il n'y avait pas de limite.
24:15Aujourd'hui, qui peut être alcoolique ? Quel profil de personne ?
24:19Je pense que plus on est émotif, plus on a de possibilités d'aller rechercher une solution vers l'alcool.
24:27Parce que l'alcool, c'est facile pour s'en procurer.
24:29Monsieur, madame, tout le monde peuvent tomber dans l'alcool.
24:31Tout à fait, oui.
24:32Nous, on le dit chez nous, les alcooliques anonymes.
24:34L'alcoolique est un hypersensible, un hyper émotif.
24:37C'est intéressant ce que tu dis, parce que je pense qu'il y a plein de gens qui vont se retrouver en regardant la vidéo.
24:41Il n'y a pas de classe sociale. Il faut savoir qu'en France, voilà, il y a un peu de classe sociale.
24:44En France, il y a à peu près 10% de gens adultes qui ont un comportement problématique avec l'alcool.
24:51Alors, tout le monde n'est pas nécessairement alcoolique.
24:53C'est quand même quelque chose qui touche tout le monde.
24:55Est-ce que tu penses que l'alcoolisme, dans ton cas de figure, peut être une maladie qu'on a au fond de nous ?
24:59Pour moi, je crois. Parce que je me souviens, enfant, j'étais toujours en quête d'amour.
25:05De plus en plus d'amour, de plus en plus d'attention. J'avais ce besoin d'être aimé à tout prix.
25:12Ça, je l'ai compris en m'analysant, en réfléchissant sur mon comportement.
25:16On me demandait de faire quelque chose, j'allais faire trois fois plus.
25:19Parce que j'attendais un retour. J'avais besoin de ce retour.
25:22Est-ce que depuis que tu as ralenti l'alcool, tu as perdu du poids ?
25:25Je te dis ça parce que l'alcool, on n'en parle pas assez, mais aussi ce côté calorique de l'alcool.
25:28Je pense que j'en ai peut-être pris. C'est comme quand j'ai arrêté la cigarette.
25:32Ah, tu comprends ça.
25:33Ces fameux 400 kilos qu'on ne perdra jamais.
25:35Sauf à faire du sport, mais pour moi, ce n'est pas...
25:39Il n'est jamais trop tard. Il y a la salle de sport à côté, si tu veux.
25:42C'est pour ça, oui.
25:43Je te laisserai une heure avec. Tu peux te dire que c'est une autre drogue.
25:45Je pense que j'ai retrouvé une alimentation qui était différente.
25:48L'alcool est un coupe fin pour moi. Et là, le fait de retrouver un rythme alimentaire,
25:54de pouvoir apprécier certains plats, je pense que j'ai pris un peu plus en un bon point.
25:58D'accord, tu es honnête.
26:00Selon toi, est-ce qu'il faudrait interdire l'alcool en France ?
26:03On peut toujours interdire l'alcool. Par contre, l'alcoolique, il va trouver une solution pour aller boire.
26:07Donc, ce n'est pas une solution à interdire l'alcool ?
26:08Il y aura toujours des solutions pour l'alcoolique. L'alcoolique, il a besoin. Il ne peut pas faire autrement.
26:13Dans les entreprises, l'alcool a été interdit.
26:16J'amenais de l'extérieur de l'alcool dans mon sac à main.
26:19J'achetais mon sac à main en fonction des bouteilles que j'allais pouvoir mettre dedans.
26:23Aujourd'hui, j'achète des sacs à main qui me plaisent.
26:25Ah, génial ! Bravo !
26:26Eh bien oui, il faut trouver une solution.
26:27Je vous dis, l'alcoolique, il trouvera toujours une solution.
26:29Qu'est-ce que tu dirais aux gens qui regardent la vidéo YouTube et qui se disent
26:33qu'on a besoin de l'alcool pour s'amuser ?
26:35C'est un principe que j'avais pour habitude au début.
26:38On m'aurait dit maintenant que j'allais faire des soirées où je m'amuserais davantage sans alcool.
26:44Je peux vous affirmer que oui, c'est possible.
26:47C'est d'autant plus agréable de passer une soirée en étant normal
26:50que d'être dans un état secondaire ou euphorie.
26:53On va être bien sur un moment.
26:55On va redescendre, donc on va reprendre une quantité.
26:57Donc faire une soirée sans alcool, c'est quand même bien.
26:59C'est vrai que l'alcool, en France et partout dans le monde, c'est lié à la fête.
27:03Moi qui étais adolescent, je me souviens quand on refuse de prendre un verre d'alcool,
27:08de suite, ça fait le mec qui casse l'ambiance, etc.
27:10Et c'est vrai que c'est pas facile d'avoir le courage de dire
27:12non, je prends pas d'alcool aujourd'hui.
27:14Au début de mon abstinence, j'étais persuadé que le fait que je boive de l'eau,
27:18tout le monde allait me regarder.
27:19D'une part, ça s'est pas passé.
27:20De moi-même, j'avais jamais refusé un verre d'alcool, surtout pas.
27:23J'avais deux, trois petites astuces du style
27:25« Ah non, en ce moment, je prends des médicaments, je peux pas consommer d'alcool. »
27:28Puis au bout d'un moment, j'ai…
27:29Je suis enceinte.
27:30Non, ça, je l'ai pas faite.
27:31Celle-là, je l'ai pas faite.
27:32Alors aujourd'hui, j'ai plus aucun problème.
27:35Moi, je suis artisan.
27:36Tous mes clients savent que je fais partie des alcooliques anonymes.
27:38Même quand je vais voir des matchs de rugby,
27:40ça me dérange pas de boire de l'eau plate que de prendre des demi.
27:43Ça me coûte beaucoup moins cher.
27:44Exactement, tu te sens mieux après.
27:46Puis c'est beaucoup plus agréable de se…
27:48Pour ton corps, pour tout…
27:49C'est ça, de se lever le matin, d'être clair dans son état d'esprit
27:52et de se dire « je vais commencer une nouvelle journée. »
27:54Et puis je me suis aperçu aujourd'hui qu'aujourd'hui, on va au restaurant,
27:56il y a énormément de gens qui boivent pas.
27:58Au début où j'ai arrêté de boire, j'étais toujours épaté
28:01que les gens me jetent pas des pierres parce que je buvais de l'eau.
28:04J'ai remarqué quand même qu'on refuse d'avoir d'alcool,
28:06ça a mis une petite distance, mais après, ça passe.
28:08Moi, à l'époque où je consommais de l'alcool,
28:10au bout d'une heure, soit on se tapait dessus, soit je pleurais.
28:13Aujourd'hui, 15 heures après avoir commencé la fête, je suis toujours en train de me marier.
28:17J'ai encore ce plaisir de recevoir les gens à la maison,
28:20que ce soit les amis ou les enfants.
28:22Et s'ils veulent se boire l'apéro en m'en présente, il n'y a aucun souci.
28:26J'étais fumeur, donc là, ça fait maintenant 14 ans que j'ai arrêté la cigarette.
28:31Et ça m'a jamais dérangé, si tu veux,
28:34cette partie où les gens fument à côté de moi, même au travail.
28:37Et je pense que l'alcool, il faut que j'en fasse la même expérience.
28:41Qu'est-ce qu'on peut faire quand on se rend compte qu'on a un problème avec l'alcool ?
28:43Alors, l'idéal, c'est d'aller en parler de suite, au moins à son médecin,
28:47qui va nous diriger vers un psy.
28:50Le mieux, pour moi, à mon avis, c'est un alcoologue.
28:53Alcoologue, ça existe ? Je ne savais même pas qu'il existait alcoologue.
28:55Oui, ça existe, voilà.
28:56Un conseil, je n'ai pas su écouter les personnes qui m'ont alerté du problème.
29:01Il a fallu que je touche le fond pour m'apercevoir que j'avais un problème avec l'alcool.
29:05J'aurais une écoute plus attentive sur les personnes qui m'ont fait toucher du doigt
29:09que j'avais un problème avec l'alcool.
29:11Peut-être que j'aurais essayé de prendre le problème plus tôt.
29:13Plus écouter les proches, peut-être ?
29:15Oui.
29:16Est-ce qu'il faut effectivement en parler à des professionnels de santé
29:18ou essayer de se rapprocher d'associations d'anciens buveurs ou de groupes de parole ?
29:23Je pense qu'il faut parler avec quelqu'un qui connaît cette maladie,
29:28qui connaît le fonctionnement de l'alcool sur l'individu.
29:31On ne veut peut-être pas aller voir le médecin traitant parce qu'on a peur du jugement.
29:34On peut très bien aussi appeler la permanence des alcooliques anonymes,
29:38leur poser peut-être une ou deux questions,
29:39sachant que la personne qu'on aura au bout du fil, c'est une personne qui connaît la maladie
29:43et qui va peut-être nous aiguiller ou nous diriger différemment en nous disant
29:47qu'il y a peut-être une réunion à tel endroit, à telle heure.
29:50Ça n'engage à rien de rentrer chez les alcooliques anonymes.
29:52On ne vous demande pas votre nom.
29:53On essaie de se soigner tous ensemble.
29:55Après, il y a peut-être aussi les cures qui peuvent être intéressantes.
29:59Voir s'il y a des addictologues ou des personnes qui ont vraiment conscience
30:02que l'alcool est une maladie.
30:04Tout en me disant que si quelqu'un commence à se poser la question
30:07de savoir s'il a un problème avec l'alcool, c'est qu'à mon avis, il a un problème avec l'alcool.
30:10Essayer de voir s'ils ont vraiment ce problème avec l'alcool tout simplement en disant
30:15que pendant un jour, je ne vais pas prendre une quantité d'alcool
30:17et voir si je suis capable de refaire ce geste, ne serait-ce que le lendemain.
30:21Qu'est-ce que tu dirais aux personnes qui vont regarder la vidéo YouTube
30:24et qui ont des amis peut-être à eux qui ont un problème avec l'alcool ?
30:28Ce n'est pas forcément trouver les bons mots. Il faut que celui qui entende les mots soit prêt à les entendre.
30:32Ça, c'est le plus compliqué. Moi, tout le monde me disait depuis toujours
30:35que j'avais un problème avec l'alcool et autres. Et moi, je trouvais que ces gens-là avaient un problème avec moi
30:40puisqu'ils ne comprenaient pas mon fonctionnement. Et donc, je suis venu aux Alcooliques Anonymes
30:44pendant cinq ans. Et pendant cinq ans, moi, je ne parlais toujours pas. Et je suis resté autour des tables.
30:48Et au bout de cinq ans, j'ai réussi à poser mon verre. Je ne sais pas pourquoi je suis revenu.
30:51Honnêtement, je ne sais pas pourquoi. Au début où je suis arrivé, je me suis assis un jour
30:54et je me suis dit, si un jour, il m'arrive quelque chose de bien, ça sera là.
30:57La seule fois de ma vie où j'ai vraiment été persévérant, c'est sur l'alcool.
31:00Parce que pendant 19 ans, je me suis détruit, je me suis fait mal.
31:03J'ai fait mal à tout le monde autour de moi. Et par contre, là, j'avais de la persévérance.
31:06Et en me disant que peut-être un jour, moi aussi, j'allais réussir à poser mon verre.
31:10Est-ce que tu aurais un mot à dire aux personnes qui vont regarder la vidéo YouTube
31:13et qui ont peut-être, eux aussi, des problèmes avec l'alcool ?
31:16Ne restez pas seul avec ce problème. Beaucoup de personnes sont touchées par l'alcoolisme.
31:21N'hésitez pas à en parler, au moins à votre médecin, à rejoindre des groupes d'anciens buveurs.
31:28L'association des Alcooliques Anonymes, ils sont dans toutes les villes ?
31:30Il n'y en a pas forcément dans toutes les villes. Il y a 500 groupes en France.
31:33Il y a à peu près 2 300 000 membres Alcooliques Anonymes dans le monde.
31:37Pour nous trouver, oui, il suffit d'aller sur le site Alcooliques Anonymes France.
31:43On mettra le lien dans la description.
31:45Voilà, il y a également un numéro de téléphone.
31:47Les anciens buveurs ne jugent jamais.
31:49Ils savent de quoi la personne parle, connaissent la douleur de l'alcoolique
31:54et surtout, ils sont là pour l'aider.
31:57Si on se laisse emporter par l'alcool, ça peut nous détruire à nous,
32:00ça peut détruire notre entourage.
32:01Au bout d'un moment, on va être seul et il ne faut pas rester seul quand on est alcoolique.
32:05Merci beaucoup.
32:06Avec plaisir. Merci Thibaut.
32:07Avec plaisir, merci beaucoup.
32:08Et bah avec plaisir.
32:09Trop bien.
32:10Merci.
32:11Merci beaucoup, merci à toi.
32:12Et on va au sport.
32:13Voilà exactement, la salle de sport est là à côté si tu veux.
32:14Il n'y a pas de soucis.
32:15Le temps qu'on finisse l'interview, tu peux y aller.
32:16Merci.
32:17Avec plaisir.
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