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00:00Au Cameroun, on ignore toujours les résultats de l'élection présidentielle qui avait lieu dimanche.
00:05Sans attendre l'annonce officielle prévue le 26 octobre, le candidat de l'opposition, Issa Chiroma Bakary, revendique en tout cas la victoire.
00:13Démentie en cela par le camp du président sortant, Paul Biya, candidat lui-même à un huitième mandat.
00:17Pour essayer d'y voir clair avec nous, le journaliste politique et essayiste camerounais Jean-Bruno Taine, bonjour.
00:23Bonjour.
00:24Qu'est-ce qui permet d'après vous aujourd'hui, Issa Chiroma Bakary, de revendiquer cette victoire sans qu'aucune information n'ait filtrée à ce que l'on sache ?
00:34Alors le ministre Chiroma se base, dit-il, sur un certain nombre de procès verbaux sortis des urnes qu'il a pu obtenir à la suite de l'élection de dimanche dernier.
00:47Et donc c'est sur la base de ces procès verbaux en sa possession qu'il a pu annoncer qu'il est vainqueur de cette élection et appeler Paul Biya à le féliciter.
00:59Il faut dire que ce n'est pas la première fois qu'on observe ce genre de choses au Cameroun.
01:04En 2018, Maurice Camteau avait déjà revendiqué sa victoire.
01:09En général, c'est une stratégie de la part de l'opposition parce qu'elle ne fait pas confiance aux institutions en charge de conduire le processus électoral.
01:19Et il est donc question de prendre le pouvoir de coup pour éviter que des fraudes électorales viennent entacher ce qu'ils considèrent comme leur victoire.
01:28Une stratégie en contravention avec la justice, Issa Tchiroma Bakary, c'est lui-même ce qu'il en coûte puisque ministre de la Communication alors en 2018,
01:37c'est lui qui avait signifié à Maurice Camteau, l'opposant d'alors, qu'il était hors la loi et s'exposait à une peine de prison en proclamant déjà sa victoire à l'époque.
01:49Oui, tout à fait. Je pense que le ministre Tchiroma sait très bien à quoi il s'expose.
01:54Il faut voir les différentes sorties qu'on a eues jusqu'à présent, celles très, très menaçantes et parfois dans un langage fleuri du ministre de l'Administration territoriale
02:04qui a clairement dit qu'il irait, j'utilise ces mots, péché, Issa Tchiroma.
02:10Mais voyez-vous, dans le contexte de fraude électorale, d'élections systématiquement mal organisées, des résultats toujours sujets à caution,
02:20il n'est pas possible pour un opposant qui veut faire reconnaître sa victoire de rester dans cette forme de légalité.
02:28Parce que voyez-vous, il y a quand même un anachronisme extraordinaire au Cameroun,
02:33c'est-à-dire qu'on vote et il faut attendre 15 jours plus tard pour obtenir les résultats officiels.
02:39C'est une attente qui est au moins suspecte et beaucoup d'observateurs estiment que c'est un temps
02:44qui est mis à profit par le régime pour essayer de traficoter les résultats.
02:48Et aujourd'hui, on a un certain nombre de témoignages qui nous viennent du terrain
02:51et qui font état de ce qu'effectivement il y a un certain nombre de trafics qui sont faits en ce moment sur les résultats.
02:58Donc, on ne peut pas rester dans cette prétendue légalité,
03:04sinon ce sera impossible pour un candidat de l'opposition un jour de pouvoir faire reconnaître sa victoire.
03:10Parce que c'est ça, le drame du Cameroun, c'est-à-dire qu'une chose est peut-être de gagner sur le terrain,
03:15mais l'autre, c'est de faire reconnaître sa victoire.
03:18Et les arguments qui sont brandis par le pouvoir pour estimer que Issa Chiroman n'a pas raison,
03:23comme ce fut le cas hier pour Maurice Cantos,
03:25c'est de dire comment a-t-il fait pour avoir les résultats de près de 31 000 et plus bureaux de vote en deux jours,
03:34sauf que c'est un argument qui ne résiste pas à la rigueur des mathématiques ou de la statistique.
03:41Sur la base d'un certain nombre de chiffres, on peut estimer que le candidat qui a eu tel chiffre,
03:47c'est un seuil mathématique, ne peut plus être rattrapé.
03:50Sur la base des statistiques également, on utilise un échantillon représentatif
03:55qui permet de faire une projection sur tout le reste.
03:57On ne fait pas autre chose que cela dans les démocraties comme la France, les États-Unis
04:03et même dans certains pays africains.
04:05On n'a pas eu besoin d'attendre 15 jours pour avoir les résultats d'une élection.
04:09Donc c'est une stratégie qui me semble assez suspecte de la part du gouvernement camerounais
04:14sous le prétexte de la loi.
04:16Oui, pour qu'on comprenne bien, on procède effectivement au récollement
04:19et à la somme des procès-verbaux des bureaux de vote qui eux sont rendus publics
04:24avant d'attendre, de connaître le résultat officiel qui sera proclamé
04:29par le Conseil constitutionnel le 26 octobre.
04:31C'est ça la stratégie en tout cas aujourd'hui de Tchirouba Bakary.
04:36Le problème, c'est qu'elle l'expose, on l'a dit, à une sanction judiciaire,
04:40possiblement une peine de prison.
04:42Que cherche-t-il à obtenir ? Un mouvement de la rue ?
04:47Alors, c'est difficile pour moi d'entrer dans la tête d'Issa Tchirouba,
04:53mais je pense qu'Issa Tchirouba, qui est un vieux routier de la scène politique camerounaise,
04:58s'inspire simplement de ce qui s'est passé.
05:02Il s'inspire simplement de l'histoire politique du Cameroun.
05:05En 1992, John Frondi, alors leader incontesté de l'opposition,
05:11avait, aujourd'hui avec un peu de recul, tout le monde semble le reconnaître,
05:15avait gagné en 1992, sauf qu'il a eu du mal à faire reconnaître sa victoire.
05:20Et donc, qui lui a été finalement retiré par la Cour suprême à l'époque.
05:26En 2018, Maurice Camteau juge, jusqu'à aujourd'hui, avoir gagné en 2018,
05:31et les institutions n'ont pas reconnu sa victoire.
05:33Donc, Issa Tchirouba n'a pas voulu se retrouver dans la même situation,
05:37et je suis d'accord avec vous, il prend un risque quand même considérable,
05:41parce que l'histoire politique également montre que Maurice Camteau,
05:44qui avait revendiqué sa victoire en 2018, a fini en prison avec quelques-uns de ses partisans,
05:50qui jusqu'à aujourd'hui, pour certains, continuent de croupir dans la prison.
05:54Mais je pense que pour le processus électoral au Cameroun,
06:00à un moment donné, il est important pour les acteurs politiques
06:03d'aller même au prix de la transgression,
06:07pour pouvoir obtenir quelque chose de significatif
06:11dans l'organisation du processus électoral.
06:13Et ce processus électoral, qui est l'objet d'une lutte
06:16qui dure depuis le début des années 90 jusqu'à aujourd'hui,
06:19pour essayer d'avoir des élections qui soient transparentes,
06:22et dont les résultats sont le reflet de la volonté populaire réelle.
06:27Merci beaucoup, Jean-Bruno Tannes, journaliste politique,
06:30et CIS Camerounais avec nous en direct sur France 24,
06:32pour revenir sur cette élection au Cameroun,
06:34dont on ne connaît toujours pas le résultat.
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