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00:00Bonjour et bienvenue en Tête à Tête sur France 24. Notre invité est Robert Mallet. Il est diplomate américain.
00:16Il a été en charge du Moyen-Orient à la Maison-Blanche sous Clinton, Obama et Biden. Bonjour Robert Mallet.
00:22Bonjour. Vous enseignez aujourd'hui à l'université de Yale et vous avez écrit, co-écrit je devrais dire, un livre publié en anglais.
00:30Tomorrow is Yesterday. Demain c'est hier si je peux traduire. Ça a été co-écrit avec le négociateur palestinien Hussein Agha.
00:40Alors avant de revenir sur cet ouvrage, évidemment l'actualité c'est l'accord que Donald Trump a conclu pour faire cesser la guerre à Gaza.
00:52Alors vous avez travaillé pour l'administration Biden, d'autres administrations avant. En quoi est-ce que la méthode de Donald Trump a été différente
01:01et peut-être plus couronnée de succès que toutes les méthodes auxquelles vous avez participé ?
01:07Oui je pense qu'il faut le souligner. D'abord il faut dire qu'il faut être un peu réservé sur les louanges adressées auprès de Donald Trump.
01:14Il est vrai qu'il a laissé le gouvernement israélien violer l'accord de cesser le feu qui avait été conclu en janvier.
01:20Puis il a donné carte blanche à Netanyahou pour continuer les massacres à Gaza.
01:24Mais il faut reconnaître le fait que ce qu'il a accompli aujourd'hui, son prédécesseur n'en était pas capable.
01:30Je pense qu'il y a une réponse très simple. C'est que le président Trump a fait usage de politique et l'exercice du pouvoir.
01:36Et de dire aux partis, en particulier à la partie israélienne, mais aussi aux pays arabes qui parlaient à et pour le Hamas.
01:44Ça suffit, cette guerre doit se terminer. Et je pense qu'ils l'ont respecté, ils l'ont craint et donc ils ont fait en sorte que son plan ait pu réussir.
01:56En tout cas la première phase du plan que nous voyons aujourd'hui se manifester.
02:00Est-ce qu'on peut dire, comme ça a été dit, écrit, que peut-être les frappes israéliennes contre le Qatar, au Qatar, contre le Hamas pour être plus précis,
02:13le 9 septembre, ont été un tournant parce que du coup ça a fait que des pays arabes, musulmans même, je pense à la Turquie,
02:22se sont joints à cet effort et ont permis d'arriver là où on est aujourd'hui ?
02:26Écoutez, je pense qu'il y a des circonstances qui expliquent le timing de cet accord, que ce soit la fatigue israélienne,
02:31le fait que l'armée israélienne avait fait presque tout ce qu'elle pouvait faire et pas beaucoup plus.
02:37Je pense que pour le Hamas, le calcul a changé. Les otages pensaient que c'était une protection et un outil est devenu un coup, un fardeau.
02:47Et donc, garder les otages ne les bénéficiaient plus. Et la frappe contre les frappes israéliennes au Qatar.
02:57Mais je pense qu'au-delà de tout ça, comme je le disais tout à l'heure, ce ne sont pas ces circonstances-là qui ont vraiment fait la différence.
03:02C'est le président Trump et sa méthode et le fait qu'il ait mis le poing sur la table et qu'il a dit « ça suffit, on arrête cette guerre ».
03:09Donc oui, les circonstances ont aidé, mais les circonstances ne suffisent pas. Il fallait cette volonté politique.
03:15Et je pense que là, il faut le reconnaître. Le crédit en revient au président.
03:20Alors évidemment, c'est toujours très fragile. Il y a à l'avenir une gouvernance internationale de Gaza qui doit se mettre en place.
03:31On a parlé de différents acteurs. Mais est-ce que pour les Palestiniens de Gaza, mais aussi de Cisjordanie ou d'ailleurs,
03:38c'est acceptable d'avoir une sorte de protectorat sur eux alors qu'ils réclament le droit à l'autodétermination, un État, etc.
03:46Écoutez, on pourrait passer des heures à décortiquer le plan du président Trump et en quoi il est totalement inacceptable pour les Palestiniens.
03:53Enfin, il suffit de regarder le fait qu'on demande aux Palestiniens un peu de s'excuser et de faire preuve de contrition à cause des massacres horribles du 7 octobre.
04:03On ne demande pas de même pour les Israéliens après les massacres et ce que beaucoup d'organisations internationales maintenant décrivent comme un génocide qui a été perpétré à Gaza.
04:12On ne demande pas la déradicalisation de Gaza. On ne demande pas la déradicalisation de l'État et du gouvernement israélien.
04:21Donc, il y a évidemment un côté extrêmement injuste. Et comme vous le dites, on demande aux Palestiniens d'être gouvernés par un protectorat sous la présidence de Trump et peut-être de l'ancien premier ministre britannique, Tony Blair.
04:35Donc, tout ça, ce sont des éléments très difficiles à accepter pour la partie palestinienne.
04:43Mais je dirais, aujourd'hui, tout ce qu'on sait, ce qui va être appliqué, c'est les premières phases de ce plan, c'est-à-dire cesser le feu, c'est-à-dire libération des otages et des prisonniers,
04:53c'est-à-dire entrée de l'aide humanitaire et retrait par celle des troupes israéliennes.
04:57Tout le reste du plan de Trump, d'abord, je ne pense pas que le président Trump lui-même sache très bien ce qu'il y a dans son plan.
05:04Et je pense que ça va être extrêmement difficile de les appliquer.
05:08Comme je l'ai dit, la méthode Trump, c'est une méthode qui est peu orthodoxe. C'est une méthode politique.
05:13Il accepte même de parler au Hamas, qui est tout à fait... C'est une hérésie totale dans le champ politique américain.
05:19Et il accepte de dire... Oui, sa méthode, c'est de dire « Vous acceptez mon plan. Les détails, on verra après. »
05:25Et les détails, c'est ceux que vous avez évoqués aujourd'hui.
05:29À l'instant, j'ai beaucoup de mal à imaginer le Hamas accepter son désarmement.
05:32J'ai du mal à imaginer Israël accepter une force internationale d'interposition à Gaza.
05:37Donc tout ça, on attendra pour voir si son plan aboutit, ne serait-ce que à l'arrêt des massacres,
05:46la libération des prisonniers et des otages. Je pense que pour l'instant, ça suffit.
05:51Alors, va se poser, si les choses avancent bien, à nouveau la question des deux États.
05:57Et dans le livre avec Hussein Naga, vous expliquez que vous-même, vous étiez négociateur, vous américain, lui palestinien.
06:03Vous avez œuvré pendant des années, des décennies, à essayer de parvenir à cette solution.
06:09Et vous avez déduit que c'est une erreur, que c'est une illusion, que la solution à deux États,
06:15on en parle comme d'une sorte de potion magique.
06:18Mais en fait, c'est faux. Ça ne marche pas.
06:20Le message du livre, et j'espère que les téléspectateurs le liront pour le conclure,
06:25à bouter à leur propre conclusion, c'est que cette poursuite du procédus de paix et de la solution à deux États,
06:33c'est évident, elle s'est révélée être un échec, un fiasco total.
06:37Et il y a des raisons ponctuelles encore, les erreurs des uns et des autres,
06:41mais est-ce qu'il n'y a pas une raison plus fondamentale que cette recherche n'a pas compris le fond du problème entre Israéliens et Palestiniens,
06:49qui n'est pas un problème technique.
06:50Où est-ce qu'on va tracer la ligne en Cisjordanie ?
06:53Comment est-ce qu'on va diviser Jérusalem ?
06:55Combien de réfugiés est-ce qu'ils vont retourner en Palestine ?
06:58Ça, ce sont des questions importantes, mais ce n'est pas le fond du problème.
07:01Le mouvement sioniste au départ et le mouvement palestinien au départ,
07:05c'est une lutte beaucoup plus existentielle, beaucoup plus historique, émotionnelle.
07:09Et la solution à deux États, à un moment donné, peut-être aurait pu marcher,
07:14mais elle n'a jamais vraiment correspondu aux attentes, aux revendications, aux craintes, aux aspirations des uns et des autres.
07:21Et encore une fois, le message du livre, ce n'est pas de dire,
07:24voilà la solution qui est meilleure qu'une solution à deux États,
07:27c'est de dire qu'il faut repenser tout le processus, les acteurs du processus,
07:31les médiateurs du processus et le contour d'une solution qui peut être,
07:36peut-être nécessitera une conception beaucoup plus fluide de la souveraineté,
07:42parce qu'une division rigide entre Israël et Palestine,
07:45c'est ce qu'on a essayé maintenant depuis des décennies,
07:47et c'est ce qui nous a amené au désastre auquel nous assistons.
07:51Alors vous parlez évidemment de pas mal de négociations,
07:54il y a notamment les négociations à Kem David en l'an 2000,
07:59qui ont échoué, ensuite il y a eu la seconde intifada.
08:04Est-ce que là, quand même, sous Bill Clinton notamment,
08:07on n'était pas très proche de cette solution,
08:09ou même là, c'est un diagnostic un petit peu exagéré,
08:15et vu avec certains intérêts ?
08:17Très exagéré.
08:18C'est-à-dire, je pense que si on regarde aujourd'hui,
08:20et même à l'époque, où en étaient les partis,
08:23nous n'avions rien résolu, ni la question territoriale,
08:25ni la question des réfugiés, ni la question de Jérusalem,
08:29ni la question de la sécurité.
08:30Tout ça, on avait essayé, je pense que c'était un hubris américain,
08:33de résoudre en deux semaines, deux semaines,
08:35rendez-vous compte, 14 jours, un conflit qui durait depuis des décennies.
08:39Et je me rappelle vraiment, à l'issue de ce sommet,
08:44lorsque nous avions échoué, l'équipe américaine s'est réunie
08:46pour essayer de comprendre ce qui s'est passé.
08:48Un des membres de l'équipe, notre avocat,
08:50nous a fait partager cette réflexion qui était très profonde,
08:53et je ne l'ai peut-être pas assez appréciée à l'époque.
08:55Il a dit, le problème de l'équipe américaine,
08:58des membres de l'équipe américaine,
09:00c'est que nous n'avions pas assez respecté les éléments du conflit.
09:06Nous les traitions comme un problème technique.
09:08Alors que, pour les partis concernés, pour les israéliens et palestiniens,
09:13c'est leur avenir, c'est leur passé, c'est tout ce qui les concerne.
09:16Donc, je pense que nous avons mal diagnostiqué le conflit,
09:21et donc, par définition, nous n'avons pas pu le résoudre.
09:24Et nous n'étions pas proches, nous n'étions pas proches du tout
09:26d'une solution réelle entre israéliens et palestiniens.
09:30On regarde, je pense, ce sommet de Condevide, un peu,
09:33c'est devenu un mythe, et c'est devenu une réponse.
09:35On dit toujours, c'est là où les palestiniens ont raté l'occasion.
09:41Qu'est-ce qu'ils ont raté ?
09:42Écoutez, le ministre des Affaires étrangères israélien de l'époque,
09:45Shlomo Benami, que nous citons dans le livre,
09:47et qui dit, si j'avais été palestinien,
09:49jamais j'aurais accepté ce qui nous avait été proposé à Condevide.
09:52En conclusion, Rob Malé, depuis, en effet, il y a eu une distanciation géographique
09:59avec les séparations entre Israël et la Cisjordanie,
10:03mais aussi, sans doute, mentale et politique.
10:05On voit que la majorité, l'énorme majorité à la Knesset, aujourd'hui,
10:09s'oppose à un État palestinien.
10:12Du côté palestinien, les soutiens de la solution à deux États
10:17sont sans doute moins nombreux.
10:21Ça paraît, aujourd'hui, totalement chimérique
10:23de se dire qu'il y aura deux États côte à côte
10:25et il faut peut-être penser à autre chose.
10:26C'est ça. Et ce que Hussein et moi disons à tous,
10:30Israéliens et palestins, c'est à vous,
10:31ce n'est pas à nous d'avoir les solutions,
10:33mais de réfléchir et de ne pas se précipiter
10:35et de dire deux États, deux États, deux États.
10:37Nous l'avons assez dit par le passé.
10:39Ça a échoué. Personne ne m'a montré pour l'instant
10:42un processus qui amène là où nous sommes aujourd'hui.
10:45Et tout le monde parle, à juste titre,
10:47du fait que pour les Israéliens,
10:49ils ne vont se souvenir que du 7 octobre
10:50lorsqu'ils ont un palestinien face à eux.
10:52Et les palestins, ils vont se souvenir de quoi ?
10:54Des massacres, de tout ce qu'ils ont perdu
10:56depuis le 7 octobre et même avant.
10:59Donc, ne nous précipitons pas.
11:01Ne pensons pas qu'il y aura une solution demain.
11:03Il va falloir réfléchir de façon intense,
11:06difficile et qui serait pénible
11:08pour les partis concernés.
11:09D'abord, de définir qui sont les acteurs
11:12qui doivent être autour de la table.
11:13Parce que, comme nous le disons dans le livre,
11:14beaucoup d'acteurs très représentatifs
11:16de la collectivité palestinienne,
11:18de la nation palestinienne israélienne
11:19n'ont jamais été présents autour de la table.
11:22Que ce soit la frange islamiste
11:24du mouvement palestinien,
11:25la diaspora,
11:27les colons israéliens
11:28ou la frange religieuse
11:29du mouvement sioniste.
11:31Eux aussi, ils ont leur mot à dire.
11:33Réfléchissons à leur participation
11:35et réfléchissons de façon beaucoup plus
11:38ouverte et souple
11:39à des solutions possibles.
11:40Robert Mallet, merci beaucoup
11:42d'avoir répondu aux questions
11:43de France 24
11:44et merci à vous d'avoir suivi
11:46cette édition dans Tête à Tête
11:48sur France 24.
11:49Sous-titrage Société Radio-Canada
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