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00:00La dernière séquence, c'est derrière l'image. Comme chaque jour, on prend le temps de décrypter l'info à partir d'une photo qui fait sens.
00:05On accueille en plateau aujourd'hui Malvinaro. Bonjour Malvinas, journaliste à Hunter, le média qui parle d'Europe sur les réseaux sociaux.
00:12Alors vous nous ramenez un cliché. Il faut des lunettes, une loupe ou carrément il faut apprendre la langue pour comprendre.
00:18On va la voir parce que là je me sens un peu seule. On va voir l'image tout de suite.
00:21C'est du charabia mais on comprend quand même un peu l'idée. Ça nous fait un peu menhir gaulois tout ça.
00:27C'est du grec ancien. Est-ce qu'Elisabeth vous êtes capable de lire ce qu'il y a écrit sur cette scène ou pas du tout ?
00:31Absolument pas. Moi j'ai fait de très mauvais choix dans la vie. J'ai fait allemand et latin donc pas le grec pour le coup.
00:36Bon alors là en dessous de Galiciano il y a écrit Kalos Irtate. J'ai pas fait grec ancien non plus donc je suis désolée pour l'accent.
00:43Mais en tout cas Kalos Irtate ça veut dire bienvenue en grec.
00:46Mais la façon dont c'est écrit, vous remarquez certainement que c'est pas écrit comme le grec qu'on parle en Grèce.
00:51C'est écrit en caractère latin parce qu'en fait ce qu'on peut lire ici c'est du grec italien qu'on appelle le grec anico.
00:58Et cette pierre elle se trouve à l'entrée du village de Galiciano donc ça se trouve en Calabre dans le sud de l'Italie.
01:04Et si on s'est retrouvé là-bas avec ma collègue Elena au mois d'août, c'est pas du tout par hasard.
01:08C'est parce que le grec d'Italie donc qu'on appelle le grec anico est en voie d'extinction.
01:13Je vous propose de regarder le début de notre reportage pour un peu comprendre de quand on parle.
01:16Au collège ou au lycée, on t'a forcément proposé de prendre l'option latin ou grec ancien.
01:23Et peut-être que comme moi à l'époque tu t'es dit mais à quoi ça sert d'apprendre une langue que je parlerai jamais ?
01:28Ne jamais dire jamais parce que 15 ans plus tard, j'avoue que j'aurai bien besoin de 2-3 bases de grec.
01:33Parce que je me retrouve là dans le sud de l'Italie en Calabre
01:35et je vais aller rencontrer les derniers locuteurs d'une langue que je pensais morte justement.
01:40Ça s'appelle le grec anico et c'est du grec ancien mais calabré.
01:43Et j'avoue que je me pose pas mal de questions. Pourquoi des Italiens par grec ?
01:47Comment cette langue qui a des millénaires a réussi à traverser les âges ? Et puis grâce à qui ?
01:52Comme vous avez pu l'entendre dans l'extrait, le plus jeune des locuteurs
02:21a 71 ans et ils ne sont plus qu'une centaine.
02:24Donc ça vous montre un peu l'importance de parler de ce grec anico qui est extrêmement menacé aujourd'hui
02:29après pourtant des millénaires d'existence.
02:32C'est ce que j'allais vous demander. D'où vient effectivement cette langue ?
02:35Et comment ça se fait que les gens continuent de la parler encore aujourd'hui en 2025 ?
02:38Alors c'est une langue qui date de l'Antiquité donc c'est vrai qu'elle n'est pas toute jeune.
02:42Et je vais essayer de vous résumer assez brièvement 3000 ans d'histoire parce qu'on n'a pas trop le temps.
02:45En tout cas des colons grecs arrivent dans le sud de l'Italie, ils s'installent dans les régions de l'actuel Calabre et des Pouilles
02:52et donc ces colons fondent des villes et la population parle naturellement grec.
02:57Puis plusieurs siècles plus tard, ce sont autour des Romains qui arrivent en Calabre,
03:02comme vous pouvez le voir sur la carte juste ici.
03:05Les Romains arrivent et eux ils apportent le latin que vous avez donc appris en cours.
03:09Et à cette époque-là, les habitants n'abandonnent pas le grec pour autant,
03:12ils se mettent juste à parler des deux langues, du coup ils deviennent bilingues.
03:17Puis une deuxième vague de grètes arrive en Calabre au VIe siècle avec l'Empire byzantin.
03:22Et après ça, on peut dire que le grec Aniko passe de plutôt belles années,
03:26il vit plutôt bien, jusque dans les années 1920 qui là ont failli lui être fatales.
03:31Et bien les années 1920 en Italie, au moment de l'arrivée du fascisme,
03:34c'est ce qui a failli faire peut-être disparaître la langue ?
03:37C'est exactement ça.
03:38En fait, Benito Mussolini, il accède au pouvoir en Italie en 1922
03:42et donc très rapidement l'Italie devient une dictature.
03:45Et il avait une devise, Mussolini, c'était tout pour l'État, rien en dehors de l'État, rien contre l'État.
03:51Donc tout ce qui n'est pas de près ou de loin de l'Italien n'a pas sa place dans l'Italie de Mussolini.
03:57Et donc vous vous doutez bien que le grec Aniko et toutes les autres langues régionales n'ont pas leur place pour lui.
04:02Donc en 1925, l'Italien devient la seule langue autorisée à être parlée et enseignée dans les écoles,
04:08dans le but d'unifier le pays.
04:09Et donc cet héritage-là a véritablement laissé des traces en Italie.
04:14Au fil des années, le grec Aniko était plus tôt parlé parce qu'il était extrêmement dévalorisé.
04:18Ça ne faisait pas bien de parler grec.
04:21C'était mal vu.
04:22En fait, toutes les personnes qui travaillaient, qui travaillaient dans le commerce,
04:25qui voyageaient, qui étudiaient, toutes les personnes cultivées, elles parlaient italien.
04:28Donc le grec Aniko, c'était un peu être vu comme un reclus, comme un montagnard dans le sens assez péjoratif.
04:35Et c'est ce que nous ont raconté Beta et Tito, deux habitants vraiment qui sont nés à Galiciano.
04:40Je vous propose de les écouter.
04:41Quand j'étais enfant, encore 70 ans, la langue était très diffusée, c'erano migliaia de parlants.
05:01Mais nous étions déjà dans la phase où la génération des mes nonnes,
05:06par répressions sociales et pratiques, avait déjà commis de transmettre la langue des filles.
05:13Et je suis écrite avec l'idée qu'à l'époque, j'aurais parlé aussi, parce que les adultes parlavaient.
05:17Mais je suis écrite, ils ne parlavaient pas.
05:18Voilà, on comprend bien qu'il n'y a pas eu la transmission aux générations qui arrivaient après.
05:22Mais une langue, ok, ça se parle, mais ça s'écrit aussi.
05:25Est-ce qu'il y a des livres, des écrits qui restent ?
05:28Alors ça, c'est quelque chose qu'on a vraiment découvert en étant en calabre.
05:31C'est que le grec Aniko n'a jamais réellement été écrit.
05:34Et dans plusieurs villes de la région, comme à Galiciano où on était, à Bova, Bova Marina,
05:39on voit du grec ancien écrit, mais globalement sur les plaques et rues.
05:43Donc ça peut être en caractère grec, en caractère latin,
05:45mais c'est plutôt un aspect touristique où on va parler du grec Aniko grâce à ça.
05:49Mais en réalité, le grec Aniko n'a jamais réellement été écrit.
05:53En fait, un des habitants de Galiciano, qui s'appelle Mimo, c'est la mémoire vivante de ce village,
05:58Mimo nous expliquait que la dernière trace écrite du grec Aniko remonte à la fin du règne byzantin
06:02et que la dernière chose qui était écrite, c'est une malédiction.
06:06Alors cette malédiction, en fait, c'est le prêtre orthodoxe d'une ville qui s'appelle Bova,
06:10une ville voisine de Galiciano.
06:12Le prêtre orthodoxe a écrit une malédiction en grec Aniko
06:16au prêtre de la cathédrale de Bova, qui avait osé pratiquer la messe en latin.
06:21Il n'avait pas du tout aimé, du coup, il lui a écrit une malédiction,
06:23mais en tout cas, c'est la dernière trace écrite qu'on ait eue.
06:26Et après ça, au fil des siècles, le grec Aniko ne s'est transmis que de manière orale.
06:30D'où le fait qu'il se perde un petit peu.
06:31Donc si je comprends bien, il n'y en a pas de trace écrite pour se souvenir de cette langue.
06:34Le seul moyen qu'on ait, ce sont d'écouter et d'entendre les aînés parler.
06:39Est-ce que quelqu'un peut-être prend les devants pour maintenir le grec Aniko en vie aujourd'hui ?
06:43Heureusement, il y en a un qui prend l'initiative, c'est Tito,
06:45donc l'homme que vous voyez depuis tout à l'heure dans les extraits.
06:48En fait, lui, son idée, elle est très simple, ça a été de créer une école éphémère
06:52qui a lieu tous les ans à la même période, la première semaine du mois d'août,
06:56où des élèves de tous âges, mais vraiment, vous voyez,
06:58des petits de maternelle jusqu'à des grands-parents, passent une semaine
07:02pour apprendre le grec Aniko en version intensive.
07:05Ils font leur rentrer beaucoup plus tôt.
07:06Et on n'a plus assisté à plusieurs cours dans cette école.
07:09Je vous laisse regarder à quoi ça ressemble.
07:10On n'a plus assisté à la première édition de la Settimona Greca.
07:22C'est un amour à première vue, parce que réussir à retrouver dans la Settimona plus calme de l'estate
07:28pour apprendre une langue qui, en plus, peut arriver comme une langue inutile.
07:33La Settimona che facciamo non è una scuola semplicemente, permette ancora a questi giovani
07:40che stanno imparando di apprendere la lingua dal parlante anziano al giovane,
07:45ancora non abbiamo una trasmissione diretta.
07:48Non è tanto il fatto che si perdono le parole, ma il grande problema è cosa succede
07:53quando si perdono i custodi di quelle parole.
07:55e per me sta tutto in quello.
07:58E' chiaro che questa lingua, inevitabilmente, ha subito una perdita umana.
08:04Perché a livello numerico, i parlanti nativi si contano sulle le dita di una mano.
08:09Purtroppo, la lingua per le persone che la parlano, nativamente, è un ricordo.
08:16Donc voilà, come vous avez pu l'entendre, c'est la nouvelle génération,
08:18donc celle de Giovanna, qui endosce la responsabilità di revitalizzare questo grecanico.
08:23Le grecanico, qui au passage, a quand même fait partie des 12 langues officielles d'Italie
08:29depuis 2019.
08:30Donc elle est un petit peu quand même remise sur le devant de la scène,
08:32mais c'est parfois pas suffisant.
08:33Cette jeune fille, elle dit qu'elle a eu le coup de fou dans l'entendant
08:35et en allant dans cette école, est-ce qu'il parle entre les jeunes ?
08:39Alors, plus ou moins, c'est plus ou moins vrai.
08:42En fait, quand nous, on a tourné notre reportage,
08:44c'était une semaine spéciale autour du grecanico.
08:46Donc il y avait toute cette école, il y avait énormément d'événements autour de ça.
08:50On a pu assister, par exemple, à une représentation d'Oedipe,
08:54la tragédie de Sophocle en version grecanico,
08:56ce qui, je vous l'accorde, n'était pas ultra...
08:57Vous avez tout compris ?
08:58Non, du tout, pas ultra simple à suivre.
09:00Mais voilà, il y a eu quand même beaucoup d'événements autour de ça.
09:04Les jeunes sont allés dans le village de Galicianou,
09:05que vous voyez derrière moi,
09:07à la rencontre des petits vieux qui habitent là.
09:08Ils ont discuté, on voit Atilio, enfin, voilà.
09:10Ils ont discuté entre eux, échangé, parlé grecanico.
09:13Mais dans la vraie vie, c'est évidemment pas comme ça tous les jours.
09:16Ils sont 30 dans le village,
09:17donc les habitants, entre eux, comme Beta ou Tito,
09:20que vous avez vu tout à l'heure,
09:22ils parlent entre eux en grecanico quand ils se croisent dans la rue.
09:24Ils ont même un petit groupe WhatsApp
09:25sur lequel ils se souhaitent la bonne journée, la bonne soirée en grecanico.
09:29Mais en fait, ça s'arrête là.
09:30Et les jeunes, souvent, quand ils les croisent,
09:32ils leur parlent en italien.
09:34Les personnes avec qui ils parlent le plus grecanico,
09:36qui sont étrangères au village,
09:37ce sont des touristes grecs qui viennent à Galicianou
09:39et qui comprennent là le grec ancien.
09:42Mais en tout cas, ce qu'il faut quand même se dire,
09:44c'est que même si les jeunes ne parlent pas tout le temps grecanico,
09:47il y a quand même des personnes qui ont pesé une semaine de congé
09:49pour venir s'enfermer dans une salle de classe pendant 8 heures
09:51pour apprendre une langue qui disparaît.
09:53Donc ça montre quand même l'attachement
09:55que les calabrés ont avec leur grecanico.
09:57Et aussi la difficulté qu'il faut pour maintenir cette langue.
10:02L'exemple du grecanico, on imagine que c'est loin d'être un cas isolé,
10:05qu'il y en a plein d'autres, des langues régionales comme ça, anciennes,
10:07qui ont disparu avec le temps.
10:10En Italie, en France, ailleurs aussi peut-être ?
10:11Partout en Europe, partout dans le monde.
10:13Je vais même vous donner un chiffre qui, moi, m'a énormément surprise
10:15et qui illustre bien la tendance.
10:17Tous les 15 jours, une langue autochtone disparaît de la surface de la Terre.
10:21C'est l'UNESCO qui donnait ce chiffre il y a 4 ans.
10:24Et c'est un peu de ce constat-là qu'on est parti à Enter
10:27pour lancer cette série sur les langues en voie d'extinction en Europe.
10:31Et donc après le grecanico, on a pu faire une vidéo sur le manx.
10:34Le manx ?
10:34Le pardon ?
10:35Le manx.
10:35Ça parlera peut-être aux plus celtiques d'entre nous.
10:38Vous nous apprenez plein de choses, c'est très bien.
10:39Je suis là pour ça.
10:40Non, le manx, c'est du gaélique qui provient de l'île de Man.
10:43L'île de Man, c'est situé entre le Royaume-Uni et l'Irlande.
10:46Et donc, cette langue, le manx, avait été déclaré morte par l'UNESCO en 2009,
10:50après la mort du dernier locuteur natif.
10:53Sauf que, après avoir déclaré cette langue morte,
10:55ils ont reçu l'UNESCO un courrier dans leur boîte aux lettres.
10:57Et en fait, ce courrier, il avait été écrit par les enfants de l'école primaire de Lille,
11:01qui, eux, disaient, écoutez, non, on n'est pas morts,
11:03on apprend cette langue à l'école tous les jours, venez nous voir.
11:06Incroyable.
11:06Et donc après ça, l'UNESCO est revenu sur sa décision
11:08et ils ont décidé de créer une nouvelle catégorie,
11:11les langues revitalisées, dont le manx fait désormais partie.
11:14Donc vous allez peut-être venir nous reparler du manx, c'est ça ?
11:16Du manx ou d'autres langues, on en a quelques-unes encore en poche
11:19pour venir vous en parler ici.
11:21Merci Malvina.
11:22En tout cas, si on veut retrouver ces vidéos et les futurs
11:25sur les langues en voie disparition en Europe, ça se passe ?
11:27Sur notre chaîne YouTube, la chaîne YouTube d'Enter qui s'affiche à votre écran.
11:30ENTR, plus loin FR, parce qu'on est la chaîne francophone d'Enter.
11:34Même si on existe en plusieurs langues,
11:35pas en grecanico ou en manx, mais dans plusieurs langues européennes.
11:39Et puis voilà, on est aussi présents sur Instagram, TikTok,
11:42on a un réseau de journalistes européens
11:44et on fait diverses sujets sur la culture, la politique.
11:47Et à chaque fois, c'est un plaisir de venir en parler ici, dans Paris Direct.
11:49Et avec beaucoup de fraîcheur à chaque fois, merci beaucoup.
11:52Plaisir partagé, Malvin Aro et les équipes d'Enter.
11:55C'est la fin de ce Derrière l'image.
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