Passer au playerPasser au contenu principal
  • il y a 2 jours
L’Iran, c’est une des plus vieilles civilisations du monde, héritière de la Perse antique. De Cyrus le Grand à Darius, des Parthes aux Sassanides, l’Empire perse fut pendant des siècles le cœur battant de l’Orient, rival de Rome et de Byzance. Puis vinrent les conquêtes arabes, les invasions turques et mongoles, avant la renaissance safavide qui fit de l’Iran le grand pays chiite que nous connaissons encore aujourd’hui. Au XXᵉ siècle, le pays tenta de se moderniser sous les Pahlavi, avant la rupture de 1979 et la révolution islamique menée par l’ayatollah Khomeiny. Aujourd’hui encore, l’Iran reste au centre des tensions du Moyen-Orient. Pour comprendre cet enjeu géopolitique majeur, il faut remonter dans le temps, remonter le fil de l'histoire longue en compagnie d'Antoine de Lacoste.

Catégorie

📚
Éducation
Transcription
00:00Générique
00:02Générique
00:03Générique
00:04Bonjour à tous, je suis en compagnie aujourd'hui d'Antoine Delacoste
00:24pour une émission que nous allons désormais tenir régulièrement, une fois par trimestre.
00:28Une émission au cours de laquelle nous tâcherons d'expliquer l'actualité géopolitique
00:32en remontant le fil de l'histoire longue.
00:35Au mois de juin dernier, nous avions évoqué l'Afghanistan
00:37et nous allons rester dans la même région pour parler de l'Iran.
00:41L'Iran, c'est une des plus vieilles civilisations du monde,
00:44héritière de la Perse antique, de Cyrus le Grand à Darius,
00:47des Parthes au Sassanide, l'Empire perse fut pendant des siècles
00:50le cœur battant de l'Orient, rival de Rome et de Byzance.
00:54Puis vint les conquêtes arabes, les invasions turques et mongoles
00:57avant la renaissance à Vafid qui fit de l'Iran le grand pays chiite
01:01que nous connaissons encore aujourd'hui.
01:03Au XXe siècle, le pays tenta de se moderniser sous les Palavis
01:06avant la rupture de 1979 et la révolution islamique menée par la Ayatollah Khomeini.
01:12Aujourd'hui encore, l'Iran reste au centre des tensions du Moyen-Orient.
01:16Pour comprendre cet enjeu géopolitique majeur, il faut remonter dans le temps.
01:20C'est ce que nous allons en faire ensemble avec Antoine Delacoste dans cette émission.
01:24Antoine, bonjour.
01:25– Bonjour.
01:26– Alors les fidèles de Passer Présent vous connaissent bien maintenant.
01:29Vous êtes conférencier, spécialiste en géopolitique.
01:32Vous collaborez à la revue d'histoire européenne,
01:35à laquelle vous tenez la rubrique géopolitique,
01:38mais aussi à Politique Magazine et Liberté politique.
01:42Et vous êtes l'animateur d'un site internet qui s'appelle géochronique.fr.
01:47Et comme vous êtes passionné de littérature,
01:49vous animez également le site Livre d'Antoine.
01:51– Livre d'Antoine.com.
01:53– Livre d'Antoine.com.
01:54Alors, avant d'aborder la république islamique et les tensions actuelles,
01:59revenons d'abord aux origines.
02:01L'Iran d'aujourd'hui se réclame de la grande civilisation perse,
02:06celle de Cyrus le Grand et de Darius.
02:08Alors, pouvez-vous nous rappeler ce qu'était vraiment ce premier empire perse
02:13au VIe siècle avant notre ère,
02:15qu'elle était sa puissance, son organisation,
02:17et qu'est-ce qui en faisait déjà une exception dans le monde antique ?
02:21– Les historiens considèrent que c'est le premier grand empire de l'Antiquité.
02:26Il était absolument immense, bien au-delà des frontières de l'Iran d'aujourd'hui.
02:30Il allait jusque dans les Balkans, en Égypte,
02:33c'était évidemment toute la Mésopotamie,
02:36tout ce qui est la Terre Sainte actuelle,
02:39et évidemment toute la Turquie actuelle,
02:41puisque ça allait jusque dans les Balkans.
02:43– Donc c'était un empire absolument immense avec des noms,
02:47des noms qui ont façonné l'histoire, vous les avez cités, Cyrus, Darius.
02:54Et effectivement, les Iraniens sont très fiers de ce passé,
02:57parce que c'est le premier grand empire.
03:00C'est le plus grand empire du monde pendant plusieurs siècles,
03:03jusqu'à Alexandre le Grand.
03:05Et Alexandre le Grand va détruire cet empire.
03:07Et cet empire a été longtemps en lutte contre la Grèce,
03:10des batailles mythiques comme la bataille de Marathon,
03:13des Thermopyles, des grandes batailles navales,
03:17tout ça, c'était les Perses contre les Grecs.
03:19Et les Grecs finiront par l'emporter.
03:21– Donc en moins 330 avec Alexandre le Grand.
03:23– En moins 330 avec le génie d'Alexandre le Grand,
03:27ces batailles célèbres, l'Issos, le Granik, Gau-Gamel.
03:31Et petit à petit, les armées perses sont obligées de reculer
03:34et finalement seront vaincus.
03:37Et l'empire perse va à ce moment-là s'effondrer.
03:40Si les auditeurs sont intéressés par cette partie Alexandre le Grand,
03:44je recommande évidemment la biographie immortelle de Benoît Méchain
03:46sur Alexandre le Grand.
03:48– Mais est-ce que c'était déjà un empire qui était en déliquescence ?
03:52– Il connaît son apogée à partir de moins 550 avant Jésus-Christ.
03:57Et on ne peut pas dire qu'il était en déliquescence,
03:59mais il était très étiré.
04:01Il était très étiré, un peu comme l'empire romain,
04:03il finissait par avoir des problèmes défectifs.
04:06Donc, il recrutait à tout va, des gens plus ou moins sûrs.
04:10Et puis, il y avait des révoltes régulières.
04:13Il avait du mal à envoyer une armée à courir après tous les points chauds.
04:18Et donc, quand toute la partie de conquête de moins 500, moins 480,
04:24où ils vont se heurter aux Grecs, après ce sera un petit reflux.
04:30Pas considérable, mais un petit reflux.
04:31Et cet empire que l'on croyait extrêmement fort,
04:34il a suffi finalement d'une armée, un chef hors du commun,
04:38mais d'une armée pour méthodiquement, progressivement le détruire.
04:43Et Alexandre le Grand va le traquer jusqu'en Égypte, jusqu'en Mésopotamie,
04:47pour finalement, alors qu'il descendait de la Macédoine actuelle,
04:51de la Grèce actuelle, et il ne laissera pas les armées perses tranquilles
04:57avant qu'il les ait défaites.
04:58Et donc, cet affrontement avec une armée exceptionnelle,
05:02c'est-à-dire Alexandre le Grand,
05:03a montré quand même la fragilité de cet empire perse.
05:07– Et alors, après la conquête macédonienne,
05:09que reste-t-il de la civilisation perse ?
05:11Je crois savoir qu'Alexandre adopte certaines mœurs perses.
05:15– Absolument, absolument, tout au long de l'histoire de l'Iran,
05:19à part peut-être les conquêtes arabes qui ont été,
05:23ou les Arabes ont essayé d'arabiser l'Iran,
05:26dans l'ensemble, cette civilisation perse,
05:29en lien avec une religion très particulière, le zoroastrisme,
05:32– On en parlera, oui.
05:34– Eh bien, cette civilisation perse a été respectée par les envahisseurs
05:37parce qu'ils y trouvaient un raffinement intellectuel,
05:41une organisation administrative, ils avaient été subjugués
05:47par notamment l'organisation hydraulique de l'Iran,
05:50très particulière, puisqu'il y a très peu d'eau en Iran,
05:53il suffit d'y aller, d'y promener pour constater que l'eau
05:55doit être un problème permanent, et très tôt,
05:58ils ont acquis des compétences techniques tout à fait hors du commun.
06:03Et puis, il y a toujours eu des intellectuels perses,
06:07des miniaturistes perses tout au long des siècles,
06:10et donc, pas seulement Alexandre, mais tous,
06:11à part les Arabes qui essaieront d'imposer leurs pattes,
06:15eh bien, tous respecteront et prendront une partie
06:19de cette civilisation perse pour en effet l'assimiler.
06:22Et Alexandre le Grand, de toute façon, était un conquérant,
06:26mais il n'avait pas une vision, il pouvait être très cruel
06:28quand une ville y aurait existé, mais il n'avait pas une vision
06:30sur le plan culturel totalitaire des choses.
06:33Et donc, il était très curieux d'esprit,
06:34et donc ça l'intéressait toujours de voir quels sont les aspects positifs
06:37qu'il pourrait prendre de la civilisation,
06:39il y en avait beaucoup dans la civilisation perse.
06:40– Alors, on le sait, après sa mort, son empire est partagé entre…
06:44– Il est partagé, là, ça se passe pas très bien.
06:47– Et alors, ce sont les partes qui prennent le pouvoir ?
06:50– Finalement…
06:50– Qui sont ces partes ?
06:51– Alors, ils viennent de l'Est, tout au long de l'Est de l'Iran actuel.
06:55– De l'Iran, oui.
06:56– Tout au long de l'histoire de la Perse, en fait, les tribus nomades
07:03venues d'Asie centrale joueront un rôle majeur.
07:06Et donc, ils sont tous plus ou moins turcophones, d'une certaine façon.
07:10C'est le paradoxe de la Perse, c'est d'avoir été gouvernés si longtemps
07:13par des turcophones, mis à part le grand empire perse des débuts,
07:16si longtemps par des turcophones, tout en gardant leur identité perse.
07:19Alors, ces partes vont sans arrêt essayer de se déplacer vers l'Ouest
07:24et vont se heurter aux Romains.
07:25Et là, il y aura des batailles terribles entre les partes et les Romains.
07:29Les partes réussiront à conquérir la Syrie.
07:32Je dis reconquérir parce que l'empire perse avait englobé la Syrie
07:35pendant plusieurs siècles.
07:38Mais finalement, les Romains vont les repousser
07:40et les partes devront céder la place après à peu près 4 siècles de domination,
07:45de moins de 100 à plus de 100.
07:47– Est-ce qu'ils maintiennent encore vivante l'idée d'un État perse,
07:52d'une Perse éternelle ?
07:53– Oui, on était dans une optique avec ces tribus nomades
07:55aux apports culturels assez limités, il faut le dire.
07:59Donc, ils n'avaient pas grand-chose à apporter sur ce plan-là.
08:02Donc, ils regardaient les Perses et tant que les Perses ne se révoltaient pas,
08:06l'identité perse restait forte.
08:08Ils avaient été maquus militairement
08:09et ces tribus nomades étaient de redoutables guerriers.
08:12Donc, finalement, il y avait une complémentarité
08:14entre les guerriers, on va dire, incultes,
08:17qui n'avaient pas grand-chose à apporter à la Perse dans ce domaine-là,
08:19et la Perse qui, elle, gardait ses traditions intellectuelles, religieuses.
08:24Et puis, les partes n'étaient pas des totalitaires en matière religieuse.
08:27Donc, de ce point de vue-là, la symbiose s'est faite convenablement.
08:31– Alors, justement, parlons de religion, vous l'avez évoqué tout à l'heure,
08:36ce sont des Zoroastres.
08:37– Oui, c'est une religion très particulière.
08:41On a mis beaucoup de temps à percer les secrets de cette religion.
08:45Donc, plusieurs siècles avant Jésus-Christ,
08:47les historiens ne sont pas tous d'accord sur la date exacte,
08:50mais un homme serait venu, il s'appelait Zarasoustra.
08:53Nietzsche en fera son fameux, ainsi parlé, Zarasoustra.
08:55Et de là, le mot Zoroastrisme, donc c'est une religion avec des temples,
09:02avec un clergé, une religion assez totalitaire, assez intolérante.
09:06Les Arméniens en souffriront beaucoup quand les Perses domineront l'Arménie,
09:11après que l'Arménie soit devenue chrétienne au IVe siècle.
09:14Ils transformeront toutes les églises arméniennes en temples de Zoroastrisme.
09:18Et le clergé, le clergé chrétien sera, dans bien des cas, tué, massacré.
09:24Et les prêtres, les mages, en fait on les appelait des mages,
09:28les mages zoroastriens s'installeront dans ces temples,
09:32qu'ils paganiseront, et de là partira le feu éternel,
09:36c'était des adorateurs du feu.
09:38Tout ça est fondé sur la lutte entre le bien et le mal,
09:41vous me direz, c'est pas nouveau, et le christianisme, c'est ça aussi.
09:46Mais également, entre la lumière et les ténèbres, c'est plein de symboles.
09:49Et donc, ils adoraient pas le soleil, mais en tout cas le feu.
09:53Ils adoraient la lumière également, avec un apport intellectuel
09:59que certains historiens trouvent remarquable.
10:01Mais je pense qu'il faut vraiment se plonger dans le Zoroastrisme.
10:04Et c'est extrêmement complexe, il faut vraiment être un spécialiste
10:07pour comprendre tout ça.
10:08Avec les Arméniens, d'ailleurs, pour finir l'anecdote sur les Arméniens,
10:11qui montrent leur intolérance religieuse, ça terminera très mal,
10:14parce que les Arméniens n'accepteront jamais cette religion païenne.
10:18Et à leur tour, ils égorgeront régulièrement les mages zoroastriens
10:23qui officiaient dans les temples.
10:25Mais aujourd'hui, en Iran…
10:27– Oui, il y a encore des traces ?
10:28– Oui, on considère qu'il reste 100 000 adeptes.
10:30Alors, j'ai une population de 90 millions d'habitants, c'est pas énorme,
10:33mais qu'il reste 100 000 adeptes du Zoroastrisme
10:36et qu'ils se réunissent plus ou moins clandestinement.
10:39Les mollas ne sont pas très amateurs de cette religion étrange.
10:44Et donc, ils font des feux nocturnes, clandestinement.
10:48Enfin, il y a un petit folklore autour de ça.
10:50Mais pendant des siècles, avant le christianisme, puis l'islam,
10:56ça jouera un rôle quand même de ciment,
10:58de ciment pour la future nation perse.
11:01– Alors, avant d'arriver à l'islam, il y a la dynastie des Sassanides
11:04qui, eux, vont s'affronter à l'Empire byzantin.
11:09– Comme il se doit, on ne parle plus d'Empire romain,
11:11on parle d'Empire byzantin, ce sont un peu les mêmes.
11:13– Ils vont jusque, même en 614, prendre Jérusalem
11:16et s'emparer de la Sainte-Croix.
11:19Alors, qui sont ces Sassanides ?
11:21C'est une dynastie parthes ?
11:23– Non, ils ne sont pas parthes, ils sont différents.
11:26Ça vient d'un individu qui s'appelait Sassane,
11:28à l'origine du nom de Sassanides,
11:31mais ce sont toujours des ethnies turcomanes, en réalité.
11:35Et donc, ces Sassanides vont rester jusqu'à l'arrivée des Arabes.
11:40Pendant quatre siècles, des années 200 aux années 600 à peu près.
11:44Et en effet, ils vont sans arrêt essayer de s'étendre vers l'Ouest,
11:48vers la Mésopotamie, vers la Syrie, et puis vers la Terre Sainte.
11:52Maintenant, on peut parler de Terre Sainte, puisqu'on est après Jésus-Christ.
11:55Et en effet, ça va être un choc dans toute la chrétienté.
11:58Ils vont prendre Jérusalem, qu'ils vont joyeusement saccager,
12:00et partir avec les reliques de la Sainte-Croix.
12:02Et donc, à partir de ce moment-là,
12:05Byzance va organiser la récupération de la Sainte-Croix.
12:09C'est une croisade avant la lettre, en quelque sorte.
12:12Et Héraclius va réussir, quelques décennies plus tard,
12:16dans les années 630-640, à lever une armée,
12:19pour aller attaquer les Perses.
12:22Et puis, il y aura une bataille,
12:24et l'Empereur-Père sera décapité pour avoir profané la Croix.
12:30Et tout ça est très bien raconté,
12:32une petite parenthèse touristique,
12:34en Italie, à Arezzo.
12:37À Arezzo, entre Rome et Florence,
12:39il y a une église qui ne paye pas de mine à l'extérieur,
12:41qui s'appelle Saint-François.
12:43Et dedans, dans le cœur,
12:44vous avez des fresques de Pierrot de la Francesca,
12:46qui racontent tout le cycle de la Croix,
12:48depuis le début, depuis le rameau d'Olivier,
12:51jusqu'après les reliques de la Croix.
12:53Et il y a plusieurs fresques
12:55qui rappellent cette épopée d'Héraclius,
12:58qui, donc, va vaincre les Perses
12:59et ramener la Sainte-Croix triomphalement
13:01à Jérusalem, vers 640, si je ne me trompe pas.
13:05Et donc, ce sera une épopée chrétienne
13:07extrêmement importante.
13:09Et il y a une fresque saisissante,
13:11où on voit Héraclius, la veille de la bataille,
13:13qui dort et qui a le songe de la victoire.
13:16Et donc, c'est très beau, ça vaut le déplacement.
13:18– Ça vaut le déplacement.
13:19Alors, est-ce qu'on peut dire que ces guerres, aussi,
13:21ont épuisé l'Empire avant l'arrivée des Arabes ?
13:24– Ça a épuisé les deux empires, c'est ça le problème.
13:27Ça a épuisé l'Empire sassanide,
13:28ça a épuisé l'Empire byzantin également.
13:30Et les Arabes ont eu une chance folle.
13:33Les musulmans, vous direz, c'est Allah qui l'a voulu.
13:35Mais ils ont eu une chance folle,
13:36c'est-à-dire qu'ils sont arrivés pile au bon moment.
13:38Ils n'étaient pas si nombreux que ça.
13:41C'était pas l'immense armée qu'on verra après,
13:43des Mongols venus, là aussi, des Steppes.
13:46Ils n'étaient pas si nombreux que ça.
13:47Mais ils étaient très décidés.
13:49Ils avaient mis des versets du Coran au bout de leur lance
13:51pour montrer qu'ils arrivaient avec une nouvelle religion
13:53qu'ils allaient imposer par la force.
13:55C'est pour ça qu'ils essaieront d'arabiser la Perse
13:58lorsqu'ils l'auront conquise.
13:59Donc, ils vont battre les Perses à plusieurs reprises.
14:02Comme ensuite, ils battront les Byzantins à plusieurs reprises,
14:07les Arabes iront même monter jusqu'à Constantinople.
14:08– Là, ce sont des Arabes, nous sommes d'accord.
14:10Ce ne sont pas des…
14:11– Ah non, ce sont des Arabes, ce ne sont pas du tout des Turquements.
14:13– Les Arabes sortis des sables d'Arabie.
14:16Donc, ils connaissaient bien, ils avaient fait déjà des tas d'incursions,
14:19mais c'est après la mort de Mahomet.
14:21Mahomet meurt en 632.
14:23C'est une date facile à retenir parce que c'est 100 ans
14:25avant la bataille de Poitiers, Charles Martel.
14:27C'est-à-dire qu'en 100 ans, alors ils partent peut-être quelques années après,
14:31mais pas si longtemps que ça.
14:32– Et en presque 100 ans, ils vont conquérir l'ensemble de la Mésopotamie,
14:39de la Terre Sainte, de la Syrie, de la Turquie.
14:41– Du Maghreb.
14:42– Et puis après au nord, bien sûr, tout le Maghreb, l'Espagne,
14:46et la France, la Provence.
14:50Victor Hugo a des vers dans la Légende des siècles
14:52sur la prise de Narbonne contre les Arabes.
14:55Ils sont en effet arrêtés à Poitiers.
14:57Ils iront jusque sous les murailles de Constantinople.
14:59Ils n'ont pas réussi à prendre Constantinople.
15:02Et donc après, ils vont refluer.
15:04Mais ça a été le moment le plus difficile pour les Perses
15:06parce que ça a été la tentative d'arabisation
15:09qui n'a finalement pas réussi.
15:12Par contre, il a fallu adhérer à l'islam.
15:14– Oui, l'Arab n'a pas réussi. Pourquoi ?
15:17– Parce qu'il y a eu une résistance des Perses.
15:18– Une vraie résistance culturelle ?
15:20– Ça a failli marcher.
15:21Mais une résistance culturelle, oui.
15:23Ils n'ont pas voulu se mélanger avec les Arabes.
15:25Ils ont voulu garder leur identité perse.
15:27Et par contre, comme ils étaient militairement très affaiblis,
15:32ils ont dû adopter la religion musulmane portée par les Arabes.
15:38– Et alors, religion musulmane, ils vont se convertir.
15:43Mais en même temps, ils vont reconnaître Ali, le gendre du prophète.
15:48Donc, ils deviennent chiites.
15:49– Absolument.
15:50– Alors, la rupture n'est pas encore tout à fait faite.
15:51– Non, non, ça ne se fait pas tout de suite.
15:52Ça se fait au bout de combien de temps ?
15:54– Alors, la rupture va arriver peu de temps après qu'ils choisissent Ali.
15:59En fait, il y avait eu un arbitrage entre les futurs sunnites
16:01et les futurs chiites.
16:02On ne les appelait pas encore tout à fait comme ça.
16:05Il y avait eu un arbitrage fait par le Mola de l'époque.
16:09Et les Perses avaient choisi donc Ali comme étant le successeur de Mahomet,
16:17tandis que les sunnites choisissaient un autre.
16:20Mais c'était accepté au début.
16:22Simplement, après, ça va se durcir parce que ceux qu'on va appeler,
16:26à partir de ce moment-là, les chiites ne vont jamais reconnaître
16:29la succession des prophètes après Mahomet,
16:32enfin des chefs de cette nouvelle religion après Mahomet.
16:35Pour les chiites, c'est Ali et personne d'autre.
16:37et pour les sunnites, il y en a eu d'autres avant.
16:40Et donc, tout ça va partir dans des batailles
16:43avec la mort des fils d'Ali, Ali assassiné, la mort des fils d'Ali.
16:48Et donc, à ce moment-là, le schisme est consommé.
16:51Mais la Perse ne bascule pas à 100% dans le schisme.
16:54D'abord, il y a d'autres peuplades qui n'adhéreront jamais au schisme.
16:59Tout à l'heure, comme les Kurdes, par exemple, qui resteront toujours sunnites.
17:04Et puis, au-delà de ça, vous avez toute une partie
17:07de la population perse qui va rester sunnite.
17:09Et il faudra attendre plusieurs siècles
17:10pour qu'il y ait toute une vague de conversions forcées.
17:14Et les sunnites qui refusaient de passer au schisme,
17:17plusieurs siècles après, étaient exécutés, tout simplement.
17:20Donc, le côté chiite à quasiment 100% des Perses,
17:25c'est fait quand même dans le sang et dans les larmes.
17:27– Et est-ce que ça en fait…
17:28– Alors déjà, pourquoi ce choix ? Est-ce que c'est un choix ?
17:30Et est-ce qu'il est spécifique à l'Iran ?
17:33– Oui, dans l'arbitrage…
17:34– Je ne sais pas comment on l'appelle l'Iran, on l'appelle la Perse ?
17:36– Non, non, non, l'Iran, ça viendra beaucoup plus tard.
17:38On l'appelle toujours la Perse.
17:42Dans l'arbitrage qui avait été fait,
17:44il y avait en quelque sorte deux successeurs du prophète
17:47qui avaient été choisis.
17:48Chacun a choisi le sien.
17:49Et c'est ça qui a provoqué, c'était un étrange arbitrage,
17:52c'est ça qui a provoqué par la suite toute cette rupture
17:56parce qu'après l'assassinat d'Ali, la rupture était consommée.
18:01En fait, ce n'était pas prévu comme ça.
18:02– Mais l'Iran est la plus grande puissance chiite à l'époque ?
18:05– Ah ben oui, au tout début, on ne parle pas de chiite en tant que tel,
18:09mais c'est la seule même.
18:11– C'est la seule ?
18:11– C'est la seule, au début c'est la seule.
18:12– D'accord.
18:13– C'est la seule qui choisit Ali.
18:15Ensuite, les positions vont se durcir à cause de tout le sang
18:17qu'il y aura eu entre les batailles, contre les califes de Bagdad, de Damas, etc.
18:23– Et les Arabes, lorsqu'ils s'installent véritablement,
18:26il y a une population arabe, il n'y a pas de mélange de population, vous l'avez dit.
18:28– Il n'y a pas vraiment de mélange de population.
18:30– L'administration reste perse.
18:33– Oui, mais quand même, ils ont arabisé tout ça,
18:37mais ça n'a pas vraiment fonctionné.
18:38– Au niveau des noms, par exemple, des patronymes ?
18:41– Non, ça n'a pas beaucoup bougé, un petit peu quand même.
18:44Il y a eu des emprunts de la langue perse à la langue arabe.
18:48Ça a duré quand même 250 ans, cette occupation arabe.
18:50Donc en 250 ans, ils ont eu le temps d'en faire un petit peu.
18:54Mais, pour bien montrer que c'était relativement superficiel,
18:58même s'il y a eu beaucoup de choses à poser,
19:00notamment dans l'administration,
19:02lorsqu'ils ont été chassés par la suite, par d'autres tribus turcommanes,
19:07et c'est des turcs cedjukides,
19:08et bien à partir de ce moment-là, il ne restera plus grand-chose.
19:11En dehors de l'islam, ça n'est pas rien,
19:13mais en dehors de l'islam, il ne restera pas grand-chose
19:16sur le plan civilisationnel.
19:18Les Perses vont reprendre, en quelque sorte,
19:21le contrôle après le départ des Arabes,
19:24qu'ils avaient un peu perdu.
19:25– Le départ des Arabes, mais donc l'arrivée des Turcs ?
19:27– Et l'arrivée des Turcs, cedjukides,
19:29et qu'eux sont beaucoup plus tolérants.
19:31– Ils accèdent, eux sont les sunnites, les turcs ?
19:33– Alors, oui, ils vont se convertir petit à petit.
19:36Les cedjukides, au début, ne sont pas vraiment musulmans,
19:38puis ils vont découvrir que dans le coin, il vaut mieux l'être,
19:42parce que ça facilite quand même les choses.
19:44Ils ne connaissent pas du tout cette différence entre sunnites et chiites,
19:48ils vont la découvrir sur place.
19:49Et comme ils ne sont pas passionnés par la chose religieuse,
19:54c'est cedjukides qui finissent par prendre le pouvoir en Turquie.
19:56Le pouvoir turc est héritier de ces cedjukides.
19:58Ces cedjukides, c'est du nom du chef de tribu,
20:01ça aurait pu être beaucoup d'autres.
20:02D'ailleurs, beaucoup de ces turcommands se sont arrêtés,
20:06au cours de ces invasions successives,
20:08se sont arrêtés dans l'Asie centrale actuelle.
20:10Et donc, tout ce qui est Turkménistan, Ouzbékistan, Kazakhstan, etc.,
20:14ce sont des descendants de ces tribus nomades.
20:17Et c'est pour ça, petit aparté,
20:18que Erdogan a toujours rêvé d'avoir un pont avec l'Azerbaïdjan,
20:23bien qu'elle soit chiite, pour avoir accès à l'Asie centrale
20:26et reprendre son grand rêve de l'Empire ottoman,
20:30puisqu'ils sont tous turcommands.
20:31Mais donc, pour en revenir aux cedjukides,
20:34les cedjukides sont assez tolérants sur le plan religieux.
20:37Et donc, paradoxalement, cette conquête cedjukide
20:41débarrasse les Perses des Arabes,
20:43beaucoup plus autoritaires, beaucoup plus durs,
20:45qui veulent imposer l'islam par la force partout.
20:48Les cedjukides, eux, vont laisser les Perses relativement tranquilles.
20:51Et ça va être, sur le plan culturel, une renaissance perse
20:55qui va durer plusieurs siècles, en réalité.
20:58Et ça va durer jusqu'au XIe siècle, quasiment.
21:01Et ça va être tout le développement, l'architecture, des arts, des lettres.
21:08Vous avez tout au long de ces siècles-là, et ça continuera après,
21:11des poètes, la poésie joue un très grand rôle,
21:15des jardins construits.
21:16Les Perses ont un art des jardins qui s'est développé très tôt.
21:20Une architecture, évidemment, qui sera ravagée par les invasions mongoles,
21:24après, qui seront beaucoup plus dures que l'invasion suljiquide,
21:28et seljoukide, pardon.
21:29Et donc, les seljoukides, pour les Perses, ça n'est pas un mauvais souvenir.
21:33On pourrait penser que les Turcs, c'est dur.
21:35Mais autant, ils ont été très durs après,
21:37notamment avec les pauvres Arméniens au XXe siècle,
21:40et puis même contre l'Empire byzantin.
21:42Leur première grande victoire contre l'Empire byzantin va intervenir
21:45quasiment à la fin de l'occupation seljoukide en Perse,
21:48puisqu'ils vont remporter la grande victoire de Manzikert en 1071
21:52contre l'Empire byzantin.
21:55Et ça va être le début de l'afflaiblissement de l'Empire byzantin,
21:58malheureusement définitif, cette fois.
22:00– Alors, d'autres populations arrivent.
22:01Cette fois-ci, ce sont les Mongols,
22:04Gengis Khan au XIIIe siècle, puis Tamerlan au XVe siècle.
22:08Alors, est-ce que ces invasions,
22:10elles ont de nouveau détruit cette civilisation perse qui renaissait,
22:14ou est-ce que ça a renforcé sa cohésion ?
22:17– Alors, en réalité, ça a été épouvantable.
22:20C'était d'abord, ils étaient extrêmement nombreux,
22:22beaucoup plus que les Arabes, de très bons combattants,
22:26et puis, il faut le dire, des sauvages absolus.
22:28Ils ont massacré, ils ont pillé, ils ont détruit, détruit.
22:33Le système hydraulique très raffiné dont je vous parlais,
22:35ils l'ont intégralement détruit.
22:37Les Perses n'ont jamais pu le reconstruire, tellement c'était ingénieux.
22:41Ça fait penser à certaines destructions de construction de Rome
22:44qu'on n'a jamais pu vraiment refaire non plus.
22:46Et donc, ils ont énormément détruit.
22:49Ils étaient sans pitié.
22:50Ils étaient incroyablement sanguinaires.
22:53Tamerlan est resté célèbre quand il y a eu une révolte à Ispahan.
22:57Il a ravagé Ispahan.
23:00Il a tué un nombre de gens absolument invraisemblables.
23:02Et pour leur apprendre à s'être révolté,
23:03il a fait un geste qui est resté célèbre,
23:06une pyramide de crânes.
23:07– C'est la fameuse pyramide de crânes.
23:08– La fameuse pyramide de crânes.
23:0970 000 crânes entassés en pyramide,
23:12ça avait dû faire un peu d'effet.
23:13Il faut quand même avoir un tempérament un peu particulier
23:15pour s'amuser à faire ce genre d'exhibition macabre.
23:18Et donc, pour les Perses, c'est évidemment un souvenir épouvantable
23:23parce que leur pays a été ravagé.
23:25Et culturellement, comme les autres n'avaient absolument rien à apporter,
23:29culturellement, ils sont restés Perses.
23:31Mais les destructions ont été telles
23:33qu'ils vont mettre beaucoup de temps à s'en remettre.
23:36– Religièlement parlant, ça ne change pas la date ?
23:39– Rien du tout, rien du tout.
23:41Alors, ils vont se convertir à l'islam, tous ces Mongols.
23:46Ils vont être chrétiens même, à un moment donné.
23:49On avait parlé de ça pour une alliance éventuellement avec les croisés
23:53pour reconquérir la Terre Sainte
23:55qui aurait permis de battre les Arabes et les Sédjoukides
23:58qui se succédaient en Terre Sainte.
24:01Eh bien, finalement, ça n'a pas marché.
24:04Et puis, ils vont basculer dans un islam assez rudimentaire
24:08qui convenait finalement assez bien à Allah et Dieu,
24:11Mahomet et son prophète.
24:13Et puis, on a le droit de tuer tout le monde, en gros.
24:15Donc, cette religion était assez superficielle chez ces Mongols.
24:22Il restera toujours une frange chrétienne, d'ailleurs,
24:23chez les Mongols.
24:24Après, des missionnaires ont trouvé des traces d'une vieille hérésie chrétienne
24:28issue des premiers concilis qui s'appelait le Nestorianisme,
24:31dont ils trouveront trace en Inde, apportée un peu par certains Mongols,
24:36et même jusqu'en Chine.
24:37Donc, il n'y avait pas rien.
24:40Enfin bon, par rapport à la civilisation perse,
24:42on était quand même loin du compte.
24:43Puis, cette capacité à détruire était quand même extraordinaire.
24:46Et quand une nouvelle dynastie va se mettre en place,
24:51après la mort de Tamerlan, en fait, c'était très fragile,
24:54un peu comme Alexandre.
24:55La mort d'Alexandre, ses successeurs ont beau essayer,
24:58ça n'a jamais vraiment marché.
25:00C'est pareil pour Tamerlan.
25:01Après la mort de Tamerlan, qui rêvait de refaire un grand empire universel,
25:06façon perse au VIe siècle avant Jésus-Christ,
25:09eh bien, après la mort de Tamerlan, tout s'effondre.
25:11Et donc, à ce moment-là, une nouvelle dynastie arrive, prend le pouvoir.
25:15– Les Céfé-Vides.
25:16– Les Céfé-Vides.
25:17– Les Céfé-Vides, pardon.
25:18– Les Céfé-Vides.
25:19Et ils vont régner de 1500 à peu près jusqu'en 1736.
25:23Cette fois-là, la date est extrêmement…
25:25– Là, il y a une bonne stabilité.
25:27– Alors là, il y a 230 ans.
25:29Et c'est le moment où, alors c'est très important historiquement,
25:32c'est le moment où l'Iran prend ses frontières actuelles.
25:35Peu ou prou.
25:36– Donc, c'est la naissance de l'Iran moderne.
25:37– C'est la naissance de l'Iran moderne.
25:39Parce que les peuplades venaient beaucoup de l'Est.
25:43Donc, les frontières étaient très mouvantes.
25:45On conquérait une partie, on en perdait.
25:48Il y avait d'autres peuplades qui essayaient de conquérir.
25:50Donc, la Perse était sans arrêt attaquée sur son flanc Est.
25:54Et puis l'Ouest, c'était le contraire.
25:55Ils attaquaient sans cesse.
25:56Quelquefois, ils se faisaient attaquer par Héraclion,
25:59notamment pour récupérer la Sainte-Croix.
26:00Mais donc, ils avaient toujours le regard tourné vers l'Ouest
26:02pour prendre cette Mésopotamie, Bagdad, Damas,
26:05qui faisait toujours Alep, qui faisait rêver à ce moment-là.
26:10Et pour, après, s'approcher du bassin méditerranéen,
26:14qui lui aussi était forcément source de richesses considérables.
26:18Donc, là, on se fixe à peu près.
26:21Donc, ils perdent définitivement accès à la Méditerranée.
26:25Ils ont la mer Caspienne au nord.
26:28Et puis, au sud, il y a le fameux détroit d'Hormuz.
26:32Donc, ils ont quand même un accès à la mer.
26:34Ils surveilleront toujours jalousement.
26:37Mais ils se fixent à peu près dans leurs frontières,
26:39mais sans une unité ethnique.
26:41Il y a d'autres peuples.
26:43J'ai parlé des Kurdes.
26:44Mais il y a aussi les Balouches, également musulmans sunnites,
26:47qui, eux, sont au sud-est.
26:49Et puis, les Azéries, qui est une population importante encore aujourd'hui,
26:56qui, eux, vont adhérer aux chiites, mais qui ne vont jamais s'entendre avec les Perses.
27:02Donc, vous avez des forces périphériques complexes à gérer pour les Perses.
27:09Mais, tout de même, on rentre à peu près dans ces frontières-là.
27:13Les Kurdes vont être agités.
27:14Les Balouches se révolteront.
27:17D'autant que le Balouchistan,
27:19qui a existé, à un moment donné...
27:21– Ce n'est pas du Tintin.
27:22– Quand j'étais petit, j'avais des timbres du Balouchistan.
27:24Je rêvais en disant, où est le Balouchistan ?
27:26Eh bien, il est à cheval.
27:27Il est à cheval sur l'Afghanistan et sur l'Iran, aujourd'hui.
27:30Et donc, évidemment, les talibans afghans agitent toujours le Balouchistan.
27:37Donc, les Balouches situés en Iran.
27:39Ils sont les plus pauvres, en fait, du pays.
27:42Et que le régime iranien, de tout temps, a complètement méprisé.
27:46Parce qu'ils étaient sunnites et parce que, naturellement, ils étaient assez pauvres.
27:50– La capitale, c'est...
27:51– Alors, la capitale va être Théhéran.
27:54Alors, ça a beaucoup changé.
27:55La capitale, il y a eu les villes religieuses.
27:57Il y a eu, bien sûr, Ispahan.
28:00Et Théhéran, ça viendra un petit peu plus tard.
28:03Pendant très longtemps, c'est une bourgade.
28:05Et c'est pour se mettre un petit peu à l'abri au nord, en se rapprochant de la mer Caspienne,
28:10qu'on en fera la capitale.
28:11Mais la capitale culturelle, religieuse, historique, c'est Théhéran, bien sûr.
28:18Et c'est d'ailleurs, pendant ce règne des Céphévilles, qu'il va y avoir un très grand souverain,
28:23qui était le Shah, on parle déjà de Shah, qui était le Shah Abbas.
28:27Il y a de très nombreuses biographies sur lui, aussi bien en Iran qu'en Occident, d'ailleurs,
28:30parce que c'est vraiment, ça a été un très grand souverain qui a régné longtemps, de 1590-1629.
28:36Et il avait le sens, il avait le sens de la grandeur.
28:40Et c'est lui qui a construit le magnifique Ispahan actuel.
28:43C'est un très beau voyage de voir ça.
28:46C'est pas très loin des ruines de Persepolis, qui nous font penser à ce premier empire perse.
28:51Et il y a des constructions de mosquées, en particulier, avec des couleurs assez incroyables.
28:57C'est un très beau spectacle.
28:58Et le Shah Abbas est resté célèbre pour avoir pris une initiative assez incongrue,
29:07mais qui aura des conséquences importantes pour les Arméniens.
29:10La pauvre Arménie était sans arrêt coincée entre les Turcs, les Byzantins, les Perses.
29:16Et les Perses, au XVIIe siècle, dans leur lutte contre les Turcs, notamment,
29:24ont envahi l'Arménie.
29:27Et ils ont déporté des milliers d'Arméniens, dans des conditions très dures, épouvantables.
29:32Ils les ont obligés à traverser un fleuve à la nage.
29:34La moitié, ils sont morts.
29:35On était en hiver.
29:36Enfin, c'était une cruauté incroyable.
29:37Mais ceux qui sont arrivés, bizarrement, après avoir été si durement traités pendant cette déportation,
29:45ont été très bien traités à Ispahan.
29:47Et Shah Abbas a révélé à ce moment-là son idée.
29:49Les Arméniens, déjà, avaient la réputation d'être des très grands commerçants, des commerçants hors pair.
29:54Et donc, il les a installés dans un quartier d'Ispahan, qui existe toujours.
29:59Et là, il leur a dit, faites du commerce, devenez des commerçants.
30:02Et ils vont développer un commerce extraordinaire.
30:04Les Arméniens, pour ça, ont un don peut-être unique au monde.
30:08Je ne vais pas faire du mal à dire du mal des Libanais, surtout pas que j'aime beaucoup.
30:12Les Libanais considèrent que ce sont eux qui étaient les meilleurs commerçants du monde.
30:15Les Arméniens, c'est quand même quelque chose.
30:18Et encore aujourd'hui, quand on visite Ispahan, avec des mosquées partout, tout le temps,
30:24pas un café, mais tout de même une belle ville,
30:27avec une joyeuse agitation, eh bien, pas de café, mais des restaurants quand même partout.
30:33Et quand on pénètre dans le quartier arménien, alors on change de monde,
30:36des cafés partout et surtout des églises partout.
30:38Avec une cathédrale de cette époque-là, du XVIIIe, qui est…
30:44Non, du XVIIe, du XVIIe, qui a des fresques incroyables,
30:48Adam chassé du paradis terrestre et surtout toute la vie du Christ,
30:52étalée avec des fresques un peu naïves, un peu naïves,
30:55mais ce qui est intéressant, c'est de voir ça à Ispahan.
30:57Et la foule se presse, la foule musulmane d'Ispahan,
31:02et même de toute l'Iran, se presse pour admirer cette cathédrale.
31:06Donc, il y a une tolérance historique sur cette communauté arménienne,
31:11qui est très célèbre maintenant,
31:13pour vendre dans le monde entier des tapis absolument somptueux, magnifiques.
31:18– Donc, c'est une anecdote assez distrayante.
31:21– Donc, fin XVIIIe, changement de dynastie.
31:27– C'est ça.
31:27– La dynastie des Kajars, et puis, XVIIIe, XIXe, là, le grand jeu britannique…
31:34– C'est ça, les Kajars, donc…
31:36– Ça installe et on va changer, on change vraiment de paradigme.
31:38– Il s'est fait vite, ils sont rentrés en décadence.
31:40Les Kajars arrivent en 1786, Kajar, c'est un mot turc qui signifie « qui va vite ».
31:45C'est-à-dire que c'est encore, encore une dynastie turcomane.
31:48C'est tout le paradoxe des Perses qui devront attendre la dynastie des Palavis
31:53pour avoir enfin des monarques perses.
31:56Donc, cette dynastie Kajar va durer jusqu'en 1925,
31:59et ils vont subir, en effet, le grand jeu dont on avait parlé au moment de l'Afghanistan,
32:03le grand jeu russo-anglais.
32:06Et quasiment, les Russes et les Anglais vont se partager, peu ou prou, l'Iran.
32:12À la fois, ils se battent, et puis en même temps, ils ont un intérêt commun.
32:15Donc, les Russes prennent une partie, ils dominent,
32:17ne prennent pas vraiment, mais ils dominent, en tout cas, cette partie de l'Iran.
32:20Et les Anglais font pareil.
32:21Les Anglais iront alors beaucoup plus loin, en pénétration économique,
32:25puisqu'ils profiteront de la décadence de certains souverains à Kajars
32:28pour se faire attribuer toute une série de monopoles.
32:34Monopoles sur les chemins de fer, par exemple.
32:36Les souverains Kajars n'avaient plus d'argent.
32:38Et donc, ils vendaient les chemins de fer aux Anglais,
32:40qu'ils les achetaient joyeusement.
32:41Le peuple perse était furieux.
32:43Et petit à petit, les Anglais ont pris possession économique,
32:47une possession économique de la Perse extrêmement prégnante.
32:50– Et donc, on a trouvé du pétrole.
32:52– Et fin 19e, on trouve du pétrole,
32:55qu'on exploite à partir du début du 20e.
32:58Et évidemment, c'est pour les Anglais, qui à ce moment-là,
33:02avec la British Petroleum, qui avait déjà fait ses premières exploitations
33:08importantes à Bakou, dans l'Azerbaïdjan actuel.
33:12Bakou étant le premier grand centre de la région en matière pétrolière.
33:16Eh bien, au début du 20e, donc 1905-1906,
33:21le gisement commence à être exploité.
33:23Et les Anglais mettent la main dessus.
33:25Et c'est à ce moment-là que, très agacés par la passivité des souverains cajars,
33:31il y a une révolte.
33:33Il y a une révolte populaire.
33:34Il y a aussi une révolte de la classe politique.
33:36Et il va y avoir, en 1906, ce qu'on a appelé la révolution constitutionnelle,
33:40qui va introduire une dose de parlementarisme.
33:44Et donc, le souverain n'est plus un souverain absolu.
33:47On y met une dose de parlementarisme.
33:49– Et en change de dynastie.
33:50– Non, on reste avec la dynastie cajars,
33:52mais qui a perdu une grande partie de son pouvoir.
33:55C'est un peu les rois fainéants, en quelque sorte.
33:57Les Anglais en auront assez de traités avec eux.
34:00Et ils vont aider un officier appelé Palavi, Reza Palavi,
34:05à prendre le pouvoir en 1925, à chasser les cajars.
34:09Et, quelques mois après, ce souverain se fait proclamer chasse
34:12et la naissance de la dynastie des Palavis.
34:15– Qui, eux, sont vraiment des vraies Perses.
34:16– Alors, eux, ce sont des vraies Perses.
34:17Alors, tout le monde est très content,
34:19sauf qu'il est évidemment arrivé grâce à un coup d'État anglais.
34:21– Oui.
34:22– Donc, il est arrivé un peu dans les fourgons de l'étranger.
34:25Pour un officier de l'armée perse, ça fait un peu désordre.
34:28Mais enfin, bon, le peuple est quand même heureux
34:31d'avoir un vrai souverain perse.
34:33Et il va régner jusqu'en 1941.
34:36Il va être victime de la Seconde Guerre mondiale,
34:39puisque après l'invasion par l'opération Barbarossa de l'Union soviétique
34:45par l'Allemagne, Staline va trouver les Anglais,
34:50qui sont en Irak à ce moment-là, et va leur dire,
34:53il faut nous approvisionner et il faut passer par l'Iran.
34:57Et donc, Anglais et soviétiques se mettent d'accord pour envahir l'Iran.
35:00Alors, ils envahissent l'Iran, ce n'est pas compliqué.
35:03Les uns par le Nord, les soviétiques, et évidemment, les Anglais,
35:06depuis l'Irak, ils écrasent l'armée perse assez facilement.
35:10On commence à dire Iran quand même.
35:12Donc, ils écrasent l'armée iranienne assez facilement.
35:16Et comme le souverain perse penche plutôt du côté allemand,
35:21eh bien, il le dépose et il met son fils à la place en 1941.
35:25Et donc, pour la deuxième fois, un palavi arrive dans les fourgons
35:30de l'étranger en quelque sorte.
35:31Lufiston, il est tout jeune, il a 22 ans à ce moment-là.
35:34C'est le dernier chat d'Iran, celui qui sera renversé
35:36par la révolution islamique en 1979.
35:40Donc, après, les alliés peuvent faire leur première conférence
35:43de Téhéran en 1943.
35:45L'Iran est passé dans le camp des alliés contre l'Allemagne.
35:51– Et donc, après-guerre, il y a eu un épisode en 1951 ?
35:59– Un épisode extrêmement important.
36:01– Avec Mossadegh, qui est le premier ministre du chat,
36:03choisi par le chat.
36:04– Alors, le premier ministre choisi par le chat.
36:06Donc, on est passé, à la suite de la révolution constitutionnelle de 1906,
36:09on est passé dans cette monarchie constitutionnelle
36:11où le Parlement joue un rôle, où il y a un peu plus à l'usir.
36:15– Là, le ministre modernise vraiment.
36:16– Complètement.
36:17– Simplement, en 1951, Mossadegh, qui était un nationaliste perse,
36:23comme il y en a tant, décide que les Anglais se servent vraiment
36:27trop sur le pétrole et que ce que touchent les Iraniens est trop faible
36:31et ils nationalisent le pétrole.
36:33Alors, évidemment, les Anglais le prennent très mal.
36:36Ils appellent au secours leurs amis américains,
36:39parce qu'on est en 1951, la puissance anglaise a beaucoup décliné,
36:42la puissance américaine est à son zénith.
36:44Et la CIA va monter un coup d'État qu'ils appelleront l'opération Ajax
36:49et ils vont renverser Mossadegh et le mettre en prison.
36:53Le chat, pendant tous ces événements-là, s'est enfui en Italie
36:57et il va revenir une fois que le coup d'État de la CIA a réussi
37:01et ça, ça va être une tâche sur son règne.
37:04Ça va être une tâche sur son règne,
37:05parce que ça fait la deuxième fois qu'il revient dans les fourgons de l'étranger
37:08et Mossadegh était quand même assez populaire.
37:10La nationalisation du pétrole, ça avait quand même beaucoup plu.
37:14L'ensemble des Perses, ils trouvaient ça légitime
37:16que ce soit eux qui touchent les dividendes de cette rente pétrolière.
37:21Et donc, ce jeune chat, enfui puis revenu,
37:26son attitude n'a pas été tellement appréciée.
37:29Je sais que certains auditeurs écriront en disant,
37:32vous dites du mal du chat d'Iran qui était le dernier grand souverain.
37:35Je ne dis pas de mal de lui, simplement, ce sont les faits.
37:37Ce sont les faits, c'est un coup d'État de la CIA.
37:40On est d'autant plus sûr que c'est un coup d'État de la CIA,
37:43que c'est de tous les coups d'État de la CIA,
37:45Dieu sait si on en a eu, c'est le seul qui a été explicitement reconnu,
37:49probablement pour empêcher d'autres vocations,
37:54c'est le seul qui a été officiellement reconnu par la CIA,
37:56qui a dit, oui, c'est nous.
37:57C'est nous qui avons fait ça, c'est nous qui avons renversé Mossadegh.
37:59Donc, à ce moment-là, le chat reprend son règne jusqu'à la révolution islamique.
38:08Donc, il se rapproche beaucoup des États-Unis,
38:10ça aussi, ça lui sera beaucoup reproché.
38:12C'est d'ailleurs un allié indéfectible des États-Unis.
38:15Donc, c'est un ami d'Israël et il va beaucoup moderniser,
38:19il va interdire le port du voile.
38:20Et il se met ainsi à dos tout le clergé chiite
38:25qui quadrillaient quand même l'ensemble de l'Iran,
38:28surtout quand il va envoyer des fonctionnaires iraniens laïcisés,
38:32en quelque sorte, musulmans, musulmans chiites,
38:34mais laïcisés, pour enseigner dans les écoles,
38:37à la place des mollas chiites.
38:39Et là, il va y avoir une lutte d'influence extrêmement dure
38:42qui trouvera son paroxysme avec la révolution islamique de 1979,
38:46parce qu'autant les villes comme Téhéran, comme Ispahan,
38:52Chiraz moins parce qu'elle est plus religieuse,
38:53mais en tout cas, ces deux grandes villes-là sont assez libérales,
38:57surtout Téhéran, il n'y a pas une femme…
38:58Voilà, d'ailleurs, c'était interdit.
39:01Et Téhéran est très occidentalisé
39:03et de conception assez démocratie libérale à l'occidentale.
39:08Dans les campagnes, ce n'est pas du tout le cas.
39:09Les campagnes ont longtemps été sous l'influence du clergé chiite
39:13qui ne plaisante pas avec les principes religieux.
39:16Et donc, cette lutte contre, en quelque sorte,
39:18les instituteurs laïcs envoyés par le chat
39:22va trouver son paroxysme en 1979
39:25et on verra toutes ces foules manifester contre le chat
39:29et sous les yeux un peu consternés de la bourgeoisie citadine
39:36qui, elle, n'aimait pas forcément le chat
39:39ou l'aimait bien selon les cas,
39:40mais était effrayée de voir ces hordes de paysans
39:45entourés d'un clergé extrêmement rigoriste.
39:49Et pourtant, certains ont participé à la Révolution.
39:53Alors, il y a eu beaucoup de désinformations là-dessus.
39:55On a dit que la SAVA, qui avait tué des dizaines de milliers de personnes,
39:57la police secrète du chat.
39:59En fait, après les archives, il y a eu 4000.
40:02Bon, ce n'est pas bien, mais enfin, ce n'est pas non plus considérable.
40:04Ce n'est pas ça qui justifie la Révolution.
40:06C'est vraiment une révolution théocratique où les masses ont été manifestées.
40:10Il y avait des manifestants communistes.
40:12– Et donc, manipulés par les Mollahs ?
40:14– Manipulés par les Mollahs, par…
40:16– Est-ce qu'il y a une autre puissance étrangère derrière ?
40:18– Alors, pas trop, parce que les Américains, les Anglais
40:22surveillent ça de près, évidemment, avec une certaine inquiétude,
40:27mais en même temps, ils se disent qu'avec les Mollahs,
40:29on pourra s'arranger.
40:29C'est d'ailleurs à la demande des Américains
40:31que les Français accueilleront en exil l'Ayatollah Roménie
40:34dans son petit pavillon de Naufle-le-Château.
40:37Naufle-le-Château est devenu célèbre dans le monde entier
40:39dans cette année 78-79.
40:43Et donc, on a accueilli Roménie,
40:45qui va revenir en triomphateur en 1979.
40:47Et là, tous les manifestants qui ont joué un rôle
40:50et qui n'étaient pas issus des rangs islamistes,
40:53mais des rangs de la bourgeoisie libérale
40:55ou d'autres rangs, y compris les communistes,
40:59dont on appelait ça les Moudjahines du peuple,
41:02eh bien, se feront tous exterminer.
41:04À ce moment-là, il y aura un nombre
41:05des règlements de comptes terribles
41:07et il y aura un nombre de pendaisons absolument incroyables.
41:12Pour bien mesurer ça, il y a un très beau roman iranien
41:15qui est sorti, écrit par une Iranienne en exil,
41:17qui s'appelle Arya, dont je recommande la lecture,
41:21parce qu'on voit très bien cette révolution islamique
41:23où les non-islamistes se font avoir, en fait.
41:27Et ils se retrouvent avec une théocratie,
41:29alors qu'ils n'avaient pas du tout, du tout l'intention,
41:31ils n'avaient pas du tout prévu que ça se termine comme ça.
41:36– Alors chacun sait ce qui est devenu la révolution islamique.
41:40Le pays, donc, basculement d'un pays très modernisé
41:43qui reste quand même moderne dans ses structures.
41:46– Oui, et puis qu'elle amène du pétrole,
41:47et puis du gaz, on a trouvé du gaz,
41:49il y a un immense gisement de gaz sous la mer
41:51que l'Iran se partage avec le Qatar.
41:53Alors ils ne s'aiment pas beaucoup sur le plan religieux,
41:56d'autant que le Qatar est proche des frères musulmans.
41:59Donc ils sont ennemis, mais alors dès qu'il s'agit de gérer le gaz ensemble,
42:02il n'y a aucun problème, les accords se font très bien.
42:04Et donc, assis sur cette manne pétrolière et gazière,
42:08l'Iran peut prospérer, mais après la révolution islamique de 1979,
42:17il y a eu la prise de l'ambassade américaine
42:18et la fameuse prise d'otage des diplomates américains.
42:22– Donc là c'est la rupture avec les États-Unis et on n'arrive pas à…
42:25– Voilà, et pour se venger, les Américains vont demander à Saddam Hussein
42:28de déclarer la guerre à l'Iran.
42:30Et vous allez avoir de 1980 à 1988, 9, une guerre épouvantable,
42:35il y aura un million de morts entre l'Irak et l'Iran,
42:39sous un prétexte de territoire à conquérir
42:44qui était somme toute relativement marginal,
42:46ça ne valait vraiment pas un million de morts.
42:48Les deux pays vont sortir exsangues de ça, pour la petite histoire,
42:52c'est le moment où Saddam Hussein, à qui on avait promis monts et merveilles
42:55en échange de ses bons offices, puisqu'on ne lui donne rien,
42:58décide de se payer sur le Koweït, on connaît la suite.
43:02Donc l'Iran à ce moment-là va connaître une période difficile,
43:07mais l'Iran c'est quand même un grand pays sur le plan démographique,
43:10avec des grandes écoles qui fonctionnent très bien,
43:15notamment des écoles d'ingénieurs.
43:17Les écoles d'ingénieurs en Iran, c'est comme en Russie,
43:21on arrive parce qu'on est ingénieur.
43:26Une des raisons, une petite aparté, une des raisons des avancées technologiques
43:31de la Russie ou de la Chine par exemple, et un peu de l'Iran,
43:35même si elle est écrasée par les sanctions en matière d'armement très sophistiquée,
43:41l'avance qu'ils ont prise sur les Occidentaux, et notamment sur les Américains,
43:44chose qu'on ne dit pas assez, vient notamment de leur capacité d'ingénierie
43:48qui sont considérables.
43:49Près de la moitié des étudiants iraniens ou russes rentrent en école d'ingénieurs,
43:54parce que c'est le couronnement.
43:56Alors qu'aux États-Unis, c'est ma dernière statistique,
43:59c'est 7% des étudiants qui deviennent ingénieurs,
44:02parce qu'on ne devient pas richissime en étant ingénieurs,
44:04sauf si on invente un truc génial, on ne va pas se pas donner à tout le monde.
44:07Il vaut bien mieux aller à Wall Street ou devenir avocat d'affaires,
44:10et là on peut devenir millionnaire si on est bon.
44:12Donc ça les attire assez peu, et c'est pareil en Europe occidentale.
44:16Les écoles d'ingénieurs baissent en fait en nombre d'élèves.
44:19– Oui, on préfère faire des écoles de commerce.
44:21– Voilà, alors en un, deux c'est l'informatique, avec le succès que l'on sait,
44:24puisque la Silicon Valley les recrute à grands frais,
44:27et donc en Iran, c'est pour ça que vous avez autant d'ingénieurs atomistes.
44:31En Iran, qui sera elle, essaye d'éliminer progressivement,
44:35mais elle n'y arrivera jamais, parce que tous les savants atomistes
44:38qui ont été tués au fil des ans, on n'a pas attendu les bombardements
44:42du mois de juin pour les tuer, tout au long des 20 dernières années,
44:45il y a eu de nombreux assassinats ciblés, mais tous ces hommes
44:49qui se sont fait assassiner à 50 ans, 60 ans, étaient professeurs en université,
44:53avaient transmis leur savoir.
44:54En plus, il y a le nationalisme perse, toujours très présent,
44:58et donc c'est une fierté de travailler pour le nucléaire,
45:02même si officiellement c'est du nucléaire civil,
45:05mais même ça, Israël empêche qu'il y ait du nucléaire civil.
45:09– Alors en 2015, ce sont les accords de Vienne,
45:11ils semblent ouvrir une période de détente avec l'Occident.
45:15– Oui, les démocrates américains ont beaucoup travaillé pour ça,
45:17c'était John Kerry qui a fait, qui a été un monsieur bon office dans l'histoire,
45:21et les Iraniens, à ce moment-là, il y a eu une petite accalmie
45:27dans la dureté du régime iranien, nantit des promesses occidentales
45:30en disant si vous signez les accords et si les inspecteurs
45:33peuvent venir régulièrement sur vos sites nucléaires,
45:36vérifier que ce ne soit pas que du nucléaire civil
45:38et pas du nucléaire militaire, à ce moment-là,
45:40on va lever les sanctions et des grandes entreprises vont s'installer.
45:44Donc il y a les accords de Vienne, 2015 donc,
45:47et en effet, des grandes entreprises françaises,
45:50allemandes, italiennes, viennent s'installer en Iran,
45:56et Trump arrive en 2016, gagne les élections,
45:59et lui était hostile à ces accords,
46:01parce que, par son électorat évangélique,
46:04il est très proche d'Israël, Israël était très inquiète de cet accord,
46:07Israël était hostile à la levée des sanctions,
46:09et Donald Trump a dénoncé la signature de Vienne, pourtant signée.
46:14Donc les Iraniens sont furieux, en disant on nous a menti sur toute la ligne,
46:17en plus il y avait un accord, un traité signé,
46:19alors il suffit qu'il y ait un autre président, un an après,
46:21on ne respecte plus le traité,
46:23c'est inadmissible, mais les sanctions reprennent,
46:27et toutes les grandes entreprises étrangères doivent s'en aller.
46:31Donc c'est une perte très forte pour le régime iranien,
46:34pour l'Iran même, et puis même pour nous.
46:36Peugeot, c'était un très beau marché,
46:39Peugeot qui s'attendait à vendre des millions de voitures en Iran,
46:42est obligé de s'en aller, investissement, perte sèche quand même importante.
46:45Des tas d'autres entreprises, dans la construction,
46:48dans le secteur manufacturier, etc.
46:49sont obligées de partir également,
46:52et l'Iran régresse à ce moment-là.
46:54Et donc il relance le nucléaire, en cachette, forcément.
46:59Vous n'allez pas, en plus, venir nous visiter,
47:02alors que le traité, vous l'avez déchiré comme un chiffon de papier.
47:05J'ai toujours été sceptique sur cette décision de Donald Trump,
47:10je pense qu'il y avait moyen de petit à petit assouplir le régime,
47:13permettre à l'Iran de se développer,
47:16et en l'écrasant sous les sanctions, finalement,
47:19d'une certaine façon, il renforce le régime.
47:21– Et on ne fait que renforcer le nationalisme et la fierté perse.
47:23– Exactement, parce que les Perses sont extrêmement mécontents.
47:26D'abord, ils ont tous vu et constaté,
47:29quand j'étais en Iran récemment,
47:30discutant avec des Iraniens francophones,
47:32ils disaient, l'Occident nous a mentis.
47:34On n'oubliera jamais ça.
47:35Un traité signé, c'est un traité signé.
47:37Et donc, cette décision de Trump,
47:39je la trouve extrêmement dommage,
47:41parce que c'est une occasion unique qui a été perdue
47:44de permettre l'assouplissement du régime,
47:46de permettre aux classes moyennes iraniennes
47:48de monter en puissance,
47:49et à l'économie iranienne de monter en puissance.
47:51Et à ce moment-là, c'est à ce moment-là de l'intérieur
47:53que le régime des Mollahs pouvait être en difficulté.
47:56– On ne peut pas la battre de l'extérieur, c'est évident.
47:58– Non, la solution est interne.
47:59– Parce que finalement, les bombardements de 2025,
48:02bon, ça rappelle peut-être la fragilité.
48:04– Alors, quand même, ces bombardements de 2025
48:06ont détruit les défenses aériennes iraniennes.
48:10Ça, les bombardements israéliens, de ce moment-là,
48:11ont été d'une efficacité redoutable.
48:15Israël, Netanyahou, qui ne s'est jamais s'arrêté,
48:17après a bombardé le Qatar pour tuer des gens du Hamas,
48:21qui étaient là en pleine négociation.
48:24Et ça a été un tournant important,
48:25parce que les Arabes, à ce moment-là, ont dit à Trump,
48:28ça suffit, il faut arrêter Netanyahou maintenant.
48:30D'où les accords actuels, ce bombardement du Qatar,
48:34paradoxalement, qui était quand même une chose
48:37absolument incroyable, inimaginable, a joué un rôle.
48:39Mais quoi qu'il en soit, en Iran, donc ils ont beaucoup souffert.
48:42Mais attention, une chose qu'Israël a soigneusement camouflée,
48:46mais quand même, on le sait, et que la presse occidentale
48:48a soigneusement camouflée aussi, c'est que les missiles iraniens
48:52envoyés sur Israël ont fait beaucoup, beaucoup de dégâts.
48:55Vous aviez, il y a eu très peu de morts,
48:57parce qu'ils étaient tous dans des abris.
48:58Contrairement aux Iraniens qui ont eu 1000 morts,
49:00parce qu'il n'y a pas d'abris en Iran,
49:02et en Israël, il y a des abris partout.
49:04Donc ils ont eu très peu de morts,
49:05mais par contre, ils ont eu des destructions considérables.
49:07Les quartiers entiers de Tel Aviv ont été détruits.
49:10Vous aviez des milliers d'Israéliens, encore maintenant,
49:12qui étaient sans abris.
49:13Donc la riposte iranienne a fait du mal.
49:17Et puis alors après, Trump, qui avait promis
49:19qu'il ne ferait jamais aucune intervention extérieure,
49:21n'a pas pu s'empêcher d'envoyer ces bombardiers furtifs.
49:26Avec une opération, il faut reconnaître,
49:28techniquement très remarquable, très réussie.
49:31Et là, ils ont dit qu'ils avaient détruit
49:33tous les sites nucléaires iraniens,
49:37y compris ceux qui étaient à très grande profondeur.
49:40En fait, on n'en sait rien aujourd'hui.
49:41Les Américains disent que tout est détruit.
49:43Les Iraniens ont dit que tout a résisté.
49:46En tout cas, ce qui était enfoui profondément.
49:48Et on ne sait pas.
49:49On le saura dans les prochains mois, les prochaines années,
49:51en fonction de l'évolution des recherches du nucléaire iranien.
49:55– Alors, on va terminer là-dessus rapidement.
49:58Est-ce que l'arc chiite menace de s'effondrer ?
50:04La rue est quand même agitée.
50:05Il y a de plus en plus de femmes qui ont aussi porté le voile.
50:08Est-ce que le régime peut-il encore tenir ?
50:10Est-ce qu'il y a une pression à l'intérieur ?
50:12– Le port du voile s'est assoupli.
50:13Quand j'y étais il y a deux ans, il y avait très peu de femmes sans voile.
50:18Là, maintenant, une majorité des habitants de Téhéran
50:21se promènent sans voile.
50:23Donc, de ce point de vue-là, il y a un assoupli.
50:24– Les gardiens de la Révolution se font…
50:25– Ils se font discrets.
50:26Ils ont eu des consignes, ils se font discrets.
50:28C'est un président un peu plus libéral qui avait été élu.
50:31L'arc chiite, avec la destruction du Hezbollah,
50:33en tout cas l'affaiblissement du Hezbollah,
50:34et surtout la chute de la Syrie, hélas, aux mains des islamistes maintenant,
50:39il n'y a plus d'arc chiite.
50:41Donc, quand même, stratégiquement, c'est une lourde défaite iranienne.
50:45Mais l'Iran est un grand pays et se relèvera.
50:47– Ce serait bien sans le régime des Mollas.
50:49– Sans le régime des Mollas, bien évidemment.
50:52Antoine Lacoste, merci beaucoup.
50:53– Merci beaucoup.
50:54– On se retrouve donc dans deux mois, trois mois,
50:57pour parler, on verra, d'un autre point chaud de la planète.
51:01C'était Passé-présent, l'émission historique de TVL,
51:05émission réalisée en partenariat avec la revue d'Histoire européenne,
51:09qui est maintenant dans les kiosques,
51:10avec un dossier consacré à l'Inquisition et sa légende noire.
51:14Avant de nous quitter, vous n'oubliez pas, bien sûr,
51:17de cliquer sur le pouce levé sous la vidéo
51:18et de vous abonner à notre chaîne YouTube.
51:21Merci et à bientôt.
51:22– Sous-titrage Société Radio-Canada
51:27– Sous-titrage Société Radio-Canada
51:28– Sous-titrage Société Radio-Canada
Écris le tout premier commentaire
Ajoute ton commentaire

Recommandations