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Entre 1979 et 1987, un groupe d'extrême gauche met la France à feu et à sang en commettant des braquages, attentats à la bombe et assassinats. Leur nom de guerre ? Action directe. Plus de 80 attentats, 26 blessés et 12 morts en moins de dix ans. Les Français sidérés découvrent placardés partout les portraits de ces jeunes femmes et hommes qui ressemblent à tout le monde et que rien ne semble pouvoir arrêter. Commence alors une longue et intense traque qui s'achèvera sur l'arrestation et la condamnation du noyau dirigeant. Retour sur l'histoire de cette jeunesse française engagée qui va se radicaliser.
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00:00:00Il est presque 20h ce 17 novembre 1986, lorsqu'une voiture s'engage boulevard Edgar Quinet dans le 14e arrondissement de Paris.
00:00:20Au numéro 16, le chauffeur du PDG de Renault s'arrête.
00:00:24Georges Bess ramasse ses journaux et la serviette en cuir offerte par sa femme.
00:00:31Il s'extrait du véhicule, recherche les clés au fond de sa poche.
00:00:37Soudain, des coups de feu retentissent.
00:00:43Georges Bess s'effondre sur le trottoir, atteint par trois balles dont l'une en pleine tête.
00:00:50Deux femmes prennent la fuite.
00:00:54Entre 1979 et 1987, un groupe d'extrême gauche met la France à feu et à sang.
00:01:05Braquage, attentat à la bombe, assassinat.
00:01:08Ils frappent fort et disparaissent dans un nuage d'explosifs, de tracts jetés au vent, de revendications idéologiques implacables.
00:01:17Leur nom de guerre, action directe.
00:01:19Leur bilan, plus de 80 attentats, au moins 8 morts et 26 blessés en une dizaine d'années.
00:01:27Cette histoire s'origine dans mai 68 et prend racine dans les utopies de la décennie 70.
00:01:39Elle se heurte à la réelle politique du président socialiste François Mitterrand, élu en 1981.
00:01:45Elle prospère sur les rêves de toute puissance d'une poignée d'extrémistes qui confond action politique et grand banditisme.
00:01:56Elle s'achève en 1987 avec l'arrestation du noyau dirigeant Jean-Marc Rouillant, Nathalie Ménigon, Joël Aubron et Georges Cipriani.
00:02:05Restituer cette histoire, c'est raconter ces 20 années françaises qui mêlent politique nationale et événements internationaux, enquêtes policières et drames humains, fascination amoureuse et folie destructrice.
00:03:19Mai 68 en France, voilà jeunesse révolutionnaire s'emparer du quartier latin à Paris, bloquer les universités et rejoindre les ouvriers en grève dans les usines.
00:03:33Une seule ambition, tout changer.
00:03:36En rupture avec le parti communiste, cette extrême gauche plurielle se revendique maoïste, trotskiste ou anarchiste libertaire.
00:03:45Si nous voulons enfin nous débarrasser de cette secte qui nous gouverne, il est maintenant parfaitement clair qu'il nous faut nous donner les moyens de nos luttes.
00:03:56C'est l'opposition radicale au capitalisme et au système démocratique dans lequel nous vivions.
00:04:04C'est-à-dire que ce système était considéré comme un système préfasciste.
00:04:09À l'issue des élections du juin 1968, le mouvement contestataire ne peut se satisfaire du retour à l'ordre orchestré par le pouvoir gaulliste.
00:04:21Il entend poursuivre le combat, même si les interprétations qu'en livrent les principaux protagonistes divergent.
00:04:27Les uns avaient une interprétation quand même très culturelle, moi, ou une révolte d'une jeunesse qui voulait vivre autrement, même dans les usines,
00:04:39avec une classe ouvrière qui a su conquérir des avantages.
00:04:45Et puis il y a ceux qui faisaient une analyse, donc, d'une société française qui devenait de plus en plus antagoniste.
00:04:53Et qui analysait mai 68 comme le début d'une guerre civile.
00:04:59Ce que May a prouvé, c'est qu'on ne résolvait pas le problème du pouvoir par la question électorale.
00:05:08Parmi ceux pour qui mai 68 n'est qu'un début,
00:05:11quelques militants maoïstes, Benny Lévy, Jean-Pierre Le Dantèque, Robert Linhart, Olivier Rollin, créent une organisation.
00:05:18Elle va bientôt devenir centrale dans l'agitation révolutionnaire de l'après 68.
00:05:23La gauche prolétariale, c'est donc un mouvement que nous avons créé d'un très petit nombre au début.
00:05:32À l'automne 1968, notre idée était qu'il fallait ne pas laisser retomber l'agitation, l'effervescence,
00:05:40et qu'il fallait se répandre un peu partout dans ce qu'on appelait les masses,
00:05:45pour prolonger cet état d'ébullition qui s'était emparé de la société française.
00:05:51Très vite, la gauche prolétarienne, soutenue par la cause du peuple, le journal qu'elle a créé,
00:05:59est rejointe par de nombreux intellectuels.
00:06:02Pour la liberté d'opinion en France, demandez la cause du peuple.
00:06:07L'organisation initie manifestations et actions militantes destinées à provoquer le soulèvement des masses populaires.
00:06:13« Brisez la manœuvre de la bourgeoisie ! »
00:06:19Tickets de métro dérobés, caviar et foie gras raflés chez Fauchon, la célèbre épicerie de luxe,
00:06:25sont distribués dans les bidonvilles.
00:06:27L'analyse des gauchistes est la suivante.
00:06:30La classe ouvrière s'est vue confisquer l'épisode révolutionnaire de mai 68.
00:06:35Il faut lui offrir une nouvelle occasion de se révolter.
00:06:37La gauche prolétarienne pratiquait une espèce de guérilla, à la fois physique, matérielle quand même,
00:06:47et symbolique tout de même, dans la mesure où elle ne s'attaquait pas à la vie humaine.
00:06:53Elle s'attaquait à des contre-maîtres, saboter les machines, s'attaquer à des commissariats de police.
00:07:01On a enlevé des gens sans jamais mettre en danger leur vie.
00:07:05« Écoutez-les, nos voix qui montent des usines, nos voix de prolétaires, qui disent y'en a marre, marre de se lever,
00:07:15tous les jours à cinq heures, pour prendre un quart, un train, parquer comme du bétail,
00:07:20marre de la machine qui nous saoule la tête, marre du chef aillon, du chrono... »
00:07:26Si la lutte armée n'est pas explicitement au programme,
00:07:29l'ouvrage publié par trois membres de la gauche prolétarienne a un titre on ne peut plus clair.
00:07:34vers la guerre civile.
00:07:35« Nous sommes et nous, nos partisans... »
00:07:39« Les dirigeants de la gauche prolétarienne, qui étaient pour la plupart jusqu'aux bouddhistes,
00:07:46ont toujours prôné la violence et la lutte armée.
00:07:50Ils savaient bien que la révolution ne se fait pas avec des tasses de thé ou des pinceaux à la main,
00:07:56et que nous étions tous partisans de ce que disait le président Mao Tse-Tung,
00:08:00que le pouvoir est au bout du fusil. »
00:08:02« C'est-à-dire qu'en fait, ce qu'on croyait être une révolution joyeuse et une ouverture de la société
00:08:08n'est que la préfiguration d'une fermeture de la société et d'un affrontement très violent. »
00:08:17« Il est certain qu'à l'époque, oui, ce que nous pensions inévitable et souhaitable, même, c'était une guerre civile. »
00:08:24L'année 1972 est en tournant.
00:08:30Le 25 février, une distribution de tracts dégénère devant Renaud Billancourt.
00:08:36Un vigile de l'usine abat le militant ouvrier maoïste, Pierre Auvergnet.
00:08:40Son enterrement marque le point d'orgue de la mobilisation révolutionnaire en France.
00:08:47Environ 200 000 personnes défilent dans Paris le point levé, aux côtés du cercueil.
00:08:51Sa mort a provoqué un grand choc.
00:09:01Et là, nous avons décidé de marquer cet assassinat par une action un peu d'éclat
00:09:07qui a consisté donc à enlever un cadre de la régie Renaud.
00:09:10« On m'a ligoté les pieds avec une chaîne, on m'a amarré les menottes, on m'a mis dans une caisse, on m'a mis un sac sur la tête. »
00:09:25J'avais été désigné comme étant le responsable, parce que j'avais un goût pour l'action illégale ou violente.
00:09:38Voilà, bon, on était un peu les forces spéciales de la gauche prolétarienne.
00:09:47Dans le climat insurrectionnel des années 70, de plus en plus de militants d'extrême gauche sont tentés par la lutte armée.
00:09:58Déjà, les années de plomb ensanglant une partie de l'Europe, avec les brigades rouges en Italie
00:10:03et la fraction armée rouge de la bande abadère en Allemagne de l'Ouest.
00:10:08C'est alors qu'un drame international change la donne.
00:10:14Le 5 septembre 1972, lors des Jeux Olympiques de Munich,
00:10:19l'organisation palestinienne Septembre Noir prend en otage des athlètes israéliens.
00:10:2411 d'entre eux sont exécutés.
00:10:32Dans le monde entier, l'onde de choc est terrible.
00:10:36A la gauche prolétarienne, une scission immédiate s'opère.
00:10:40Au nom de la solidarité avec le peuple palestinien,
00:10:42la base ouvrière ne désapprouve pas l'attentat,
00:10:46contrairement aux dirigeants, juifs pour la plupart.
00:10:51Le combat révolutionnaire justifie-t-il le terrorisme et l'exécution d'innocents ?
00:10:57C'est toute la question pour les chefs de la gauche prolétarienne,
00:11:00en un temps où la radicalisation politique engendre violence et meurtre dans les pays voisins.
00:11:05Nous ne nous accordions absolument pas le droit extravagant de tuer.
00:11:13Et cette chose était intenable, elle est devenue de plus en plus intenable.
00:11:17Et nous en avons, enfin nous en avons pas tous,
00:11:19mais nous en avons à quelques-uns beaucoup quand même tiré la conclusion à un certain moment,
00:11:27à la fin de 1973, qu'il fallait se disperser, se dissoudre.
00:11:32Moi j'ai toujours trouvé assez fascinante la manière dont la gauche prolétarienne se soit dissoute.
00:11:42Parce que c'est très maoïste et très autoritaire.
00:11:46Il y a, je ne sais pas, ils étaient 5, 4, 5, 6, avoir décidé de dissoudre cela,
00:11:53parce qu'ils ont vu qu'ils avaient créé un diable qu'ils n'arrivaient plus à gérer.
00:11:59Et c'est vrai que, pour cette organisation, la tentation militaire disparaît.
00:12:07Mais, il y a beaucoup de militants qui ne l'entendent pas comme ça,
00:12:12et qui vont alors, eux, disons, faire leur chemin et arriver à d'autres décisions.
00:12:21À partir du moment où nous avions fait ça, en effet, nous n'avions plus aucune autorité
00:12:24sur ceux qui choisissaient de continuer.
00:12:27Nous avons eu, d'une certaine manière, une espèce de descendance
00:12:31que nous ne reconnaissions pas comme notre descendance,
00:12:34mais dont nous ne pouvons pas dire non plus qu'elle ne venait pas un peu de nous.
00:12:39À la dissolution par les traîtres,
00:12:43qui étaient à la tête de cette organisation politique,
00:12:46beaucoup de militants se sont retrouvés désemparés.
00:12:51Certains sont allés élever des chèvres dans le sud,
00:12:55d'autres ont rejoint ce qu'ils attendaient depuis longtemps,
00:12:59leur classe d'origine, la bourgeoisie,
00:13:01et ont occupé des places au soleil.
00:13:04Et quelques-uns se sont sentis abandonnés, perdus,
00:13:08et ont voulu continuer un combat politique.
00:13:10Je pense qu'Action Directe, peu ou prou, trouve son origine
00:13:17dans cette errance et cette recherche post-68 ordre et post-gauche prolétarienne.
00:13:27Parmi ceux qui dénoncent la lâcheté des chefs politiques
00:13:30et appellent à ne pas renoncer, Jean-Marc Rouillant.
00:13:35Il constitue un groupuscule antifranquiste
00:13:36qui donne du fil à retordre à la police de Toulouse, sa ville natale,
00:13:41avant de s'installer à Barcelone, plus proche de l'ennemi.
00:13:45En 1973, il regagne Toulouse
00:13:48après l'arrestation par la police de Franco
00:13:50de son frère de lutte, Salvador Puch Antich.
00:13:54Salvador Puch Antich, c'était un militant chevronné.
00:14:00Avec Jean-Marc Rouillant,
00:14:02ils étaient vraiment des militants, des camarades,
00:14:05mais des amis aussi.
00:14:07Ils faisaient partie de la crème des activistes,
00:14:11ce qu'on appelait les activistes.
00:14:13C'est eux qui faisaient les vols qualifiés,
00:14:15c'est eux qui préparaient les explosifs
00:14:19pour quelques petits attentats qui ont eu lieu un peu partout.
00:14:23Ça fait 50 ans que je connais Jean-Marc Rouillant
00:14:26et j'étais son avocat.
00:14:28Le 2 mars 1974, Salvador Puch Antich est garoté dans cette prison militaire.
00:14:39Cette exécution par strangulation sera la dernière de notre histoire contemporaine.
00:14:46Elle marque les esprits, bien au-delà de l'extrême-gauche révolutionnaire.
00:14:51C'est un mode d'exécution atroce qui existait en Espagne,
00:14:57le collier de fer qu'on serrait autour du cou.
00:15:01Et la mort de Puch Antich était quelque chose d'effrayant.
00:15:03C'était le fondement de l'action d'Elgari.
00:15:05Deux mois après la mort de son ami et mentor,
00:15:11Jean-Marc Rouillant constitue avec quelques militants autonomes
00:15:14les groupes d'action révolutionnaire internationalistes.
00:15:19Peu nombreux, les Garis se font très vite connaître des forces de l'ordre
00:15:23en livrant des actions de guerrillas.
00:15:27Leur objectif, mettre à bas la dictature du général Franco.
00:15:30Pour moi, la création d'Elgari est liée à l'exécution de Salvador Puch Antich.
00:15:40Ce n'est pas simplement une revanche.
00:15:45Ça va au-delà.
00:15:46C'est un groupe qui avait une réflexion politique,
00:15:52à savoir que le régime capitaliste pouvait être mis en question.
00:15:56C'est évident.
00:15:57Rouillant, c'est un homme qui est persuadé,
00:16:00dès qu'il faut faire la révolution,
00:16:02que ce système est injuste,
00:16:04que le système capitaliste est une véritable horreur.
00:16:09Pour lui, la tyrannie capitaliste n'a rien à envier.
00:16:13La tyrannie...
00:16:14de court.
00:16:19Anticapitalistes,
00:16:20les Garis commettent mitraillages,
00:16:22plastiquages et braquages,
00:16:24dont le butin finance la lutte armée contre Franco.
00:16:27Ils enlèvent le PDG de la banque de Bilbao à Paris,
00:16:32organisent un attentat contre le consulat d'Espagne à Toulouse.
00:16:34Ils faisaient des attentats en France,
00:16:38ils faisaient des hold-up,
00:16:40très anarchistes dans leur comportement.
00:16:42Mais d'un anarchisme qui était romantique, presque.
00:16:46Ils avaient attaqué le consulat d'Espagne,
00:16:48et je ne sais plus ce qui s'était passé exactement,
00:16:50il y avait un sac qui était resté,
00:16:53avec des explosifs dedans,
00:16:55et il y a un commissaire de police
00:16:56qui a été le prendre,
00:16:57avant que les artificiers n'interviennent,
00:16:59et il a été très grièvement blessé.
00:17:02Et ça, pour eux, c'était embêtant.
00:17:05Ils n'étaient pas contents qu'il y ait un type qui ait été blessé.
00:17:08Leurs attentats n'étaient pas faits pour cela.
00:17:10C'était des actes symboliques.
00:17:13Six mois à peine après s'être constitués,
00:17:16les Garis sont arrêtés.
00:17:18Considérés comme des prisonniers politiques,
00:17:20ils rejoignent la prison de la santé.
00:17:22Tout le monde se disait bah oui, c'était l'époque.
00:17:28Mais pas les Garis.
00:17:29Les Garis, c'est les anarchistes.
00:17:31Et ça, c'était très intéressant.
00:17:33Et moi, je me souviens très bien
00:17:34des discussions que j'ai eues avec Rouillant,
00:17:37qui était un type intelligent quand même,
00:17:39à la prison,
00:17:40où il m'expliquait ce qu'était son action.
00:17:43Premier point, la lutte contre Franco.
00:17:44Ça, c'est ce qu'il ne cessait d'expliquer.
00:17:47Deuxième point,
00:17:48c'est sa conception de la société.
00:17:50Les trois années passées à la santé
00:17:53ont certainement permis
00:17:55la poursuite de la détermination
00:17:58de Jean-Marc Rouillant.
00:17:59Ce n'est pas la prison en tant que telle,
00:18:02si vous voulez,
00:18:02qui va modérer ou arrêter sa réflexion.
00:18:06Il n'est pas un délinquant.
00:18:08Il est un militant politique
00:18:11qui est passé aux actes.
00:18:13À la maison d'arrêt de la santé,
00:18:16Rouillant se lit d'amitié
00:18:18avec un certain André Olivier,
00:18:22qui est un ancien prof
00:18:24de lettres modernes
00:18:25qui s'est fait virer
00:18:26de l'éducation nationale
00:18:28parce qu'il a divulgué
00:18:30des secrets de la défense nationale.
00:18:31Et donc, Rouillant
00:18:33et André Olivier pactisent.
00:18:37Noué en détention,
00:18:39ce pacte donnera naissance
00:18:40à la future organisation Action Directe
00:18:43quelques années plus tard.
00:18:47La mort de Franco en 1975
00:18:50et la transition démocratique
00:18:52engagée par le roi Juan Carlos
00:18:54modifient le sort des garis.
00:18:58La cour de sûreté de l'État français
00:19:00ne s'estime plus apte
00:19:01à juger Rouillant et ses compagnons
00:19:03opposant à la dictature franquiste.
00:19:06Dans l'attente de leur procès
00:19:07devant la cour d'assises,
00:19:09les garis recouvrent leur liberté
00:19:11en 1977.
00:19:16C'est d'abord ce qui est normal,
00:19:18un moment de joie.
00:19:19Je n'ai jamais vu
00:19:20des auteurs de vol qualifiés,
00:19:23c'est le terme juridique,
00:19:25être libérés au bout de trois ans.
00:19:27C'est quand même la reconnaissance
00:19:29de ce que leur activité
00:19:32qualifiée de criminelle
00:19:34avait aussi un fondement
00:19:37de nature politique.
00:19:41Interdit de territoire espagnol à vie,
00:19:45Jean-Marc Rouillant décide
00:19:46de recentrer son activité à Paris
00:19:48où une coordination autonome
00:19:50a vu le jour.
00:19:52Au sein de cette nébuleuse,
00:19:53regroupant d'anciens militants
00:19:55d'extrême-gauche
00:19:55favorables à la guérilla urbaine,
00:19:58Rouillant fait une rencontre déterminante.
00:20:00Tout de jean vêtue,
00:20:06Nathalie Ménigon sillonne les rues
00:20:08de la capitale en skateboard.
00:20:10Jolie et révoltée,
00:20:12elle n'a pas froid aux yeux.
00:20:16Nathalie Ménigon,
00:20:17c'est une des rares
00:20:19issues d'une famille ouvrière
00:20:20dans ce mouvement.
00:20:22Elle a été ensuite employée de banque
00:20:24à la BNP.
00:20:26Elle est devenue syndicaliste
00:20:28à la BNP.
00:20:30Et puis là,
00:20:30elle a quitté son taf.
00:20:32Elle est avec Rouillant.
00:20:33On est en 77.
00:20:35À l'époque,
00:20:36elle a 20 ans.
00:20:36Rouillant en a 25.
00:20:38Il milite dans les groupes
00:20:40autonomes, libertaires.
00:20:42Nathalie ne partage pas seulement
00:20:44l'avis de Jean-Marc.
00:20:45Elle adhère à son analyse politique.
00:20:47En France,
00:20:49la gauche pourtant donnée gagnante
00:20:51vient encore d'échouer
00:20:52aux élections législatives
00:20:53de mars 1978
00:20:55en raison de ses divisions.
00:20:58Seule l'action violente
00:20:59sera le déclencheur
00:21:00d'une révolution prolétarienne,
00:21:02préconise le couple.
00:21:05Toutes les périodes de l'histoire
00:21:06où il s'est passé des choses
00:21:08qui ont amené des changements
00:21:11ont été marquées
00:21:14par une certaine violence.
00:21:15La révolution française de 1789,
00:21:19elle s'est faite.
00:21:20Elle s'est faite dans la violence.
00:21:22Alors, bon,
00:21:23pour lui, c'est ça.
00:21:24L'histoire,
00:21:25c'est quand même aussi
00:21:25l'histoire de la violence.
00:21:28Pour financer la lutte armée,
00:21:30braquage de banques
00:21:31et de bureaux de poste
00:21:32deviennent le pain quotidien
00:21:33des autonomes.
00:21:35Ces opérations sont baptisées
00:21:36réappropriation prolétarienne.
00:21:39Ce qu'ils appellent
00:21:40la réappropriation prolétarienne,
00:21:43ça fait partie des vols
00:21:44pour financer le mouvement.
00:21:47En 78, déjà,
00:21:49les futurs membres d'Action Directe
00:21:51ont volé au musée de Saint-Germain-en-Laye
00:21:54un tableau de Jérôme Bosch
00:21:56qui s'appelle l'Escamoteur.
00:22:00C'est Rouillant qui découvre
00:22:02que l'Escamoteur,
00:22:03époustouflant tableau du 15e siècle,
00:22:05prend la poussière dans un musée désert.
00:22:07C'est Nathalie Méligon
00:22:10qui, le 13 décembre 1978,
00:22:12rapatrie en voiture le commando
00:22:14ayant dérobé l'œuvre.
00:22:16La légende dit que les camarades autonomes
00:22:19apprécient le tableau.
00:22:21Ils ne veulent pas le vendre
00:22:22à un salaud qui va en jouir seul
00:22:23dans la cave de son palais.
00:22:26Certes, mais à qui alors ?
00:22:29Un indicateur de la police,
00:22:31infiltré dans l'organisation,
00:22:33tend à un piège à Rouillant.
00:22:33Il lui fait croire
00:22:36qu'un collectionneur
00:22:37est prêt à acheter le tableau.
00:22:45Le 2 février 1979,
00:22:47les forces de l'ordre
00:22:48coincent le transporteur
00:22:50et parviennent à récupérer
00:22:51le chef-d'œuvre.
00:22:54Rouillant et sa bande
00:22:55prennent la poudre d'Escampette.
00:22:57Ils basculent dans la clandestinité.
00:22:59Le 1er mai 1979,
00:23:17jour de la fête du travail,
00:23:18alors que d'immenses cortèges
00:23:19encadrés par les organisations
00:23:21politiques et syndicales de gauche
00:23:23se déploient dans toute la France,
00:23:25une poignée d'individus se préparent.
00:23:27Une fois la nuit tombée,
00:23:30une R6 se dirige
00:23:31vers le centre de Paris.
00:23:33À bord,
00:23:34ils sont plusieurs à être armés.
00:23:37Sur cette action,
00:23:38participent Rouillant,
00:23:41Méningon,
00:23:42André-Olivier de Lyon.
00:23:44Ils vont mitrailler
00:23:45la façade du CNPF,
00:23:48qui est la Confédération
00:23:49du patronat en France.
00:23:51C'est vraiment l'acte symbolique
00:23:53fondateur d'Action Directe.
00:23:54Le mitraillage indique
00:23:57le nouveau mode opératoire.
00:23:59Il est temps de prendre les armes.
00:24:01Après l'attaque du CNPF,
00:24:03on enregistre une quinzaine
00:24:04d'attentats à l'explosif
00:24:05dans la capitale
00:24:06les mois suivants.
00:24:07Dans le onzième,
00:24:09contre une agence de l'EDF
00:24:11et de commissariat de police.
00:24:12Dans le neuvième,
00:24:12contre une annexe
00:24:13du ministère des Finances.
00:24:14Dans le quinzième,
00:24:15contre une agence
00:24:15de la banque Crottschil.
00:24:16Dans le dix-huitième,
00:24:17contre un garage.
00:24:18Boulogne-Billancourt,
00:24:19contre une agence de l'emploi,
00:24:20la maison Alfort,
00:24:21contre une perception.
00:24:22Toutes ces explosions
00:24:23ont été revendiquées
00:24:23par une mystérieuse
00:24:25coordination d'actions révolutionnaires.
00:24:26Cette organisation
00:24:27est pour le moment
00:24:28inconnue des services de police.
00:24:31Action Directe,
00:24:32le premier mouvement français
00:24:34d'extrême-gauche
00:24:34entièrement dédié
00:24:36à la lutte armée,
00:24:37est né.
00:24:39Quel était le premier souvenir
00:24:41d'Action Directe ?
00:24:43Je dirais que c'est son logo.
00:24:45Avec l'étoile rouge
00:24:48et AD.
00:24:49Où on essaye d'ailleurs
00:24:51de savoir d'où vient
00:24:52ce logo,
00:24:5319e siècle,
00:24:54les anarchistes,
00:24:56ok, et alors ?
00:24:58Derrière ce logo,
00:25:00le trio initial
00:25:01est composé de
00:25:01Jean-Marc Rouillant,
00:25:02André-Olivier
00:25:03et Nathalie Ménigon.
00:25:04entouré d'une cinquantaine
00:25:06d'activistes politiques
00:25:07en quête de sensations fortes.
00:25:11Parmi eux,
00:25:12Régis Schlescher,
00:25:14qui est un fils
00:25:15de syndicalistes
00:25:17de la CFDT
00:25:18et d'une institutrice
00:25:20qui s'occupe
00:25:20d'enfants handicapés.
00:25:22Et Schlescher
00:25:23rejoint
00:25:24le noyau dur,
00:25:26Schlescher étant
00:25:27persuadé lui aussi
00:25:29que le pouvoir
00:25:30est au bout du fusil.
00:25:32On trouve aussi
00:25:32Joël Aubron.
00:25:33Joël Aubron,
00:25:34elle qui est une fille
00:25:35de bonne famille.
00:25:37Elle est née
00:25:37à Neuilly-sur-Seine.
00:25:40Joël Aubron,
00:25:40on ne parle pas
00:25:41beaucoup d'elle.
00:25:43On préfère mettre
00:25:44en avant
00:25:44les chefs historiques,
00:25:47Jean-Marc Rouillant
00:25:47et Nathalie Ménigon.
00:25:49Or,
00:25:50c'était parmi
00:25:50les militants,
00:25:52sans doute
00:25:53avec Rouillant,
00:25:53la plus consciente
00:25:54politiquement.
00:25:56Celle qui était
00:25:57la plus apte
00:25:59à s'exprimer,
00:26:00à s'engager
00:26:01politiquement,
00:26:02dont les idées
00:26:03dont le combat
00:26:04était le plus clair
00:26:06et le plus assumé
00:26:08possible.
00:26:10Et Joël Aubron,
00:26:12très vite,
00:26:13se fâche avec ses parents,
00:26:14est en conflit ouvert
00:26:15avec eux,
00:26:16se barre de chez elle
00:26:17et elle atterrit
00:26:18dans des squats
00:26:19à Paris.
00:26:22Dans lesquels
00:26:23gravitent à la fois
00:26:24des immigrés,
00:26:25des autonomes,
00:26:27etc.,
00:26:28et elle rencontre
00:26:28là
00:26:29des gens proches
00:26:31d'Action Directe.
00:26:32Et Joël Aubron
00:26:33deviendra
00:26:34une des leaders
00:26:35d'Action Directe.
00:26:39Les forces de l'ordre
00:26:41peinent à saisir
00:26:41les contours
00:26:42d'Action Directe,
00:26:43organisations clandestines
00:26:44compartimentées
00:26:45et hiérarchisées.
00:26:49La plupart
00:26:50de ses membres
00:26:51s'ignorent
00:26:52afin d'éviter
00:26:52qu'une arrestation
00:26:53n'entraîne
00:26:53la chute
00:26:54de l'ensemble
00:26:54du réseau.
00:26:57Les échanges internes
00:26:59se déroulent
00:27:00selon un système
00:27:00de codes
00:27:01sophistiqués.
00:27:03Éparpillés
00:27:04entre Paris,
00:27:04Lyon et Toulouse,
00:27:06les militants
00:27:06déménagent
00:27:07sans cesse
00:27:07et disposent
00:27:08de toute une série
00:27:09de planques
00:27:10pour brouiller
00:27:10les pistes.
00:27:13Ce petit noyau dur
00:27:14d'Action Directe,
00:27:15ils sont quand même
00:27:16rompus vraiment
00:27:17à la clandestinité.
00:27:19Ils ont un savoir-faire.
00:27:21Ils écoutent
00:27:22en permanence
00:27:23des scanners
00:27:24branchés
00:27:24sur les ondes policières
00:27:25qui à l'époque
00:27:26sont en clair.
00:27:27Donc ils savent
00:27:28quand il y a
00:27:29une opération de police.
00:27:30Ils planquent des armes
00:27:32au cimetière
00:27:33du Père Lachaise.
00:27:34Ils ont des caches
00:27:35un peu partout
00:27:36d'armes,
00:27:38de fric,
00:27:38etc.
00:27:44Si les voyous
00:27:45sont difficiles
00:27:46à surveiller
00:27:46quand ils vont
00:27:47commettre
00:27:48un hold-up
00:27:49ou se livrer
00:27:50ou procéder
00:27:51à une livraison
00:27:51de drogue,
00:27:52en revanche,
00:27:53quand ils ne sont pas
00:27:54dans une posture
00:27:56délictuelle,
00:27:57ils sont assez
00:27:58décontractés
00:27:58et ils ne regardent
00:28:00pas derrière eux.
00:28:00Alors que les terroristes
00:28:02en général
00:28:02et ceux d'Action Directe
00:28:04en particulier
00:28:04sont toujours,
00:28:06toujours,
00:28:06toujours dans une posture
00:28:08de méfiance
00:28:08à regarder en permanence
00:28:10derrière eux,
00:28:11à faire 40 coups de vis
00:28:13comme on dit
00:28:13dans notre jargon
00:28:14pour vérifier
00:28:15s'ils sont
00:28:16ou s'ils ne sont pas
00:28:17surveillés.
00:28:19La comparaison
00:28:20entre voyous
00:28:21et membres d'AD
00:28:21n'est pas qu'une figure
00:28:23de style rhétorique.
00:28:25Organisation clandestine,
00:28:27action directe
00:28:28bascule rapidement
00:28:29dans la criminalité.
00:28:30Un arsenal
00:28:31qui va jusqu'à
00:28:32l'équipement classique
00:28:33des droits communs,
00:28:34du gilet pare-balles
00:28:35à la fausse plaque
00:28:36minéralogique
00:28:36en passant par
00:28:37la perruque.
00:28:39Beaucoup d'explosifs
00:28:39également,
00:28:40une quinzaine de kilos
00:28:41au total
00:28:41répartis en bâtons
00:28:42de dynamite
00:28:43et de chlorate.
00:28:44Ça coûte très cher
00:28:45la clandestinité,
00:28:47ils ont besoin
00:28:47d'appartements,
00:28:48ils ont besoin
00:28:48de planques,
00:28:49de beaucoup d'armes,
00:28:50d'explosifs, etc.
00:28:51Donc Action Directe,
00:28:53en tout cas le noyau dur,
00:28:54se met à braquer
00:28:55des banques
00:28:56pour financer la cause.
00:28:57Puisque l'argent
00:28:59est le nerf
00:29:00de la guerre,
00:29:01AD se sert
00:29:01dans les banques,
00:29:02encore peu
00:29:03protégés à l'époque.
00:29:05Mais un événement
00:29:06qui survient
00:29:06à l'automne 1979
00:29:07va changer la donne
00:29:09pour l'organisation
00:29:10clandestine.
00:29:15Criblé de balles,
00:29:16le cadavre
00:29:17de Jacques Mérine.
00:29:18Repéré depuis deux jours,
00:29:19il est trois heures
00:29:20cet après-midi
00:29:21quand Mérine monte
00:29:22en voiture
00:29:22avec sa compagne.
00:29:23Aussitôt,
00:29:24cinq camionnettes
00:29:25banalisées
00:29:26encadrent sa voiture.
00:29:28Mérine a compris,
00:29:29trop tard.
00:29:30Au total,
00:29:31une vingtaine
00:29:31d'impacts de balles.
00:29:35La fin sanglante
00:29:36du truand
00:29:37le plus recherché
00:29:37de France
00:29:38libère la brigade criminelle
00:29:40qui s'allie
00:29:41aux renseignements généraux
00:29:42pour s'attaquer
00:29:43à Action Directe.
00:29:49Les différents services
00:29:50n'ont pas pour habitude
00:29:51d'échanger leurs informations.
00:29:53Et leur alliance
00:29:54connaît des débuts
00:29:55quelque peu chaotiques.
00:29:57Par trop d'empressement,
00:29:58les policiers
00:29:59qui ont localisé
00:30:00Rouillant et Méligon
00:30:00leur mettent la puce
00:30:01à l'oreille.
00:30:07Le couple se volatilise.
00:30:10En ce début
00:30:11d'année 1980,
00:30:13Action Directe
00:30:14reprend les attentats
00:30:15ciblant les symboles
00:30:15du capitalisme.
00:30:21On a tiré
00:30:22au bazooka
00:30:23contre le ministère
00:30:23des transports
00:30:24et deux de ses annexes
00:30:25à Paris.
00:30:26Voilà à quoi ressemble
00:30:27un bazooka.
00:30:28Voici les munitions
00:30:29qui ont probablement
00:30:30servi pour l'action
00:30:31de ce matin.
00:30:32Il n'y a pas eu de victime,
00:30:33que des dégâts matériels,
00:30:35mais ces attentats
00:30:36sont une nouvelle fois
00:30:37revendiqués
00:30:38par le groupe
00:30:38Action Directe.
00:30:40Ces membres,
00:30:41des névropathes
00:30:42de la dynamite
00:30:42qui conjuguent
00:30:43leur faillite psychologique
00:30:44à tous les temps
00:30:45de la violence.
00:30:46En ce moment,
00:30:47je peux vous le dire,
00:30:49toutes les forces
00:30:50de sécurité
00:30:50sur le pied de guerre
00:30:52sont en état d'alerte.
00:30:53Moi,
00:30:54je suis le reporter
00:30:55préposé
00:30:56à partir tout de suite
00:30:59quand il se passe
00:31:00quelque chose.
00:31:01Ça veut dire
00:31:02que nous sommes
00:31:02habitués
00:31:03à une capitale
00:31:05secouée par les bombes
00:31:06où le journaliste
00:31:07doit se rendre
00:31:08le plus vite possible
00:31:09parce qu'il sait
00:31:10que ça va avoir lieu,
00:31:13qu'on est pris
00:31:14dans une sorte
00:31:15d'engrenage.
00:31:16Ça recommence
00:31:17avec le mitraillage
00:31:18d'une devanture,
00:31:19avec des balles
00:31:21qu'on tourne
00:31:22en gros plan.
00:31:24Après,
00:31:24c'est une bombe.
00:31:25Et donc,
00:31:26oui,
00:31:27tous les jours,
00:31:28Action Directe
00:31:28se manifeste
00:31:29et donc,
00:31:30tous les jours,
00:31:31il y a rendez-vous
00:31:33entre l'information
00:31:34et Action Directe.
00:31:35Enfin,
00:31:36c'est incroyable !
00:31:38C'était uniquement
00:31:40des actions
00:31:40dont il était clair
00:31:42qu'elles ne se voulaient
00:31:44pas meurtrières.
00:31:45On restait dans le symbole.
00:31:46Il téléphonait avant,
00:31:48souvent quand il y avait
00:31:48un gardien
00:31:49ou des concierges
00:31:50pour dire,
00:31:50attention,
00:31:51une bombe va exploser.
00:31:52Mais il n'y avait pas,
00:31:54à cette époque-là,
00:31:55il n'y avait pas clairement
00:31:56l'intention de tuer.
00:31:59Au sommet du pouvoir
00:32:00politique et judiciaire,
00:32:02cette poignée
00:32:02de militants armés
00:32:03insaisissables
00:32:04devient une obsession.
00:32:06Avec des questions
00:32:07laissées sans réponse,
00:32:09qui sont-ils ?
00:32:10Combien sont-ils ?
00:32:11Et surtout,
00:32:12jusqu'où iront-ils ?
00:32:15J'étais chargé
00:32:16d'une affaire en particulier,
00:32:18je ne me rappelle plus
00:32:19la première,
00:32:20d'un attentat,
00:32:21un mitraillage
00:32:23d'un bâtiment public,
00:32:25un attentat à l'explosif,
00:32:26c'était ça à l'époque.
00:32:27C'est en analysant
00:32:29ce dossier ponctuel,
00:32:30ce dossier-là,
00:32:32en parlant avec la criminelle,
00:32:34on se rend compte rapidement
00:32:35que ce dossier
00:32:36n'était qu'un élément
00:32:38visible
00:32:39d'un phénomène large,
00:32:41d'un phénomène politique,
00:32:43un phénomène révolutionnaire,
00:32:44un phénomène terroriste.
00:32:46Et là, je me dis,
00:32:46ça devient intéressant,
00:32:47m'intéresse.
00:32:48Et donc,
00:32:48j'ai agrégé,
00:32:49au bout d'un moment,
00:32:50par connexité
00:32:51à un certain nombre
00:32:52de dossiers.
00:32:53Et puis,
00:32:53ainsi de suite,
00:32:54le pudding a grossi,
00:32:56comme on l'a dit
00:32:57à l'époque,
00:32:57si vous voulez.
00:32:57Au ministère de l'Intérieur,
00:33:02c'est le branle-bas de combat.
00:33:04Grâce aux actions
00:33:05conjuguées des RG
00:33:06et de la BRI,
00:33:07une opération est fixée
00:33:08le 28 mars 1980
00:33:10à 6 heures du matin.
00:33:14Le jour J,
00:33:15près d'une trentaine
00:33:16de sympathisants
00:33:16d'action directe
00:33:17sont interpellés
00:33:18et conduits
00:33:19au 36 quai des Orfèves.
00:33:23Mais les cerveaux
00:33:24de l'organisation,
00:33:26Jean-Marc Rouillant,
00:33:26Nathalie Ménigon
00:33:27et André Olivier
00:33:29courent toujours.
00:33:33Bien que démantelée,
00:33:34Adé est loin
00:33:36d'être anéantie.
00:33:38Le dernier attentat,
00:33:39c'est contre
00:33:40le ministère de la coopération
00:33:41et je crois que
00:33:42le ministre de la coopération
00:33:43de cette époque
00:33:43s'appelait Robert Gallet.
00:33:44Le ministre n'était pas
00:33:46dans son bureau,
00:33:47mais vous le voyez,
00:33:48les impacts de balles
00:33:49ont atteint
00:33:49le bureau de Robert Gallet.
00:33:52Donc le gouvernement
00:33:52a dit,
00:33:53c'est suffi,
00:33:54terminé,
00:33:54que font les services
00:33:55de renseignement ?
00:33:56Dans une course
00:33:59contre la montre,
00:34:01entre attaques armées
00:34:02et sécurité publique,
00:34:03les renseignements généraux
00:34:04parviennent
00:34:05à infiltrer
00:34:06action directe
00:34:07grâce à un homme.
00:34:11Gabriel Chahine
00:34:12se révélé
00:34:13être un acteur
00:34:14majeur
00:34:15dans notre aventure.
00:34:17Il est très proche
00:34:18de la mouvance,
00:34:20je dirais,
00:34:21de l'ultra-gauche
00:34:22dans les garis,
00:34:23là où il était,
00:34:24du côté de Toulouse.
00:34:25Il connaissait bien
00:34:26les personnages tous,
00:34:28aussi bien,
00:34:28notamment Jean-Marc Rouillant.
00:34:30Il avait un look
00:34:31tout à fait d'enfer,
00:34:32une chemise ouverte
00:34:34avec une croix
00:34:35et puis une dent de requin.
00:34:36C'était tout le personnage.
00:34:42Pendant des mois,
00:34:44Jean-Pierre Pochon
00:34:44pour les renseignements généraux
00:34:46et Gabriel Chahine,
00:34:47son informateur,
00:34:48se rencontrent,
00:34:50échangent,
00:34:51réfléchissent.
00:34:51Ensemble,
00:34:53ils élaborent
00:34:54une souricière
00:34:55extrêmement sophistiquée
00:34:56destinée à piéger
00:34:57le couple
00:34:58à la tête d'action directe.
00:35:00Pourquoi un individu trahit ?
00:35:03Qu'est-ce qui pousse
00:35:04un individu à trahir ?
00:35:06Est-ce que c'est l'argent ?
00:35:08Est-ce que c'est l'ego ?
00:35:10Est-ce que c'est une ambition ?
00:35:13Eh bien,
00:35:13il n'y a pas une réponse.
00:35:16On avait un pacte.
00:35:17Ce pacte,
00:35:18c'était de mettre
00:35:19hors d'état de nuire
00:35:20démocratiquement
00:35:22les gens d'action directe
00:35:24persuadés
00:35:24qu'ils allaient commettre
00:35:25des attentats
00:35:26qui allaient devenir sanglants.
00:35:34L'opération est digne
00:35:35des plus grands polars.
00:35:36Par l'entremise de Chahine,
00:35:46les RG font croire aux AD
00:35:47que le vénézuélien Carlos,
00:35:50la star des terroristes
00:35:51antisionistes de l'époque,
00:35:52soutient leur combat.
00:35:56L'auteur des attentats
00:35:57du drugstore Publicis
00:35:59ou de l'aéroport d'Orly
00:36:00se proposerait
00:36:01de leur fournir
00:36:02armes et financements.
00:36:04Une rencontre
00:36:07est fixée
00:36:08le 13 septembre 1980,
00:36:10rue Pergolaise,
00:36:11dans le 16e arrondissement
00:36:12de Paris.
00:36:14Ils ont perdu
00:36:15tout sens critique
00:36:16et ils ont accepté
00:36:18ce rendez-vous.
00:36:18Prouillon descend de la voiture
00:36:22en courant,
00:36:23tellement pressé
00:36:24de rencontrer Carlos.
00:36:25Ils montent au 4e étage.
00:36:26À ce moment-là,
00:36:27le dispositif
00:36:28qui était sur place,
00:36:30le BRAC,
00:36:31on était à un mètre de lui.
00:36:33Il a dit
00:36:33ne me tuez pas.
00:36:34On n'avait pas du tout
00:36:34l'intention de le tuer.
00:36:35J'avance dans la rue Pergolaise
00:36:42et je vois une jeune fille
00:36:45qui marche tranquillement.
00:36:47C'est Nathalie Méligan
00:36:48et il y a un échange
00:36:49de coups de feu avec nous.
00:36:52C'est un miracle.
00:36:54On aurait pu la tuer,
00:36:54elle aurait pu nous tuer.
00:36:56Personne n'a été blessé.
00:36:57Il s'avère qu'il y avait
00:37:00un paparazzi
00:37:01qui planquait
00:37:03rue Pergolaise
00:37:04parce qu'il y a
00:37:05un immeuble
00:37:06qui appartient
00:37:07à Caroline de Monaco
00:37:08et il a pris des photos
00:37:10de l'arrestation
00:37:10et sur ces photos,
00:37:12je suis présent
00:37:13avec deux de mes collaborateurs.
00:37:16Eh bien,
00:37:17l'arrestation
00:37:18a fait le tour du monde
00:37:19à travers les photos
00:37:20qui ont été prises.
00:37:22Même s'il n'y a peu
00:37:23de blessés,
00:37:24même s'il n'y a pas eu
00:37:25de mort,
00:37:26il n'empêche
00:37:26Action Directe,
00:37:28ce jour-là,
00:37:29s'était montré
00:37:29sous son vrai visage.
00:37:32C'est-à-dire
00:37:32qu'ils étaient capables
00:37:33d'ouvrir le feu
00:37:34sur des policiers
00:37:36pour protéger
00:37:37leur liberté.
00:37:40François Mitterrand
00:37:41est élu président
00:37:42de la République.
00:37:50C'est sous les verrous
00:37:51que Jean-Marc Rouillon
00:37:52et Nathalie Méningon
00:37:53assistent à l'élection
00:37:54du premier président socialiste
00:37:56de la Vème République.
00:37:59Mitterrand dit très vite
00:38:00qu'on va faire
00:38:02une amnistie
00:38:02assez large,
00:38:03plus large que Giscard,
00:38:05moins large que Pompidou,
00:38:05donc assez large malgré tout,
00:38:07et avec un objectif
00:38:08de ne plus avoir
00:38:09de prisonniers politiques
00:38:10parce qu'on s'inscrit
00:38:11dans un mouvement
00:38:11de libéralisation démocratique.
00:38:13Il va y avoir,
00:38:14comme ça,
00:38:14évidemment,
00:38:15l'abolition
00:38:15de la peine de mort,
00:38:17mais bien d'autres choses,
00:38:18l'abolition
00:38:19de la Cour de Sûreté
00:38:19de l'État,
00:38:21la suppression
00:38:21de tous les tribunaux
00:38:22d'exception.
00:38:23qui a un vent
00:38:24de liberté
00:38:24qui souffle
00:38:25et Mitterrand
00:38:26y tient particulièrement
00:38:27et, évidemment,
00:38:28Robert Badinter,
00:38:29tout autant,
00:38:30si ce n'est plus.
00:38:31Mais, en même temps,
00:38:32Mitterrand dit
00:38:32mais on n'amnistie pas
00:38:34les auteurs
00:38:34de crimes de sang.
00:38:35Si la majorité
00:38:39des détenus politiques
00:38:40ne posent pas de problème
00:38:41pour une amnistie,
00:38:42Nathalie Minigon,
00:38:43qui a tiré sur des policiers
00:38:44lors de son arrestation
00:38:46rupert-golaise,
00:38:47ne peut bénéficier
00:38:48de la loi.
00:38:49Elle entame
00:38:50une grève de la faim
00:38:51et est libérée
00:38:52trois semaines plus tard
00:38:53pour raison de santé.
00:38:55Fin septembre 1981,
00:38:57il ne reste plus
00:38:58aucun détenu politique
00:38:59en prison.
00:39:00La remise en liberté
00:39:04de ces terroristes
00:39:05d'extrême-gauche,
00:39:07les policiers
00:39:07l'ont très, très mal vécu
00:39:09parce que
00:39:10la remise en liberté
00:39:11a une contrepartie
00:39:13verbale,
00:39:14c'est qu'ils renoncent
00:39:15à l'action violente,
00:39:17plus d'attentats,
00:39:18on devient des gens gentils.
00:39:21Il n'empêche
00:39:22qu'on avait parfaitement
00:39:22conscience
00:39:23que la parole
00:39:25de ces gens-là
00:39:25n'avait absolument
00:39:26aucune valeur.
00:39:27À chaque fois qu'intervient,
00:39:29je dirais,
00:39:29un changement politique
00:39:31majeur,
00:39:32il y a toujours
00:39:32un effort d'apaisement
00:39:34politique qui est fait.
00:39:35Et c'est dans ces conditions
00:39:36que dans la mesure
00:39:37où il s'agit
00:39:38d'infractions
00:39:39en relation
00:39:40avec des événements
00:39:41politiques,
00:39:42eh bien,
00:39:43on passe l'éponge.
00:39:44C'est précisément
00:39:45l'amnistie
00:39:46au sens classique du terme
00:39:47on oublie.
00:39:48C'est certain,
00:39:49même si je ne sais plus
00:39:51exactement dans quelle forme
00:39:52ça s'est fait,
00:39:53mais qu'on leur a demandé
00:39:54de se tenir tranquille
00:39:56et qu'ils ont dit
00:39:56mais bien sûr,
00:39:57c'est fini,
00:39:58maintenant la gauche
00:39:58est au pouvoir,
00:39:59vous avez abrogé
00:40:00la peine de mort,
00:40:01vous avez supprimé
00:40:02la Cour de Sûreté
00:40:03de l'État,
00:40:03je suis sûr de ça.
00:40:05Cette idée
00:40:05selon laquelle
00:40:06la loi d'admissier
00:40:08dit une occasion
00:40:08pour la gauche
00:40:09de tendre la main
00:40:10à l'extrême gauche
00:40:11et en leur disant
00:40:11que si vous déposez
00:40:12les armes
00:40:13vous rentrez
00:40:13dans le cadre républicain
00:40:15est une idée
00:40:16qui a évidemment
00:40:17animé
00:40:18un certain nombre
00:40:19de penseurs
00:40:20de la loi.
00:40:20Et d'ailleurs,
00:40:21ça a marché un peu,
00:40:23ça a marché partiellement.
00:40:24il y a un certain nombre
00:40:25de militants
00:40:25d'extrême gauche
00:40:26qui sont sortis
00:40:27de la clandestinité
00:40:28et de la violence
00:40:28à cette occasion
00:40:29mais pas tous.
00:40:30Une fois libérés,
00:40:43les dirigeants
00:40:44d'action directe
00:40:44renoncent un temps
00:40:45à la lutte armée.
00:40:47Ils s'investissent
00:40:47dans les squats
00:40:48où ils recrutent,
00:40:49ils s'illustrent
00:40:50dans la défense
00:40:51des travailleurs immigrés.
00:40:53Or,
00:40:54dans un contexte
00:40:54international
00:40:55qui n'a cessé
00:40:56de se durcir,
00:40:57les AD s'interrogent
00:40:58sur leur mode opératoire.
00:41:00En Allemagne,
00:41:08l'exécution
00:41:09du patron des patrons,
00:41:10Hans-Martin Schleyer,
00:41:12par la fraction armée rouge
00:41:13a stupéfié
00:41:14l'opinion internationale.
00:41:20En Italie,
00:41:22l'enlèvement
00:41:22puis l'assassinat
00:41:23du chef
00:41:24de la démocratie chrétienne
00:41:25Aldo Moro
00:41:26par les brigades rouges
00:41:27occupent les unes
00:41:28du monde entier.
00:41:30Lorsque l'homme
00:41:31d'État italien
00:41:32est retrouvé mort
00:41:33dans le coffre
00:41:33d'une fourgonnette,
00:41:35l'émotion atteint
00:41:35son comble.
00:41:44Rouillant et sa bande
00:41:45rongent leurs freins.
00:41:47Ils estiment
00:41:47qu'ils ne sont
00:41:48ni entendus,
00:41:49ni pris au sérieux
00:41:50et ne pèsent rien
00:41:51politiquement
00:41:51en choisissant
00:41:52la voie pacifique.
00:41:53Dans pratiquement
00:41:56qu'une conversation
00:41:56avec François Mitterrand,
00:41:58j'ai entendu parler
00:41:59de ce terrorisme
00:42:00qu'on voyait plutôt
00:42:02comme des branquignoles,
00:42:04assez secondaires.
00:42:06Et donc,
00:42:07on n'a jamais vraiment,
00:42:08moi en tout cas,
00:42:09attaché de l'importance
00:42:11à ce mouvement
00:42:12jusqu'à évidemment
00:42:14le moment
00:42:15où on l'avait passé
00:42:16à l'acte.
00:42:16La veille de Noël 1981,
00:42:20soit moins de six mois
00:42:21après la loi d'amnestie,
00:42:23Action Directe
00:42:24renoue avec
00:42:24ses anciennes pratiques.
00:42:26L'organisation
00:42:27commet plusieurs attentats
00:42:28par explosifs
00:42:29contre des établissements
00:42:30de luxe,
00:42:31symbole de la société
00:42:32de consommation.
00:42:34Quelques mois plus tard,
00:42:36un fait divers secoue
00:42:37la sphère
00:42:37de l'extrême gauche française.
00:42:40Dans le quartier
00:42:41du Père Lachaise,
00:42:42la nuit est tombée
00:42:43rue des Pruniers
00:42:43ce 13 février 1982.
00:42:46Gabriel Chahine,
00:42:48la taupe de la police
00:42:49chez Action Directe
00:42:50qui a permis
00:42:50l'arrestation
00:42:51rue Pergolaise,
00:42:52ouvre la porte
00:42:53de son appartement.
00:42:56C'était en fin de soirée,
00:42:58quelqu'un a sonné
00:42:58à la porte
00:42:59et il a été exécuté
00:43:02par certainement
00:43:04un fusil de chasse coupé.
00:43:06Et donc,
00:43:06il est décédé tout de suite.
00:43:08Il y avait dans l'appartement,
00:43:10autant que je sache,
00:43:10son épouse.
00:43:14L'exécution s'est déroulée
00:43:16un samedi 13,
00:43:17comme le jour
00:43:17du piège tendu
00:43:18par les renseignements généraux
00:43:19au couple
00:43:20Rouillon-Ménigon
00:43:21en 1980.
00:43:23Même s'il n'est pas revendiqué,
00:43:25le meurtre paraît signé,
00:43:26Action Directe s'est vengé.
00:43:28Pour moi, c'était très difficile
00:43:32parce que je me suis senti coupable.
00:43:35À la question,
00:43:36on pouvait l'éviter ?
00:43:38Non.
00:43:40Dans le contexte
00:43:41et dans la position de Gabriel
00:43:43et dans ce qui s'est passé,
00:43:45non, on ne pouvait pas l'éviter.
00:43:46On ne pouvait pas l'éviter
00:43:48parce que la seule solution
00:43:50eût été que je l'arrête,
00:43:53comme les autres.
00:43:53Mais ça,
00:43:56il n'aurait jamais accepté.
00:43:59L'été 1982
00:44:00est un tournant
00:44:01pour l'organisation.
00:44:03Ses fondateurs historiques
00:44:04se séparent.
00:44:05André Olivier,
00:44:07son adjoint Max Frérot
00:44:08et quelques militants
00:44:09regagnent Lyon,
00:44:10leur ville natale.
00:44:12La branche lyonnaise
00:44:13d'Action Directe
00:44:14se cantonne désormais
00:44:15à une guérilla
00:44:16à l'échelle régionale.
00:44:17En région parisienne,
00:44:20là, on a Rouillant,
00:44:22Méningon,
00:44:24Aubron,
00:44:24Schlecher, etc.,
00:44:25qui, eux,
00:44:26prônent la lutte armée
00:44:27internationaliste
00:44:29et ils veulent s'allier,
00:44:31en fait,
00:44:32avec les Italiens
00:44:34des Brigades Rouges,
00:44:35avec les Allemands
00:44:36de la Fraction Armée Rouge,
00:44:38avec les cellules
00:44:39communistes combattantes belges.
00:44:41Et en fait,
00:44:41le but de Rouillant,
00:44:43c'est de devenir
00:44:43le grand chef
00:44:44d'une équipe internationale
00:44:46de combattants armés.
00:44:50Resserré autour de Rouillant,
00:44:52Méningon,
00:44:53Aubron
00:44:53et Régis Schlecher,
00:44:55Adé se rapproche aussi
00:44:56des Farles,
00:44:57les fractions armées
00:44:58révolutionnaires libanaises.
00:45:01Cette alliance
00:45:01les conduit à commettre,
00:45:02au nom de la solidarité
00:45:03avec le peuple palestinien,
00:45:05nombre d'attentats
00:45:06contre les intérêts israéliens.
00:45:10Une inscription encore fraîche.
00:45:12Retrait immédiat
00:45:13et inconditionnel
00:45:13des fascistes israéliens
00:45:14si les Palestiniens
00:45:16sont chassés de Beyrouth,
00:45:17nous tuerons les financiers
00:45:18et les propagandistes
00:45:19du sionisme.
00:45:21Dans ce contexte,
00:45:22l'arrestation de Joël Aubron
00:45:24et de Mohan Amami,
00:45:26qui assurent la jonction
00:45:26entre Adé et les Farles,
00:45:28confirme la collusion
00:45:29entre l'organisation
00:45:30et le terrorisme international.
00:45:32Au cours de l'été 1982,
00:45:37un attentat perpétré
00:45:39par le commando palestinien
00:45:41Abou Nidal
00:45:42marque une bascule tragique.
00:45:44La rue des Rosiers,
00:45:46c'est Abou Nidal
00:45:48qui mitraille un restaurant
00:45:50qui s'appelle
00:45:51Joe Goldenberg.
00:45:52Et donc,
00:45:53il y a là
00:45:54du sang,
00:45:55des morts.
00:45:56c'est une horreur,
00:45:59c'est le quartier juif
00:46:00de Paris
00:46:00qui est attaqué
00:46:01en son cœur
00:46:02dans un de ses fondamentaux.
00:46:05Les années 80,
00:46:06c'est une flambée générale
00:46:08de violence.
00:46:10La gauche n'a pas eu de chance.
00:46:12Elle est arrivée
00:46:12de plein pied
00:46:13dans une période
00:46:13où le terrorisme
00:46:14a flambé de tous les côtés.
00:46:16Du fait
00:46:16du contexte géopolitique
00:46:18qui n'avait rien à voir
00:46:20avec la politique interne.
00:46:21Si elle n'est pas
00:46:25le fait d'action directe,
00:46:26la tuerie épouvantable
00:46:28du restaurant
00:46:28Joe Goldenberg
00:46:29entraîne une réaction
00:46:31immédiate
00:46:31des pouvoirs publics.
00:46:35L'attentat
00:46:36de la rue des Rosiers
00:46:37fait prendre conscience
00:46:38aux responsables politiques
00:46:40dans leur entier
00:46:40que le terrorisme
00:46:42sous toutes ses formes
00:46:43est un problème
00:46:44et qu'il faut prendre
00:46:44le taureau par les cornes.
00:46:45On a affaire
00:46:46à des fous,
00:46:47à des fous dangereux,
00:46:49à des fous furieux,
00:46:50criminels.
00:46:50Non pas qu'on ait joué
00:46:51ou qu'on ait rigolé avant
00:46:52mais maintenant
00:46:52on ne joue plus
00:46:54du tout, du tout, du tout.
00:46:56Le 18 août 1982,
00:46:58le Conseil des ministres
00:46:59décrète la dissolution
00:47:00d'actions directes.
00:47:03Interdite,
00:47:04l'organisation
00:47:04est renvoyée
00:47:05à la clandestinité.
00:47:07Son noyau dur
00:47:08retourne aux affaires courantes
00:47:09pour se financer.
00:47:12Entre 82 et 84,
00:47:15ils ont commis
00:47:15une quarantaine
00:47:16de braquages de banques
00:47:17à Paris.
00:47:18C'était des espèces
00:47:19de raids,
00:47:20braquages éclairs,
00:47:21là,
00:47:22il amasse
00:47:22un fric phénoménal.
00:47:24Il trouve entre 500 000
00:47:25et 2 millions de francs
00:47:27à chaque fois.
00:47:27Couillon monte rarement
00:47:29au front,
00:47:29que ce soit
00:47:30sur les hold-up
00:47:31ou sur les assassinats.
00:47:33Il envoie les gens,
00:47:34il envoie les filles
00:47:35ou il envoie les mecs
00:47:36braqués à sa place.
00:47:40Après plusieurs mois
00:47:41de mise en veille,
00:47:42le retour d'action directe
00:47:43sur le devant de la scène
00:47:44s'avère meurtrier.
00:47:45Le 31 mai 1983,
00:47:48à Paris,
00:47:49un contrôle d'identité
00:47:50dégénère
00:47:51avenue Trudenne.
00:47:51Il est environ 14h30
00:47:54lorsque quatre policiers
00:47:55en civil chargés
00:47:56de la lutte
00:47:56anti-criminalité
00:47:57effectuent une ronde
00:47:58dans le 9e arrondissement.
00:48:00C'est alors qu'il remarque
00:48:01le comportement suspect
00:48:02de quatre individus,
00:48:03trois hommes et une femme,
00:48:04qui s'affairent autour
00:48:05d'une voiture
00:48:06devant le 31
00:48:07de l'avenue Trudenne.
00:48:08Voulant alors les intercepter,
00:48:10ils sont mitraillés
00:48:11par les gangsters.
00:48:12Un brigadier
00:48:12et un gardien de la paix
00:48:13sont tués sur le coup
00:48:14sans pouvoir riposter,
00:48:15l'un d'eux n'ayant même
00:48:16pas pu dégainer son arme.
00:48:18Le troisième policier
00:48:18est blessé de trois projectiles
00:48:20tandis que la femme stagiaire
00:48:21n'est pas atteinte.
00:48:22Qui étaient ces bandits,
00:48:23on ne le sait pas.
00:48:25Le 31 mai 1983,
00:48:27on est permanence
00:48:28et on est saisi
00:48:30d'une fusillade
00:48:32qui vient de se dérouler
00:48:33avenue Trudenne
00:48:34dans le 9e arrondissement.
00:48:35Brigadier Cayola et Gondry,
00:48:38quand on arrive,
00:48:39sont à terre.
00:48:42Les corps sont couverts
00:48:44par un drap.
00:48:49Et dans un coin,
00:48:50il y a la stagiaire
00:48:51qui est complètement...
00:48:53Elle ne parle même pas.
00:48:54Elle est complètement traumatisée.
00:49:01Et on est vraiment
00:49:02au fond du seau
00:49:03parce que c'est quand même
00:49:04une affaire qui nous tient.
00:49:05vraiment à cœur.
00:49:08Les indics ne parlent pas,
00:49:10les collègues
00:49:11d'autres unités spécialisées
00:49:13non plus.
00:49:14Pour un moment,
00:49:15on avait pensé
00:49:15à une affaire de stupes,
00:49:17mais les sacs étaient
00:49:17vraiment trop lourds.
00:49:19Trafic d'armes,
00:49:21non, on ne voit pas.
00:49:23En dépit de l'intense
00:49:24mobilisation des forces
00:49:25de l'ordre,
00:49:27aucun indice n'émerge
00:49:28jusqu'à la réception
00:49:29d'une lettre anonyme
00:49:30reçue à la police judiciaire.
00:49:31La flingueuse de l'avenue
00:49:34de Trudenne
00:49:34est Frédéric,
00:49:36pseudo
00:49:36blond-blond,
00:49:38terroriste d'action directe.
00:49:40Le 306-83,
00:49:43elle avait un Beretta 765.
00:49:45Elle habite
00:49:46chez Dan Franck,
00:49:47l'écrivain.
00:49:47Alors, la police,
00:49:54un jour,
00:49:54me tombe dessus.
00:49:55Au printemps 84,
00:49:58ils débarquent un matin
00:49:59chez moi,
00:50:01ils me mettent les menottes.
00:50:03Enfin, pour moi,
00:50:05c'est inimaginable.
00:50:05Je ne comprends pas bien.
00:50:07On m'emmène
00:50:08au cas des Orfèvres.
00:50:09C'est l'inspecteur USK
00:50:10qui m'interroge.
00:50:13Et l'inspecteur USK
00:50:15me libère
00:50:16au bout de 48 heures.
00:50:17en me disant
00:50:18« Si vous avez menti,
00:50:21je vous retrouverai.
00:50:22Et sinon, ça va.
00:50:23Vous serez tranquille. »
00:50:24Or, j'avais menti
00:50:25parce que j'en savais
00:50:26un peu plus
00:50:27que ce que j'avais dit.
00:50:30Au centre du mensonge
00:50:31de Dan Franck,
00:50:32l'étroite amitié
00:50:33qui le lie
00:50:33à son ancien camarade
00:50:34de lycée,
00:50:35Claude Alphen,
00:50:36un membre d'action directe,
00:50:38avec lequel il a renoué
00:50:39depuis le début
00:50:40des années 80.
00:50:43C'est mon meilleur ami
00:50:44de l'époque, en fait.
00:50:46On est suffisamment proche
00:50:47pour que je lui donne
00:50:48la clé de mon appartement.
00:50:50Et quand je n'y vais pas,
00:50:51il va dans cet appartement,
00:50:53il fait ce qu'il a envie de faire,
00:50:54je ne contrôle rien.
00:50:56Et puis, à un moment donné,
00:50:57je comprends qu'il fait des braquages.
00:50:58Je ne comprends pas tout de suite
00:50:59qu'il fait des braquages,
00:51:00mais je finis par le comprendre.
00:51:01et ça m'intéresse.
00:51:05En tant qu'écrivain,
00:51:06ça m'intéresse.
00:51:08Très vite,
00:51:08quand j'ai connu Dan,
00:51:10j'ai connu Alphen.
00:51:13Alors Dan,
00:51:13je ne sais pas
00:51:14s'il se rendait compte,
00:51:15en fait.
00:51:16Il était complètement
00:51:16à côté de la plaque,
00:51:17quoi.
00:51:17Je crois que...
00:51:18Je ne sais pas
00:51:19si ça le fascinait
00:51:19ou est-ce que vraiment
00:51:20il y croyait ?
00:51:22Est-ce que lui,
00:51:23il était un peu comme moi
00:51:24en se disant
00:51:24« Bon, il en ajoute,
00:51:26ce n'est pas vrai. »
00:51:27C'est le frisson,
00:51:28le frisson de l'intellectuel
00:51:30de fréquenter des gens
00:51:32qui peuvent avoir
00:51:33une vie en marge.
00:51:35Paul Ajac,
00:51:35journaliste à l'époque,
00:51:37comme Dan Franck,
00:51:38ils étaient sous le charme
00:51:40de Claude Alphen.
00:51:42Bon,
00:51:43Paul Ajac était son ami
00:51:44du moment,
00:51:45il l'a bien utilisé.
00:51:48Dan Franck, pareil.
00:51:49C'est lui,
00:51:50c'est un ami d'enfance.
00:51:51Un jour,
00:51:52j'arrive chez moi
00:51:52et je rencontre
00:51:54Jean-Marc Rouillant
00:51:54et Nathalie Ménigon.
00:51:55Donc, il est proche
00:51:56de ces deux-là.
00:51:58Et quand je les vois,
00:52:00Jean-Marc Rouillant
00:52:01me parle
00:52:01des garis
00:52:03de l'Espagne,
00:52:03de la guerre d'Espagne,
00:52:05du régime franquiste.
00:52:08Et Nathalie Ménigon,
00:52:09moi, j'avais deux chiens
00:52:10à l'époque,
00:52:11elle s'occupe de mes chiens.
00:52:12C'est une fille
00:52:14qui, à l'époque,
00:52:14est quelqu'un
00:52:15de tout à fait calme
00:52:18et tout à fait tranquille.
00:52:19Et d'ailleurs,
00:52:20Jean-Marc Rouillant aussi.
00:52:22Alors, on a été arrêté.
00:52:24Oui, moi, j'ai eu peur quand même.
00:52:25Là, j'ai commencé à me dire
00:52:26« Oh là là ! »
00:52:28En plus, bon,
00:52:29il y avait le juge Bruguère
00:52:30qui instruisait l'affaire
00:52:31qui était reconnu
00:52:32pour être un type sympa.
00:52:35Dan Franck était
00:52:36sur le point de basculer
00:52:37sans s'en rendre compte
00:52:39dans l'opérationnalité.
00:52:41C'est-à-dire
00:52:41dans des actions
00:52:42où on leur est demandé
00:52:43de participer,
00:52:45peut-être pas de monter
00:52:46parce que le Dan Franck,
00:52:47ce n'est pas le genre
00:52:47d'avoir un 11,43,
00:52:49d'aller tirer.
00:52:50Ce n'était pas son style.
00:52:51Mais d'apporter une aide logistique,
00:52:52en tout cas,
00:52:53de faciliter les choses.
00:52:54J'ai appris par les flics
00:52:55que mon studio
00:52:57était devenu
00:52:58pire qu'un central téléphonique.
00:53:00C'était devenu
00:53:01une base arrière.
00:53:03Je n'avais rien à voir là-dedans.
00:53:05Je n'avais absolument
00:53:06aucune action
00:53:07à me reprocher.
00:53:08Aucune action.
00:53:09Et là,
00:53:09mon avocat me dit
00:53:10« Bon, écoute, c'est simple.
00:53:11Tu te prends 10 ans.
00:53:13Ou bien tu dis
00:53:13ce que tu sais.
00:53:14Je suis sa consigne.
00:53:16Je fais ce qu'il me dit.
00:53:17Je suis coincé
00:53:18par les écoutes téléphoniques
00:53:19partout.
00:53:19Je ne peux pas.
00:53:20Il y a des choses
00:53:20que je ne peux pas nier.
00:53:22Donc, je passe 40 jours
00:53:23aux prisons
00:53:23et puis je sors. »
00:53:26L'interpellation
00:53:27de Dan Franck
00:53:28et de Paul Ajac
00:53:29va mettre un frein
00:53:30quasi complet
00:53:31aux aides
00:53:32que Claude Alphen
00:53:33pouvait attendre
00:53:34de ce milieu,
00:53:35disons,
00:53:36intellectuel parisien.
00:53:39Donc, tout le monde
00:53:39va retirer ses billes.
00:53:40Excuse-moi le terme,
00:53:41mais c'est ça.
00:53:41C'est trop dangereux.
00:53:46Au gré des filatures,
00:53:47des écoutes,
00:53:48des interrogatoires
00:53:49menés lors de cette année 1984,
00:53:52l'étau policier
00:53:53se resserre
00:53:53autour de l'organisation
00:53:54clandestine.
00:53:55Surnommée la Mamadadé,
00:54:12Eliette Besse,
00:54:13militante anarchiste historique,
00:54:15est interpellée
00:54:15avec Régis Schlescher,
00:54:17le compagnon
00:54:17de Joël Aubron.
00:54:19Quasi simultanément,
00:54:21Claude Alphen
00:54:22et son jeune frère Nicolas
00:54:23sont arrêtés,
00:54:24soupçonnés d'être partie prenante
00:54:26dans la fusillade
00:54:27de l'avenue Trudenne.
00:54:28Petit à petit,
00:54:31la cause
00:54:32l'emporte
00:54:32peut-être
00:54:34sur les actes
00:54:35qui sont faits.
00:54:36C'est-à-dire
00:54:37que ce qui est important,
00:54:38c'est de faire quelque chose
00:54:38qui sert la cause.
00:54:40Et là,
00:54:40il y a
00:54:41un dérapage
00:54:42de la pensée
00:54:43qui consiste à dire
00:54:44que quand
00:54:45quelque chose
00:54:46ne marche pas,
00:54:48il faut
00:54:48durcir
00:54:49la position
00:54:51et non pas
00:54:52chercher
00:54:52un compromis
00:54:53et négocier.
00:54:55Parce que
00:54:56tout compromis
00:54:56est une trahison.
00:54:58Et
00:54:58en durcissant,
00:55:01on continue
00:55:02à défendre la cause.
00:55:04Le noyau dur,
00:55:06Rouillon et Médigon,
00:55:07entouré de
00:55:08Joël Aubron
00:55:08sorti de prison
00:55:09et de
00:55:10Georges Cipriani,
00:55:11fidèle d'Adé
00:55:12depuis quelques années,
00:55:13opte
00:55:13pour une solution
00:55:14jusqu'au bautiste,
00:55:15l'assassinat politique.
00:55:16Les bêtes
00:55:19sont d'autant plus
00:55:20dangereuses
00:55:21qu'elles sont vaculées.
00:55:22Au moment
00:55:22où ils vont
00:55:23commettre
00:55:24ces attentats,
00:55:25plus personne
00:55:26n'a les soutien.
00:55:27Alors effectivement,
00:55:28ils ont
00:55:28de l'armement,
00:55:29ils ont
00:55:30des fonds,
00:55:31parce que
00:55:31les hold-up
00:55:32ont beaucoup
00:55:33rapporté.
00:55:35Mais
00:55:35en force vive,
00:55:38il y a
00:55:39le penseur
00:55:40et
00:55:41trois soldats.
00:55:42On ne fait pas
00:55:42une guerre avec ça.
00:55:43Le groupe terroriste
00:55:44d'extrême-gauche
00:55:45Action Directe
00:55:46a donc
00:55:46basculé dans la violence
00:55:47en assassinant
00:55:48hier soir
00:55:49le directeur
00:55:50des affaires internationales
00:55:51au ministère
00:55:52de la Défense.
00:55:53L'exécution
00:55:54de René Audran
00:55:55apparaît
00:55:56comme une déclaration
00:55:57de guerre
00:55:57à l'État français.
00:55:58Le ou les meurtriers
00:56:00n'ont laissé
00:56:00aucune chance
00:56:01à René Audran.
00:56:03Quelqu'un ouvre
00:56:03la porte
00:56:04au conducteur
00:56:05et vide
00:56:06un chargeur
00:56:06de 11,43.
00:56:07Huit balles
00:56:08à bout portant,
00:56:09deux en pleine tête,
00:56:11les autres
00:56:11dans le corps.
00:56:13Le haut fonctionnaire
00:56:13s'effondre,
00:56:15il est mort
00:56:15sur le coup.
00:56:15A 21h15,
00:56:17alors que le meurtre
00:56:18n'est même pas connu
00:56:19de la police,
00:56:20une correspondante
00:56:20anonyme téléphone
00:56:21à l'agence France Presse.
00:56:23Action Directe,
00:56:24dit-elle,
00:56:24revendique l'exécution
00:56:25de René Audran,
00:56:26signé
00:56:27Commando
00:56:28Elisabeth Von Dijk,
00:56:29membre de la fraction
00:56:30Armée Rouge.
00:56:31Pour nous,
00:56:31c'est un choc
00:56:32dans la mesure
00:56:34où on se rend compte,
00:56:35on a conscience,
00:56:36là,
00:56:36qu'Action Directe
00:56:37est partie
00:56:37dans une autre dimension.
00:56:39Ils se sont transformés
00:56:40de révolutionnaires
00:56:41en assassin.
00:56:43S'il émeut
00:56:44l'opinion publique,
00:56:46ce premier assassinat
00:56:47revendiqué
00:56:47paradé
00:56:48sur le territoire français
00:56:49inquiète d'autant plus
00:56:51que le commando
00:56:52s'est associé
00:56:52à la fraction
00:56:53Armée Rouge allemande.
00:56:54C'est un élément
00:56:57majeur,
00:56:58c'est un tournant.
00:56:59Un tournant
00:56:59qui a eu lieu
00:57:00en 1985,
00:57:01il y a eu du reste
00:57:02un communiqué commun
00:57:03en allemand
00:57:04et en français.
00:57:05Je pense qu'ils se sont alliés
00:57:06parce qu'il fallait
00:57:08qu'il y ait un effet
00:57:08de masse.
00:57:10J'analyse
00:57:11cette situation
00:57:12comme une fuite
00:57:14en avant.
00:57:15Les militants
00:57:16n'entendaient pas
00:57:17renier
00:57:18ni leurs idées,
00:57:20ni leur engagement,
00:57:22ni leur combat.
00:57:23Et je pensais bien
00:57:24que dans cette fuite
00:57:25en avant,
00:57:27ils s'orientaient
00:57:28vers une action violente
00:57:30contre les hommes
00:57:33ou les femmes.
00:57:38Recherché partout,
00:57:39le dernier carré d'AD
00:57:40est introuvable.
00:57:42Il entend ne pas relâcher
00:57:43la pression
00:57:44et va le faire savoir.
00:57:54Georges Bess,
00:58:02le patron
00:58:02de la régie Renault,
00:58:04a donc été assassiné
00:58:05tout à l'heure,
00:58:06un peu après 20h30.
00:58:07Il a été abattu
00:58:08en pleine rue
00:58:08devant son domicile.
00:58:09Alors voyons tout de suite
00:58:10les faits
00:58:11et les premiers témoignages
00:58:12avec Hervé Brusigny.
00:58:13A l'époque,
00:58:14nous sommes prévenus
00:58:15par l'AFP.
00:58:18Et lorsque nous descendons,
00:58:20les policiers
00:58:21n'ont pas encore
00:58:22mis en place
00:58:23un cordon de sécurité.
00:58:25On est les premiers
00:58:26sur place
00:58:27et on commence
00:58:28à tourner
00:58:28le corps de Georges Bess
00:58:29allongé là.
00:58:33Nous étions
00:58:33en plein désarroi.
00:58:35Et la seule réponse
00:58:37qui était la nôtre
00:58:37était lors du réflexe
00:58:39tourné.
00:58:39sous une feuille
00:58:41de plastique blanc,
00:58:43le corps
00:58:43de Georges Bess,
00:58:44le PDG de Renault.
00:58:46Le patron de la régie
00:58:47a été assassiné
00:58:49au moment même
00:58:50où il rentrait chez lui.
00:58:52Qui peut avoir signé
00:58:53cet attentat
00:58:53pour l'instant
00:58:54non revendiqué ?
00:58:55À la brigade criminelle,
00:58:56on est désormais
00:58:57persuadé qu'une jeune femme
00:58:59est bien l'assassin
00:59:00de Georges Bess
00:59:01et qu'elle a agi
00:59:02avec une complice.
00:59:05Nathalie Ménégon
00:59:06et Joël Aubron
00:59:07sont soupçonnées
00:59:08d'avoir tué
00:59:09Georges Bess.
00:59:13Quelques jours plus tard,
00:59:15l'attentat est revendiqué
00:59:16par action directe
00:59:17et signé commando
00:59:18Pierre Auverney
00:59:19du nom de ce jeune
00:59:20ouvrier maoïste
00:59:21tué en 1972
00:59:23à l'usine
00:59:23Renault-Biancourt.
00:59:25Son enterrement
00:59:26avait réuni
00:59:27toute l'extrême-gauche
00:59:28française.
00:59:32Une façon d'ancrer
00:59:34le meurtre de Georges Bess
00:59:35dans un combat politique
00:59:36d'un autre temps.
00:59:37car près d'une quinzaine
00:59:39d'années se sont écoulées
00:59:40et les temps ont changé.
00:59:43Avec la victoire
00:59:44de la droite
00:59:45aux élections législatives
00:59:46de mars 1986,
00:59:48la France connaît
00:59:49sa première cohabitation.
00:59:52Si François Mitterrand
00:59:52reste président
00:59:53de la République,
00:59:54Jacques Chirac
00:59:55devient premier ministre.
00:59:56Il nomme Robert Pandreau,
00:59:58ministre délégué
00:59:59à la sécurité
00:59:59et Charles Pasqua
01:00:01à l'intérieur.
01:00:03Ce dernier se dit
01:00:03déterminé
01:00:04à terroriser
01:00:05les terroristes.
01:00:07Je crois que c'est
01:00:08une première
01:00:08dans l'histoire
01:00:09de la lutte antiterroriste
01:00:11dans notre pays.
01:00:12À cette époque,
01:00:13la décision est prise
01:00:15de faire réaliser
01:00:16des affiches
01:00:17avec les photos
01:00:18des leaders historiques
01:00:20d'Action Directe,
01:00:21avec leur nom,
01:00:24avec l'indication
01:00:25que les intéressés
01:00:26sont recherchés
01:00:27et qu'une prime
01:00:28sera versée
01:00:29à toute personne
01:00:30qui pourra contribuer
01:00:31à leur arrestation.
01:00:32De face et de profil,
01:00:36Nathalie Ménigon
01:00:37et Joël Aubron
01:00:38toutes deux en fuite.
01:00:40La police propose
01:00:40une prime
01:00:41de 1 million de francs
01:00:42à qui fournira
01:00:42des renseignements
01:00:43sur ces deux femmes.
01:00:45Bon, ça fleure bon
01:00:46les westerns,
01:00:48les wanted,
01:00:49entre guillemets,
01:00:50mais dans la mémoire
01:00:52de nos concitoyens,
01:00:53ça peut aussi évoquer
01:00:54des souvenirs
01:00:55moins pittoresques
01:00:56et moins anecdotiques.
01:00:57Et on sait
01:00:57que la question
01:00:58de la délation
01:00:58a toujours été
01:00:59une question vive
01:01:00dans le débat politique français.
01:01:01Donc la décision
01:01:03est prise par les deux ministres,
01:01:05par Robert Pandreau
01:01:06et par Charles Pasqua,
01:01:08et elle va se révéler
01:01:09très payante.
01:01:14Un jour,
01:01:15on est en février 87,
01:01:18un renseignement
01:01:19nous arrive,
01:01:20une personne,
01:01:22un policier,
01:01:23par un hasard extraordinaire,
01:01:25est certaine
01:01:27d'avoir reconnu
01:01:29dans un supermarché
01:01:31aux alentours
01:01:31de Vitriologe,
01:01:33un des membres
01:01:33d'Action Directe.
01:01:37Les RG,
01:01:38on voit tout de suite
01:01:38une surveillance
01:01:39dans le village
01:01:40de Vitriologe,
01:01:41dans le Loiret.
01:01:44Et au bout de trois jours,
01:01:45ils prennent des belles photos
01:01:47d'une dame
01:01:47sur un vélo
01:01:48et on la reconnaît
01:01:50tout de suite
01:01:50comme étant
01:01:51Nathalie Méningon.
01:01:53Là,
01:01:53on avait une très bonne piste
01:01:54puisqu'on avait
01:01:55une des quatre repérées
01:01:57et une deuxième personne
01:01:58qu'on pouvait supposer
01:01:59être rouillante
01:01:59mais on n'était pas certain.
01:02:02Le RAID a été créé
01:02:04pour précisément
01:02:05faire des opérations
01:02:06d'interpellation
01:02:07dans des conditions
01:02:09particulièrement
01:02:10difficiles
01:02:10ou dangereuses.
01:02:11On avait choisi
01:02:12des uniformes noirs
01:02:13et là,
01:02:15on était
01:02:15en février,
01:02:17un samedi,
01:02:18il avait neigé.
01:02:20C'était tout blanc.
01:02:21On ne voyait que nous
01:02:22sous la neige.
01:02:22J'entendais
01:02:29les pas
01:02:30qui crissaient
01:02:30sur la neige,
01:02:31je voyais la fenêtre
01:02:32qui était allumée,
01:02:33je me dis
01:02:34mais putain,
01:02:34ils vont nous détrancher
01:02:35ces espèces de connards
01:02:36s'ils regardent
01:02:37par la fenêtre
01:02:37et en fait,
01:02:38non.
01:02:40Évidemment,
01:02:41on arrive
01:02:41au niveau
01:02:42de la porte entrée
01:02:43comme des fonces
01:02:44alors qu'elle était ouverte
01:02:45mais enfin,
01:02:46on ne pouvait pas
01:02:46prendre le risque
01:02:47de faire semblant
01:02:49d'ouvrir la porte.
01:02:50On a la surprise
01:02:52de tomber
01:02:53sur les quatre
01:02:53que j'en recherchais
01:02:54ce qui est quand même
01:02:55un beau coup de chance.
01:02:57Ils sont en train
01:02:58de dîner,
01:02:59Joël Aubron
01:03:00se précipite
01:03:01sous la table
01:03:02pour se saisir
01:03:03un pistolet mitrailleur
01:03:04donc elle est neutralisée
01:03:06par les gars du Red
01:03:07qui lui mettent
01:03:08un coup de crosse
01:03:09sur la tête
01:03:09et Rouillant
01:03:11réussit à s'échapper.
01:03:15Et donc,
01:03:15il y a un des gars du Red
01:03:17qui lâche une rafale
01:03:18en bas de l'escalier.
01:03:20Le mur est un mur
01:03:24en béton
01:03:24il y a un éclat
01:03:25de béton
01:03:26qui se détache du mur
01:03:27et qui frappe
01:03:28la fesse de Rouillant
01:03:28d'ailleurs dans la procédure
01:03:30il y a les fesses de Rouillant
01:03:31avec un bleu énorme
01:03:32comme ça
01:03:32et en ce moment-là
01:03:34il jette son calibre
01:03:34et il dit
01:03:35« t'irais pas ».
01:03:36à Vitirologe
01:03:39Jean-Marc Rouillant
01:03:41était bien sûr abattu
01:03:42j'ai eu affaire
01:03:46à un garçon
01:03:46qu'on amenait
01:03:47d'une pièce à une autre
01:03:48pour faire la perquisition
01:03:49qui se taisait
01:03:50il savait très bien
01:03:53qu'il partait
01:03:54pour une durée
01:03:55d'incarcération
01:03:56assez longue
01:03:56ça a été un peu
01:04:00la caverne d'Ali Baba
01:04:00avec tout ce qu'il nous fallait
01:04:01pour redémontrer
01:04:02l'ensemble des actes violents
01:04:04qu'ils avaient commis
01:04:05dans les quatre dernières années
01:04:07puisqu'on a eu
01:04:08les armes
01:04:08qui ont tiré
01:04:09sur le général Audran
01:04:11sur Bess
01:04:12on a retrouvé
01:04:13des morceaux
01:04:13de la sacoche
01:04:14de Georges Bess
01:04:15qui avaient servi
01:04:16à faire des holsters
01:04:17et qui étaient découpés
01:04:19en morceaux
01:04:20on avait
01:04:21les machines à écrire
01:04:22qui avaient servi
01:04:22aux tapés
01:04:23les revendications
01:04:24les rapprochements
01:04:26avec la RAF
01:04:27et puis
01:04:28des explosifs
01:04:30des munitions
01:04:31des armes
01:04:32de tout calibre
01:04:33et on avait même
01:04:34d'ailleurs
01:04:34des explosifs
01:04:35dans la litière du chat
01:04:50Au premier étage
01:04:52les policiers
01:04:52découvrent une cavité
01:04:54dite
01:04:54prison du peuple
01:04:55où devaient être
01:04:56détenus
01:04:57les futurs prisonniers
01:04:58Une liste des cibles
01:05:00mêlent personnalités
01:05:01médiatiques
01:05:02et politiques
01:05:03Yves Montand
01:05:04Elisabeth Badinter
01:05:06Jean-Christophe et Robert
01:05:08les fils de François Mitterrand
01:05:09Pierre Jox
01:05:10l'ancien ministre
01:05:11de l'Intérieur socialiste
01:05:13et même
01:05:13Jacques Chirac
01:05:15Un croquis fait également
01:05:19en état de repérage
01:05:20en vue d'un éventuel
01:05:22attentat à la tour Eiffel
01:05:23L'affaire est dans le sac
01:05:26La récupération politique
01:05:27de ce magistral
01:05:28coup de filet
01:05:29est en marche
01:05:30Tout le monde a dit
01:05:34avec Jacques
01:05:35ça ne pouvait pas marcher
01:05:36mais avec Pasqua
01:05:37il arrive
01:05:38et il fait des miracles
01:05:39En réalité
01:05:40c'est tout simplement
01:05:42la vie de tous les jours
01:05:43c'est le bon tuyau
01:05:44le coup de bol
01:05:45le coup de chance
01:05:47qui arrive au bon moment
01:05:48au bon endroit
01:05:49et ça n'est absolument
01:05:50pas lié
01:05:51à un changement
01:05:52de majorité politique
01:05:53Les procès des membres
01:05:57d'Action Direct
01:05:58vont se dérouler
01:05:59sur quatre ans
01:06:00Le premier
01:06:02concerne la fusillade
01:06:03de l'avenue Trudenne
01:06:04pour laquelle
01:06:05comparaissent devant
01:06:05la cour d'assises de Paris
01:06:07les frères Alphen
01:06:08Claude et Nicolas
01:06:09ainsi que Régis Schleicher
01:06:14A l'époque
01:06:15le noyau dur d'Adé
01:06:16n'a pas encore été délogé
01:06:18de vitri au loge
01:06:19Quand s'ouvre
01:06:21le procès d'Action Direct
01:06:23devant la cour d'assises
01:06:24de Paris
01:06:24l'ambiance est assez
01:06:26électrique et violente
01:06:28et notamment
01:06:28moi j'ai le souvenir
01:06:29très clair
01:06:30de Régis Schleicher
01:06:32qui du boxe
01:06:33menace
01:06:34les jurés
01:06:36en leur disant
01:06:37d'ailleurs
01:06:38on a vos noms
01:06:39on a vos adresses
01:06:40etc
01:06:41Il a déclaré
01:06:43que tous ceux
01:06:45qui ici
01:06:46accepteraient
01:06:48de participer
01:06:50à la condamnation
01:06:52des révolutionnaires
01:06:54s'exposeraient
01:06:56au rigueur
01:06:57de la justice prolétarienne
01:06:58et cette déclaration
01:07:00liminaire
01:07:00a jeté un froid
01:07:01dans la cour d'assises
01:07:04sur le banc
01:07:05des jurés
01:07:05Les jurés
01:07:06se sont tous
01:07:07fait porter pâle
01:07:08ou presque
01:07:08je ne sais plus combien
01:07:08donc le procès
01:07:10s'est arrêté
01:07:11et c'est comme ça
01:07:11d'ailleurs
01:07:12qu'est arrivée
01:07:12cette nouvelle loi
01:07:13qui dit que
01:07:14pour les procès
01:07:14de terrorisme
01:07:15c'est des magistrats
01:07:16professionnels
01:07:17et non pas des jurés
01:07:18C'est l'origine
01:07:21de la création
01:07:21d'une cour d'assises
01:07:22spéciale
01:07:23destinée à juger
01:07:24les affaires de terrorisme
01:07:26la nouvelle juridiction
01:07:27n'est plus composée
01:07:28de jurés populaires
01:07:29simples citoyens
01:07:31tirés au sort
01:07:31mais de magistrats
01:07:33professionnels
01:07:33Devant cette cour d'assises
01:07:38spéciale
01:07:38se déroulent
01:07:39les procès
01:07:39du noyau dur
01:07:40de vitriologe
01:07:41entre 1988
01:07:42et 1989
01:07:44Conformément à leur
01:07:47engagement politique
01:07:48Rouillant
01:07:49Ménigon
01:07:50Aubron
01:07:50et Cipriani
01:07:51refusent de répondre
01:07:53aux questions
01:07:53sur les actes commis
01:07:54et assument collectivement
01:07:55les faits
01:07:56qui leur sont reprochés
01:07:57Maître Henri Leclerc
01:07:59choisit de ne pas
01:08:00participer à leur défense
01:08:01Somme pas paru évident
01:08:05que ce n'était plus
01:08:06possible de les défendre
01:08:07comme ils voulaient
01:08:08qu'on les défende
01:08:08Les crimes individuels
01:08:10c'est une conception politique
01:08:12que je n'acceptais pas
01:08:13Je n'acceptais pas
01:08:14en tout cas
01:08:14d'en faire
01:08:16le centre
01:08:16d'une défense
01:08:17On peut très bien
01:08:18défendre les gens
01:08:19qui ont fait les crimes
01:08:20les plus abominables
01:08:21à la condition
01:08:22qu'ils permettent
01:08:24que leur défense
01:08:25soit une défense
01:08:26qui ne revendique pas
01:08:27le crime
01:08:27On défend le criminel
01:08:29on ne défend pas le crime
01:08:30Les procès
01:08:31pour les membres
01:08:32d'Action Directe
01:08:33étaient pour eux
01:08:35un grand moment
01:08:37d'expression
01:08:38pensaient-ils
01:08:38Ils voulaient
01:08:40avant tout
01:08:41faire une déclaration
01:08:43politique
01:08:44pour expliquer
01:08:46ce qu'était
01:08:47Action Directe
01:08:48qui ils étaient
01:08:49ce qu'ils avaient fait
01:08:51pourquoi ils avaient fait
01:08:52et ce qu'ils voulaient
01:08:54Ils prenaient la violence
01:08:56ils prenaient
01:08:58jusqu'au boutisme
01:08:59ils prenaient
01:08:59de faire ça
01:09:00au nom du peuple
01:09:01mais le peuple
01:09:01n'était pas là
01:09:02et ils ne représentaient
01:09:03qu'eux-mêmes
01:09:03et ça c'était assez
01:09:06étrange comme sentiment
01:09:07ils ne représentaient
01:09:09qu'eux-mêmes
01:09:09Il y avait une espèce
01:09:12de folie
01:09:13comme ça
01:09:14d'un petit clan
01:09:14d'un petit groupe
01:09:15qui était parti
01:09:16à la dérive
01:09:17tout seul
01:09:18persuadé
01:09:18de leur bon droit
01:09:19il n'y avait aucune
01:09:22remise en cause
01:09:22jamais
01:09:23aucune interrogation
01:09:25jamais
01:09:26moi ce que j'ai
01:09:28plaidé
01:09:29c'est exactement
01:09:31la même chose
01:09:33que d'habitude
01:09:34ce combat
01:09:35qui était leur combat
01:09:37j'insiste pas le mien
01:09:39ils l'ont mené
01:09:40dans un contexte
01:09:41politique
01:09:42je voudrais vous dire
01:09:44que le procès
01:09:45de Georges Bess
01:09:47ça a été pour moi
01:09:48un moment douloureux
01:09:50lorsque
01:09:51Mme Bess
01:09:53expliquait que
01:09:53tous les étés
01:09:54dans leur maison
01:09:55de campagne
01:09:56Georges Bess
01:09:57se construisait
01:09:58des allées
01:09:59en pierre
01:10:01posait des dalles
01:10:03dans son jardin
01:10:04je ressentais
01:10:05ce que c'était
01:10:06j'ai fait
01:10:06la même chose
01:10:08et pour ne pas
01:10:10trahir mes clients
01:10:11j'étais obligé
01:10:13de parler
01:10:14non pas d'assassinat
01:10:16comme tout le monde
01:10:16en parlait
01:10:17mais d'exécution
01:10:19et ce mot
01:10:20m'était difficile
01:10:22à prononcer
01:10:23mais je
01:10:23je m'y contraignais
01:10:26tout le monde
01:10:26s'attendait
01:10:27à la perpétuité
01:10:28et ça a été
01:10:29la perpétuité
01:10:30assortie d'une peine
01:10:31de sûreté
01:10:32de 18 ans
01:10:33mais sans aucune surprise
01:10:34à la perpétuité
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