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  • il y a 2 semaines
Anne Rosencher revient sur un angle mort du narcotrafic en France.
Retrouvez « En toute subjectivité » avec Anne Rosencher sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/anne-rosencher-en-toute-subjectivite

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Transcription
00:00L'heure de votre chronique signée Anne Rosencher. Bonjour Anne.
00:03Bonjour à tous.
00:05Vous voulez revenir ce matin sur un angle mort du narcotrafic en France.
00:08Oui, je voulais vous parler ce matin d'une série de faits dispersés,
00:12souvent rapportés dans les médias régionaux et dont on ne parle peut-être pas assez.
00:17Été 2023, par exemple, dans la cité dite du docteur Aimé à Cavaillon, dans le Vaucluse,
00:23les habitants constatent que des jeux gonflables, une piscine gonflable
00:27et des trampolines ont été installés pour le week-end du 14 juillet et pas par n'importe qui.
00:34En se renseignant, ils apprennent avec stupéfaction que les organisateurs de ces équipements
00:39ne sont ni plus ni moins que les dealers de la cité.
00:42Autre exemple, en août dernier, les habitants du quartier des Escanaux, à Bagnole-sur-Seize, dans le Gard,
00:48découvrent, eux, dans leur boîte aux lettres, une feuille imprimée signée par la bande du narcotrafic local.
00:54Après quelques formules hallucinantes pour s'excuser des nuisances occasionnées par le deal,
01:01les auteurs de la lettre proposent en compensation de mettre en place, je cite,
01:04certaines initiatives, des ateliers de peinture pour embellir le quartier,
01:09mais aussi, je cite encore, la mise à disposition d'une main-d'œuvre motivée pour faire des courses et des travaux,
01:16sans oublier de gâter les enfants, distribution de goûters, achats de fournitures scolaires, etc.
01:22Je vous ai donné deux exemples, mais ils pullulent, pas toujours de façon aussi explicite,
01:28plutôt comme une règle tacite dans de nombreux quartiers gangrénés par le trafic en France,
01:34au point que dans son dernier rapport, l'office anti-stupéfiant alerte,
01:39dans certains cas, les trafiquants exercent un véritable pouvoir social,
01:44s'étendant au contrôle d'une partie de la population des quartiers abritant les trafics, peut-on lire dans le rapport.
01:50Et de quoi ce nouveau pouvoir social est-il le symptôme, Anne ?
01:55Bien sûrement pas d'un humanisme, ni d'une générosité de la part des dealers.
01:59En réalité, il s'agit là d'une stratégie bien pensée et de méthode déjà éprouvée.
02:05L'idée est d'ajouter le clientélisme à la peur,
02:08pour asseoir un contrôle sur le territoire et instaurer tout simplement une féodalité.
02:13Oui, une féodalité comme au bon vieux temps du XIe siècle,
02:17avec ses usages contractuels, protection, entretien, fidélité entre suzerains et vassaux.
02:23Bien sûr, il y a toujours une contrepartie et elle est terrible.
02:27Dans le cas qui nous intéresse, c'est l'achat du silence, l'omerta.
02:31Nous ne nous y trompons pas si le nartrotrafic est terrifiant dans le fracas de sa violence,
02:36encore 110 décès et 341 blessés reliés au deal en 2024.
02:41Il est aussi effrayant dans ces silences,
02:45ceux imposés par la terreur auprès de populations prises en otage
02:49et ceux achetés par le clientélisme en instaurant un ordre social parallèle.
02:55Oui, le silence règne dans beaucoup de principautés du deal.
02:58Ce n'est pas un silence de paix, mais un défi lancé à l'État et à la République.
03:03Signé Anne Rosencher, merci Anne, directrice déléguée de la rédaction de L'Express.

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