La cheffe de la politique mémorielle du Grand Est, Frédérique Neau-Dufour, se félicite de la signature d'une convention, ce mercredi, pour encourager les maires à inscrire davantage de noms Malgré-nous sur les monuments aux morts. "Un droit, pour ceux morts pour la France", selon l'historienne.
00:00Ici Matin, actus locales, musique et bonne humeur.
00:04Une signature aujourd'hui Sébastien pour raconter encore l'histoire des malgrés nous de la seconde guerre mondiale.
00:10Leur nom pourrait bien apparaître ces prochaines années sur tous les monuments aux morts en Alsace.
00:15Sous la mention mort pour la France, c'est en tout cas la dynamique qu'espèrent enclencher aujourd'hui le souvenir français et la région Grand Est
00:22avec la signature d'une nouvelle convention.
00:25Bonjour Frédéric Naudufour.
00:27Bonjour.
00:27Vous êtes la chef de la politique mémorielle de la région Grand Est.
00:32Il est temps, grand temps de faire quelque chose ?
00:34Oui, alors beaucoup a été fait.
00:36Un certain nombre de mairies ont inscrit ces noms sur les monuments aux morts.
00:40Mais on constate une exception alsacienne et mozélane qui fait que beaucoup de monuments n'ont pas du tout de noms
00:46pour toutes sortes de raisons et on estime aujourd'hui que le temps est venu de faire quelque chose.
00:51Donc ça existe déjà en Alsace, des noms de malgré nous sont déjà inscrits sur nos monuments aux morts.
00:56Bien sûr, les auditeurs peuvent aller dans leur village regarder comment c'est, mais c'est assez variable.
01:01Mais il existe des communes où effectivement on a déjà les noms.
01:05Et c'est à celle-ci qu'on s'adresse.
01:06C'est un hommage à la mémoire des malgré nous.
01:09C'est aussi une façon de raconter cette histoire des malgré nous, encore trop souvent méconnue, hors des frontières d'Alsace et de Moselle.
01:15Oui, on a vu qu'il y a vraiment un mouvement pour essayer de faire mieux connaître cette histoire.
01:19Le président de la République l'a rappelé lors des commémorations de Strasbourg.
01:24Alors c'est à la fois rendre hommage aux malgré nous, c'est aussi un droit quand quelqu'un est mort pour la France
01:28que son nom figure sur le monument aux morts, c'est la loi.
01:32Et puis derrière les incorporés de force se cachent toutes sortes d'autres victimes
01:36qui du coup, si on n'inscrit personne, n'y sont pas non plus.
01:40C'est-à-dire qu'on n'a pas non plus les Alsaciens sous uniforme français,
01:43on n'a pas les familles juives, nous n'avons pas les résistants
01:45ou les catégories sur lesquelles on a travaillé plus récemment comme les tziganes.
01:49Donc tout le monde pâtit de ce silence.
01:53Effectivement, Emmanuel Macron avait déclaré que l'incorporation de force est un crime de guerre
01:57qu'il faut reconnaître et enseigner à l'école.
02:00Donc là encore, cette convention s'inscrit dans cette lignée.
02:03Le général de Gaulle lui-même avait demandé à ce que les malgré nous aient la mention
02:07mort pour la France dès la libération.
02:09Pourquoi ça ne s'est pas fait finalement dans une partie des monuments aux morts chez nous en Alsace ?
02:14Alors la plupart des 30 000 incorporés de force morts pendant la guerre ont eu cette mention.
02:20Ça ne s'est pas fait parce que je pense qu'il y a eu une gêne dans certaines communes
02:25à l'idée d'inscrire des gens qui étaient morts sous un uniforme non seulement ennemi mais en plus nazi,
02:30c'est-à-dire des gens qui eux-mêmes avaient le cas échéant commis des crimes contre l'humanité
02:34sous cet uniforme et c'est toute la difficulté.
02:37Ils étaient à la fois victimes d'un crime de guerre mais ils ont eux-mêmes commis un crime contre l'humanité
02:41donc sans doute pour les mairies, pour les gens, c'est difficile de s'y retrouver.
02:45Notamment ceux enrôlés avec la Wehrmacht, avec les Waffen-SS.
02:48Voilà, il faut rappeler qu'il y a bien eu des incorporés de force dans la Waffen-SS.
02:52C'était le cas des 13 incorporés qui ont participé au massacre d'Oradour-sur-Glane.
02:57Donc on sent que ce sont des histoires très lourdes, pas simples à régler.
03:01Et puis il y a eu aussi le souvenir de la Première Guerre où là les malgrés-nous étaient malgrés-nous en droit
03:05puisqu'ils étaient véritablement allemands.
03:08C'était une annexion en droit et par conséquent on ne pouvait pas du tout les mettre sur un monument mort français
03:12puisqu'ils n'étaient pas morts pour la France ceux-là.
03:14Donc tout ça a fait que l'histoire est tellement compliquée que certains ont trouvé plus simple de ne rien dire.
03:19Oui c'est très compliqué, il y a des malgrés-nous morts pour la France, des malgrés-nous pas forcément morts pour la France.
03:25Alors la plupart des incorporés de force ont été reconnus par le ministère des Armées en 1945 morts pour la France
03:30mais rappelons que pour obtenir ce titre il y a une étude, une enquête du ministère des Armées
03:36et que ceux qui auraient montré trop de sympathie pour le régime nazi n'ont pas pu obtenir ce titre.
03:43Et je rappelle encore une fois qu'aucun volontaire n'a obtenu ce titre.
03:47C'est le choix du maire ensuite d'inscrire ou non les noms justement de ces malgrés-nous sur les monuments aux morts de la commune.
03:55Est-ce que vous vous attendez à la région Grand-Est ou avec le souvenir français
03:59à ce que certains refusent d'inscrire justement ces noms sur leurs monuments
04:05ou il y a aujourd'hui peut-être encore seulement inscrits à nos morts ?
04:08Je pense que ça va susciter de l'intérêt, on sent un frémissement, alors on ne sait pas du tout combien de réactions ça va susciter.
04:15Nous tout ce qu'on leur propose, d'abord c'est de leur laisser leur entière liberté, c'est le conseil municipal qui décide
04:21et ce qu'on leur propose c'est de mettre à leur disposition les noms qui ont été amassés depuis une quinzaine d'années par la région
04:27au sein d'une base de données qui est accessible en ligne sur mémoireaupluriel.grandest.fr
04:33mais les personnes, les mairies ne peuvent pas accéder à la liste par commune
04:37donc nous on peut faire ce travail en back-office et leur remettre tout simplement les noms
04:42et les accompagner dans leur démarche.
04:44L'étape importante aussi pour les descendants de Malgré Nous, on sait à quel point l'émotion est encore vive aujourd'hui
04:49quand on évoque la période en Alsace.
04:52C'est un sujet extrêmement sensible qui touche encore beaucoup de gens
04:55et en effet on la sent cette émotion et on sent aussi cette demande récurrente d'avoir un lieu pour faire figurer les noms
05:03alors la région Grand Est va y répondre en partie avec le mur des noms qui va être inauguré l'année prochaine à Chirmec
05:08mais néanmoins je trouve que c'est important qu'au lieu où ils vivaient, au lieu où est leur famille
05:14il y ait aussi ce nom sur leur monument aux morts, c'est une reconnaissance de leur sacrifice.
05:1840 000 noms qui vont être inscrits sur ce mur des noms que vous allez inaugurer l'an prochain
05:23malgré Nous, combattants, résistants, victimes civiles, juives, victimes de la Shoah, entre autres Frédéric Naudufour.
05:28Merci à vous, vous êtes la chef de la politique mémorielle de la région Grand Est
05:33ancienne directrice également du Centre Européen du Résistant déporté au Stroutov.
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