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Anne Fulda reçoit Benny Malapa pour son livre «Un nègre qui parle yiddish» dans #HDLivres

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00:00Bienvenue à l'heure des livres, Bénie Malapa.
00:03On est content de vous recevoir.
00:04Vous n'êtes pas un habitué des plateaux télé, du moins pas à cette place-là.
00:09Surtout des plateaux télé consacrés à des livres,
00:13parce que vous venez de publier votre premier livre, premier roman.
00:17Un très joli livre qui s'appelle « Un aigre qui parle yiddish »,
00:20un livre qui est paru chez Fayard.
00:23Avant tout, on se pose une question, parce que vous avez travaillé dans le temps dans l'image,
00:27la réalisation, vous travaillez là à former des travailleurs sociaux.
00:33Comment en vient-on, après un certain temps, à finalement décider d'écrire un livre
00:38qui est, en l'occurrence, l'histoire de vos parents ?
00:41Qu'est-ce qui vous a poussé à l'écriture ?
00:43Écoutez, c'est un peu trop long d'expliquer tout le processus,
00:47mais j'ai un grand ami, qui s'appelle Jean-Marc Schiappa,
00:50qui est historien et qui est édité chez Fayard,
00:55qui m'a présenté, après une discussion,
00:57c'est un autre projet qui m'a présenté à Jean-François Doven,
01:00éditeur chez Fayard.
01:02Et on a discuté, je lui ai expliqué un peu l'origine, mon origine,
01:07le passé de mes parents, etc.
01:09Et il m'a proposé de l'écrire.
01:13Et il m'a dit « Mais pourquoi ne l'avez-vous pas écrit avant ? »
01:15Et je lui ai dit, comme ça c'est une forme d'humour entre les entrées,
01:18j'attendais qu'on me le demande.
01:20Il s'est levé de son bureau, il a dit « Monsieur, nous vous le demandons ».
01:22Voilà donc l'histoire de mon édition tardive.
01:27Moi je suis un peu tardive, surtout que j'ai des enfants tardivement.
01:30Moi je suis mis longtemps à me décider à faire quelque chose,
01:32puis après quand je le fais, je le fais.
01:34Alors là, il faut dire que l'histoire de vos parents est assez incroyable.
01:38A l'origine c'est vrai que c'est une rencontre assez improbable
01:41entre votre père, Paul, Germaine au Camerounais,
01:45et votre mère, Suzanne, qui elle est née en Pologne,
01:51de deux parents juifs, en 1918.
01:54Alors c'est vrai que, on le sait, on l'apprend en lisant le livre,
01:59comment ces deux-là en sont-ils venus à se rencontrer ?
02:02Je vais vous le dire, c'est très simple, c'est le trait d'union, c'est Paris.
02:04Paris, c'est une ville totalement cosmopolite,
02:08où toute une Syrie, il y avait des quartiers arméniens,
02:10il y a un quartier chinois, il y a des gens qui viennent du Maghreb.
02:13Paris, c'est la ville internationale de la rencontre.
02:16Si vous voulez monter un orchestre africain,
02:17vous pouvez aller à New York ou à Londres, vous pouvez aller à Paris,
02:19vous trouverez tous les pays de l'Afrique,
02:21de l'Est à l'Ouest et du Nord au Sud.
02:24Paris, c'est ça, c'est vraiment ce grand...
02:27Tout en ayant son caractère propre de Paris,
02:29comme ville française, avec son histoire,
02:31il y a plein d'histoires qui viennent se greffer dessus,
02:34et mes parents se sont rencontrés en 1936 à Paris,
02:37alors que l'un venait de plus ou moins expulsé de sortir d'Allemagne.
02:41Oui, parce que votre père est né en Allemagne.
02:42Mon père est né à Hambourg.
02:43Hambourg ?
02:44En 1914.
02:44Oui.
02:45Et ma mère est née en 1918 à Varsovie.
02:48D'accord.
02:48Voilà.
02:49Et votre père, sa mère était une Allemande blanche,
02:52et son père, donc votre grand-père,
02:54était un noir qui venait du Cameroun.
02:57Absolument.
02:57C'est ça.
02:57Il est arrivé assez jeune au Cameroun, en Allemagne, je veux dire,
03:00et parce que, les gens ne le savent pas,
03:02parce que c'est assez ancien,
03:04mais le Cameroun était une colonie allemande
03:05depuis la conférence de Berlin en 1887, je pense,
03:09c'était une colonie allemande,
03:11et donc un certain nombre de personnes,
03:13un certain nombre de jeunes Africains,
03:15d'enfants, de familles, plus ou moins nobles,
03:17plus ou moins notables,
03:19partaient en Allemagne,
03:20étaient incités à venir en Allemagne
03:22pour recevoir une éducation allemande,
03:23parce que les Allemands, ils ne savaient pas
03:24que quelques années après, ils perdraient la colonie,
03:27donc ils voulaient former une couche sociale
03:29de Camerounais ouverts à l'Allemagne.
03:33Alors, ce qui est intéressant, effectivement,
03:35c'est que vous dites que ce qui les réunit,
03:36c'est Paris,
03:37et aussi, d'une certaine façon,
03:38vous venez de l'évoquer,
03:39avec cette conférence de Berlin,
03:43c'est aussi les tours et détours de l'histoire,
03:45avec un grand H qui vient, finalement,
03:48percuter les destins de vie.
03:50Là, il y a, effectivement,
03:51cette conférence de Berlin,
03:53puis après, il y a le traité de Versailles,
03:54qui rediscipline, puis la Seconde Guerre mondiale,
03:57et tous ces événements...
03:58Et la décolonisation, etc.
04:00Et tous ces événements font que ces deux-là,
04:02qui, vraiment, n'étaient pas du tout
04:04destinés à se rencontrer,
04:06se rencontrent,
04:07se rencontrent et s'aiment,
04:08et se marient, ce qui est fou,
04:10justement, à Paris,
04:11en pleine occupation.
04:13C'est fou, ce que vous racontez.
04:14C'est fou, ce que je raconte,
04:16parce que c'est fou, effectivement,
04:17mais en même temps,
04:18c'est témoin du fait que
04:20les brassages de population ne sont pas toujours...
04:21Je ne pense pas que mon grand-père,
04:24juif polonais,
04:25s'il n'y avait pas eu la crise de 1929,
04:27il serait resté en Pologne.
04:29Ce n'est pas l'antisémitisme
04:30qui l'a fait fuir de la Pologne.
04:32C'est la ruine.
04:33C'est un petit industriel
04:34qui a été ruiné.
04:36Il est venu en France
04:36pour retrouver quelque chose,
04:38comme plein de gens font.
04:39Dans leur pays, ça ne marche pas.
04:40Mon père, c'est un peu différent.
04:42Lui, comme le Cameroun
04:43était devenu français,
04:45les Allemands ne le reconnaissaient plus
04:46comme Allemand,
04:48bien qu'il soit né là-bas
04:49et que sa mère soit Allemand.
04:51Ils ne l'ont pas expulsé,
04:53mais il est parti
04:53parce qu'il n'avait plus aucun droit.
04:55Il est venu en France.
04:56C'est-à-dire qu'il y a des millions de gens
04:59qui, depuis des siècles,
05:00se déplacent de continent en continent
05:02ou même à l'intérieur des continents
05:03parce qu'ils cherchent
05:04l'espoir, la tranquillité,
05:07les revenus.
05:08La tranquillité,
05:10ce n'est pas vraiment ce qu'ils vont trouver.
05:11Ça, ce n'est pas prévu.
05:13Ce sont deux déracinés.
05:14Effectivement, ils se marient,
05:15c'est l'occupation.
05:16Donc, ils vont être emportés aussi
05:19dans le flux de la guerre,
05:20de la résistance.
05:22Et c'est ça qui est passionnant.
05:24C'est-à-dire qu'eux,
05:26ils vont en zone libre.
05:28Malheureusement,
05:29mon père n'arrive pas à convaincre
05:30son beau-père,
05:32juif polonais, français.
05:34Un de ses fils était français.
05:36Lui n'était pas français,
05:37mais son fils était parti
05:38à l'armée française.
05:39Il n'arrive pas à le convaincre
05:40de venir en zone libre avec lui.
05:42Parce qu'il dit,
05:42moi, j'ai donné mon grand-père,
05:43j'ai donné un fils à la France,
05:44qu'il avait un fils, pas mort,
05:45mais qui était militaire français
05:47et prisonnier en Allemagne.
05:48Il était persuadé que de ce fait,
05:50lui, serait préservé
05:51de la répression antisémite.
05:53Et donc, il n'arrive pas
05:55à le persuader
05:55de quitter Paris.
05:58Et lui, donc,
05:59mon père dit,
05:59nous, on s'en va.
06:01Il part avec ma mère.
06:03Il traverse la zone libre
06:04de façon aussi très,
06:05très rocambolesque.
06:06Et ils arrivent à Marseille
06:07où ils pensent avoir trouvé
06:08là encore un havre de paix.
06:10Mais en 1943,
06:11l'armée allemande
06:12passe la ligne de démarcation.
06:14Et là, Marseille devient
06:15comme une autre ville.
06:16Ça devient la destruction
06:17du Vieux-Pormont.
06:18Tout ce que je raconte.
06:19Et qui fait que ma mère
06:20est emprisonnée,
06:21perd un enfant.
06:22Mon père la libère
06:23de façon comme on l'aise aussi.
06:24De façon un peu...
06:25On pourrait penser
06:26qu'on invente ces choses-là.
06:27Mais même si c'est un roman
06:29et que je prends la liberté
06:30d'écrire à ma façon,
06:32les événements, eux, existent.
06:33C'est un événement vrai, oui.
06:35Alors, ce qui est étonnant aussi,
06:37c'est le titre
06:37que vous avez donné à ce roman.
06:40Un nègre qui parle idiche.
06:42C'est vrai que par les temps
06:42qui courent,
06:43on peut se dire...
06:44Enfin, à une époque
06:45où le livre d'Agatha Christie
06:46dit petit nègre...
06:47Oui.
06:49On change son titre.
06:51Pourquoi, finalement,
06:53avez-vous décidé
06:53de le choisir quand même ?
06:55Voilà.
06:55Moi, je suis conscient
06:56que le mot nègre
06:57peut être l'objet
07:00d'une controverse.
07:01Mais moi, d'abord,
07:02j'ai éliminité.
07:04Moi, je suis nègre,
07:06je suis noir,
07:07je suis juif par ma mère
07:08et en plus,
07:09on me prend en général
07:10pour un Algérien.
07:11Donc, je suis tranquille,
07:12personne ne peut m'accuser
07:13de quoi que ce soit.
07:13Déjà, c'est la première chose.
07:14La seconde chose,
07:15c'est que ce mot
07:16que j'emploie
07:17n'est pas de moi.
07:18C'est à Jérusalem,
07:19en 1978,
07:21qu'une femme
07:21à qui j'ai parlé en yiddish,
07:23les quelques mots...
07:24Parce que moi,
07:24c'est mon père qui parle en yiddish.
07:25Moi, je ne parle pas yiddish.
07:26Je crois pas.
07:27Les quelques mots
07:28que j'ai employés
07:28pour lui dire
07:30à vos souhaits en yiddish,
07:32elle s'est retournée
07:32vers son fils
07:33très étonnée,
07:34il est très hostile.
07:35Elle a dit à son fils
07:36à Schwarz,
07:37ched yiddish,
07:38c'est-à-dire un nègre,
07:39parce que Schwarz,
07:40c'est noir,
07:41mais dit comme elle l'a dit,
07:42c'est nègre.
07:43Et d'ailleurs,
07:44il y a un ami
07:44qui m'a dit une chose
07:45très intéressante
07:45à la signature,
07:47à une dédicace que j'ai fait.
07:48Il m'a dit,
07:48tu sais que pour,
07:50en Israël,
07:51le mot Schwarz,
07:52voulait dire
07:52les Juifs séfarades.
07:53Donc,
07:53elle a vu quelqu'un
07:54qui n'était pas de son clan,
07:56qui parlait yiddish,
07:58et comme elle ne savait pas
07:59mes origines,
08:00elle a été choquée
08:01et elle a répondu
08:01de façon choquée.
08:02Et moi,
08:03j'ai trouvé,
08:03et comme je l'ai dit
08:04dans le livre,
08:05j'ai considéré
08:05que c'était un très beau compliment
08:06parce que j'aurais bien voulu
08:07parler yiddish.
08:08Je ne le parle pas couramment,
08:09je le comprends,
08:10je lis la littérature yiddish,
08:11mais elle m'a complimenté
08:13et j'ai gardé longtemps,
08:15avec 78,
08:16et le jour où j'écris ce livre,
08:17j'ai dit,
08:17ça s'est imposé à moi
08:18de mettre aussi tout
08:20ce titre-là.
08:21Donc,
08:21il n'y a pas de provocation
08:22là-dedans,
08:22il n'y a pas de tentative
08:23de controverses,
08:24c'est vraiment
08:25le corps de mon livre
08:26parce qu'en fait,
08:27c'est mon père,
08:27le nègre,
08:28qui parlait yiddish
08:28avec ma mère.
08:29Et justement,
08:30en quoi la culture
08:32idisse,
08:33mais aussi africaine
08:34de votre père
08:36vous a-t-elle influencé ?
08:39Elle m'influence
08:40parce que moi,
08:41je me suis toujours
08:41considéré comme un juif
08:42sans l'exciper
08:44parce que je ne suis pas croyant,
08:45je ne suis pas pratiquant,
08:45mais j'ai toujours
08:46pensé comme un juif
08:47parce qu'il y a
08:49une culture juive,
08:49une culture yiddiche
08:50en particulier,
08:51avec des grands auteurs
08:52comme Shum al-RM,
08:53Isaac Bachevich Singer,
08:54etc.,
08:55dont je parle aussi.
08:56Mais en même temps,
08:58la musique,
08:59le pays,
09:01ma couleur de métisse
09:02fait que
09:03je me suis considéré
09:04aussi comme un judéo-africain.
09:07Donc,
09:07les deux cultures
09:08m'ont influencé,
09:10mais comme,
09:11par exemple,
09:12on m'avait dit un jour,
09:13par les grands labels
09:14de Sceaux,
09:15la parcelle qui était
09:16créée par des Noirs,
09:17c'est beaucoup de,
09:18aux Etats-Unis,
09:18c'est beaucoup de juifs
09:19qui ont créé
09:19des labels de soul
09:20et de jazz.
09:21Donc,
09:22c'est un mélange,
09:23il est presque naturel,
09:24bien qu'inattendu,
09:25c'est un mélange
09:26qui a existé
09:27en dehors de moi même.
09:29En tout cas,
09:30je vous conseille
09:30de lire ce livre,
09:31ça s'appelle donc
09:31Un nègre qui parle idiche,
09:33c'est paru chez Fayard.
09:35Merci,
09:35Béni Palapa.
09:36Merci beaucoup
09:37de m'avoir invité.
09:38Sous-titrage Société Radio-Canada
09:40Sous-titrage Société Radio-Canada
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