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  • il y a 4 jours
Chercheur, enseignant, directeur du département Info/Com, auteur de "L'essentiel de l'intelligence artificielle"
Plongez au cœur de l'intelligence artificielle avec Samuel Novakovski, expert reconnu et auteur passionnant. Découvrez son parcours.

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Transcription
00:00Ici Lorraine, crack pour l'émission, sur Marouk, sur Moselle TV et Vosges Télévisions.
00:06Ici, votre radio de proximité en Lorraine.
00:30Bonjour chers amis de Sur ma Route, bienvenue dans ce nouveau numéro de notre magazine.
00:36Je suis cette semaine avec Samuel Novakovski, c'est un des plus grands spécialistes en France de l'intelligence artificielle.
00:44Il vient d'ailleurs de sortir un livre, enfin il y a quelques mois, que je vous recommande chez Studi Rama.
00:49On va le rencontrer, on va beaucoup parler d'intelligence artificielle.
00:52On ira faire un tour dans le Teach Lab, on est à l'université de Lorraine.
00:58Et puis on ira de l'autre côté là, dans son bureau, dans une salle de classe.
01:01On va beaucoup parler d'intelligence artificielle, mais on va aussi, comme chaque semaine sur Maroute,
01:07découvrir un personnage, Samuel Novakovski, qui est né à Villerue,
01:11qui a travaillé aussi pour le groupe Canal, qui a travaillé aussi pour un ministre,
01:16qui est aussi chercheur au L'Oriat, laboratoire Lorrain, qui est implanté à Vendœuvre.
01:22Beaucoup de choses à se dire avec Samuel Novakovski que je vais rejoindre pour l'instant à leur côté gauche.
01:28A tout de suite.
01:35Bonjour Samy. Samuel.
01:37Ouais, Samy c'est bien.
01:38On t'appelle Samy, hein, dans la...
01:39Ma famille, ma famille.
01:40Samy, bon alors je veux dire Samuel.
01:42Ouais, non, c'est bien, c'est bien.
01:43On est au cœur de l'université.
01:46Alors ici c'est le campus...
01:48L'être et sciences humaines.
01:49L'être et sciences humaines, c'est ça, on est à Nancy.
01:51Tu es directeur du département, on va en reparler, infocom, information et communication.
01:57On va d'abord démarrer sur le petit Samuel, natif de Villerue.
02:01Ouais.
02:02Ce début de l'aventure de Samuel, c'est quels souvenirs qui te reviennent immédiatement ?
02:08À Villerue, gamin, école ?
02:09Mes souvenirs principaux, c'est l'école, parce que j'habitais dans une école.
02:14On habitait à l'école où je suis allé à l'école.
02:16Des moments joyeux, joyeux et qu'est-ce qui me revient, c'est à la fois, quand je suis
02:23tout petit, plus petit, c'est la gymnastique, c'est le tennis de table.
02:27T'aimais ça à l'école en fait ?
02:28Ouais, j'aimais ça, ouais.
02:29J'aimais ça.
02:30En fait, c'est un gosse assez solitaire, j'ai toujours été dans mes livres.
02:34Et puis des promenades, parce qu'à Villerue, c'est une ville sidérurgique, il y avait
02:40également les mines de fer et des promenades sur le plateau, donc où on avait vu sur
02:45l'ensemble des mines de fer, sur le Luxembourg, et donc c'est les promenades aussi là-bas.
02:49Mais les gamins de Villerue, parce qu'après c'est collège, lycée, etc., puis université,
02:54les gamins de Villerue, ils sont plutôt attirés sur Nancy quand ils vont en université,
02:59après ou Metz ?
03:01En fait, quand on est à l'école à Villerue, on va après au lycée, majoritairement à Longhuis.
03:06Et en fait, tous mes copains, la majeure partie des gens, alors sauf quelques-uns, on va
03:10tous plus majoritairement vers Nancy.
03:13Ah oui, d'accord.
03:13Donc il y avait leur rendez-vous du dimanche soir à la gare de Longhuis, et on prenait
03:17le Tortillard jusqu'à Nancy.
03:19Mais c'est vrai qu'il y a peu de gens de méconnaissance qui sont allés à Metz, et
03:24ceux qui sont allés à Metz, c'est ceux qui étaient déjà au lycée à Thionville.
03:27Donc ils allaient plus facilement à Metz.
03:30Donc il y a une espèce de canaux, en fait, plus ou moins étanches, qui font qu'on va
03:35plutôt par là, dans un endroit plutôt qu'un autre.
03:38Il y a un truc que j'ai remarqué, parce qu'on tourne dans toute la Lorraine, il y a les
03:42Mosellans, les Vosgiens, les Meusiens, les Meurtiers de Mosellans.
03:45À Villerue, on est Lorrain.
03:48Beaucoup plus, par exemple, dans les Vosges ou en Mosellans.
03:50Tu confirmes ?
03:51T'es Lorrain ? Est-ce qu'il y a une fierté d'être Lorrain, ou peut-être un attachement
03:54différent ?
03:55Je pense qu'à Villerue, on est de Villerue.
03:56Ah, on est de Villerue.
03:57On est de Villerue, parce qu'en plus, Villerue, avec ses influences multiples, entre l'Italie,
04:04l'Espagne, les Polonais, les Portugais, plus tard, tous les gens qui viennent d'Afrique
04:09du Nord.
04:09En fait, à Villerue, on est plutôt de Villerue.
04:12Et quand j'en vois, j'ai encore des vieux copains, où on se revoit régulièrement,
04:16il y a quand même cette appartenance à Villerue qui est assez marquée, en fait.
04:20À Villerue, on est de Villerue.
04:20Et puis, Villerue, on aime vraiment le festival de cinéma italien, c'est quand même un beau
04:24truc.
04:25Oui, c'est chouette.
04:26Et on est beaucoup à avoir grandi avec.
04:28C'est-à-dire que moi, je me souviens du festival dans les années 70, donc je suis gosse.
04:32Il n'y a que quelques films que je peux aller voir, parce qu'il y a des films où on ne peut
04:35pas aller quand on est gosse, pas en interdisant.
04:37Mais cette fédération de toutes les énergies, moi, je me souviens de moments festifs, excellent.
04:44Puis, aller manger les pâtes ou les pizzas faites sur la main.
04:48Dès qu'on a quelqu'un de Villerue, on mangeait comme ça dans la rue, dans le festival.
04:53C'était vraiment bien.
04:54Alors, tu es jeune, bien sûr, mais tu as quand même suffisamment de recul sur les choses
05:00quand tu étais au collège, au lycée, à l'université.
05:03Aujourd'hui, tu enseignes à l'université.
05:05Alors, on dit toujours, je ne sais pas si c'est l'eau de chaque génération, on dit
05:09toujours, ah, cette nouvelle génération, elle n'est pas dans le coup.
05:12Moi, j'entends beaucoup dire sur cette génération que tu as dans tes salles, ils sont moins
05:18engagés, ils sont plus paresseux, etc.
05:22Tu les vois, tous les jours, tu parles avec eux.
05:24C'est quoi cette génération-là ? Qu'est-ce qu'elle attend ? Qu'est-ce qu'elle veut ?
05:26Qu'est-ce qu'elle dit ?
05:27Je pense qu'ils ne sont pas moins, ils ne sont pas paresseux.
05:30Ils ne sont pas moins engagés.
05:31Alors, comme tout, la société est ce qu'elle est.
05:34Il y a des gens qui s'engagent, d'autres moins.
05:35Mais pour avoir beaucoup d'étudiants et pas seulement sur le campus d'être, je trouve
05:39qu'ils sont justement engagés et intéressés.
05:41Je trouve qu'après, ce qu'il y a, c'est qu'ils font face à un monde qui ne leur donne
05:45pas forcément une place.
05:46C'est-à-dire, c'est difficile de se projeter dans un monde où on a à peine à trouver une
05:50place, à être reconnu et à fortiori dans un monde qui les agresse, tant par leurs usages
05:56numériques, finalement, la génération Z, c'est des feignants, ils ne reconnaissent
06:01pas l'autorité, etc.
06:02Donc, en fait, non, c'est sûr qu'ils ne sont pas nous.
06:07Tant mieux qu'ils ne soient pas nous.
06:08Mais moi, j'ai beaucoup d'affection pour eux parce que le monde dans lequel ils vont
06:15devoir faire leur vie n'est pas franchement joyeux.
06:18Et donc, par contre, ils font avec les outils qui sont les leurs.
06:22Ils essayent d'avancer dans le savoir, dans la compréhension avec aussi tout ça et avec
06:28le poids que ça peut représenter.
06:29Et moi, j'ai beaucoup d'affection pour eux et j'adore toujours, parce qu'ils me portent
06:33même à 61 ans et ils pourraient tous être mes petits-enfants.
06:36J'aime beaucoup aller au contact, discuter avec eux, leur joie d'avancer, de concevoir,
06:42d'inventer des trucs.
06:45Hier, j'étais en manif.
06:47Je tombe sur des jeunes qui ont monté un média étudiant, l'Univampage.
06:51Ils sont là, ils essayent et moi, je trouve ça chouette.
06:54Bien sûr.
06:56Alors, t'es chercheur au Lorient, on va en parler.
06:58Directeur du département d'information et communication.
07:01En un mot, c'est quoi le département d'information et de communication ?
07:03Ça prépare à quel métier ?
07:05En fait, l'information et de communication est une science à spectre large.
07:09En fait, les étudiants qui rentrent dans le département d'information et de communication,
07:12déjà, ils peuvent avoir une licence et après, ils peuvent avoir un master.
07:16Et en fait, l'information et de communication, ça va du journalisme.
07:19Donc, il y a beaucoup d'étudiants qui vont dans un parcours, qui les prépare à des écoles
07:23de journalisme.
07:24Par exemple, il y en a beaucoup depuis un certain temps qui font les écoles bien connues
07:28du journalisme ou qui vont au master à Metz, qui est le master de journalisme.
07:32Donc, il y a cette composante-là.
07:34Il y a cette composante aussi qui relève de la communication traditionnelle, le côté
07:38stratégie, communication, etc.
07:40Il y a également tout ce qui relève de la médiation culturelle, donc qui fait partie
07:44aussi de la communication, de l'information-communication.
07:47Et puis, il y a tout ce qui relève un peu du monde numérique, donc le rapport à l'information,
07:52la veille, tout ce qui amène à s'interroger sur qu'est-ce qu'on fait de cette information,
07:56sur les outils numériques, donc les données, etc.
07:59Qu'est-ce qu'on en fait ?
07:59Donc, on a tout ce spectre-là qui est couvert par un département d'information-communication
08:05de la licence au master.
08:06D'accord.
08:07Avec toutes les questions qui se posent dans un monde de communication de crise,
08:10des questions environnementales, et puis les questions éthiques en matière de rapport
08:14à l'information.
08:15Alors justement, on va en parler, puisqu'on va aller faire un tour, je crois, dans un
08:18de tes... un labo, non ?
08:20Non, en fait, c'est une salle qui a vocation à être démonstrative de comment faire une
08:26pédagogie nouvelle, enfin, revisiter ces pratiques pédagogiques par le lieu aussi.
08:31D'accord.
08:31On va aller faire un tour là et on va parler vraiment parce que de l'intelligence artificielle,
08:35parce que tu es un des spécialistes français, tu as édité, tu as publié des choses là-dessus.
08:39Et pour quelqu'un comme moi qui n'y comprend pas grand-chose, tu vas nous aider.
08:43Oui, je vais vous donner quelques clés, parce qu'elles sont accessibles à tout le monde
08:47et on va regarder tout ça.
08:48Ok, on y va.
08:49Allez, on y va.
08:49Bon, ça m'est assez sympa, parce que je voulais faire un petit crochet, parce que j'ai été
09:06étudiant ici, ça me rappelle plein de souvenirs.
09:08Ah oui, ça n'a pas beaucoup bougé depuis, je pense que là, seulement ça va bouger parce
09:11qu'ils sont en train de faire les travaux de Rénaud.
09:13Oui, c'est ce qu'on entendait tout à l'heure, c'était les travaux.
09:15Mais enfin, nous, on n'avait pas des belles chaises comme ça, fêtrées et tout.
09:20Ça, c'est sûr, mais en fait, le mobilier a fait d'énormes progrès.
09:23Tout à l'heure, nous irons dans une salle où, justement, le mobilier est pensé pour
09:27se mettre au service des pratiques pédagogiques.
09:29C'est surtout pour ne pas faire des étudiants, ce que nous avons été comme étudiants,
09:33d'être attachés à leurs chaises et à leurs bureaux, donc avec la mobilité, etc.
09:38Oui, oui, ça évolue, ça évolue bien.
09:40Avant qu'on aille au Teach Lab, c'est comme ça qu'on dit, je voudrais qu'on comprenne,
09:46parce que je disais tout à l'heure, tu es un spécialiste de l'intelligence artificielle.
09:50C'est quoi l'intelligence ? C'est une grosse machine à calculer ? Qu'est-ce que c'est, finalement ?
09:54Alors, l'intelligence artificielle, déjà, c'est un domaine de recherche.
10:00Il n'y a pas une intelligence ou deux, l'intelligence artificielle qui serait quelque part,
10:04c'est un domaine de recherche.
10:05Donc, il mobilise un certain nombre de techniques pour pouvoir permettre aux machines
10:09d'automatiser certaines tâches en apprenant à les faire mieux
10:13au cours des différentes expériences qui vont être exécutées.
10:18Donc, en fait, il n'y a pas une intelligence, c'est un domaine dans lequel on va faire
10:21de l'apprentissage machine en utilisant des architectures particulières de programmes
10:27qu'on appelle les réseaux de neurones.
10:28Et avec ça, on va soit générer du contenu, les IA génératifs qu'on connaît aujourd'hui,
10:35soit faire de la recommandation, par exemple, vous étiez sur une plateforme et puis on
10:39te dit, tiens, ce soir, ce serait bien que tu regardes ça, soit reconnaître des visages,
10:43soit toutes ces choses-là.
10:44Donc, en fait, l'intelligence artificielle, c'est tout ça.
10:46Donc, si on voulait donner une définition, c'est une science dans laquelle on va utiliser
10:51des programmes informatiques écrits par des humains pour réaliser aussi bien, voire un
10:56peu mieux, un certain nombre de tâches avec un certain degré d'autonomie.
10:59D'accord, oui.
11:01Alors, ce qui est important, c'est un certain degré d'autonomie.
11:03Ça, on va en reparler.
11:04Déterminé par le programmeur.
11:06Oui.
11:06Voilà.
11:07Et pourquoi on a appelé ça l'intelligence artificielle ?
11:09Donc, ça se passe dans les années 50.
11:11Il y a plein de choses à ce moment-là.
11:13Les premières briques de l'intelligence artificielle, on les met en place au moment de la Seconde
11:18Guerre mondiale.
11:19Et en fait, au moment des années 50, il y a pas mal de révolutions épistémologiques,
11:24mais surtout, des gens se mettent à dire, on va peut-être essayer
11:26de créer des programmes informatiques qui imitent ou simulent certaines facultés cognitives
11:31de l'être humain.
11:32Et ces facultés cognitives, et c'est ce qui va donner la définition, on utilise la
11:37définition des sciences cognitives, c'est-à-dire l'intelligence, c'est percevoir, raisonner,
11:43mémoriser et communiquer.
11:45Et donc, c'est à partir de ces quatre fonctions-là qu'on va définir et que ces gens-là vont
11:49établir le terme intelligence artificielle en 1955, en 1955.
11:54Donc, c'est une vieille histoire.
11:54Alors, oui, on va continuer d'en parler, mais moi, une des premières choses qui m'a
11:58surpris quand j'ai lu ton bouquin, chez Studi Rama, qui est paru chez Studi Rama, c'est
12:03très vieux, en fait.
12:05Je crois que tu cites le nom, c'est la machine apprenante, non, c'est pas ça, le terme
12:08qu'il est utilisé au début ?
12:09Oui, par Alan Turing, en fait.
12:10Alan Turing, qui est une des personnes qui a été fondatrice dans les questions d'IA,
12:17de machine apprenante, il formalise la machine de Turing qui formalise le proto-ordinateur,
12:24il écrit des papiers qui vont donner naissance aussi aux tests de Turing, dont on parle beaucoup
12:28avec ces machines avec qui on interagit.
12:30Donc, il y a lui.
12:30Puis après, il y a les questions, il y a toutes.
12:34En fait, la Seconde Guerre mondiale va être un accélérateur de plein de choses, mais
12:37surtout accélératrice de tous les moyens dont l'humain va se doter pour automatiser
12:41certaines tâches, en particulier tout ce qui relève d'aéronautique et tout ça.
12:45Et ça, ça va être un accélérateur qui va donner naissance à plein d'outils, dont
12:49l'IA, qui va commencer à émerger.
12:53Après, ce qui va bloquer le développement de l'IA, c'est qu'à l'époque, il n'y a pas
12:55d'ordinateur, au sens où on l'entend aujourd'hui.
12:58Donc, il y a eu plusieurs phases et après, l'IA va vraiment sortir de dessous l'horizon
13:06à la fin des années 90 avec la victoire de Deep Blue sur Kasparov, aux échecs.
13:11Ah oui, c'est vrai.
13:12Ça, ça a été un événement qui, de coup, redonne à l'IA une visibilité médiatique.
13:19Et après, le deuxième grand événement, c'est quand le système de Google AlphaGo triomphe
13:25contre les champions du monde de Go.
13:27Donc, en fait, ça, ça va...
13:29Et là, on passe dans un autre monde, en fait.
13:31Même s'il y a, existe déjà, ces passages-là où la machine va battre un humain sur des
13:38champs qu'on classe dans le champ de l'intelligence, en fait.
13:42Et bien là, ça fait des événements qui médiatiquement deviennent transformateurs.
13:46Mais on est plusieurs fois passé dans un autre monde parce que c'est ça que je voudrais
13:49comprendre, est-ce qu'on a, si on compare, par exemple, avec la révolution de la vapeur,
13:54donc qui révolutionne notre mode de transport, ensuite, il y a eu l'électricité, il y a eu
13:58la robotique, il y a eu l'Internet.
13:59Est-ce que l'IA est vraiment fait partie de ces... là où on passe dans un autre monde,
14:04vraiment, on bascule ?
14:05Alors, je dirais que oui, en fait, il y a ce qui chamboule tout, c'est qu'à la fin
14:12des années... en 2022, en novembre 2022, surgit dans le grand public ce qui relève des
14:18IA génératives, OpenAI, ChatGPT et tout ça.
14:21Mais en fait, oui, ça modifie parce que de la même manière que le web, à la fin des
14:27années 90, vient modifier pas mal de choses.
14:30C'est-à-dire que, en fait, tout se passe du fait dans le fait que le rapport à qui
14:34au savoir, qui sait et qui fait.
14:36C'est-à-dire que quand le web arrive, on n'est plus capable de déterminer qui sait,
14:40puisque si je reviens à l'université, l'enseignant n'est plus l'unique détenteur
14:44du savoir.
14:45Donc ça, c'est un premier vrai gros changement et il a fallu du temps pour qu'on intègre
14:49ça.
14:50Et là, le deuxième champ, c'est que là maintenant, non seulement on ne sait plus qui sait,
14:54mais on ne sait plus non plus qui sait, qui fait.
14:56Et qui décide.
14:57Et qui décide.
14:58Mais en fait, là, une vraie question qu'on se pose, c'est aussi, oui, mais est-ce que l'étudiant
15:03qui va m'a donné ce travail-là ? Est-ce que c'est bien lui qui l'a fait ? Est-ce
15:08que cette information-là, est-ce qu'elle est valable ? Est-ce qu'elle repose sur des
15:12faits ou elle a été complètement générée ? Donc en fait, on se retrouve dans une mise
15:16en fragilité de ce qu'on pensait être des socles stables.
15:19Donc, ça vient nous perturber.
15:22Après, est-ce que c'est vraiment une révolution industrielle ?
15:26Pour moi, le vrai progrès, il est dans les ordinateurs, les machines qui permettent de
15:34faire ça.
15:35C'est-à-dire qu'ils s'appuient sur des architectures qui sont massivement distribuées,
15:38donc avec le réseau.
15:39Mais surtout, on a des machines qu'on n'aurait jamais imaginé avoir entre les mains, il
15:44n'y a pas si longtemps que ça.
15:45J'ai un exemple que je donne à mes étudiants, c'est les puces informatiques.
15:49Alors, ce n'est pas des puces, mais les systèmes informatiques qu'on met dans les
15:52data centers, elles font un kilo.
15:54Un kilo, ça vaut 50 000 dollars, mais la même machine moins puissante, il y a 20 ans,
15:59elle faisait 15 tonnes.
16:01Donc en fait, on ne pouvait pas imaginer pouvoir faire ce qu'on fait aujourd'hui, il
16:05y a ne serait-ce que 20 ans.
16:06Donc, à mon avis, le vrai, la vraie progrès technique, il est là.
16:10Après, le reste, tous les outils qu'on a, on les connaît.
16:13On a taille aussi.
16:14Ça me fait penser à l'ingénieur des tout débuts de la 31, qui m'a raconté, il
16:18disait qu'on avait une machine à calculer qui valait le prix d'une 404, c'est ce
16:23que lui avait dit le chef du budget.
16:25Une machine à calculer qu'on trouve à 2,50 euros, je ne sais pas, dans les farfouilles.
16:28Alors, c'est gratuit.
16:30En fait, quand on reprend qu'on a à peu près de la même génération, quand on achetait
16:33une calculatrice dans les années 70, 80, elle ne nous coûtait pas un bras, mais c'était
16:38un investissement conséquent.
16:39Aujourd'hui, à toute proportion gardée, qui n'a pas un smartphone dans sa poche, qui
16:46vaut cher, qui est indispensable, mais qui fait des choses et qui permet de faire des
16:50choses qu'on n'aurait jamais imaginées possibles, il n'y a pas si longtemps.
16:53C'est clair.
16:54Donc, avant de partir au lab, teach ?
16:57Teach lab.
16:58Teach lab.
16:59J'ai du mal avec l'idée.
17:00Un lieu pédagogique.
17:01Donc, finalement, quand je t'écoute, mais on va continuer à en parler, cette époque,
17:04elle est angoissante, mais elle est aussi passionnante.
17:06Ah ben, clairement.
17:07Moi, je trouve qu'on vit une époque formidable parce qu'on vit tous les jours ce qu'on
17:12a lu dans des bouquins de science-fiction, dans des films de science-fiction, il n'y a
17:15pas si longtemps que ça.
17:16Donc, on a à la fois un… c'est épatant, c'est excitant, c'est aussi… et ça nous
17:22demande de nous outiller tant du point de vue physique mais intellectuel pour comprendre
17:29ce à quoi on a à faire.
17:30Donc, c'est un vrai beau défi citoyen.
17:34Il faut que les citoyens comprennent pour pouvoir exercer leur rôle de citoyen dans
17:38un monde où il y a ces outils-là.
17:40Donc, c'est un beau défi à relever.
17:41Bon, Samuel, nous voilà au Teach Lab avec des beaux fauteuils.
18:05Excuse-moi de cette petite digression, mais je trouve que vous avez des fauteuils formidables.
18:08En fait, ici, nous sommes dans le Teach Lab qui a été conçu et mis en place par
18:14la DACIP et en particulier sa directrice qui est madame Nathalie Hissenmann.
18:17La DACIP, c'est la délégation à l'accompagnement, à la créativité, à l'innovation et la pédagogie.
18:23C'est un lieu où on accompagne, où on pense la façon d'accompagner les enseignants
18:27à se réinterroger sur la façon d'enseigner.
18:29D'accord.
18:30On sort du mode de sortir du mode, par exemple, que tu as connu majoritairement dans les années
18:3580-90, ou même un peu plus tard. Interrogeons-nous sur la façon dont le lieu peut être adapté,
18:40donc des fauteuils, aux activités pédagogiques.
18:44Et l'IA bouleverse, je reviens à l'IA, bouleverse complètement le travail des enseignants.
18:49Est-ce qu'il y a une crainte, finalement, d'être remplacé un jour ?
18:52Alors, la crainte, à l'heure actuelle, il y a plusieurs niveaux de crainte.
18:57La crainte, déjà, à l'heure actuelle, c'est comment fait-on pour maintenir des productions étudiantes
19:03qui soient produites par les étudiants.
19:05Alors, ça demande de réinterroger, donc qu'est-ce qu'on leur demande ?
19:09Ce n'est pas se priver de l'IA, mais remettre l'IA à sa place pour s'interroger vraiment sur les compétences des étudiants.
19:14Après, la crainte de remplacer les enseignants, en fait, c'est une fausse crainte,
19:20parce qu'en fait, le métier d'enseignant n'est pas simplement un métier de transmission.
19:23Le métier d'enseignant, c'est un métier de rapport aux étudiants.
19:26Il y a tout un tas de facteurs qui entrent là-dedans, et donc il faut lutter contre l'idée qu'on puisse être remplacé,
19:31parce qu'enseignant, ce n'est pas simplement être une courroie de transmission,
19:34de savoir qu'il serait disponible quelque part.
19:37Donc, en fait, être remplacé en tant que tel, non.
19:40Mais, comme pour tout métier, si on considère que je suis automatisable,
19:44évidemment que l'IA est meilleur que moi, si c'est qu'une question de process, en fait.
19:49En fait, l'IA, et plus généralement, l'Internet, les réseaux sociaux, etc.,
19:53nous posent plein de questions d'ordre moral, alors peut-être plus philosophique,
19:58le mot est peut-être plus adapté, ou politique.
20:00C'est quand même un... on est quand même...
20:03Moi, je t'avoue sincèrement, il m'arrive d'avoir peur.
20:05Alors, du monde vers lequel on va.
20:07Alors, il y a deux choses.
20:09Évidemment, il y a de quoi s'inquiéter dans le monde dans lequel on va,
20:12surtout quand on voit que l'IA, aujourd'hui, est entre les mains des grosses boîtes états-uniennes,
20:16qui, au travers de ces outils-là, sont moteurs d'une vision de la société
20:20dans laquelle la démocratie est à mettre au panier,
20:23et que le vote et tout ça, et qu'eux sont capables de maîtriser ça,
20:27et donc ça fonctionnera mieux si on est sur un mode de process, de machine, etc.
20:31Donc ça, c'est une première chose.
20:33Donc ça, il y a de quoi craindre ça, mais la réponse à ça, c'est qu'il faut connaître.
20:39C'est-à-dire que le citoyen, aujourd'hui, et tout débat demande d'avoir un minimum d'éléments
20:43pour pouvoir agir dans le débat,
20:45donc il faut que les citoyens soient formés à ça,
20:47ce qui explique le bouquin dont tu as parlé, etc.
20:49Et la deuxième chose, c'est que nous avons affaire à des outils incroyablement puissants,
20:54mais ça, c'est des questions qui relèvent de l'éthique.
20:56C'est, OK, ce n'est pas nouveau dans l'histoire de l'humanité,
20:59on a développé des outils qui peuvent nous détruire, etc.,
21:02mais quelles limites nous donnons-nous à cette puissance-là ?
21:06Et ces limites-là, on les définit, mais en démocratie.
21:11C'est-à-dire qu'on discute et on voit ensemble
21:13qu'est-ce qu'il est important de mettre comme limite
21:15pour pouvoir utiliser, au bénéfice de l'humanité et du vivant, ces outils-là.
21:19Donc, la question nous revient, en fait.
21:22Et juste pour faire une petite digression,
21:23quand on interroge Robert Oppenheimer,
21:26parce que lui aussi était moteur d'un outil qui était un peu destructeur,
21:30et bien, en fait, quand on lui pose la question,
21:32les journalistes lui posent la question, il y a maintenant 70 ans,
21:34mais il dit, mais ouais, OK, maintenant, c'est à l'humanité
21:37à s'interroger sur les limites que nous devons nous fixer,
21:39en tant que société, à la puissance qu'on est capable de développer.
21:43Et donc, c'est vraiment la question qui doit nous animer aussi,
21:46aujourd'hui, au travers de l'IA, avec en plus l'idée de,
21:49doit-on faire tout ce que technologiquement, nous pouvons faire ?
21:52Alors, ce qui est intéressant avec toi, c'est que tu as aussi
21:55travaillé dans différentes sphères de pouvoir, je vais dire,
21:59c'est-à-dire, là, on parle de recherche, d'enseignement,
22:01c'est une sphère de pouvoir, politique,
22:02parce que tu as travaillé avec un ministre de l'Industrie,
22:04sur les questions de nouvelles technologies,
22:06médiatique, tu as travaillé pour Canal+,
22:09si on a le temps, il faudra qu'on en parle,
22:11et puis, bien sûr, l'entreprise.
22:13Aujourd'hui, qui a vraiment la main sur les choses ?
22:16C'est l'entreprise, aujourd'hui ?
22:17Les politiques sont à la traîne, comme on le dit souvent.
22:19Qui, aujourd'hui, est vraiment conscient de l'énorme problème face auquel on est ?
22:24Enfin, elle donne l'énorme défi.
22:25Oui, je pense que, là, à l'heure actuelle,
22:27on a un déficit du côté du politique, en fait.
22:32C'est-à-dire, les politiques, déjà,
22:34ne comprennent peu de ce à quoi on a affaire,
22:38et c'est clair que, quand on voit la façon dont le monde s'organise aujourd'hui,
22:41et en particulier sur les questions du numérique,
22:44le pouvoir est entre les mains de ces grands oligopoles,
22:47et en particulier de ces grandes entreprises,
22:49qui sont des méta-entreprises au-delà même des questions d'État.
22:54D'ailleurs, l'État, pour eux, est un problème.
22:56Oui, c'est ce qui se passe aux États-Unis.
22:59L'État est un vrai problème.
23:00Et d'ailleurs, derrière Trump, là, pour ne parler que de Trump,
23:03vous avez des gars qui sont issus de la tech.
23:04Leuteur-Till, c'est la tech.
23:06Et ils financent, à grands coups de millions de dollars,
23:08tous ces outils qui font que l'État devient problématique.
23:12Et plus on va l'éteindre, plus on aura un pouvoir qui sera entre les mains
23:16de ceux qui possèdent ces technologies au service d'une société optimisée,
23:21et voire même des sociétés qui relèvent de l'eugénisme.
23:24On met le doigt dans beaucoup de choses qui sont nauséabondes.
23:26On va très loin.
23:27Mais est-ce que, par exemple, dans les cours, on est sur des aspects techniques ?
23:31Est-ce qu'on aborde ces questions philosophiques ?
23:34Est-ce que l'enseignant l'aborde tout ça ?
23:35Alors, moi, oui, parce que moi, j'enseigne à une discipline que j'appelle les humanités numériques.
23:40Et les humanités numériques sont au sens de faire ces humanités.
23:44Quand on faisait ces humanités, il y a quelques années, on étudiait le latin et le grec.
23:48Pourquoi ? Pour lire les textes anciens et puis savoir vers quoi on va,
23:52c'est quoi l'héritage dans lequel on s'inscrit pour comprendre.
23:55Et là, le numérique, c'est pareil.
23:56Et je fais des humanités numériques parce qu'il est indispensable
24:00que les citoyens comprennent d'où ça vient, comment ça marche,
24:03pour pouvoir apprécier et s'interroger sur la société qu'on fait avec ça
24:07et surtout se projeter sur vers quoi on va.
24:11Donc, c'est vraiment un enseignement que je fais à la fois à des étudiants en sciences humaines,
24:15à Sciences Po, chez des élèves ingénieurs aux mines et ailleurs,
24:18de façon à leur donner les éléments indispensables.
24:22Pour moi, ce qui est un combat essentiel, le citoyen doit comprendre
24:26pour justement évacuer ce qui relève des peurs entretenues par ces boîtes-là,
24:30pour pouvoir aussi travailler aux limites, mais collectivement,
24:34à se donner pour une société qui soit au bénéfice du vivant, de l'humain
24:38et qui accueille tout le monde dignement.
24:40C'est ce que tu dis au début de ton livre, je crois.
24:43Les peurs irrationnelles, il faut absolument lutter contre ces peurs irrationnelles.
24:46Exactement.
24:47Et puis il y a, avec le flou autour du terme intelligence,
24:51tout ce avec quoi on a été abreuvé, de science-fiction, de robots qui prennent le pouvoir,
24:56on a du mal à se défaire de ça.
24:58Donc le seul moyen, c'est de comprendre.
25:01Alors on arrive au bout du bout, j'ai encore plein de questions,
25:03mais on recommande aux téléspectateurs, il y a ton bouquin,
25:07il y a aussi les Novakovskismes.
25:09Oui, ils reprennent vendredi prochain.
25:12Vendredi prochain, il faut suivre ça.
25:14Tu donnes aussi des conférences, j'en ai vu une au Luxembourg il y a quelque temps.
25:19Oui, il y en a une nouvelle au Luxembourg en octobre, j'interviens pas mal un peu partout.
25:25Oui, oui, c'est ce que je vois.
25:26Je voudrais qu'on dise un mot sur, est-ce que tu es chercheur au Lauriat aussi ?
25:29Le Lauriat, laboratoire...
25:31Laurin de recherche en informatique et ses applications.
25:33Alors c'est quoi, globalement ?
25:34En fait, c'est un très gros laboratoire qui, justement, embrasse toute la diversité des sciences du numérique,
25:40donc de l'informatique, sciences du numérique.
25:42Donc vous avez là, il y a à peu près 500 chercheurs.
25:44Et le Lauriat regroupe l'université de Lorraine, mais également l'INERIA, et puis le CNRS.
25:51Et donc en fait, on est un ensemble de chercheurs avec des thématiques et des équipes,
25:54des grands projets qui structurent, et dont l'IA est un des grands projets fédérateurs
26:00et qui regroupe un grand nombre de chercheurs, et qui, ces chercheurs, en plus,
26:06contribuent à alimenter une réflexion sur l'IA, qui n'est pas celle mainstream portée par les grandes boîtes américaines,
26:13mais de proposer aussi des visions qui soient plus vers l'IA responsable, le regard critique, etc.
26:18Aujourd'hui, on a plein d'écrans, mais donc on trouve dans nos poches, partout.
26:22Toi, Samuel Norikowski, tu regardes encore la télé à l'ancienne ?
26:26Je n'ai pas de télé.
26:27Ah, tu n'as pas de télé.
26:28Je n'ai pas de télé. Donc je regarde, quand je regarde un programme télé, c'est sur une tablette.
26:31Oui, c'est ça. On est sur une tablette.
26:33Non, je n'ai pas de télé.
26:34Mais c'est vrai qu'on est tous avec des écrans, mais pourquoi pas ?
26:39Après, c'est comment ils s'articulent avec ce que l'on veut faire d'une société.
26:44C'est-à-dire, l'écran n'est pas nocif en tant que tel.
26:47C'est si je n'ai que l'écran comme interlocuteur, là, ça devient interrogeant.
26:51Oui, ça devient cool. En tout cas, merci.
26:53Merci à toi.
26:54C'était passionnant.
26:54C'était cool.
26:55Voilà, avec toi. À bientôt.
26:56À bientôt.
26:58Ici Lorraine, crack pour l'émission Sur ma route, sur Moselle TV et Vosges Télévisions.
27:14Ici, votre radio de proximité en Lorraine.
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